Fraction continue
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Exemple de développement infini en fraction continue |
En mathématiques, une fraction continue ou fraction continuée[1] est un système d'écriture différent de la notation décimale usuelle pour un nombre réel, utilisant des fractions étagées de la forme :
où le premier terme a0 est un entier relatif et pour tout n strictement positif, le terme an est un entier strictement positif.
Comme dans la notation décimale usuelle, où chaque nombre réel est approché par des nombres décimaux de plus en plus précisément au fur et à mesure de la donnée des décimales successives, de même chaque nombre réel est approché par des fractions étagées de la forme ci-dessus de plus en plus précisément au fur et à mesure qu'on rajoute des étages. En outre, s'il faut une infinité de décimales pour décrire exactement un nombre non décimal, il faut un développement infini en fraction continue pour décrire exactement un nombre irrationnel.
Les fractions continues sont utiles en approximation diophantienne, notamment parce qu'elles fournissent, en un certain sens, les « meilleures » approximations des nombres réels par des nombres rationnels. Cette propriété est à l’origine d’algorithmes pour l’approximations de racines carrées, mais aussi de démonstrations d’irrationalité voire de transcendance pour certains nombres comme π ou e. La périodicité des fractions continues des racines carrées d’entiers strictement supérieurs à un et sans facteur carré a des conséquences utiles pour l’étude de l’équation de Pell-Fermat.
Déjà usitées chez les mathématiciens indiens au Moyen Âge, les fractions continues sont étudiées en Europe dès le XVIIe siècle mais constituent un sujet de recherche encore actif au XXe siècle. Elles sont maintenant généralisées à d'autres expressions, appliquées à l'approximation de séries entières par des fractions rationnelles ou encore adaptées aux applications linéaires.
Sommaire |
[modifier] Préambule
[modifier] Introduction algorithmique
Comment trouve-t-on un développement en fraction continue d'un nombre réel strictement positif r? Cette recherche va être détaillée sur deux exemples. On ne montre ici ni l'existence en général d'un développement en fraction continue, ni son unicité et on se commence par calculer pratiquement un exemple en partant du nombre rationnel 415/93. Cet exemple met en évidence l'utilisation d'un algorithme, qui est simplement un petit jeu arithmétique, qui s'arrête quand une certaine condition est remplie. Il peut ne jamais s'arrêter, ce qu'on constate en l'appliquant à un autre exemple, .
[modifier] Un nombre rationnel : 415/93
L’objectif est de trouver des nombres entiers de façon à pouvoir écrire
Si r était entier, on pourrait choisir a0 = r et s'arrêter là. La division avec reste de 415 par 93 donne
Comme r n'est pas entier, il doit y avoir au moins un autre terme, et si un développement existe, on doit avoir l'égalité
avec s1 un nombre positif ou nul. En fait, s1 vaut 0 si la suite des aj s'arrête à l'indice 1 et serait égal à l'expression, pour le moment mystérieuse,
Si cette expression a la bonté d'avoir un sens, elle ne peut être que positive, puisqu'elle ne fait intervenir que des additions et des divisions de nombres positifs. En lisant l'égalité
on voit que 415 / 93 − a0 est au plus égal à 1. Donc un seul choix pour a0 est possible : il faut prendre le plus grand entier inférieur ou égal à 415 / 93, et c'est 4.
Pour passer à l'étape suivante, puisqu'on a un candidat pour a0, on considère maintenant la différence entre r = 415 / 93 et a0 = 4 :
et on prend les inverses des deux derniers membres :
Si était entier, il n'y aurait plus qu'à prendre pour a1 cet entier. Mais la division avec reste de 93 par 43 donne
On doit donc raisonner comme précédemment :
le nombre s2 étant une autre expression mystérieuse positive ou nulle, dont les indices sont augmentés d'une unité par rapport à l'expression mystérieuse précédente :
On agit exactement comme précédemment : a1 est le plus grand entier inférieur ou égal à 93 / 43, c'est donc 2.
Ensuite, on itère tranquillement le raisonnement :
donc en inversant les deux derniers membres des égalités ci-dessus
ce qui donne pour a2 le plus grand entier au plus égal à 43 / 7, c'est à dire 6. Il vient
On inverse, et on trouve
avec comme seul choix possible a3 = 7 et n = 3. La suite des coefficients aj n'a donc que les quatre termes 4,2,6,7.
Ce résultat est généralement noté :
On vérifie directement qu'on a bien
ce qui est quand même rassurant.
Si seul le premier terme est utilisé, on obtient comme approximation 4, qui se situe à une distance inférieure à 1 du nombre approché. Si le deuxième terme est utilisé on obtient 9/2 à une distance inférieure à 1/25 ce qui est remarquable pour un dénominateur égal à 2. Enfin l’usage du troisième terme donne 58/13 soit une précision de l’ordre de 1/1000.
La précision d'une approximation fractionnaire obtenue par cette méthode est toujours meilleure que l’inverse du carré du dénominateur. D'autre part, le numérateur et le dénominateur sont toujours premiers entre eux. Il n’existe qu’un nombre fini d’approximations ayant ces propriétés dans le cas d'un rationnel, en conséquence une fraction continue d’un nombre rationnel est toujours finie.
[modifier] Formalisation de l'algorithme
On vient de faire quelque chose de très simple. On prend un nombre réel positif r, on cherche le plus grand entier au plus égal à ce nombre, on l'appelle a0. Si la différence r − a0 est nulle on s'arrête. Si elle n'est pas nulle, on en prend l'inverse, qui est forcément strictement supérieur à 1, et on appelle r1 = 1 / (r − a0) le nombre ainsi obtenu. Et on applique à r1 les opérations précédentes, obtenant ainsi successivement a1,r2,a2,r3,a2 et ainsi de suite.
On peut formaliser de manière plus informaticienne cet algorithme, comme suit :
- Donnée : un nombre r strictement positif.
- Initialisation : on assigne la valeur r à la variable R. La suite a est vide.
- Boucle: On assigne à la variable A la valeur du plus grand entier au plus égal à R, on concatène cette valeur à la suite a. Si R est entier, l'algorithme s'arrête. Si R n'est pas entier, on assigne à R la valeur de 1 / (R − A) et on recommence au début de la boucle.
On ne sait pas a priori si cet algorithme s'arrête. Mais rien ne nous empêche de l'appliquer à un nombre irrationnel.
[modifier] L'algorithme appliqué à un nombre irrationnel :
On prend . Le plus grand entier au plus égal à , c'est 1, parce que , et donc en prenant les racines carrées . Donc l'algorithme donne a0 = 1 et .
Mais on a l'identité
et donc . Pas besoin de calcul pour voir que le plus grand entier au plus égal à r1, c'est 2, et donc a1 = 2 et . Par conséquent tous les aj à partir de j = 1 valent 2 et tous les rj à partir de j = 1 valent .
On peut donc écrire un développement infini :
Pour le moment, ce développement infini n'a pas encore de sens mathématique, mais rien n'interdit d'observer quelques développements partiels successifs :
.
On prend la calculette, et on s'aperçoit que les rationnels 1, 3/2, 7/5, 17/12, 41/29 approchent de mieux en mieux . La dernière approximation est de précision meilleure que le millième.
[modifier] Motivation
Dans le système décimal, ou plus généralement dans une base quelconque, tout nombre réel admet une représentation finie ou infinie. Par exempe, en base 10, le nombre π est représenté par la suite d'entiers : {3, 1, 4, 1, 5, 9, 2, ...}. De même, à tout nombre réel on peut associer un développement en fraction continue, formé d'entiers tous strictement positifs, sauf le premier. Le nombre π est ainsi représenté par [3, 7, 15, 1, 292, 1, 1, ...]. Dans le système décimal, on a des algorithmes simples pour trouver le développement décimal de la somme ou du produit de deux réels dont on possède le développement décimal. Par contre, il n'existe pas d'algorithme simple permettant d'obtenir le développement en fraction continue de la somme ou du produit de deux réels dont on connaît le développement en fraction continue. [2].
Un développement en fraction continue possède néanmoins des propriétés précieuses, provenant de la précision des approximations successives obtenues en tronquant le développement. Un moment de réflexion permet de se convaincre que toute fraction continue finie peut se mettre sous la forme d'une fraction ordinaire. La fraction, ordinaire ou continue, obtenue par troncature finie du développement en fraction continue d'un nombre donné, est appelée approximant, et ce terme sera validé dès qu'on aura montré que les approximants d'un nombre irrationnel forment une suite convergente, dont la limite est le nombre dont on est parti. On montre également que la suite des approximants d'un nombre rationnel s'arrête en atteignant ce nombre.
Si r est un nombre réel, l'approximation décimale ayant 10n pour dénominateur se situe par défaut à une distance inférieure à 1/10n de ce nombre réel.
Si un approximant de rest une fraction ordinaire de dénominateur q, on peut montrer que cette fraction est toujours à une distance au plus q − 2 de r.
L'exemple du développement de permet de comparer l'efficacité des développements. En effet, le sixième approximant est 99 / 70, et il est à une distance de . L'approximant décimal dont le dénominateur est comparable est le troisième, 141 / 100, qui se trouve à une distance de la racine. L'approximation décimale est donc presque soixante fois plus mauvaise pour un dénominateur à peine plus grand.
Les couples formés par les numérateurs et dénominateurs des différentes fractions sont tous solution de l’équation :
En effet, 12 - 2 x 12 = -1, 32 - 2 x 22 = 1, 72 - 2 x 52 = -1 ... Cette équation est dite de Pell-Fermat. Le développement en fraction continue est une méthode de résolution à la fois théorique, dans le sens où elle permet de montrer l'existence d'une solution pour toute valeur du paramètre, et pratique, car elle permet de calculer effectivement les racines.
Enfin, il existe au plus un nombre fini de fractions p/q avec q et p premiers entre eux approchant un nombre rationnel avec une précision supérieure à 1/q 2. En conséquence, le développement en fraction continue d’un nombre rationnel est fini. Cette propriété démontre l’irrationalité de √2, car son développement en fraction continue est infinie. Si pour √2 d’autres preuves, plus simples, permettent de démontrer ce résultat, il existe certains cas où l’approche par les fractions continues est la plus simple, par exemple pour π. Une démarche analogue permet de montrer la transcendance de certains nombres comme ceux de Liouville.
[modifier] Fragments d'histoire
L'usage des fractions continues est ancien. Âryabhata (476 - 550), un mathématicien indien les utilise pour résoudre des équations diophantiennes ainsi que pour approximer précisément des nombres irrationnels[3]. Brahmagupta (598 – 668) étudie plus en profondeur l'équation maintenant dite de Pell-Fermat. Il développe les premiers fondements de la méthode chakravala, usant de calculs proches de ceux des fractions continues[4]. Il cherche à résoudre l'équation x2 - 61. y2 = 1 et trouve la plus petite solution :
Au XIIe siècle, la méthode est enrichie par Bhāskara II. Un algorithme, analogue à celui des fractions continues, permet de résoudre un cas général. La différence la plus marquante est qu'il autorise les nombres négatifs dans la fraction, permettant une convergence plus rapide[5].
L'apparition en Europe est plus tardive et italienne. Rafael Bombelli (1526 – 1572) fait usage d'un ancêtre des fractions continues pour le calcul d'approximations de la racine carrée de 13[6]. Pietro Antonio Cataldi (1548 – 1626) comprend que la méthode de Bombelli s'applique pour toute les racines carrées, il l'utilise pour la valeur 18 et écrit un petit opuscule à ce sujet[7]. Il remarque que les approximations obtenues sont alternativement supérieures et inférieures à la racine carrée cherchée.
Un progrès décisif a lieu en Angleterre. Le 3 Janvier 1657, Pierre de Fermat défie les mathématiciens européens avec plusieurs questions dont l'équation déjà résolue par Brahmagupta[8]. Piqué au vif[9], la réaction anglaise est rapide. William Brouncker (1620 – 1684) trouve la relation entre l'équation et la fraction continue, ainsi qu'une méthode algorithmique équivalente à celle des indiens pour le calcul de la solution. Il utilise la fraction continue pour construire une suite convergente vers 4/π, et approxime π avec dix décimales significatives[10]. Ces résultats sont publiés par John Wallis qui en profite pour démontrer les relations de récurrence utilisées par Brouncker et Bhāskara II. Il donne le nom de fraction continue dans la phrase : « Nempe si unitati adjungatur fractio, quae denominatorem habeat continue fractum. »[11]. A cette époque, Christiaan Huygens (1629 – 1695) découvre que les fractions continues sont l'outil idéal pour déterminer le nombre de dents que doivent contenir les roues des engrenages dans l'horlogerie. Il l'utilise pour la mise au point d'un automate planétaire[12].
Quelques questions théoriques sont résolues au siècle suivant. L'usage montre que l'algorithme des fractions continues permet de résoudre l'équation de Pell-Fermat en utilisant le fait que la fraction est périodique à partir d'un certain rang. Leonhard Euler (1707 – 1783) montre que si un nombre possède une fraction continue périodique, alors il est solution d'une équation du second degré à coefficients entiers[13]. La réciproque, plus subtile[14] est l'œuvre de Joseph-Louis Lagrange (1736 - 1813). Durant ce siècle, Johann Heinrich Lambert (1728 – 1777) trouve une nouvelle utilité aux fractions continues. Il les utilise pour montrer l'irrationalité de π.
Cet usage devient fréquent au XIXe siècle. Joseph Liouville (1809 - 1882) utilise le développement en fraction continue généralisée pour exhiber des nombres non algébriques, c’est-à-dire transcendants. Ce sont les nombres de Liouville. Grâce à lui, Ferdinand von Lindemann prouve en 1882 que π est transcendant et démontre par la même que la quadrature du cercle est impossible à réaliser. En utilisant les fractions continues, Charles Hermite (1822 - 1901) prouve la transcendance de e, base du logarithme néperien. De nombreux résultats, utilisant diverses techniques sont montrés au cours de ce siècle, Evariste Galois (1811 - 1832) trouve la condition nécessaire et suffisante pour qu'une fraction continue soit immédiatement périodique[15]. Georg Cantor (1845 - 1918) prouve que les points d'un segment et ceux situés à l'intérieur d'un carré sont en bijection à l'aide des fractions continues[16]. Le XXe siècle voit l'explosion du nombre de publications sur ce sujet. Plus de 1 500 mathématiciens trouvent des éléments digne de communication[17].
[modifier] Définitions et premières propriétés
[modifier] Définitions
Le développement en fraction continue d'un réel x est une suite (ap), où p décrit soit l'ensemble des entiers naturels, soit uniquement ceux plus petits qu'un entier n donné, définie par récurrence suivant les règles suivantes. Cette alternative sur la finitude du nombre de coefficients du développement en fraction continue d'un réel dépend de la rationalité de ce réel, et fait l'objet d'un paragraphe ultérieur.
Une autre suite, notée ici (xp), dite des quotients complets, est associée à la fraction continue. Les termes de cette suite sont des réels, tous strictement supérieurs à 1 sauf éventuellement le premier.
Les premiers termes des deux suites sont respectivement x0=x et a0 la partie entière de x. Si les termes xk et ak ont déjà été définis, avec ak la partie entière de xk, alors les termes suivants peuvent être définis seulement si xk n'est pas entier ; si un coefficient xk est entier, on note n son indice, et le développement en fraction continue s'arrête à cet indice. Dans ce cas, le terme suivant de la suite (xp) est donné par la relation :
et ak+1 est à nouveau la partie entière de xk+1. Ceci fournit les égalités :
-
- Le coefficient ap est appelé coefficient d'indice ou de rang p ou encore quotient incomplet d'indice ou de rang p de la fraction continue.
-
- Le coefficient xp est appelé quotient complet d'indice ou de rang p de la fraction continue.
-
- La fraction suivante, noté [a0, a1, ..., ap] est appelée réduite d'indice ou de rang p.
[modifier] Représentation géométrique
L'algorithme d'Euclide permet de calculer une fraction continue dans le cas des nombres rationnels. Cet algorithme admet dans ce cadre l'interprétation géométrique suivante : soit à calculer la fraction continue du rationnel x = p/q, on considère un rectangle de longueur p et de largeur q, et on le pave par des carrés de côté q.
Si x est entier alors le pavage comporte exactement x carrés. Sinon, si a0 désigne le nombre de carrés insérés dans le rectangle, il s'agit du premier terme de la fraction continue. Il reste une bande non pavée de dimension q x b1 avec b1 égal à p - a0.q ; on pave cette bande avec des carrés de dimension maximale, c'est-à-dire de côté x1. Le nombre de carrés est égal au deuxième terme a1 de la fraction continue. En réitérant la méthode, on obtient l'intégralité des coefficients ap.
Dans l'image ci-contre, on pave le rectangle 30 x 13 par deux carrés de côtés 13. Il reste une bande de longueur 13 et de largeur 4. En terme de fraction continue, on obtient l'égalité :
Ensuite, on remarque qu'il est possible de remplir la bande restante de 3 carrés de coté 4 et il reste une bande de longueur 4 et de largeur 1. Ce qui permet de terminer le calcul de la fraction continue :
La même construction permet de trouver le rationnel dont on connait le développement en fraction continue. Dans l'image de gauche on peut retrouver le rationnel dont le développement est [1, 1, 2, 3]. Les trois petits carrés donnent la taille du carré suivant (3). Les deux carrés moyens et le petit carré donnent la taille du carré plus grand (7), le carré plus grand (7) et le carré moyen (3) donnent le dernier carré (10) et les deux derniers carrés donne la longueur du rectangle (17). La fraction recherchée est égale à 17/10.
Le processus s'arrête car p et q sont commensurables c'est-à-dire qu'il existe une longueur l et deux entiers a et b tels que p = l.a et q = l.b.
Considérons maintenant un rectangle de longueur L et de largeur l. Si le quotient L / l n'est pas rationnel, c'est-à-dire si les longueurs L et l sont incommensurables, le processus ne s'arrête pas.
Tel est le cas pour la figure de droite représentant un rectangle d'or, c'est-à-dire un triangle dont le rapport de la longueur sur la largeur est égal à φ le nombre d'or. On ne peut placer qu'un carré dans chaque bande ce qui amène :
On retrouve une figure ainsi que des résultats analogues à ceux associés à l'étude de la suite de Fibonacci.
[modifier] Premières propriétés
Dans le reste de l'article p désigne un entier positif, inférieur à n si la fraction continue est finie.
Par définition de la fraction continue, on dispose de l'égalité :
-
- Si p est différent de 0 et de n alors xp est un réel supérieur à 1, et ap est un entier strictement positif.
Ceci provient de la définition de xp comme inverse de la différence entre un réel non entier et sa partie entière, et de la définition de ap comme partie entière de xp.
-
- Si un nombre réel positif x admet un développement en fraction continue de la forme [a0,a1,...], alors, son inverse 1/x admet pour développement en fraction continue [a1,a2,...] dans le cas où a0 est nul, et [0,a0,a1,...] dans les autres cas.
Soit (hp) et (kp) les suites d'entiers strictement positifs à partir du rang 1, définies par récurrence par : .
Alors on a les trois propriétés suivantes :
-
- si p est supérieur ou égal à 2 :
-
- L'écriture irréductible de la réduite d'ordre p est
-
- L'égalité suivante est vérifiée :
Pour permettre d'utiliser la relation de récurrence dès l'indice 1, il est possible d'utiliser la convention h-1 égale 1 et k-1 égale 0.
Si les coefficients de la fraction continue sont tous égaux à 1 - ce qui est le cas dans le développement en fractions continues du nombre d'or - les entiers hp et kp vérifient la relation de récurrence de Fibonacci, ce sont des nombres de Fibonacci consécutifs, ce qui explique que les quotients de deux termes consécutifs de la suite de Fibonacci donnent des approximations de plus en plus fines du nombre d'or.
-
- L'égalité suivante est vérifiée, si p est supérieur ou égal à deux :
Montrons cette propriété par récurrence, si p est égal à deux :
Soit p un entier supérieur ou égal à 2, et supposons la propriété vraie à l'ordre p . Elle est en particulier vraie lorsque y prend la valeur ap + 1/y', ce qui montre la deuxième égalité ci-dessous :
-
- En posant y = ap, dans l'égalité précédente, on peut écrire
-
- L'égalité suivante est vérifiée :
Montrons cette égalité par récurrence sur p. Si p est égal à 1, on a :
Soit p un entier supérieur ou égal à 2, et supposons vérifiée cette égalité à l'ordre p - 1 et vérifions là à l'ordre p. Le théorème précédent montre que :
La dernière égalité prouve que les entiers hp et kp sont premiers entre eux et que l'écriture de la réduite est bien une fraction irréductible.
[modifier] Notations pour les fractions continues
En dehors de la notation en usage dans cet article, celle de Pringsheim est utilisée en particulier pour les fractions continues généralisées :
On trouve aussi, plus rarement :
[modifier] Nombre rationnel
[modifier] Propriétés
Les fractions réduites d'un développement en fraction continue sont des nombres rationnels.
- Les nombres rationnels sont les seuls dont le développement en fraction continue est fini.
Par ailleurs, pour les fractions continues finies :
-
- Il existe exactement deux représentations en fraction continue d'un nombre rationnel et l'une des deux représentations possède comme valeur du dernier élément de sa suite un.
Par exemple :
En général, le choix canonique est celui où le dernier terme du développement est supérieur à 1.
-
- Une fraction réduite d'indice p est égale à un nombre rationnel :
Démontrons ce résultat par récurrence sur p. Si p est égal à zéro, la fraction réduite est un entier donc un rationnel.
Supposons le résultat vrai pour toute fraction réduite d'indice p - 1 et montrons le pour une fraction réduite fp d'indice p. Par définition de fp, il existe un entier a0 et une fraction réduite x1 d'indice p - 1 tels que fp = a0 + 1 / x1. Par hypothèse de récurrence, x1 est un nombre rationnel, 1 / x1 l'est aussi et a0 + 1 / x1 l'est encore. Ceci montre que fp est rationnel et termine la démonstration.
-
- La représentation en fraction continue de x est finie si et seulement si, x est un nombre rationnel :
Si la représentation en fraction continue de x est finie, alors x est rationnel d'après la proposition précédente.
Réciproquement montrons que si x est rationnel, il admet une représentation finie. Soit p et q deux entiers tels que x soit égal à p/q. Ici q désigne un entier strictement positif. Montrons par récurrence sur q que x admet une représentation finie.
Si q est égal à 1, alors x est égal à p, ce qui fournit une représentation en fraction rationnelle finie.
Supposons la propriété vérifiée pour toutes les fractions admettant un dénominateur strictement plus petit que q. La division euclidienne de p par q montre l'existence de deux entiers d et r tels que :
L'hypothèse de récurrence montre que la fraction p/r admet un développement fini en fraction continue. Le remplacement de la valeur p/r dans l'expression précédente fournit un développement fini en fraction continue de p/q ce qui termine la démonstration.
-
- Il existe exactement deux représentations en fraction continue d'un nombre rationnel x et l'une des deux représentations possède comme valeur du dernier élément de sa suite 1 :
Si x est un entier, il n'existe que deux manières d'écrire x en fraction continue :
En revanche, si x n'est pas un entier, la valeur a0 est nécessairement unique et égale à la partie entière de x :
Si a0 n'est pas égal à la partie entière de x, alors le quotient complet d'indice 1 x1 est soit négatif soit strictement plus petit que 1, ce qui n'est pas conforme à la définition d'une fraction continue.
Ce raisonnement ne s'applique pas uniquement au quotient complet d'indice 0, c'est-à-dire x, mais à tout quotient complet. Ce qui termine la démonstration.
[modifier] Algorithme d'Euclide
La division euclidienne, à travers l'algorithme d'Euclide, permet de calculer la fraction continue d'un nombre rationnel x. Le développement est obtenu en prenant la liste des quotients successifs dans cet algorithme. Illustrons cette propriété par l'exemple 233/177 :
En continuant l'algorithme d'Euclide, on obtient :
puis
Ceci s'écrit :
Les numérateurs et dénominateurs des différentes réduites s'obtiennent par l'algorithme d'Euclide étendu.
[modifier] Applications
[modifier] Identité de Bézout
L'identité de Bézout traite de l'équation diophantienne du premier degré, c'est-à-dire de l'équation suivante, où a, b et c sont des nombres entiers et où les solutions recherchées sont formées d'un couple d'entiers :
Le théorème indique que, si c est un multiple du plus grand commun diviseur de a et b, il existe toujours une solution. Si l'on note p ce plus grand commun diviseur, la résolution de l'équation suivante permet de résoudre (1) par multiplication des deux membres de l'égalité (2) par c / p :
La fraction continue offre une méthode effective pour trouver une solution, illustrons là par l'exemple 1245.x + 279.y. Le développement en fraction continue de 1245/279 est égal à [4,2,6,7]. Calculons les différentes réduites, on trouve 4, 9/2, 58/13 puis 415/93. L'algorithme s'arrête, ce qui signifie que 415/93 est égal à 1245/279. En utilisant les coefficients de l'avant dernière réduite, on remarque que :
Dans cet exemple, 3 est le plus grand commun diviseur entre 1245 et 279 et le couple (13, -58) une solution de l'équation (2). Ce résultat n'est pas le fruit du hasard, l'avant dernière réduite est toujours composée d'un couple solution de l'équation de Bézout et le résultat du dernier calcul est nécessairement le plus grand commun diviseur au signe près. En effet, notons hj et kj la jième réduite de la fraction a / b. Si n est l'indice de la dernière réduite, alors a / b est égal à hn / kn. Une des premières propriétés assure que :
On en déduit qu'un diviseur commun à hn et kn divise le terme de gauche et donc le terme de droite de l'égalité (4), comme les seuls diviseurs de ±1 sont ±1, les deux termes hn et kn sont premiers entre eux. On en déduit que a = p.hn et b = p.hn et :
Cette solution démontre bien, au signe près, la propriété illustrée dans l'exemple (3). En terme de calculs effectués, cette solution est exactement équivalente à celle de l'algorithme d'Euclide étendu.
[modifier] Automate planétaire
Christiaan Huygens souhaite construire, à l'aide d'un mécanisme de type horlogerie un automate représentant le mouvement des planètes autour du soleil : « Ayant trouvè et fait exécuter depuis peu une machine automate qui représente les mouvements des Planètes dont la construction est d'une façon particulière et assez simple à raison de son effet, au reste d'une grande utilité à ceux qui étudient ou observent le cours des astres.[18] ». La difficulté à laquelle il est confronté est liée au rapport de la durée d'une année terrestre et de celle de Saturne. En un an, la Terre tourne de 359° 45' 40'' 30''' et Saturne de 12° 13' 34'' 18'''. Le rapport est égal à 77 708 431/2 640 858. Combien faut-il de dents sur les deux engrenages supportant respectivement la Terre et Saturne ?
Huygens sait que les fractions continues offrent le meilleur compromis, ce qu'il exprime ainsi : « Or, lorsqu’on néglige à partir d’une fraction quelconque les derniers termes de la série et celles qui la suivent, et qu’on réduit les autres plus le nombre entier à un commun dénominateur, le rapport de ce dernier au numérateur sera voisin de celui du plus petit nombre donné au plus grand; et la différence sera si faible qu’il serait impossible d’obtenir un meilleur accord avec des nombres plus petits. »[19].
Un calcul en fraction continue montre que :
On obtient la suite de fractions : 29/1, 59/2, 147/5, 206/7, 1 177/40 ... Les deux premières solutions ne sont guère précises, dans le premier cas, à la fin d'une rotation de Saturne, la position de la terre est fausse à près d'un demi-tour, dans l'autre cas l'erreur dépasse 4°. La cinquième est techniquement difficile, elle demande la fabrication d'une roue à plus de 1 000 dents ou plusieurs roues. La quatrième offre une précision proche de 3/1 000. C'est celle que choisit Huygens.
Si la terre fait cents tours complets, sur l'automate planétaire Saturne en fait 700/206, soit trois tours et un angle de 143° 18'. Dans la réalité, Saturne a tourné de 143° 26'. Soit une erreur de 8 minutes d'angle, largement inférieure aux imprécisions mécaniques de l'horloge. Un calcul analogue montre que la fraction 147/5 donne, dans le même contexte, une erreur supérieure à un degré, pour une mise en œuvre d'une difficulté technique comparable.
[modifier] Irrationalité de la base du logarithme népérien
Les fractions continues offrent un moyen pour connaître l'irrationnalité d'un nombre. Si son développement est infini, alors le nombre est irrationnel. Cette technique est utilisée par Euler[20], qui détermine la fraction continue de la base du logarithme népérien.
-
- Le développement en fraction continue de e, la base du logarithme népérien est :
La barre utilisée ici est une notation fréquente. Elle signifie une répétition à l'infini de la suite d'entiers couverte par la barre.
Une bonne approximation de e est donnée par 2,718 281 828. Le premier terme a0 est égal à 2 et x0 par l'inverse de e - 2, c'est à dire 1,392 211 1911... . On en déduit que a1 est égal 1 et x1 = 2,549 646 778.... En réitérant la méthode on obtient : a2 = 2 et x2 = 1,819 350 243 ..., puis a3 = 1 et x3 = 1,220 479 285..., a4 = 1 et x4 = 4,535 573 476 ...., a4 = 4 etc. Cette méthode numérique permet de déterminer les premiers coefficients de la fraction continue, cependant, le nombre de décimales exactes nécessaires augmente avec le nombre de coefficients du développement en fraction continue souhaités, d'une part, et, d'autre part, l'expression annoncée de tous ces coefficients est inaccessible. Cette démonstration satisfait néanmoins Euler[21], qui la considère comme une indication suffisante de l'irrationalité de e, il précise seulement que ce calcul peut se confirmer par une analyse infinitésimale, sans plus de précision[22].
La démonstration présentée ici s'inspire des techniques de l'approximation de Padé. Elle consiste à généraliser le principe de la fraction continue aux fonctions. Dans le cas particulier considéré ici, c'est la fonction exponentielle qui est approximée par des fractions rationnelles[23].
Une approche analogue permet de déterminer les fractions continues des constantes suivantes :
La conclusion d'Euler, est parfaitement exacte. Sa méthode pour montrer qu'un nombre n'est pas rationnel est démontrée avec une rigueur correspondant à nos critères actuels, qui lui permettent de conclure :
-
- Les nombres réels e et √e ne sont pas rationnels.
Cette démarche, plus complexe que la démonstration présentée dans l'article e (nombre) permet d'aller plus loin. La suite de l'article permet d'en déduire que e n'est solution d'aucune équation du second degré à coefficients rationnels. De plus, si x est un nombre rationnel, alors ex est irrationnel. Montrer que e est transcendant suppose de montrer qu'il n'est solution d'aucune équation polynomiale à coefficients rationnels. Si la démonstration originale utilise les fractions continues, d'autres idées sont nécessaire pour conclure.
-
- Démarche :
L'approche utilisée ici consiste à étudier la valeur du nombre ayant pour fraction continue les coefficients 2, 1,2,1, 1,4,1, ... . La suite de l'article montre que la suite des fractions réduites (hn / kn) est convergente, que sa limite x admet pour développement en fraction continue celle des coefficients utilisés et qu'il n'existe qu'un unique nombre réel ayant pour fraction continue exactement la suite des coefficients utilisés.
Pour trouver la limite de la suite des fractions réduites, il suffit de trouver celle de n'importe quelle suite extraite. L'aspect quasi-périodique de la fraction continue amène à considérer la suite (h3p / k3p).
-
- Matrice :
Dans toute fraction continue, hn et kn vérifient une relation de récurrence linéaire, généralisant celle de la suite de Fibonacci. Cette relation s'exprime sous forme de matrice 2x2 :
La quasi périodicité de la fraction continue étudiée ici justifie les définitions suivantes :
On trouve les premières valeurs suivantes, pour la suite Mp(1) :
Une simple récurrence montre que la première ligne de la matrice Mp(1) correspond aux coefficients (h3p, k3p) et la deuxième ligne à (h3p-1, k3p-1). La démonstration se limite ainsi à montrer que la fraction formée par les termes de la première ligne de la matrice possède pour limite la base du logarithme.
La fonction exponentielle possède des propriétés analytiques fortes. Ces propriétés sont essentielles pour mener à bien la démonstration, cette approche est à la base de la notion d'approximant de Padé. Une méthode consiste à considérer les matrices Mp(t) comme une généralisation de la définition précédente. Elles représentent des fonctions de l'ensemble des nombres réels dans l'espace des matrices 2x2 à coefficients réels. Chaque coefficient de la matrice est un polynôme. La définition précise est la suivante :
Ce qui donne les expressions par récurrence :
On remarque en effet que si fp(t) et gp(t) désigne les coefficients de la première ligne de la matrice Mp(t), les coefficients de la deuxième ligne sont gp(-t) et fp(-t). On obtient, pour premières expression des suites (fp(t)) et (gp(t)) :
Par récurrence, on établit que fp(t) est un polynôme de degré p + 1 de plus grand coefficient égal à (2p + 1)! / p!. De même, gp(t) est un polynôme de degré p, de plus grand coefficient égal à celui de fp(t) et sans racine sur l'intervalle [-1, 1]. La découverte qui porte le nom du mathématicien Henri Padé est que la fraction fp(t)/gp(t) possède le même développement en série entière sur les 2p + 1 premiers termes que celui de la fonction exponentielle. En fait, il n'existe pas d'autre fraction rationnelle d'aussi bas degré possédant un développement en série entière aussi proche de l'exponentielle. Cette propriété, ainsi que la convergence uniforme de la suite de fractions rationnelles fp(t) / gp(t) vers la fonction exponentielle sur l'intervalle [-1, 1], permet de démontrer la proposition.
-
- La somme des 2p + 1 premiers termes de la série entière gp(t).et est égale à fp(t) :
Montrons ce résultat pas récurrence sur p. Si p est égal à zéro, on remarque de f0(t) correspond à l'approximation tangente de l'exponentielle et g0(t) au polynôme constant un. La proposition est trivialement vérifiée.
Supposons le résultat démontré à l'ordre p - 1, avec la notation de Landau, si ψp-1(t) désigne la fonction de R dans R définie par :
En effet, la fonction ψp-1(t) admet manifestement un développement en série entière, car elle est le produit de polynômes et de la fonction exponentielle et l'hypothèse de récurrence montre que sa série commence au terme de puissance 2p. La notation des constantes α et β ainsi séparées n'est pas usuelle, sa raison d'être apparaît dans la suite de la démonstration. Considérons la fonction φp-1 définie ci-dessous et déterminons son développement limité :
En continuant le calcul, on obtient :
On note γ le coefficient (1 - 2β)-1. Remplacer φp-1(t) par sa valeur, puis multiplier chaque membre de l'égalité par ψp-1(t), et remplacer les occurences de ψ par leurs expressions, donne les égalités:
Sous réserve de montrer que le coefficient γ est égal à 2p + 1, on obtient ensuite, en reconnaissant l'expression définissant par récurrence les fonctions fp(t) et gp(t) :
Le développement limité montre la proposition annoncée.
-
- Le coefficient γ est égal à 2p + 1 :
L'algèbre linéaire permet de calculer ce coefficient. La méthode consiste à déterminer la valeur de α à l'aide de la série de coefficients nuls dans le développement en série de et.gp-1(t). On remarque que la fonction fp(t) est un polynôme de degré p + 1, tous les termes de la série gp(t).et strictement supérieurs à p + 1 et inférieurs ou égal à 2.p + 1 sont nuls, d'après la proposition précédente. Notons a0, a1, ... , ap-1 les coefficients du polynôme gp-1(t), e0, e1, ... , ej, ... ceux de la série entière et et b0, b1, ... , bj, ... ceux de la série entière et.gp-1(t) :
On note u le vecteur de Rp de coordonnées les coefficients de gp-1(t) (a0, a1,... ,ap-1) , v k celui de coordonnées b k+p-1, ... b k écrit dans l'ordre inverse de telle manière à ce que le coefficient c k se calcule à l'aide du vecteur v k dans et <.,.> le produit scalaire canonique de Rp. On obtient les égalités :
Avec ces notations, le paragraphe précédent indique que le vecteur u est orthogonal aux p - 1 vecteurs vp+1, ..., v2p-1. Un calcul de déterminant montre que cette famille de p -1 vecteurs est libre, elle forme une base de l'hyperplan de Rp orthogonal de u. Le facteur γ est donné par β, le ratio c2p+1 / c2p, les valeurs c2p+1 et c2p se calculent à l'aide des vecteurs v2p+1 et v2p. Si ces deux vecteurs ne sont pas dans l'orthogonal de u, c2p+1.v2p - c2p.v2p+1 l'est :
Un argument de dimension montre qu'une combinaison linéaire de v2p et v2p+1 possède des coefficients proportionnels au couple (c2p+1, -c2p) si et seulement si elle est élément de l'hyperplan. Il suffit de trouver une combinaison linéaire de v2p et v2p+1 dans l'orthogonal de u pour connaître le ratio c2p+1 / c2p et donc β. Autrement dit le calcul de β revient à trouver une combinaison linéaire nulle et non triviale entre les p + 1 vecteurs : vp+1, ... v2p+1, le rapport des deux derniers coefficients est égal à l'opposé de β. Dans un premier temps, recherchons une suite (δi) de coefficients vérifiant les relations :
Le coefficient binomial offre une solution, il suffit de remarquer que :
L'égalité précédente, prise au point t = 1 montre le résultat recherché. En terme de combinaison linéaire, on obtient l'égalité :
On en déduit :
-
- Conclusion :
Considérons la fonction λpψp(t) :
Le paragraphe précédent montre que les 2p+1 premiers termes de son développement en série sont nuls. Chacun des termes suivant est obtenu par somme des produits d'un polynôme de coefficients toujours inférieurs à un et des coefficients de la série de l'exponentielle. Le coefficient de xk si k est plus grand que 2p + 1 est majoré par p+1 / (k - p)!. Ce fait, ainsi que la nullité des 2p + 1 premiers coefficients montre que la suite (p! / (2p + 1)!) ψp(t) tend vers zéro au voisinage de l'unité :
Une récurrence permet d'établir que λpgp(1) est une fonction dont la valeur n'est jamais inférieure à 1/2. En divisant la limite précédente par λpgp(1), on obtient :
Il a été montré que fp(1) / gp(1) est égal à (h3p, k3p). La suite des réduites d'indice 3p converge vers e, comme il est établi que la suite des réduites converge, sa limite est égale à e, ce qui termine la démonstration.
[modifier] Meilleure approximation
Le développement en fraction continue d'un nombre réel fournit une suite de nombres rationnels, les réduites qui constituent des approximations du nombre réel initial. Plus précisément, la suite des réduites de rangs pairs approxime par excès le réel et celle des rangs impairs par défaut. Réciproquement, si l'on considère une suite (an) telle que a0 est un entier et an un entier strictement positif si n est supérieur à zéro, la suite des réduites de la fraction continue admettant les an comme coefficients converge vers une limite finie x (qui est un réel irrationnel) dont le développement en fraction continue (qui est unique dans ce cas où x n'est pas rationnel) est la fraction continue de coefficients an.
Les fractions réduites fournissent en un certain sens les meilleures approximations rationnelles d'un nombre réel : hn /kn est une approximation située à une distance de x inférieure à 1 / kn2, et, si une fraction p / q est une approximation située à une distance de x inférieure à 1 / q2 alors p/q est une réduite de x. Ce résultat porte le nom de théorème de meilleure approximation.
Une conséquence du paragraphe précédent est qu'il n'existe qu'un nombre fini d'approximations vérifiant cette propriété pour les nombres rationnels. L'usage de ce principe pour déterminer la nature d'un nombre est à l'origine de nombreuses méthodes formant un point de départ du domaine appelé approximation diophantienne. Joseph Liouville utilise ce résultat de meilleure approximation pour trouver les premières preuves de transcendance de nombres réels, portant sur des nombres actuellement appelés nombres de Liouville. Liouville s'exprime ainsi : « Il suffira de donner aux quotients incomplets μ [note : appelés réduites dans cet article] un mode de formation qui les fasse grandir au-delà du terme indiqué, pour obtenir une fraction continue dont la valeur ne pourra satisfaire aucune équation algébrique ... »[24].
En théorie algébrique des nombres le résultat de meilleure approximation permet de démontrer que toute solution de l'équation de Pell-Fermat s'obtient avec une fraction continue.
[modifier] Fraction continue d'un irrationnel positif
La valeur x désigne maintenant un nombre irrationnel strictement positif. La suite (an) est infinie et ne prend que des valeurs positives.
-
- Les deux suites (hn) et (kn) sont strictement croissantes et ont pour limite l'infini.
En effet, cette proposition est la conséquence directe de la relation de récurrence établie au paragraphe Premières propriétés. Une récurrence montre que la valeur de kn est au moins égale à 2n/2.
La suite des réduites est convergente, quelques propositions montrent la nature de cette convergence :
-
- La différence entre deux réduites successives est :
-
- Les réduites de rangs pairs et impairs définissent deux suites adjacentes convergeant vers x.
Ce résultat s'exprime aussi sous la forme suivante :
-
- La valeur x est la limite de la série alternée :
Si (an) est une suite d'entiers strictement positifs et (sn) la réduite[a0, ...,an] est la nième somme partielle de la série précédente qui est convergente. Si x désigne la limite de la série, alors la fraction continue de x est donnée par [a0, ...,an, ...]. Ainsi, toute suite d'entiers strictement positifs, sauf peut être le premier, correspond au développement en fraction continue d'un réel.
La différence entre x et une réduite est évaluée par les formules suivantes :
-
- Pour tout entier n, la différence entre la valeur x et la réduite d'indice n est donnée par la formule suivante, si xn+1 désigne le quotient complet d'indice n + 1 :
Il suffit en effet de remarquer que 0 < xn < 1 si xn désigne le quotient incomplet d'indice n. En conséquence, n'importe quelle réduite qui précède immédiatement un grand quotient est une approximation proche de la fraction continue. En effet si an est grand la différence entre x et la réduite d'indice n est petite.[25]
-
- La différence entre deux réduites successives est :
C'est une conséquence de la dernière des Premières propriétés :
-
- Les réduites de rangs pairs et impairs définissent deux suites adjacentes convergeant vers x :
La formule précédente permet de calculer hn+2/kn+2 - hn/kn.
On en déduit que la suite des réduites de rangs pairs est croissante et celle des réduites de rangs impairs décroissante. L'écart entre deux termes consécutifs est inférieur à 2-n. Ceci démontre que les suites sont adjacentes.
-
- La valeur x est la limite de la série alternée :
La valeur x est la limite de la suite (hn/kn), qui s'écrit encore :
Un passage à la limite sur n montre le résultat voulu.
-
- Pour tout entier n, la différence entre x et la réduite de rang n est donnée par la formule suivante :
L'expression du réel x en fonction des premiers coefficients de son développement en fraction continue et d'un quotient complet permet d'obtenir :
La dernière proposition du paragraphe Premières propriétés permet de conclure.
[modifier] Théorème de meilleure approximation rationnelle
Les réduites forment de bonnes approximations rationnelles :
-
- Pour tout entier n la majoration (1) est vérifiée, sur deux réduites consécutives, il en existe une qui vérifie la majoration (2) :
Il existe une réciproque à ces propriétés. Si une approximation rationnelle est bonne, elle correspond à une réduite. Ce résultat porte le nom de théorème de meilleure approximation rationnelle. Ici, n désigne un entier strictement positif.
-
- Soient h et k deux entiers tels que 0 < k < kn+1. La majoration suivante est vérifiée, de plus l'égalité n'a lieu que si k (resp. h) est égal à kn (resp. hn) :
Ce théorème possède le corollaire suivant, utilisé pour l'étude des fractions continues périodiques.
-
- Si h et k sont deux entiers tels que :
-
- Alors la fraction h / k est une réduite de x.[25]
Il est possible d'aller un peu plus loin. Le théorème d'Hurwitz montre que si x est un nombre irrationnel, il existe une infinité de fraction a / b où a et b sont des nombres entiers premiers entre eux tel que :
La valeur √5 est la plus élevée satisfaisant la majoration précédente. En ce sens, le nombre d'or est l'irrationnel qui s'approxime le plus mal par des fractions de cette nature. Pour toute constante strictement supérieure à √5, il n'existe plus qu'un nombre fini de fractions vérifiant la majoration.
-
- Pour tout entier n :
On remarque que xn+1 est plus grand que an+1, donc l'expression xn+1.kn + kn-1 est supérieure à an+1.kn + kn-1. Le théorème 1 permet de déduire que :
Il suffit de remarquer que kn+1 est plus grand que kn pour conclure.
-
- Sur deux réduites consécutives, il en existe une qui vérifie :
Un résultat du paragraphe précédent montre que :
La valeur x se situe entre hn / kn et hn+1 / kn+1. Ce qui signifie que x - hn / kn et hn+1 / kn+1 - x sont de même signe, et en conséquence :
De plus, si a et b sont deux réels strictement positifs distincts 2.a.b est strictement inférieur à a2 + b2. On en déduit :
Ce qui démontre la majoration suivante :
Ce qui démontre la proposition.
-
- Soit n un entier strictement positif et h et k deux entiers et tel que 0 < k < kn+1. La majoration suivante est vérifiée, de plus l'égalité n'a lieu que si k (resp. h) est égal à kn (resp. hn) :
La matrice M suivante a un déterminant égal à 1 en valeur absolue - c'est-à-dire un entier inversible. Elle définit donc un endomorphisme inversible de Z2 (ici Z désigne l'anneau des nombres entiers). En conséquence, il existe un vecteur colonne U tel que :
On remarque de U est à coefficients entiers car H et M -1 sont à coefficients entiers.
-
- Les entiers u et v sont non nuls :
Si u est nul alors k=v.kn+1, avec v entier, ce qui est en contradiction avec les inégalités 0 < k < kn+1.
Si v est nul alors h / k est égal à hn / kn et la proposition est démontrée.
-
- Les valeurs u et v sont de signes contraires :
Si v est négatif il est alors strictement négatif. L'égalité k = kn.u + kn+1.v et le fait que k soit strictement positif montrent que u est positif.
Si v est positif il est alors strictement positif. L'égalité k = kn.u + kn+1.v et le fait que k soit strictement inférieur à kn+1 montrent que u est négatif.
-
- Conclusion :
Le calcul suivant :
et le fait que u et v soient de signes contraires tout comme x.kn - hn et x.kn+1 - hn+1 montrent que :
En effet, u et v sont non nul et x.kn - hn ne l'est pas non plus. Cette majoration termine la démonstration.
-
- Si la majoration suivante est vérifiée, h / k est une réduite de x :
Par construction de la suite, il existe un entier n tel que :
L'inégalité triangulaire et la proposition précédente montrent que :
En multipliant la majoration précédente par k.kn, on obtient :
Or l'expression |h.kn - k.hn| prend sa valeur dans les entiers positifs, le seul entier positif strictement plus petit que 1 est 0, on en déduit qu'elle est nulle, ce qui termine la démonstration.
[modifier] Applications
[modifier] Nombre de Liouville
Le fait qu'il n'existe qu'un nombre fini de fractions p/q à une distance inférieure à 1/q2 du rationnel signifie qu'un nombre rationnel s'approxime « mal » par des fractions. Cette idée se généralise aux solutions d'une équation polynomiale de degré n. Soit α un nombre réel solution de l'équation f(x) = 0, où f désigne un polynôme de degré n à coefficients rationnels. Le théorème de Liouville donne une limite à la qualité de l'approximation de α par un nombre rationnel p / q ; précisément, il indique qu'il existe une constante réelle A telle que pour tout rationnel p/q :
Une logique analogue à celle montrant l'irrationalité de e permet de construire un nombre réel x qui n'est solution d'aucune équation polynomiale à coefficients rationnels, c'est-à-dire un nombre transcendant.
Une méthode consiste à construire une suite (an) d'entiers strictement positifs et de considérer x le nombre réel ayant la suite (an) comme fraction continue. La suite (an) est définie en posant l'entier a0 égal à 1, et par la formule de récurrence :
où (hn) et (kn) désignent encore les suites des numérateurs et dénominateurs (à valeurs positives) des réduites d'indice n du développement de x. Les résultats d'approximation d'un nombre réel par les convergeants de son développement en fraction continue donne alors la majoration :
Ceci permet de montrer que le nombre x ainsi construit est transcendant grâce au théorème de Liouville.
[modifier] Equation de Pell-Fermat
L'équation de Pell-Fermat est une équation diophantienne, c'est-à-dire à coefficients entiers dont les solutions recherchées sont entières. Elle prend la forme suivante où n est un entier sans facteur carré et a un entier différent de zéro.
Le cas traité ici est celui où a est égal à plus ou moins 1. Une solution (h, k) vérifie :
h/k et √n sont tous deux supérieurs à 1 et √n l'est strictement, on en déduit :
Une proposition précédente montre que la fraction h/k est une réduite de √n. Toute solution de l'équation se trouve dans la suite des fractions réduites de √n. Ce fait, démontré par Joseph-Louis Lagrange, permet d'établir des résultats aussi bien théoriques qu'algorithmiques sur l'équation de Pell-Fermat[26].
[modifier] Nombre quadratique
A la différence de l'exponentielle, la racine de deux s'avère particulièrement facile à développer en fraction continue. Cette propriété provient du fait qu'à partir d'un certain rang, on retrouve un quotient complet déjà rencontré. La fraction continue est périodique à partir d'un certain rang. La racine de onze vérifie la même propriété :
On en déduit que a0 = 3, a1 = 3, x0 = 1/2(3 + √11) et x1 = 3 + √11. Calculons la fraction continue de x1 :
Une fois encore, x2 est égal à x0, ce qui permet de conclure :
Le caractère périodique à partir d'un certain rang est le propre des nombres de la forme a + b√n si a et b sont des nombres rationnels avec b différent zéro et n un entier qui n'est pas un carré parfait. Les propriétés de régularités sont plus profondes pour les racines carrées. Elles s'observent sur l'exemple suivant :
Si l'on excepte le dernier nombre de la période, les différentes valeurs forment un palindrome. Le deuxième terme est égal à l'avant-dernier, de deuxième à l'anté-pénultième etc... Cette propriété concerne les nombres au dessus de la parenthèse dans l'exemple précédent. Le dernier terme de la période est le double du premier. Cette propriété est vérifiée dans l'exemple, l'unique terme avant la période ici 4 est égal à la moitié du dernier terme de la période, ici 8.
Une méthode simple pour calculer effectivement la fraction continue d'une racine carrée, ainsi que les exemples 19, 61, 83, 103 et 313 sont traités dans l'article Méthode chakravala.
[modifier] Période
Dire qu'un nombre réel x s'écrit sous la forme a + b√n avec les conventions du paragraphe précédent revient à dire que x est racine d'un polynôme du second degré à coefficients entiers, ce qui fait l'objet de la proposition :
-
- Un irrationnel x possède un développement en fraction continue périodique à partir d'un certain rang si et seulement si x est solution d'une équation du second degré à coefficients rationnels.
Un tel nombre x est dit algébrique car il est racine d'un polynôme dont le terme de plus haut degré possède un coefficient égal à un et dont les coefficients sont rationnels. Dans le cas où le polynôme est de degré deux le terme utilisé est nombre quadratique. Le polynôme est appelé polynôme minimal de x.
Si le développement de x est périodique à partir du rang p alors il existe un entier n tel que l'égalité suivante soit vérifiée. Ce qui justifie la notation :
La barre signifie que la séquence ap, ap+1, ..., an se répète indéfiniment. Ce résultat, ainsi que l'expression en fraction continue du nombre e montre que cette valeur n'est pas quadratique.
-
- Soit x un nombre réel, s'il admet un développement en fraction continue périodique à partir d'un certain rang, il possède un polynôme minimal de degré deux :
Par hypothèse, le développement de x est périodique à partir d'un certain rang, noté p. On en déduit, si xp désigne le quotient complet d'indice p de x, l'égalité suivante :
Si hn' (resp. kn' ) désigne le numérateur (resp. le dénominateur) de la fraction continue [ap, ap+1, ..., an], l'égalité suivante, conséquence du théorème 1 :
Et xp possède un polynôme minimal de degré au plus deux. La valeur x est somme d'un rationnel : la réduite d'indice p et d'un irrationnel quadratique, il admet donc un polynôme minimal de degré au plus égal à deux. Comme x n'est pas un rationnel, il n'est pas racine d'un polynôme de degré un à coefficients rationnels. Son polynôme minimal est donc de degré deux.
-
- Soit x un nombre réel admettant un polynôme minimal de degré deux, il admet un développement en fraction continue périodique à partir d'un certain rang.
Le principe de la méthode utilisée consiste à associer une forme quadratique à chaque quotient complet, provenant de son polynôme minimal. L'analyse de ces formes quadratiques montre qu'il ne peut en exister qu'un nombre fini, le quotient complet apparaît comme une racine du polynôme associé. Il n'existe que deux racines pour chaque polynôme, soit au total qu'un nombre fini possible de quotients complets. La suite des quotients complets se répète, d'où son caractère périodique.
Par hypothèse, x est racine d'un polynôme du second degré à coefficients rationnels, noté ici α.X2 + β.X + γ. On associe à ce polynôme la forme quadratique φ :
Dans le même ordre d'idée, on associe au quotient complet d'indice j la forme quadratique φj définie par :
Un développement de l'expression définissant φj en fonction des coefficients de φ et des suites (kj) et (hj) montre l'existence des trois coefficients αj, βj et γj définis par l'égalité précédente.
La définition du quotient complet montre l'égalité :
On en déduit que :
-
- La suite des coefficients (αj) est bornée en valeur absolue :
La définition de φj et le fait que φ(x, 1) soit nul montrent que :
On en déduit :
La fraction hj / h k est une approximation dont la distance à x est toujours inférieure à 1/kj2. On en déduit que hj / h k + x est en valeur absolue inférieur à 2|x| + 1 et :
Ce qui démontre l'assertion.
-
- La suite des coefficients (γj) est bornée en valeur absolue :
Il suffit de remarquer que γj est égal à αj-1 car :
Le caractère majoré de la suite (αj) permet de conclure.
-
- La suite des coefficients (βj) est bornée en valeur absolue :
Ici réside l'essentiel de l'astuce de la démonstration de Lagrange. Il remarque que le discriminant dj du polynôme φj(X,1) possède aussi une lecture par un déterminant. Cette propriété permet de montrer que tous les discriminants des polynômes φj(X,1) sont égaux à celui du polynôme φ(X,1) noté ici d. Par voie de conséquence, la suite (βj) est aussi bornée.
Pour s'en convaincre, notons B la base canonique de R 2 et ψj l'endomorphisme de R 2 de matrice Mj dans la base canonique B, donnée par l'égalité suivante, un calcul de déterminant montre :
La matrice Φ de la forme quadratique φ ainsi que celle de ψj donnent une expression matricielle Φj de la forme quadratique φj. Il suffit alors de remarquer que d (resp. dj) est égal à -4 fois le déterminant de la matrice Φ (resp. Φj) pour conclure :
On en déduit :
-
- Conclusion:
Les trois suites (αj), (bj) et (cj) sont bornées en valeur absolue, il ne peut exister qu'un nombre fini de polynômes différents de la forme αj.X2 + βj.X + γj. Un quotient complet est une racine d'un des polynômes précédemment cités, il ne peut en exister qu'un nombre fini. Il existe deux entiers n et p tel que xp-1 soit égal à xn. On en déduit que a p est égal à an+1 et xp à xn+1 et donc que ap+1 et égal à an+2 et ainsi de suite. Ceci montre le caractère périodique de la suite (a j).
Soit a un entier non nul alors :
Soit a un entier supérieur ou égal à 3 alors :
[modifier] Palindrome
Certains nombres possèdent un développement purement périodique. c'est le cas, par exemple, du nombre d'or. La question se pose de savoir dans quel cas le développement en fraction continue est périodique pur, c'est à dire quelle condition rend le développement périodique dès le premier terme. Le nombre x est nécessairement un nombre non rationnel quadratique, c'est à dire racine d'un polynôme P(X) du second degré à coefficients dans les rationnels. La réponse s'exprime en fonction de xc, l'autre racine du polynôme annulant x. Le nombre xc est souvent appelé conjugué de x, par analogie avec la situation où les racines sont complexes. Cette démonstration est l'œuvre d'Evariste Galois.
-
- Le développement de x est purement périodique si et seulement si x est strictement plus grand que 1 et xc, le conjugué de x est compris entre -1 et 0.[27]
Cette propriété permet d'obtenir une description plus précise du développement en fraction continue d'une racine d'un entier sans facteur carré :
-
- Si x est la racine carrée d'un entier sans facteur carré, sa fraction continue prend la forme suivante :
Si l'on élimine le dernier terme 2a0 la période est symétrique et forme un palindrome. La partie symétrique pouvant ou non avoir un terme médian.
Les démonstrations utilisent les techniques de l'arithmétique. Il en existe de plusieurs natures. Les plus simples sont présentées dans l'article Méthode chakravala. Elles se fondent sur les propriétés d'un anneau d'entiers quadratiques. La démonstration historique, présentée ici, utilise d'autres techniques liées aux propriétés des formes quadratiques à coefficients entiers[27].
-
- Le développement de x est purement périodique si et seulement si x est strictement plus grand que 1 et xc, le conjugué de x est compris entre -1 et 0 :
Cette démonstration procède en plusieurs étapes :
-
- Si le développement en fraction continue de x est purement périodique, le quotient complet d'indice 0 : x0 est quadratique, strictement plus grand que 1 et son conjugué xc0 est donné par la formule suivante :
Les résultats précédents montrent que x est solution d'une équation du second degré. Soit P(X) le polynôme unitaire du second degré annulant x et considérons la fraction rationnelle composée de P(X) et de a0 + 1/X. La multiplication de cette fraction rationnelle par X2 est un polynôme Q(X) de degré 2 admettant x0 pour racine, en effet :
Le nombre x0 est irrationnel, sinon x ne le serait pas. Il est de plus racine du polynôme Q(X) de degré 2 à coefficients rationnels, il est donc quadratique. Il est plus grand que 1 car tous les quotients complets le sont. Il l'est strictement car sinon x serait rationnel.
Il ne reste plus qu'à montrer la formule annoncée. L'application σ, qui à un élément de l'extension quadratique Q[x] associe son conjugué est un automorphisme de corps laissant Q invariant. L'égalité x0(x - a0) = 1, directement issue de la définition du quotient complet d'indice 0, montre que :
-
- Si le développement en fraction continue de x est purement périodique, x est strictement plus grand que 1 et xc est strictement compris entre -1 et 0 :
Soit a0, a1, ..., an la période de x, la partie entière de x est égale à a0 et donc à an+1, ce qui montre que x est plus grand que 1, il est strictement plus grand, sinon il ne serait pas irrationnel.
On dispose de l'égalité x = [a0, a1, ..., an, x], ce qui montre :
Le fait que x soit strictement positif montre que hn-1 et kn sont strictement positifs. La deuxième racine de P(X) est le conjugué xc de x, le produit des racines x.xc est égal à la constante du polynôme P(X) et est négative. Comme x est positif, xc est strictement négatif.
Enfin, on remarque que P(-1) est strictement positif, en effet :
On remarque que P(-1) est strictement positif, P(0) strictement négatif, le théorème des valeurs intermédiaires montre que la racine négative xc se situe strictement entre -1 et 0.
-
- Si x est strictement plus grand que 1 et xc est strictement compris entre -1 et 0, le développement en fraction continue de x est purement périodique :
La méthode consiste à montrer l'existence d'un entier n tel que, pour tout j strictement positif, aj-1 est égal à aj+n-1. Ainsi, a0 est égal à an, a1 est égal à an+1 etc... Pour ce faire, on procède en deux étapes :
-
- La suite des quotients complets (xj) est strictement supérieure à 1 et la suite (xcj) des conjugués des quotients complets est strictement compris entre -1 et 0 :
Montrons ce résultat par récurrence sur j. Si j est égal à 0, la proposition est vérifiée par hypothèse. Supposons la propriété vraie à l'ordre j et montrons là à l'ordre j + 1. L'irrationnel quadratique xj vérifie les hypothèses de la première proposition de cette boite déroulante. Son quotient incomplet d'indice 0 est égal à aj et son quotient complet à xj+1 et :
Par construction, aj+1 est strictement positif, xj est un irrationnel et est donc différent de 1, comme sa partie entière est au moins égal à 1, xj est strictement plus grand que 1. De plus, xcj est non nul et strictement négatif, ce qui montre que xcj - aj est strictement inférieur à -1, donc que xj+1 est strictement compris entre -1 et 0.
-
- Conclusion :
Le fait que x soit un irrationnel quadratique montre qu'à partir d'un rang p, la suite est périodique. Soit n cette période, c'est à dire :
L'objectif est de montrer que p est égal à 0. Pour cela, considérons un entier m strictement positif et supérieur ou égal à p, montrons que m est strictement plus grand que p. L'égalité (1) montre :
On en déduit que am-1 et am+n-1 sont tous deux égaux à la partie entière de -1/xcm et ils sont égaux. Ceci permet de déduire que xm-1 et xm+n-1 le sont aussi car leurs conjugués le sont :
Le fait que am-1 et am+n-1 soient égaux et que xm-1 et xm+n-1 le soient aussi montre que m n'est pas le premier terme de la partie périodique de la suite (aj). Ceci termine la démonstration.
-
- Si p est un entier sans facteur carré, la période de la fraction continue de √p démarre au deuxième terme et le dernier terme de la période est égal à 2a0 :
Soit a0 le coefficient d'indice 0 de la fraction continue de √p. Le nombre quadratique a0 + √p possède un développement périodique pure d'après la proposition précédente. Il est en effet strictement plus grand que 1 et son conjugué, égal à a0 - √p, est compris entre -1 et 0. Pour s'en persuader, il suffit de remarquer que a0 est la partie entière de √p.
Le premier terme de la fraction continue de a0 + √p est égal à la partie entière de ce nombre ou encore à 2a0. Il suffit de remarquer, pour conclure, que √p possède le même développement en fraction continue, à l'exception du premier terme, égal à a0 et non à 2a0.
-
- Si x est la racine carrée d'un entier sans facteur carré, sa fraction continue prend la forme suivante :
Pour une raison de simplicité, la démonstration consiste à étudier la structure de la période de x + a0. Dans le cas où p est égal à 19, on trouve :
La liste des quotients complets, notés ici xi est :
Ce qui permet d'imaginer le résultat suivant :
-
- (1) Il existe deux entiers strictement positifs bi et ci tel que xi = (√p + bi)/ci tel que bi2 est strictement plus petit que p et ci divise p - bi2 :
Montrons cette proposition par récurrence. Pour i égal à 1, on a :
Supposons la propriété vrai à l'ordre i et montrons là à l'ordre i + 1 : Si ai+1 désigne la partie entière de xi et bi+1 = ai+1.ci, alors :
Par construction bi+1 est un entier de carré strictement plus petit que p, pour montrer le reste de la proposition, il suffit de montrer que ci divise p - bi+12. Cette propriété est la conséquence du fait que ci divise p - bi2 et de l'égalité suivante :
On remarque que les coefficients bi et ci forment aussi deux palindromes sur l'exemple √19 choisi. Cette propriété est encore générale et découle de la propriété suivante :
-
- (2) Si i est un entier strictement supérieur à 1, la partie entière du nombre quadratique (√p + bi)/ci-1 est égal à ai-1 et son premier quotient complet à (√p + bi-1)/ci-2 :
Dans un premier temps, on remarque que ci-1 est bien un diviseur de p - bi2, la démonstration précédente montre en effet que p - bi2 est égal à ci-1.ci. L'égalité suivante montre que la partie entière de (√p + bi)/ci-1 est égal à ai-1 :
La première démonstration montre que (√p - bi)/ci-1 égal à l'opposé du conjugé de xi-1 est bien un nombre strictement compris entre 0 et 1. Montrons ensuite que le premier quotient complet est bien égal à (√p + bi-1)/ci-2 :
-
- (3) Il existe deux entiers i et j strictement positifs, tel que xi et xi+j sont en correspondance. La première valeur possible pour i est (n+1)/2 et pour j : 1 si la période n est impaire et n/2 pour i et 2 pour j sinon :
On remarque que x1 et xn+1 sont en correspondance, cette propriété est donc vérifiée pour au moins un couple de quotients complets. Montrons que si xi et xi+j sont en correspondance et que j est strictement plus grand que 1, alors xi+1 et xi+j-1 sont aussi en correspondance. Le quotient complet précédent xi+j est égal au premier quotient complet de (√p + bi+j)/ci+j-1), c'est à dire au premier quotient complet de xi, d'après la proposition précédente.
On remarque alors que x1 et xn+1 sont en correspondance de même que x2 et xn et en remontant de proche en proche, x(n-1)/2 et x(n+1)/2 sont aussi en correspondance si n est impair. Cette configuration est celle de l'exemple p = 19. La propriété de palindrome est alors établi. Si n est impair, le même raisonnement montre que xn/2 et xn/2 +2 sont en correspondance, il reste encore à vérifier l'égalité entre an/2 et an/2 +1.
-
- (4) Si n est impair, an/2 et an/2 +1 sont égaux :
Cette configuration se produit par exemple pour 13:
La liste des quotients complets est :
Le raisonnement précédent montre que a1 est égal à a4, il faut encore montrer que a2 est égal à a3. L'étape (4) permet de conclure. Le quotient complet xn/2 est égal à (√p + bn/2 +2)/cn/2 + 1 sa partie entière est donc égal à an/2 + 1, c'est à dire au coefficient d'indice suivant, ce qui termine la démonstration.
[modifier] Applications
[modifier] Equation de Pell-Fermat
Les fractions continues contiennent toutes les solutions de l'équation de Pell-Fermat si a est égal à +/-1. En fait, il en existe exactement une par période. Elle correspond à la réduite d'indice l'avant dernier terme d'une période. Par exemple, si n est égal à 61, le coefficient est indiqué en rouge et d'indice 10.
Il correspond à la réduite de rang 10 et à la fraction 883 159 524/883 159 525. Cette solution correspond à la valeur -1. Celle associée à 1 est donnée par la réduite de même position dans la période suivante, c'est à dire celle d'indice 21. :
[modifier] Entier quadratique
Une autre question est analogue à certains égards à celle de l'équation de Pell-Fermat. Elle concerne un anneau d'entiers quadratiques. Un tel anneau est toujours composé d'éléments de la forme a + b.ω où a et b sont des nombres entiers et ω une racine d'un polynôme du second degré unitaire, c'est à dire que le coefficient du monôme dominant est égal à un et dont les coefficients sont à valeurs prises dans les entiers. Les ensembles de cette nature sont toujours des anneaux et ne contiennent que des nombres quadratiques. Ils jouent un rôle important pour la résolution d'équations diophantiennes. Par exemple si ω est le nombre d'or, égal à 1/2(1 + √5), l'anneau est celui des entiers de Dirichlet utilisé pour la résolution du dernier théorème de Fermat dans le cas où n est égal à 5.
Une structure importante d'un anneau de cette nature est son groupe des unités, c'est à dire l'ensemble des éléments dont l'inverse est aussi dans l'anneau. La valeur ω est soit de la forme √n, avec n un entier sans facteur carré et non congru à 1 modulo 4, soit de la forme 1/2(1 + √n) et n est un entier sans facteur carré congru à 1 modulo 4. Dans le premier cas, une unité u correspond à une fraction réduite. Elle est égale à hj + kj√n et j correspond à l'indice de l'avant dernier terme de la période. Dans le deuxième cas, elle est égale à 1/2(hj + kj√n). L'indice j se trouve aussi dans la première période et il correspond au premier indice tel que hj2 + n.kj2 est égal à +/-4.
L'unité u trouvée est particulière au sens où elle engendre toutes les autres, elle est dite fondamentale. En effet, pour toute unité v de l'anneau, il existe un entier m tel que v soit égal à um ou à -um. Le groupe des unités est constitué de points situés sur une des quatre branches de deux hyperboles ayant mêmes asymptotes. Cette configuration est illustrée sur la figure de droite, correspondant au cas où n est égal à 5. L'unité fondamentale est alors 1/2(1 + √5).
Si historiquement, les fractions continues ont permis d'élucider la structure du groupes des unités d'un anneau d'entiers algébriques, la technique proposée n'est pas généralisable. Elle ne s'applique qu'aux anneaux d'entiers quadratiques. Le théorème des unités de Dirichlet élucide cette structure pour tout anneau d'entiers algébriques.
[modifier] Autres résultats
[modifier] Fractions continues généralisées
Il s'avére utile de généraliser la définition d'une fraction continue. Plusieurs méthodes sont possible, la suite de 1 devient une suite (bk), des valeurs non entières mais réelles ou complexes sont utilisées. Dès le XVIIe siècle William Brouncker en a ressenti la nécessité pour étudier le nombre π. Une fraction continue généralisée g prend la forme suivante :
Les résultats précédents ne s'appliquent plus, et la convergence de la fraction n'est, en général, pas garantie. Certains résultats précédents se généralisent néanmoins. Soit (hj) et (kj) les deux suites définies par récurrence :
-
- La suite (hj/kj) est égale à celle des fractions réduites.
La démonstration est analogue à celle du cas des fractions continues.
Il est possible de considérer comme suite de coefficients des fonctions ou des applications linéaires[28]. Si la fonction est une série entière la fraction continue prend le nom d'approximant de Padé[29].
[modifier] Nombre π
Lambert est un précurseur dans son usage des fractions continues montrer l'irrationnalité de π[30]. Avant les travaux de Padé, il fait appel à une démarche de cette nature pour déterminer une fraction continue rationnelle égale à la fonction tangente. La difficulté réside dans le fait qu'il n'existe pas de méthode connue à son époque pour montrer que le développement en fraction continue de π est infini. Les seuls développements dont on connait une expression de tous les facteurs correspondent à des fractions continues généralisées. Lambert détermine une expression relativement simple de la fonction tangente. Elle lui permet de montrer que l'image d'un rationnel non nul par cette fonction est toujours un irrationnel. Comme l'image de π/4 est rationnelle, ce nombre ne peut l'être[31]. Lambert montre de même que si x est un nombre rationnel, alors ex ne l'est pas. Le raisonnement est similaire, il utilise la fraction continue généralisée suivante, qui s'obtient aisément à l'aide de l'expression en fraction continue de e :
-
- Le nombre π vérifie l'égalité suivante :
La fraction continue est construite de telle manière à ce que la différence entre deux réduites consécutives soit égale à (-1)n/(2n + 1), une série que James Gregory a montré comme convergente vers π/4.
Notons (hn) et (kn) les numérateurs et dénominateurs des fractions réduites, l'objectif est le calcul de δn = hn/kn - hn-1/kn-1. On dispose pour cela de l'égalité :
Un calcul analogue à celui des fractions continues montre les relations de récurrences :
-
- L'égalité suivante est vérifiée, si n est supérieur ou égal à 1 :
Elle correspond au calcul du numérateur de δn. Etablissons ce résultat par récurrence. Pour n égal à 1, on a :
Supposons le résultat vrai à l'ordre n - 1 et montrons le pour n :
L'hypothèse de récurrence montre que :
-
- L'égalité suivante est vérifiée, si n est supérieur ou égal à 1 :
Elle correspond au calcul du dénominateur de δn. On remarque que la formule établissant kn démontre celle donnant la valeur de kn.kn-1. Calculons encore une fois ce résultat par récurrence. Pour n égal à 1, il suffit de remarquer que k1 est égal à 3. Supposons le résultat vrai à l'ordre n - 1 et montrons le pour n :
On en déduit :
-
- Expression de la fraction continue généralisée comme une série :
Les deux calculs précédents offrent une expression de δn :
On en déduit une expression de la fraction réduite :
-
- Conclusion :
La série précédente est connue sous le nom de formule de Leibniz et converge vers π/4. La fraction continue généralisée est donc convergente et sa limite est bien celle annoncée.
-
- Si x est un élément de l'intervalle [0, 1], la suite des fractions réduites suivante, converge uniformément vers la fonction tangente :
Notons (hn(x)) et (kn(x)) les numérateurs et dénominateurs des fractions réduites. La formule de récurrence permet d'établir que :
Une récurrence montre que la suite de fonctions (kn(x)) est strictement croissante et tend vers plus l'infini si n grandit indéfiniment et ceci pour toute valeur de x choisie dans l'intervalle [0,1]. La méthode utilisée ici consiste à étudier la suite de fonctions (ψn(x)), définie de la manière suivante :
L'objectif est de montrer que cette suite de fonctions strictement croissantes tend uniformément vers la fonction nulle. Pour cela, établir un lemme s'avère nécessaire :
-
- La dérivée de ψn(x) est égale à x.ψn-1(x) :
Montrons ce résultat par récurrence, à l'ordre 1, le calcul suivant le montre :
Supposons le résultat établi à l'ordre n et montrons le pour n + 1. On dispose de l'égalité suivante :
Calculons le premier terme de cette dérivée :
L'hypothèse de récurrence établit la première égalité et permet de déduire le résultat :
Le deuxième terme prend la forme suivante :
En raisonnant comme précédemment :
Ce qui démontre la proposition recherchée.
-
- La suite des fonctions (ψn) est composée de fonctions positives strictement croissantes et la suite converge uniformément vers zéro :
On remarque que la suite (hn) est composée de fonctions impaires, donc nulles en zéro, on en déduit que la suite (ψn) est composée de fonctions nulles en 0. La fonction ψ0 a pour dérivée x.sin(x), qui est strictement positive sauf au point 0, ce qui montre que la fonction est strictement croissante. Par récurrence, la fonction ψn possède une dérivée strictement positive sauf en 0, car elle est égale à xψn-1(x) est elle donc strictement croissante. Comme elle est nulle en 0, elle est positive.
Le maximum de la fonction ψn est atteint au point 1, car elle est strictement croissante, pour montrer l'uniforme convergence de la suite (ψn) vers la fonction nulle, il suffit donc de montrer que (ψn(1)) est une suite qui tend vers 0. Montrons par récurrence que ψn(1) est majoré par sin(1)/2n. Pour n égal 0, le résultat est vrai car ψ0(1) = sin(1) - cos(1) < sin(1). Supposons le résultat vrai à l'ordre n et montrons le à l'ordre n + 1 :
-
- Conclusion :
On dispose de l'égalité suivante :
Si n tend vers l'infini, 2n ainsi que kn(1) tendent vers l'infini, ce qui montre l'uniforme convergence de la suite des fractions réduites vers la fonction tangente.
Remarque : La suite des fonctions converge en fait uniformément sur l'intervalle [0, a] pour toute valeur de a de l'intervalle ]0, π/2[.
-
- Soit p et q deux entiers strictement positifs tel que p/q soit élément de l'intervalle [0,1], la tangente de p/q est un nombre irrationnel :
La démonstration précédente montre que :
On remarque que la suite des quotients complets φn est strictement décroissante et tend vers 0. Soit ν un entier tel que φν soit strictement plus petit que 1 et (2ν + 1).q strictement plus grand que p2. Avec les notations de la démonstration précédente, on obtient :
Il suffit de montrer l'irrationnalité de φν pour montrer celle de la tangente de p/q. On raisonne par l'absurde et l'on suppose que φν et un nombre rationnel égal à α0 / β0. Si φν est rationnel, alors φν+1 l'est aussi car :
Par récurrence, le même raisonnement montre que φν+j est aussi rationnel si j est un entier positif. Notons cette fraction αj / βj où αj et βj désignent deux entiers strictement positifs. On a l'égalité :
Le nombre rationnel φν+j+1 est plus petit que φν, lui même strictement plus petit que 1, on en déduit que αj+1 est strictement plus petit que βj+1, égal à αj. On a construit une suite d'entiers positifs (αj) strictement décroissante et infinie. La méthode de descente infinie montre que cette existence est l'absurdité recherchée.
-
- Le nombre π est irrationnel :
L'image par la fonction tangente de la valeur π/4 est un nombre rationnel car égal à 1. La proposition précédente montre que, sur l'intervalle [0, 1], seuls les nombres irrationnels peuvent avoir une image rationnelle. On en déduit que π/4 et en conséquence π, est un nombre irrationnel.
La détermination précédente de l'approximant de Padé de la fonction tangente n'est pas celle de Lambert. Il procède de la manière suivante : la fonction tangente admet un développement en série entière x + .... Il écrit cette fonction tan (x) = x/R1(x). Comme la fonction tangente est une série entière, il en est de même pour R1(x), il en détermine une expression comme un quotient de deux séries entières paires. Son coefficient constant est égal à 1, il en déduit une expression de R1(x) de la forme suivante : 1 - x2/R2(x) où R2(x) s'exprime comme le quotient de deux séries entières. A l'aide d'une relation de récurrence, il détermine l'expression de Rn(x) et en déduit un approximant de Padé.
Cette approche possède deux faiblesses. Dans un premier temps, on peut remarquer que l'expression exacte de Rn(x) est lourde, impliquant des calculs bien laborieux. Il existe une faille plus grave dans son approche : le comportement de Rn(x) n'est pas étudié. Si cette fonction ou son rayon de convergence tend vers 0, alors la suite des fractions réduites ne converge pas nécessairement vers la fonction tangente. Une fois la fraction continue explicitée, il devient nécessaire d'étudier sa convergence, ce qui revient au même qu'un des calculs de la boite déroulante précédente, l'expression directe de Rn(x) étant trop lourde pour une analyse directe.
Pour cette raison, sa démonstration n'est pas toujours considérée comme la première preuve de l'irrationnalité de π. Néanmoins, les historiens l'estiment souvent comme valide[32] en tenant compte du fait que les critères de rigueur de l'époque ne sont pas ceux d'aujourd'hui.
-
- Si x est un élément de l'intervalle [0, 1], la suite des quotients incomplets suivante sont les approximants de Padé :
Les développements en série entières des fonctions cosinus et sinus montrent que :
On en déduit l'expression suivante :
Le terme constant de la série en numérateur est nul, ce qui permet d'écrire :
On en déduit, si Rk désigne le quotient complet d'indice k de la fraction continue généralisée :
Montrons par récurrence que :
Pour k = 2, les calculs précédents établissent la formule. Supposons la vraie pour k et montrons là pour k + 1. Au point x = 0, la valeur de Rk, notée ici a k est donnée par :
Ce qui amène le calcul suivant :
En réduisant au même dénominateur :
En remarquant que le premier terme de la série du numérateur est nul :
En décalant l'indice n du numérateur, on obtient :
La plus célèbre expression de π de cette nature est probablement la fraction continue non généralisée, qui est unique :
On trouve aussi de multiple expressions qui, à la différence de la précédente, possèdent des régularités :
D'autres expriment des fractions contenant le nombre de Pythagore :
Ou encore :
Cette liste n'est pas de loin pas exhaustive.[33]
[modifier] Hors théorie des nombres
La liste des différents sujets couverts par les fractions continues est trop vaste pour pouvoir être traitée ici de manière exhaustive. Certains exemples sont néanmoins dignes d'intérêt.
Georg Cantor est l'un des fondateurs de la théorie des ensembles, il utilise les fractions continues[34] pour montrer l'existence d'une bijection entre l'intervalle [0, 1] et la surface d'un carré représenté par les bipoints de l'ensemble [0, 1]2. Les fonctions de cette nature sont toujours étudiées dans le cadre de la théorie du chaos, elles sont discontinues sur chaque point rationnel de l'intervalle [0,1][35].
Khintchine utilise une approche plus probabiliste. Il se pose la question de la convergence de la moyenne géométrique des coefficients d'une fraction continue d'un nombre réel quelconque[36]. Pour presque tous les nombres réels, cette moyenne converge vers une constante dite de Khintchine et valant approximativement 2,6854520010. Ici, le terme presque tous signifie que les exceptions forment un ensemble négligeable au sens de la théorie de la mesure. Les exceptions contiennent, entre autres, les nombres rationnels et quadratiques. Paul Lévy montre que la nième racine du dénominateur de la nième réduite d'un développement en fraction continue de presque tous les nombres réels approche une limite asymptotique, connue comme la constante de Lévy[37].
[modifier] Voir aussi
[modifier] Notes
- ↑ Pour Jean Dieudonné, « le terme traditionnel en français est « fraction continue », ce qui risque d'entraîner des confusions fâcheuses lorsque la fraction dépend d'un paramètre variable ; l'anglais évite cette confusion en disant continued et non continuous » (Jean Dieudonné (dir.), Abrégé d'histoire des mathématiques 1700-1900 [détail des éditions] ), d'où la traduction littérale de « fraction continuée ».
- ↑ Gergonne Algèbre élémentaire. Recherche sur les fractions continues Annales de mathématiques pures et appliquées tome 9 1818-1819 pp 261-270 Lire le pdf
- ↑ G Ifrah Histoire universelle des chiffres: L'intelligence des hommes racontée par les nombres et le calcul Robert Laffont 1994 (ISBN 2221901002)
- ↑ J. Stillwell Mathematics and its History Springer Science 2ième éd 2004 p 72-74 (ISBN 0387953361)
- ↑ Bhāskara II Bijaganita 1150 cf le site de l'Université de St Andrew Pell's equation
- ↑ M. T. Rivolo A. Simi The computation of square and cube roots in Italy from Fibonacci to Bombelli (Italian) Arch. Hist. Exact Sci. 52 (2) 1998 pp 161-193
- ↑ S. Maracchia Estrazione di radice quadrata secondo Cataldi Archimede 28 (2) 1976 pp 124-127
- ↑ L. Hua J. Rousseau Fermat a-t-il démontré son grand théorème? l'hypothèse "Pascal" L'Harmattan 2002 p 113 (ISBN 2747528367)
- ↑ John Wallis un mathématicien anglais rétorqua : il ne trouvera pas mauvais, je crois, que nous lui rendions la pareille, et cela, non pas sur une bagatelle. Ces informations sont extraites du site : Pierre de Fermat par la ville Beaumont de Lomagne
- ↑ J. Dutka Wallis's product, Brouncker's continued fraction, and Leibniz's series Arch. Hist. Exact Sci. 26 (2) 1982 pp 115-126
- ↑ John Wallis Arithmetica infinitorum (traduction l'arithmétique des infinitésimaux) 1655
- ↑ Ces informations, comme l'essentiel de ce paragraphe proviennent de l'article : C. Brezinski Ces étranges fractions qui n’en finissent pas Lire Université des Sciences et Technologies de Lille France p 50
- ↑ Leonhard Euler, Introductio in analysin infinitorum. Vol. I, Chapter 18 1748
- ↑ Ces résultats sont publiés dans : Leonhard Euler et Joseph-Louis Lagrange Eléments d'algèbre Lyon, Bruyset et Paris, Desaint 1774. Le livre contient une centaine de pages nommées Additions par Lagrange. Elles contiennent les deux preuves citées.
- ↑ Evariste Galois annonce le résultat suivant « Si une des racines d’une équation de degré quelconque est une fraction immédiatement périodique, cette équation aura nécessairement une autre racine également périodique que l’on obtiendra en divisant l’unité négative par cette même fraction continue périodique écrite dans un ordre inverse. » extrait de : Histoire de fractions continues par C. Bresinski de l'Université des Sciences et Technologies de Lille p 63
- ↑ Histoire de fractions continues par C. Bresinski de l'Université des Sciences et Technologies de Lille p 70
- ↑ Histoire de fractions continues par C. Bresinski de l'Université des Sciences et Technologies de Lille p 74
- ↑ C. Huygens Pensees meslees § 24 1686
- ↑ Cette citation est extraite de : C. Brezinski Ces étranges fractions qui n’en finissent pas Université des Sciences et Technologies de Lille France p 51 Lire
- ↑ E. Maor e: The Story of a Number Princeton University Press 1998 (ISBN 0691058547)
- ↑ Voir à ce sujet l'analyse : A. Sandifer How Euler did it M.A.A. on line 2006. Il conclut sur le fait qu'Euler connaissait probablement une démonstration à l'aide de l'analyse d'une équation différentielle.
- ↑ Leonhard Euler De fractionibus continuis dissertation 1737
- ↑ La démonstration présentée ici s'inspire de celle présentée par A. J. Van der Poorten dans l'article Continued fraction expansions of values of the exponential function dans related fun with contunued fraction 1991 p 2 et 3 Lire
- ↑ Joseph Liouville Communication verbale, Compte rendu des séances de l'Académie des Sciences 13 mai 1844 lire
- ↑ a b Ces démonstrations proviennent du site Développement d'un réel en fractions continues par M. Couchouron pour les développements périodiques et l'équation de Pell-Fermat
- ↑ La démonstration originale est disponible en ligne : Joseph-Louis Lagrange Solution d'un Problème d'arithmétique 1767 Lire
- ↑ a b Les démonstrations proposées ici s'inspirent du document : Développement d'un réel en fractions continues par M. Couchouron pour les développements périodiques et l'équation de Pell-Fermat
- ↑ Pour une introduction à la relation entre les applications linéaires et les fractions continues : J. Goerg Introduction aux fractions continues par l'Irem de Strasbourg
- ↑ Pour plus de précision sur le sujet, voir : G. A. Baker, P. Graves-Morris Padé Approximants Cambridge University Press 2nd Ed 1996 (ISBN 0521450071)
- ↑ Johann Heinrich Lambert Mémoire sur quelques propriétés remarquables des quantités transcendantes circulaires et logarithmiques Mémoires de l'Académie des Sciences de Berlin, 17 1761 pp 265-322
- ↑ Tous les résultats présentés ici se trouvent dans la référence : E. Pierre L. Jean-Pierre Autour du nombre pi Hermann Paris, 1999 (ISBN 2705614435)
- ↑ M. Serfati Fragments d'histoire des mathématiques. T. 4. Quadrature du cercle, fractions continues et autres contes APMEP Paris 1992
- ↑ Les exemples présents ici sont issus du site suivant : Continued fraction representations (13 formulas)
- ↑ J. F. Fleuron A Note on the History of the Cantor Set and Cantor Function Mathematics Magazine, Vol. 67 N° 2 pp 136-140 1994
- ↑ M. R. Schroeder Fractals, Chaos, Power Laws: Minutes from an Infinite Paradise W.H.Freeman & Co Ltd 1991 (ISBN 0716721368)
- ↑ A. Y. Khinchin, Continued Fractions University of Chicago Press traduction anglaise 1961 (ISBN 0486696308)
- ↑ P. Lévy Sur le développement en fraction continue d'un nombre choisi au hasard Compositio Mathematica pp 286 303 1936
[modifier] Liens externes
- (en) Un calculateur en ligne de fraction continue
- (fr) Développement d'un réel en fractions continues par M. Couchouron pour les développements périodiques et l'équation de Pell-Fermat
- (fr) Une démonstration pour la meilleure approximation par N. Brisebarre de l'Université de Saint-Etienne
- (fr) Histoire de fractions continues par C. Bresinski de l'Université des Sciences et Technologies de Lille
- (fr) Joseph-Louis Lagrange Solution d'un Problème d'arithmétique : La solution originale de Lagrange sur la représentation d'un élément d'un corps quadratique par une fraction continue.
[modifier] Bibliographie
- Jean-Paul Delahaye, Le fascinant nombre π, Pour La Science, Belin, 1997 (ISBN 2-9029-1825-9)
- Jean Dieudonné (dir.), Abrégé d'histoire des mathématiques 1700-1900 [détail des éditions]
- Marc Guinot, Arithmétique pour amateurs. Vol. 4 : Lagrange et Legendre Aléas, 1996 (ISBN 2-908016-71-0)
- (en) G. H. Hardy et E. M. Wright An Introduction to the Theory of Numbers [détail des éditions]
- A. I. Khintchine, Continued Fractions, University of Chicago Press.
- Jean Trignan, Fractions continues & Différences finies, Editions du Choix, 1994 (ISBN 2-909028-16-X)
- Bulletin de l'APMEP n° 450