Débarquement des émigrés à Quiberon
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Le débarquement des émigrés à Quiberon débuta le 23 juin et fut définitivement repoussé le 21 juillet 1795. Organisé afin de prêter main-forte à la Chouannerie et à l'armée catholique et royale en Vendée, il espérait soulever tout l'Ouest de la France afin de mettre fin à la Révolution française et de permettre le retour de la monarchie. Cette opération militaire de contre-révolution eut un grand retentissement, et porta un coup funeste au parti royaliste.
Louis XVIII de France et le comte d’Artois (futur Charles X de France) s’étaient partagés les affaires et les zones d’’activités contre-révolutionnaires :
- à Louis XVIII, en dehors de la politique générale, la région s’étendant des Alpes aux Pyrénées et englobant Lyon,
- au comte d’Artois les provinces de l’Ouest : Vendée, Bretagne, Normandie.
Le comte d'Artois nomma Joseph de Puisaye général en chef de Bretagne, choix qui n'était pas mauvais puisque ce général joignait aux talents militaires une expérience certaine en matière de politique et de diplomatie.
Sommaire |
[modifier] Préparation du débarquement
Joseph de Puisaye joua à fond la carte "anglaise". Ce fut sous sa direction qu'on prépara le débarquement à Quiberon. Mais simultanément, à Paris fonctionnait l'alliance royaliste pour le compte de Louix XVIII. Elle avait un représentant à Londres et fit tant que Joseph de Puisaye se trouva à demi discrédité avant le départ de l'expédition. On lui imposa un second choisi par l'alliance de Paris : le comte Louis Charles d'Hervilly. On délivra à celui-ci des instructions si ambiguës qu'il était à même de contester les ordres de Joseph de Puisaye, voire de revendiquer le commandement suprême.
Le fait d'avoir choisis la Bretagne comme lieu de débarquement ne fit également pas l'unanimité. Nombre d'émigrés préféraient que le débarquement eut lieu en Vendée, mais c'eût été davantage François de Charette qui se posait en rival de Joseph de Puisaye. On choisit donc la presqu'île de Quiberon en dépit des inconvénients qu'elle présentait : ce n'était qu'une étroite lande de terre : les hauts-fonds interdisaient l'accès d'une partie de ses côtes.
Une autre decision maladroite fut d'habiller certains soldats émigrés avec des uniformes britanniques : les Bretons n'aimaient guère les vestes rouges et pour cause.
La dernière faute fut de compléter les effectifs par des prisonniers républicains détenus sur les pontons britanniques : il était évident que nombre d'entre eux retourneraient leur veste à la première occasion, car ils détestaient les Britanniques autant que les émigrés.
Le comte d'Artois n'avait même pas été consulté sur le choix ni sur la date de l'expédition. C'était cependant en son nom que Joseph de Puisaye agissait puisque le comte d'Artois assumait théoriquement la responsabilité des opérations dans l'Ouest de la France.
[modifier] Expédition de Quiberon
Le 23 juin, deux escadres de 9 navires de guerre ( dont 3 vaisseaux de lignes et 2 frégates) et 60 navires de transports appareillèrent, transportant deux divisions d'émigrés, soit 3 500 hommes, ainsi que des fusils, des uniformes, des souliers, des vivres, de quoi équiper une armée d'au moins 40 000 hommes. Elles étaient commandées par les amiraux Bridport et Warren. Louis Thomas Villaret de Joyeuse sortit de Brest et attaqua l'escadre de Warren à la hauteur des îles de Glénan, le 23 juin 1795, il dut retraiter promptement vers l'île de Groix et perdit deux vaisseaux de ligne. Charles Alexandre Léon Durand de Linois y perdit un œil. les Britanniques étaient désormais maîtres de la mer.
[modifier] Division des royalistes
Le 26 juin 1795, ils mouillèrent l'ancre devant Quiberon. Le débarquement pouvait commencer. Ce fut alors que le comte Louis Charles d'Hervilly sortit sa lettre de nomination et revendiqua le commandement suprême. Les deux officier n'avaient pas le même plan, Puisaye comptait profiter de l'effet de surprise et attaquer immédiatement pour soulever tout l'ouest, d'Hervilly, en revanche ne faisait pas confiance aux chouans, les estimant indisciplinés et incapable de tenir le choc d'une bataille rangée, son plan était de rester à Quiberon, de s'en servir comme base et de s'y fortifier. La division était également d'ordre politique, Puisaye, ancien girondin, était favorable au retour d'une monarchie constitutionnelle, d'Hervilly, lui, souhaitait le retour de l'Ancien Régime. Une journée entière fut perdue en discussions orageuses, en négociation entre les deux chefs. Il fallut écrire un courrier à Londres afin de confirmer le commandant en chef. Le comte Louis Charles d'Hervilly finit par se soumettre, mais l'effet de surprise fut manqué. Pendant ce temps-là, les émigrés manifestaient leur impatience, et leur étonnement devant cet inexplicable retard. Quant aux Chouans bretons rameutés par Georges Cadoudal, ils soupçonnaient déjà une trahison. L'effet moral devait s'avérer désastreux. Ce retard d'une journée fut l'ultime faute du commandement royaliste ; il laissa le temps aux Bleus de l'armée des côtes de Brest de se rassembler. Les premiers succès firent illusion.
[modifier] Débarquement
Au matin du 27 juin, le temps s'est éclairci après 2 jours de brume, les Anglais sont dans la baie de Quiberon ; les signaux du fort Penthièvre à Quiberon étaient : Ils débarquent en grande force [1]. Ils ont été les mêmes toute la journée ; une frégate anglaise croisait à la pointe de l'est de Belle-Île et un bricq et un cotre anglais croisaient à la pointe de l'ouest ; le soir une autre frégate est venue joindre celle qui croisoit à la pointe de l'est ; elles y ont mouillé toutes les deux. De cette manière Belle-Île est bloquée. [2]
Le 28 juin, les Anglais ont débarqués à Carnac au nombre de 8 000 ; ils ont sommé Belle-Île de se rendre, ce qu'il n'a pas voulu faire. Le débarquement s'opéra sans difficulté, la garnison d'Auray avait été vaincue par les Chouans, qui s'étaient également rendus maîtres de Carnac, Landévant et Locoal-Mendon, la côte était libre.
Le fort Penthièvre, appelé fort Sans-culotte par les Républicains, qui barrait la route vers le nord de la presqu'île opposa une résistance insignifiante et capitula le 3 juillet [3]. La jonction avec les bandes chouannes se fit comme prévu. Des villages furent occupés. Mais aucune opération d'ensemble ne fut entreprise par Joseph de Puisaye assez vite pour inquiéter les Républicains.
[modifier] Contre-attaque des Républicains
La division des royalistes profita grandement aux Républicains, lors du débarquement l'armée était totalement dispersées et Hoche, alors à Vannes, ne commandait qu'à 2 000 hommes. Il se dirigea alors vers Quiberon réclamant des renforts d'urgence, il était parvenu, le 4 juillet, à rassembler une armée de 13 000 hommes sans être ralentis par les chouans à l'intérieur du pays.
En Ille-et-Vilaine, Aimé du Boisguy, avec ses 5 000 hommes, avait bien les moyens de s'opposer à cette progression, mais il n'avait même pas été mis au courant du débarquement et ne livra que quelques petits accrochages. Le 5 juillet ont lieu les combats de Landevant et d'Auray où Hoche refoule les Chouans de Vauban et de Bois-Berthelot.
Lazare Hoche arriva donc sans encombres à Quiberon et en fit une véritable ratière, Carnac fut reprise le 6 juillet, le 7, toute la presqu'île était bouclée. Les divisions chouannes placées en avant du dispositif de Joseph de Puisaye furent toutes balayées. On ne les avait pas amalgamées aux divisions royalistes, ce qui était une erreur de plus. Le comte d'Hervilly ne daigna pas les soutenir en temps utile. Malgré de furieux assauts, on ne put rompre l'encerclement républicain.
[modifier] Réaction des Royalistes
Le 10 et le 11 juillet, les Blancs bâtirent un plan pour tenter de briser les lignes républicaines. Deux colonnes chouannes, l'une de 2 500 hommes commandée par Lantivy et Jean Jan, l'autre de 3 500 hommes commandée par Tinténiac et Cadoudal, s'embarquèrent sur les navires britanniques et furent débarqués à Sarzeau. Les Chouans, vêtus d'uniformes britanniques, avaient pour mission de prendre les lignes républicaines à revers. Cependant, la première colonne se dispersa, la seconde était prête à attaquer mais fut rejointe par le chevalier Charles de Margadel portant un message de l'alliance royaliste de Paris annonçant un nouveau débarquement près de Saint-Brieuc. Les chouans, malgré l'avis de Cadoudal, se détournèrent donc vers les Côtes-d'Armor. Tinténiac fut tué lors d'une embuscade le 17 juillet et aucun débarquement n'eut lieu. De dépit, les Chouans se débarrassèrent de leurs uniformes britanniques et, menés par Cadoudal, parvinrent à éviter les troupes républicaines et à rentrer chez eux.
Pendant ce temps, le 15 juillet, 2 000 autres soldats émigrés, commandés par Charles Eugène Gabriel de Sombreuil débarquèrent à Quiberon en renfort. Les émigrés, puis les Chouans, lancèrent alors de nouvelles offensives mais furent repoussés. Louis Charles d'Hervilly fut mortellement blessé pendant l'attaque et les pertes émigrées s'élevaient déjà à 1 500 morts.
[modifier] L'assaut de Quiberon
Lazare Hoche put alors ordonner l'assaut décisif, dans la nuit du 20 juillet, malgré un violent orage, il attaque le fort de Penthièvre, défendu par 4 000 hommes et couvert par les tirs des navires anglais. Mais de transfuges républicains désertèrent et livrèrent le fort à Hoche par trahison, de nombreux défenseurs furent massacrés [4].
Les Britanniques firent alors feu depuis leurs navires, mais leurs tirs touchèrent aussi bien les royalistes, que les républicains ou même encore les civils. Joseph de Puisaye, jugeant la situation désespérée, ordonne à ses hommes de réembarquer et se rendit à bord du vaisseau amiral afin de limiter la défaite : on l'accusa par la suite d'avoir déserté pour sauver sa vie, toutefois 2 500 émigrés et chouans purent être évacués grâce à l'aide des chaloupes britanniques.
Plus rien n'arrêtait la progression des républicains, seul Sombreuil et ses hommes, acculés, tentèrent une ultime résistance. Le 21 juillet, au matin Hoche et Sombreuil entamèrent des négociations, les royalistes capitulèrent peu de temps après, sous promesse, semble-t-il, de la vie sauve pour tous les soldats royalistes.
[modifier] Exécution des royalistes
6 332 chouans et émigrés avaient été fait prisonnier ainsi que des membres de leurs familles. Lazare Hoche aurait promis verbalement que les royalistes seraient considérés comme prisonniers de guerre. Cette promesse ne fut pas tenue. Les femmes et les enfants furent libérés quelques jours après la bataille, mais les soldats furent mis en accusation par le commissaire Jean-Lambert Tallien. Charles de Virot, marquis de Sombreuil et 750 de ses compagnons furent jugés par un tribunal militaire et fusillés à Auray. 430 étaient nobles : beaucoup d'entre eux avaient servi dans la marine de Louis XVI.
La Charteuse d'Auray conserve la liste gravée en hâte et un caveau contenant les restes de 952 prisonniers de l'armée royale passés par les armes du 1er au 25 août 1795 après la défaite du débarquement de Quiberon.
À l'endroit des exécutions, le Champ des martyrs, leurs dépouilles demeurèrent enfouies sur place jusqu'en 1814. En 1829, on édifia une chapelle expiatoire en forme de temple.
[modifier] Notes et références
- ↑ Ce premier débarquement précéda de 6 jours la prise du fort de Penthièvre.
- ↑ C'est le commodore Clisson qui a sommé Belle-Ile de se mettre sous la protection du roi George et de reconnaître Louis XVII, disant qu'il y a dans le Courault de Belle-Ile un vaisseau de ligne, deux frégates et six corvettes anglaises et que l'escadre croise au sud de l'Ile dont elle s'approche souvent jusqu'à une lieue.
- ↑ Il était occupé par 700 hommes du 41e de ligne, commandant Delize, qui capitula sans résistance.
- ↑ Le général Claude-Augustin Tercier, qui eut le bonheur d'échapper au massacre, avait la garde du fort avec 400 hommes le 19, Il fut remplacé dans ce poste le 20 juillet à midi par Charles du Val de Beaumetz, jeune homme d'une famille noble d'Artois, qui fut fusillé à Vannes le 21 septembre 1795.
[modifier] Liens externes
[modifier] Source partielle
- Abbé Angot, Quiberon, du 6 juin au 25 juillet 1795, dans Revue historique et archéologique du Maine, t. XLI (1897), p. 335-347. [1]