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Théorème de Ceva - Wikipédia

Théorème de Ceva

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Pour les articles homonymes, voir Ceva (homonymie).
Les droites (AD), (BE) et (CF) sont concourantes ou parallèles si et seulement si .
Les droites (AD), (BE) et (CF) sont concourantes ou parallèles si et seulement si {}^{\frac{\overline{DB}}{\overline{DC}}\frac{\overline{EC}}{\overline{EA}}\frac{\overline{FA}}{\overline{FB}} = -1}.

Le Théorème de Ceva est un théorème de géométrie affine plane qui donne une condition nécessaire et suffisante pour que trois droites passant les trois sommets d'un triangle soient parallèles ou concourantes. Il s'interprète naturellement en géométrie euclidienne et se généralise en géométrie projective.

Il doit son nom au mathématicien italien Giovanni Ceva qui en énonce et démontre une version dans le De lineis rectis se invicem secantibus statica constructio en 1678[1]. Cependant, il était déjà connu, à la fin du XIème siècle, de Yusuf Al-Mu'taman ibn Hűd, géomètre et roi de Saragosse. Celui-ci le démontre dans son livre de perfection (Kitab al-Istikmal), célèbre en son temps mais dont le texte n'a été redécouvert que récemment[2].

Sommaire

[modifier] Géométrie euclidienne

Cette section présente un cas particulier du théorème de Ceva, celui où les trois droites passant par chacun des sommets du triangle sont intérieures à celui-ci. L'énoncé se simplifie : ces trois droites ne peuvent être parallèles, et il suffit de parler de rapports de longueurs.

[modifier] Énoncé avec des distances

Théorème — Soit ABC un triangle, soient D, E et F trois points distincts des sommets et appartenant respectivement aux segments [BC], [CA] et [AB]. Les droites (AD), (BE) et (CF) sont concourantes si et seulement si
 \frac{DB}{DC}\frac{EC}{EA}\frac{FA}{FB} = 1

On appelera dans la suite cévienne d'un triangle une droite passant par un sommet et rencontrant le segment opposé[3]. Ici, les points D, E et F sont bien sur les côtés.

On va donner une démonstration ne faisant intervenir que des notions de proportionnalité de longueurs et d'aires, des outils qui étaient déjà disponibles à l'époque d'Euclide.

Démonstration — On note dans la suite AABC l'aire du triangle ABC et on démontre la propriété en deux temps.

Si les droites sont concourantes en M alors le produit des rapports vaut 1.

Les triangles MDB et MDC ayant même hauteurs, leur aires sont proportionnelles aux bases DB et DC. De même pour les triangles ADB et ADC, puis par différence pour les triangles MAB et MAC. On obtient donc l'égalité \frac{A_{MAB}}{A_{MAC}}= \frac {DB}{DC}
Par un raisonnement analogue, on a \frac{A_{MBC}}{A_{MBA}}= \frac {EC}{EA} et \frac{A_{MCA}}{A_{MCB}}= \frac {FA}{FB}
Le produit des trois rapports est bien égal à 1

Si le produit des rapports est 1 alors les droites sont concourantes

Les droites étant des céviennes, les droites (AD) et (BE) se coupent en M et la droite (CM) coupe [AB] en F'
D'après le raisonnement précédent, on a  \frac{DB}{DC}\frac{EC}{EA}\frac{F'A}{F'B} = 1
Comme  \frac{DB}{DC}\frac{EC}{EA}\frac{FA}{FB} = 1 il vient par simplification que \frac{FA}{FB}=\frac{F'A}{F'B}. Or il n'existe qu'un seul point sur un segment qui divise celui-ci selon un rapport donné donc F = F'. La droite (CF) passe aussi par M.

[modifier] Énoncé sous forme trigonométrique

On peut déduire du théorème de Ceva par la loi des sinus une version trigonométrique de celui-ci.

Théorème — Soit ABC un triangle, soient D, E et F trois points distincts des sommets et appartenant respectivement aux segments [BC], [CA] et [AB]. Les droites (AD), (BE) et (CF) sont concourantes si et seulement si
\frac{\sin\widehat{BAD}}{\sin\widehat{CAD}}\times\frac{\sin\widehat{ACF}}{\sin\widehat{BCF}}\times\frac{\sin\widehat{ CBE}}{\sin\widehat{ABE}}=1

[modifier] Géométrie affine

Il s'avère que le théorème de Ceva (la première version), est un énoncé de géométrie affine, c'est-à-dire qu'il n'est pas besoin de parler de longueur, d'orthogonalité, ou d'angle, même si bien sûr le théorème reste valide a fortiori dans ce contexte. Pour cela on doit abandonner les longueurs et donner un énoncé en terme de rapports de mesures algébriques. Une mesure algébrique est intuitivement, en géométrie euclidienne, une longueur avec un signe qui dépend d'une orientation arbitraire sur une droite donnée. Mais on peut définir de façon purement affine, sans parler ni de longueur, ni d'orientation, le rapport de mesures algébriques suivant pour trois points P, Q, R alignés, Q et R étant distincts de P, soit :

{\overline{PR}\over\overline{PQ}}.

Il s'agit du rapport de la seule homothétie de centre P qui transforme Q en R, ou encore de façon équivalente, du seul scalaire vérifiant :

\overrightarrow{PR}={\overline{PR}\over\overline{PQ}}\cdot\overrightarrow{PQ}

L'énoncé du théorème qui suit est donc bien un énoncé de géométrie affine.

[modifier] Le théorème

Théorème — Soit ABC un triangle, soient D, E et F trois points distincts des sommets et appartenant respectivement aux droites (BC), (CA) et (AB). Les droites (AD), (BE) et (CF) sont concourantes ou parallèles si et seulement si
 \frac{\overline{DB}}{\overline{DC}}\frac{\overline{EC}}{\overline{EA}}\frac{\overline{FA}}{\overline{FB}} = -1

Démonstration : Il existe de nombreuses démonstrations du théorème de Ceva en géométrie affine. Plutôt que d'adapter la démonstration précédente, ce qui demanderait d'introduire une notion d'aire algébrique[4] on va utiliser directement le barycentre, et faire appel aux propriétés suivantes.

  • Si M est barycentre de \left\{(A,\alpha);(B,\beta)\right\} distinct de A et B alors    \frac{\overline{MB}}{\overline{MA}}= - \frac{\alpha}{\beta}.
  • Soit M le barycentre de \left\{(A,\alpha);(B,\beta);(C,\gamma)\right\} , M non situé sur [AB], [BC] ou [CA]. (AM) rencontre (BC) en D si et seulement si  \frac{\overline{DB}}{\overline{DC}}= - \frac{\gamma}{\beta} .

La démonstration se fait en trois temps.

Si les droites (AD), (BE), (CF) sont parallèles alors le produit des trois rapports est -1

L'application du théorème de Thalès d'une part dans le triangle (CBE), avec (DA) parallèle à (BE), d'autre part dans le triangle (BCF), avec (DA) parallèle à (CF) conduit à dire que :
\frac{\overline{EC}}{\overline{EA}}= \frac{\overline{BC}}{\overline{BD}}     et     \frac{\overline{FA}}{\overline{FB}}= \frac{\overline{CD}}{\overline{CB}}
Il suffit alors de remplacer pour montrer que le produit des trois rapports est égal à -1.

Si les droites sont concourantes alors le produit des trois rapports est -1

On note M le point de concours. Il est situé ni sur [AB], ni sur [BC], ni sur [CA]. Il est barycentre de \left\{(A,\alpha);(B,\beta);(C,\gamma)\right\}
(AM) rencontre (BC) en D donc  \frac{\overline{DB}}{\overline{DC}}= - \frac{\gamma}{\beta} .
Par un raisonnement analogue, on obtient aussi  \frac{\overline{EC}}{\overline{EA}}= - \frac{\alpha}{\gamma} et  \frac{\overline{FA}}{\overline{FB}}= - \frac{\beta}{\alpha}
Le produit des trois rapports est alors bien égal à -1.

Si le produit des trois rapports est -1 alors les droites sont parallèles ou concourantes

Si les trois droites sont parallèles, il n'y a rien à démontrer.
Dans le cas contraire, deux au moins sont sécantes, on peut sans perdre de généralité, supposer que ce sont les droites (AD) et (BE) sécantes en M non situé sur [AB], [BC] ou [CA] et barycentre de \left\{(A,\alpha);(B,\beta);(C,\gamma)\right\}
Comme (AM) rencontre (BC) en D et que (BM) rencontre (CA) en E, on peut écrire  \frac{\overline{DB}}{\overline{DC}}= - \frac{\gamma}{\beta} et  \frac{\overline{EC}}{\overline{EA}}= - \frac{\alpha}{\gamma}
Enfin, on a  \frac {\alpha}{\beta}= \frac{\gamma}{\beta} \times \frac{\alpha}{\gamma} = \frac{\overline{DB}}{\overline{DC}}\times \frac{\overline{EC}}{\overline{EA}}
Or  \frac{\overline{DB}}{\overline{DC}}\frac{\overline{EC}}{\overline{EA}}\frac{\overline{FA}}{\overline{FB}} = -1 donc  \frac{\overline{DB}}{\overline{DC}}\frac{\overline{EC}}{\overline{EA}} = - \frac{\overline{FB}}{\overline{FA}}
Donc  \frac {\alpha}{\beta} = - \frac{\overline{FB}}{\overline{FA}} ce qui assure que la droite (CM) coupe bien la droite (AB) en F.
Les trois droites sont bien concourantes en M.

On observe une parenté formelle entre cette démonstration et celle par les aires : M est barycentre des points A, B et C en prenant pour coefficients les aires des trois triangles MAB, MBC et MCA de la première démonstration.

[modifier] Théorème de Ceva et Théorème de Ménélaüs

Le théorème de Ceva entretient des rapports étroits avec le théorème de Ménélaüs qui donne une condition très analogue (le même produit doit égaler 1), pour que trois points sur les côtés (en tant que droites) d'un triangle soient alignés.

La configuration du théorème de Ménélaüs est en effet duale de celle du théorème de Ceva : la dualité fait correspondre point et droite et prend tout son sens en géométrie projective, le dual d'un triangle est ... un triangle (on a juste échangé les sommets et les côtés). Les points duaux des céviennes (passant par les sommets) sont des points sur les côtés du triangle dual. La condition de concourance des céviennes devient une condition d'alignement de ces points.

D'autre part on montre le théorème de Ceva en utilisant deux fois le théorème de Ménélaüs. Il s'agit de l'une des implications de l'équivalence du théorème, et on suppose de plus que les trois droites concourantes. Avec les mêmes notations que ci-dessus, on applique le théorème de Ménélaüs aux triangles ABD, avec les trois points incidents aux côtés F, M et C et au triangle ADC avec B, M et E, et on obtient le théorème de Ceva par quotient.

Du théorème de Ceva au théorème de Ménélaüs et réciproquement par la division harmonique .
Du théorème de Ceva au théorème de Ménélaüs et réciproquement par la division harmonique {}^{\frac{\overline{D'B}}{\overline{D'C}}:\frac{\overline{DB}}{\overline{DC}} = -1}.

Enfin on passe du théorème de Ceva au théorème de Menelaüs par une division harmonique. Dans le triangle ABC, les points D, E et F sont sur les côtés respectivement (BC), (AC) et (AB), tels que les droites (AD), (CF) et (BE) soient concourantes et la droite (FG) ne soit pas parallèle au côté (BC), le point D’ est alors l'intersection de ces deux droites, c'est-à-dire que D’ est sur (BC) et D’, F et G sont alignés ; alors les quatre points [D’,D,B,C] sont en division harmonique :

\frac{\overline{DB}}{\overline{DC}}\frac{\overline{EC}}{\overline{EA}}\frac{\overline{FA}}{\overline{FB}} \,=\, − 1 Ceva
\frac{\overline{D'B}}{\overline{D'C}}\frac{\overline{EC}}{\overline{EA}}\frac{\overline{FA}}{\overline{FB}} \,=\, 1 Ménélaüs
\frac{\overline{D'B}}{\overline{D'C}}:\frac{\overline{DB}}{\overline{DC}} \,=\, − 1 (AD) est la polaire de D’ par rapport à (AB) et (AC)

On passe, par un simple produit ou quotient, de deux de ces résultats au troisième (voir l'article division harmonique pour la définition de la polaire et une démonstration de la propriété utilisée, c'est celle qui permet de construire la polaire, utilisant les faisceaux harmoniques). Une autre façon de mettre en évidence cette propriété est de remarquer que les quatre droites (AB), (BE), (CF) et (CA) sont les côtés d'un quadrilatère complet de sommets A, F, M, E, B et C : la diagonale [BC] est donc divisée par les deux diagonales (EF) et (AM) suivant une division harmonique.

[modifier] En géométrie projective

Dans le plan projectif, toutes les droites sont sécantes. On peut construire le plan projectif en ajoutant une droite, dite droite à l'infini, au plan affine. Les droites du plan affine d'une même direction sont sécantes en un même point (dit parfois point impropre) sur cette droite à l'infini. Il devient inutile de distinguer deux cas dans l'énoncé du théorème. Par contre les rapports de mesures algébriques ne sont pas des notions projectives. On peut parler de birapport : Dans la construction du plan projectif comme complété du plan affine, le birapport [A,B,C,D] égale le rapport de la mesure algébrique de [CA] sur celle de [CB] quand D est à l'infini. On peut aussi donner une version du théorème en coordonnées homogènes, qui sont l'extension des coordonnées barycentriques au plan projectif.

[modifier] Exemples d'application

Le théorème de Ceva permet de démontrer de nombreuses propriétés de droites concourantes.

  • On peut l'appliquer à un cas simple comme le point d'intersection des médianes. Dans ce cas, D est le milieu de [BC] et donc \overline{BD} = \overline{DC}. De même pour les autres points. Tous les rapports intervenant dans le théorème valent 1, et donc leur produit aussi, ce qui prouve que les médianes d'un triangle sont concourantes.

[modifier] Articles connexes

[modifier] Notes

  1. voir les références de l'article Giovanni Ceva. Le livre de Ceva est accessible par Google Books
  2. J. B. Hogendijk, "Al-Mutaman ibn Hűd, 11the century king of Saragossa and brilliant mathematician," Historia Mathematica 22 (1995) 1-18.
  3. Cette définition n'est pas universelle, il s'agit dans certains ouvrages d'un segment, et, dans d'autres une cevienne rencontre plus généralement la droite portant le côté opposé, voir par exemples Coxeter et Greitzer, premier chapitre et glossaire.
  4. rapportée à l'aire d'un triangle donné, on utilise le déterminant, voir par exemple H. S. M. Coxeter Introduction to Geometry, John Wiley & sons, chapitre sur la géométrie affine.

[modifier] Bibliographie

  • H. S. M. Coxeter et S. L. Greitzer Geometry revisited, The mathematical association of America (1967), traduction française Redécouvrons la géométrie, Dunod Paris (1971).
  • Jean Fresnel, Méthodes modernes en géométrie, Hermann (1996).
  • Yves Ladegaillerie, Géométrie affine, projective, euclidienne et anallagmatique, Ellipses (2003).
  • Michel Chasles Aperçu historique sur l'origine et le développement des méthodes en géométrie, particulièrement de celles qui se rapportent à la géométrie moderne Bruxelle Hayez (1837), en particulier la note VII p 294 sur le de linea rectis .. de Ceva, accessible par google books.


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