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Mai 68 - Wikipédia

Mai 68

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Mai 68, terme désignant les événements survenus en France en mai-juin 1968, constitue une période et une césure marquantes de l'histoire contemporaine française, caractérisées par une vaste révolte spontanée, de nature à la fois culturelle, sociale et politique, dirigée contre la société traditionnelle et, plus immédiatement, contre le pouvoir gaulliste en place. La crise révéla et accéléra les profondes mutations de fond de la société des Trente Glorieuses. Enclenchée par une révolte de la jeunesse étudiante parisienne, puis gagnant le monde ouvrier et pratiquement toutes les catégories de population à travers l'ensemble du territoire, elle reste le plus important mouvement social de l'histoire française.

Les événements superposèrent essentiellement un mouvement étudiant et un mouvement ouvrier tous deux d'exceptionnelle ampleur. Au-delà de revendications matérielles ou salariales, et de la remise en cause du régime gaullien installé depuis 1958, ils virent se déployer une contestation multiforme de tous les types d'autorité. La jeunesse en révolte — ou du moins une partie active du mouvement lycéen et étudiant — revendiqua notamment la « libéralisation des mœurs », et au-delà, contesta la vieille Université, la société de consommation, le capitalisme et la plupart des institutions et valeurs traditionnelles.

Le « Mai français » s'inscrit par ailleurs dans un ensemble d'événements dans les milieux étudiants et ouvriers d'un grand nombre de pays. Il ne se comprend pas sans ce contexte d'ébullition générale de part et d’autre du Rideau de fer, notamment en Allemagne, en Italie, aux États-Unis, au Japon, au Mexique et au Brésil, sans oublier la Tchécoslovaquie du printemps de Prague ou la Chine de la Révolution culturelle.

En France, ces événements prennent cependant une coloration particulière car de puissantes manifestations d'étudiants sont rejointes à partir du 13 mai 1968 par la plus importante grève générale de l'Histoire de France, dépassant celle survenue en juin 1936 lors du Front populaire[1]. Elle paralyse complètement le pays pendant plusieurs semaines et s'accompagne d'une recherche effrénée de prise de parole, d'une frénésie de discussions, de débats, d'assemblées générales, de réunions informelles dans la rue, à l'intérieur des organismes, des entreprises, des administrations, des lycées et des universités, des théâtres, des maisons de jeunes ou encore des maisons de la culture.

Explosion souvent confuse et complexe, parfois violente, plus souvent encore ludique et festive[2], Mai 68 apparaît comme un moment d'illusion révolutionnaire lyrique, de foi ardente et utopique en la possibilité d'une transformation radicale de la vie et du monde. Ce que refléta notamment une prolifération de graffiti et de slogans imaginatifs restés dans la mémoire collective : « Sous les pavés, la plage », « Il est interdit d'interdire », « Jouissez sans entraves », « Cours camarade, le vieux monde est derrière toi », « La vie est ailleurs »...

Parfois qualifiée de « révolution manquée », et malgré le large recours à la rhétorique et aux symboles des révolutions françaises précédentes — barricades, drapeaux rouge et noir —, Mai 68 ne vit en réalité aucune tentative de conquête du pouvoir ni aucune volonté de dérapage vers la guerre civile. Aucun coup de feu ne fut tiré et seuls quelques morts furent à déplorer, surtout en juin.

Les historiens divisent classiquement le déroulement de Mai 68 en trois phases, une « période étudiante » (3-13 mai), une « période sociale » (13 - 26 mai) et une « période politique » (27-30 mai).

L'éclatement spontané de la crise prit complètement au dépourvu le pouvoir, ainsi que pratiquement toutes les organisations, partis et syndicats organisés. Le camp du pouvoir ne fut pas plus uni que celui de la contestation. Le Parti communiste français et son relais syndical, la CGT, refusèrent dans un premier temps de joindre leur cause à celle des étudiants vus comme « bourgeois » et a fortiori de leurs dirigeants d'inspiration libertaire (tels Daniel Cohn-Bendit) ou issus des divers groupuscules « gauchistes ». Ceux-ci étaient souvent eux-mêmes divisés (« marxistes-léninistes » prochinois, trotskystes, etc.) et incertains quant à l'attitude à avoir face au mouvement. Au sommet de l'État, la crise aggrava les divergences entre le général de Gaulle, peu compréhensif envers ce qu'il qualifie le 19 de « chienlit », et partisan d'une répression immédiate, et son Premier ministre, Georges Pompidou, qui préféra jouer la carte de la modération et de la compréhension pour mieux laisser le mouvement s'essouffler de lui-même. Les forces centristes et les gauches (Pierre Mendès France, François Mitterrand) tentèrent difficilement de canaliser vers la construction d'une alternative politique au régime gaullien un mouvement largement indifférent à la question de la prise du pouvoir.

Avant comme après le rejet par la base, le 27 mai, des accords de Grenelle négociés par son Premier ministre Georges Pompidou avec les syndicats, Charles de Gaulle apparaît flottant et dépassé par les événements. Après sa disparition-surprise de 24 heures le 29 mai, il revient de Baden-Baden et reprend l'initiative en décrétant le 30 la dissolution de l'Assemblée nationale. La lassitude et le retournement de l'opinion publique, longtemps favorable aux révoltés, amènent un raz-de-marée gaulliste aux élections anticipées du 30 juin. Les grèves cesssent progressivement courant juin, et les hauts-lieux de la contestation, tels que la Sorbonne et l'Odéon à Paris, sont évacués par la police.

Mai 68 a suscité dès l'époque de nombreuses controverses et interprétations divergentes sur sa nature, sur ses causes comme sur ses héritages. Il s'est prolongé, en ouvrant la voie aux nouvelles formes de contestations et de mobilisations des années 1970 (autogestion, écologie politique, mouvements féministes, décentralisation, « retour à la terre » et réveil des cultures provinciales, etc.). Sans débouché politique, l'événement a eu un impact considérable sur le plan social et surtout culturel, en étant à l'origine de nombreux acquis sociaux et de nombreuses réformes sociétales des années suivantes, qu'il s'agisse de la réforme de l'éducation, de l'évolution des mœurs, de l'émancipation des femmes, des jeunes, des homosexuels ou encore des différentes minorités.

Sommaire

[modifier] Origines

[modifier] Contexte économique

Paradoxalement, la crise de Mai 68 survient au terme d'une décennie de prospérité inégalée. Au plan économique, c'est l'apogée des « Trente Glorieuses ». La société de consommation s'est installée dans les mœurs, sans que l'on prenne vraiment conscience de toutes ses implications ni des déséquilibres mondiaux qui se développent.

Cependant, depuis quelques mois, voire une année, des symptômes importants d'une détérioration de la situation économique française ont fait leur apparition. Le nombre de chômeurs s'accroît régulièrement : début 1968, ils sont déjà près de 500 000. Les jeunes se trouvaient les premiers touchés et en 1967, le gouvernement doit créer l'ANPE. La grande grève des mineurs de 1963 a signalé le malaise d'un monde de la mine qui vit ses dernières années avant le début d'une crise fatale. Un nombre important de grèves se tiennent aussi entre 1966 et 1967, en région parisienne comme en province. Deux millions de travailleurs sont payés au SMIC et se sentent exclus de la prospérité, dont beaucoup d'OS des usines, de femmes ou de travailleurs immigrés. Les salaires réels commencent à baisser et les travailleurs s'inquiètent pour leurs conditions de travail. Les syndicats s'opposent ainsi aux ordonnances de 1967 sur la Sécurité sociale. Des bidonvilles existent encore, dont le plus célèbre est celui de Nanterre, directement sous les yeux des étudiants.

Même les catégories les plus privilégiées ne sont pas sans motifs d'inquiétude : la massification de l'enseignement supérieur a entraîné sur les campus d'innombrables problèmes de locaux, de manque de matériel, de transports. En 1967-1968, le gouvernement reparle aussi de sélection, ce qui inquiète les étudiants.

[modifier] Contexte politique

Au plan politique, le mouvement survient en une période d'usure de la République gaullienne, en place depuis 1958. En 1965, lors de la première élection présidentielle au suffrage universel direct tenue depuis 1848, le général de Gaulle a été mis en ballottage par François Mitterrand à la surprise générale. Aux élections législatives de 1967, sa majorité à l'Assemblée nationale se réduit à un seul siège. Les centristes tels Valéry Giscard d'Estaing assortissent de réserves critiques leur soutien au pouvoir (le « oui, mais » de 1967). Les démocrates-chrétiens tels Jean Lecanuet restent hostiles. La droite extrême et l'extrême droite ne pardonnent pas au général le procès de Vichy ni l'« abandon » de l'Algérie française. Les gaullistes de gauche s'irritent du maintien à Matignon de Georges Pompidou, jugé trop conservateur. Quant à ce dernier, une sourde rivalité l'oppose depuis 1965 au général de Gaulle, dont il lorgne en silence la succession. Le 13 mai 1968, le slogan « Dix ans, ça suffit ! » traduira dans les défilés une certaine lassitude de l'opinion.

De Gaulle était arrivé au pouvoir en mai 1958 en jouant habilement de circonstances exceptionnelles (en apparaissant comme un recours après l'émeute du 13 mai et la prise du pouvoir par l'armée à Alger). De ce fait, aux yeux de ses opposants, la légitimité de son régime reste fortement entachée par les soupçons d'un « coup d'État » originel. En dépit des succès du pouvoir (fin de la guerre d'Algérie et de la décolonisation, résorption de la crise économique, monétaire et financière, croissance soutenue) et de l'acclimatation progressive d'une constitution renforçant le pouvoir exécutif (régime semi-présidentiel, renforcé par l'élection du président de la république au suffrage universel direct et le recours aux référendums), ses pratiques autoritaires suscitent une critique croissante. Ainsi l'ORTF, détentrice du monopole de l'audiovisuel, se fait ouvertement le relais de la propagande officielle. A Paris,le préfet Maurice Papon, responsable des tueries du 17 octobre 1961 et du métro Charonne quelques années plus tôt à peine, n'a été remplacé qu'en 1967 par Maurice Grimaud, lettré humaniste venu de la gauche mendésiste. D'autre part, à 78 ans, la politique extérieure de prestige de Charles de Gaulle et son nationalisme d'une autre époque ne répondent pas nécessairement aux attentes plus matérielles, culturelles et sociales de la majorité des Français. En avril 1968, un célèbre éditorial de Pierre Viansson-Ponté dans Le Monde constate que « la France s'ennuie », reprenant le constat prophétique de Lamartine sous le gouvernement Guizot quelques années avant la révolution de 1848.

Le Parti communiste français, de loin la première force de gauche, peine à se déstaliniser et a de fait cessé depuis longtemps de poursuivre des objectifs révolutionnaires. Les bureaucraties sclérosées d'URSS et d'Europe de l'Est répugnent les jeunes militants d'extrême gauche, dont le modèle se situe désormais plutôt du côté de Cuba ou de la Chine populaire. Beaucoup critiquent aussi le PCF — parfois appelé P « C » F — pour son peu d'empressement à critiquer la dérive de l'URSS entre les mains des révisionistes liquidateurs du socialisme.

Parallèlement, les gauches non-communistes ne parviennent pas à sortir de leurs divisions et de leurs discrédits. Aussi un espace est-il ouvert pour que des groupes « gauchistes » se multiplient, en marge des grandes organisations officielles (trotskistes, prochinois, etc.). La politisation et l'agitation sont entretenues dans la jeunesse par exemple par les comités Viêtnam, formés majoritairement de lycéens et étudiants, qui dénoncent « l'impérialisme américain » visible par la guerre du Viêt Nam. La guerre froide fait aussi naître des idées antinucléaires.

[modifier] Origines culturelles

Mai 68 ne se comprend que dans un monde en rapide mutation. L'accélération de l'exode rural et de l'urbanisation, l'augmentation considérable du niveau de vie, la massification de l'éducation nationale et de l'Université, l'avènement de la culture des loisirs, du spectacle et des mass média, représentent des changements accélérés et sans précédents en moins d'une génération. Les années 1960 sont aussi celles de l'affirmation de la jeunesse en tant que catégorie socio-culturelle et politique à part entière. En particulier, la jeunesse a maintenant sa propre culture, avec une presse qui lui est destinée, des émissions de radio très suivies (Salut les copains !) ou ses chanteurs attitrés (les Beatles, les Rolling Stones, Johnny Halliday, etc.). Elle a aussi ses propres malaises et ses propres revendications (notamment en matière de liberté sexuelle) que les pouvoirs publics et le monde adulte tardent à comprendre.

Au plan religieux, la France, encore très catholique, vient de suivre avec passion le Concile de Vatican II, qui a profondément rénové mais aussi ébranlé le catholicisme traditionnel, et surtout les mouvements d'action catholique. En particulier, les Scouts de France représentant à l'époque une part non négligeable des jeunes chrétiens, ont modifié les rapports hiérarchiques dans leurs structures, remettant en cause à partir de 1964, un modèle de type militaire et introduisant la collégialité des décisions au sein des équipes. La Jeunesse étudiante chrétienne en ébullition doit être reprise en main par la hiérarchie dès 1964. Le mouvement des prêtres-ouvriers, dont la condamnation est levée en 1965, reprend son essor. Beaucoup de chrétiens se préoccupent de rénover les relations des fidèles aux autorités religieuses, de revisiter les pratiques et les dogmes, voire de réconcilier foi et révolution.

Sur le plan sociologique, la dynamique de groupe s'est répandue pendant les années 1960 dans les formations des responsables de toutes les organisations et des entreprises. La mode est au débat.

Mais les clivages sociaux sont encore extrêmement rigides. 92 % des étudiants viennent encore de la bourgeoisie. Le paternalisme autoritaire est omniprésent. On commence à ouvrir des lycées « mixtes[3] », mais beaucoup d'établissements scolaires sont encore réservés aux garçons ou aux filles seulement. Les filles ne sont pas autorisées à porter le pantalon. Il est impossible de fumer dans un établissement ou, dans les universités, d'accéder pour les hommes aux internats de filles.

La France a autorisé l'usage de la pilule contraceptive dès 1967, mais elle est encore peu répandue. L'éducation n'a pas encore connu de réformes structurelles et le décalage est criant entre les aspirations d'une jeunesse et les cadres moraux qu'ils ressentent comme dépassés.

Au plan philosophique, plusieurs auteurs ont eu une influence importante au moins sur une partie du mouvement, pendant et après : le freudo-marxiste Wilhelm Reich, dont le manifeste, La révolution sexuelle, est paru en 1936 ; le livre d'Herbert Marcuse L'Homme unidimensionnel, sous-titré Essai sur l'idéologie de la société industrielle avancée, paru en France en 1964 puis réédité en 1968 ; le Traité de savoir vivre à l'usage des jeunes générations de Raoul Vaneigem, paru en 1967 ; La Société du spectacle de Guy Debord, paru en 1967 ; et, plus tard, L'Anti-Œdipe de Gilles Deleuze et Félix Guattari, publié en 1972. D'autres penseurs comme Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron critiquent la « reproduction sociale » qui permet aux élites de conserver leur domination de génération en génération. À l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, le philosophe communiste Louis Althusser a formé une génération de penseurs marxistes-léninistes français, qui forment l'embryon des premières organisations maoïstes.

Cependant, peu des penseurs éminents de l'époque prendront part en personne au mouvement, dont l'explosion les surprendra autant que tout le monde. En général, ils seront initialement perplexes, réservés voire hostiles.

Une partie de la jeunesse radicalisée regarde avec fascination vers les mouvements révolutionnaires du Tiers-Monde : Che Guevara, Fidel Castro, Ho Chi Minh servent de modèle, tandis que l'irruption sur la scène chinoise des jeunes gardes rouges donnent l'illusion que la jeunesse en tant que telle peut avoir un pouvoir politique dans la société et remettre en cause l'autorité des adultes et des pouvoirs. On suit aussi attentivement les luttes menées aux Etats-Unis par le mouvement d'émancipation des Noirs, ou encore par les sit-in et les diverses recherches du mouvement hippie et étudiant (Berkeley). En avril 1968, des incidents retentissants opposent étudiants du Mouvement des étudiants allemands socialistes (Sozialistischer Deutscher Studentenbund) et autorités ouest-allemandes. Le caractère international de ces mouvements permet de replacer les événements français au sein d'une dynamique mondiale.

[modifier] Origines immédiates

Le mouvement du 22-Mars, prenant le relais de la contestation menée par de petits groupes tels les anarchistes et les Les enragés de René Riesel, se fait connaître ce jour-là en occupant un étage de la tour administrative de lafaculté de Nanterre. Sa principale revendication est la protestation contre des arrestations opérées quelques jours plus tôt lors des manifestations contre la guerre du Viêt Nam.

Le mouvement est porteur d'un idéal politique très libéral au sens des libertés individuelles et très critique vis à vis de la société de consommation, de l'autoritarisme, de l'impérialisme. Le mouvement joue aussi de thèmes touchant à la vie de tous les jours, comme par exemple le droit d'accès pour les garçons aux résidences universitaires des filles.

Il n'y a pas eu à proprement parler de « figures de proue » du mouvement qui est demeuré « multiforme » et sans organisation centralisée. Certains sont cependant devenus, a posteriori, des emblèmes du mouvement même si leurs discours, singuliers, ne sauraient résumer la diversité d'opinions qui existaient au sein des masses et si, pour certains, ce discours postérieur a parfois consisté à réécrire les événements. Parmi eux, Serge July, Daniel Cohn-Bendit mais également les « nouveaux philosophes » comme par exemple Bernard-Henri Lévy. L'écrivain Robert Merle, prix Goncourt 1949 et professeur d'anglais à la faculté de Nanterre, a consacré un roman entier à la journée du 22 mars et celles qui l'ont précédée. On y retrouve beaucoup de leaders de l'époque, ainsi qu'une bonne analyse des causes et rêves du mouvement[4]. Cet ouvrage, sur les événements, est bien complété par celui de Kristin Ross sur les discours qui ont été tenus sur Mai 68, de 1968 à nos jours[5].

Les causes de ce mouvement sont diverses. Les analyses historiques tournent à la fois autour de l'idée qu'une grande rigidité cloisonnait les relations humaines et les mœurs et de la constatation d'un début de dégradation des conditions matérielles après la période de reconstruction suivant la Seconde Guerre mondiale. À l'époque, de nombreux bidonvilles jouxtent la capitale notamment celui de Nanterre. Les étudiants qui se rendaient dans la faculté fraîchement construite découvrirent ce milieu, la pauvreté, la condition ouvrière. Le mécontentement naissant dans le milieu étudiant sera relayé par celui qui se profilait depuis plusieurs années dans le secteur ouvrier.

[modifier] Résumé général des événements

Numéro 1 de l'Enragé, dessin de Siné
Numéro 1 de l'Enragé, dessin de Siné

Le 3 mai, la cour de la Sorbonne est occupée par 400 manifestants qui tiennent meeting sans heurt particulier. Devant le risque d'une attaque des étudiants d'extrême droite (Occident, d'inspiration fasciste et violent, annonce une marche sur l'établissement dans le but avoué d'une confrontation brutale), elle est évacuée par une intervention policière musclée : plusieurs centaines d'étudiants sont arrêtés, dont Jacques Sauvageot, le dirigeant du principal syndicat étudiant. Cette intervention des forces de l'ordre à la Sorbonne, sans préavis ni négociations, est très mal vécue par les étudiants, qui se pensaient protégés par le statut universitaire. Les étudiants réagissent aussitôt par des manifestations violentes contre les forces de l'ordre : jets de pavés, puis barricades. Ces manifestations reprennent ensuite à l'annonce de peines de prison pour les manifestants, pendant lesquelles commencent à fleurir les slogans libertaires.

Le président du SNE-Sup (syndicat des enseignants du supérieur), Alain Geismar, décide de soutenir les manifestants. Les membres du Parti communiste et de certaines organisations d'extrême gauche (maoïstes, AJS) sont d'abord pris de court : pour eux, la révolution est censée venir des ouvriers, et non des étudiants ; de plus, les revendications du mouvement du 22-Mars leur paraissent « puériles » et « petit-bourgeoises » et surtout « gauchistes ». Après un moment de flottement, ils essayent toutefois de gagner les ouvriers à cette « révolte ». La CGT, pour sa part, ne les suit pas et son secrétaire général de l'époque, Georges Séguy, s'en expliquera plus tard devant les médias : « Cohn-Bendit qui est-ce ? Sans doute faites-vous allusion à ce mouvement lancé à grand renfort de publicité qui, à nos yeux, n'a pas d'autre objectif que d'entraîner la classe ouvrière dans des aventures en s'appuyant sur le mouvement des étudiants ». Mais la base de ces organisations traditionnelles de gauche dépasse leurs responsables.

Dans la nuit du 10 au 11 mai, les étudiants occupant le Quartier latin dressent plusieurs dizaines de barricades qui sont finalement prises d'assaut dans la nuit par les CRS. On relève des centaines de blessés. Face à la répression policière, la population a tendance depuis les premiers jours à prendre majoritairement fait et cause pour les étudiants. A l'aube, syndicats et partis appellent à une démonstration de solidarité pour le surlendemain.

Le 13 mai une immense manifestation traverse Paris. Le syndicat CFDT parle d'un million de manifestants. La préfecture de police n'en concède même pas deux cent mille.

Le chef de l'État, le général de Gaulle, en voyage officiel en Roumanie du 14 au 19 mai, n'accorde initialement pas beaucoup d'attention à ces manifestations. Il laisse son Premier ministre Georges Pompidou s'en occuper : on dira de lui plus tard que « rares sont les hommes politiques, tel M. Pompidou, pour encaisser à ce point pendant les insultes ». Celui-ci a interrompu le 12 un autre voyage officiel en Afghanistan pour faire face à la situation. Il exige que les forces de police quittent la Sorbonne, afin de calmer la situation. On croit alors qu'il tergiverse et cède mais en réalité ce mouvement est tactique : il espère que les excès des étudiants déconsidéreront leur mouvement au regard de l'opinion (lettre citée par Raymond Aron dans ses Mémoires, p.667). Sceptique face à cette ligne de modération tactique, de Gaulle reste pour l'heure à l'écart, en se réservant la possibilité d'intervenir si besoin.

Sans mot d'ordre aucun, et à la surprise des responsables de chaque camp, la grève générale symbolique prévue pour le 13 mai ne s'arrête pas à ce jour-là. Le mouvement ne fait au contraire que s'étendre rapidement dans le courant du mois : c'est la première grève générale sauvage de l'Histoire. C'est aussi la première fois qu'une grève générale paralyse un pays parvenu au stade de la société de consommation.

Des grèves et occupations d'usine spontanées se multiplient donc jusqu'à mi-mai. La première a lieu à l'usine Sud-Aviation Bouguenais (Nantes) le 14 mai avec 2682 salariés. Le 22 mai, 10 millions de salariés ne travaillent pas (en grève ou empêchés de travailler). Les revendications sont à la fois traditionnelles (augmentation des salaires, meilleures conditions de travail) et nouvelles. Il s'agit en effet de revendications qualitatives (pour plus d'autonomie, responsabilité du salarié, forme de cogestion des entreprises...).

Dans tout le pays, les portes s'ouvrent à n'importe quel citoyen, la parole se libère et devient pour quelques semaines la raison d'être des Français. Enthousiasmé ou catastrophé, dubitatif ou méditatif, chacun selon sa sensibilité participe ou observe. Des dialogues intenses se nouent dans les rues, entre inconnus, et à travers les générations.

L'un des symboles de ces lieux de débats est le théâtre de l'Odéon à Paris où l'on peut entendre s'affronter, dans des débats pris très au sérieux jour et nuit, quelques syndicalistes délégués de chez Renault, des ménagères du quartier, des étudiants, un groupe de jeunes de droite de Neuilly-sur-Seine venus en touristes, un autre groupe de lycéens d'une banlieue ouvrière, autres touristes, tel ou tel artiste célèbre, des professeurs, un conseiller municipal aux abois, un ou deux cadres d'entreprise catastrophés, pendant que dans les coulisses du théâtre, quelques échevelés de la libération sexuelle se livrent à des ébats spontanés et sans intimité.

À tout moment dans tel ou tel lieu de France, un militant de telle ou telle organisation, plus ou moins rompu à la dynamique de groupe en vogue, s'impose pour faire voter une « motion » en « assemblée générale » qui se perd dans un flot de tracts et achève parfois sa course dans un article de presse, si un journal peut paraître, suivant le destin d'une bouteille à la mer lancée à Maubeuge et ouverte dans l'Île de la Cité. On découvrira des attitudes personnelles surprenantes, comme celle du député Valéry Giscard d'Estaing allant seul à l'aube à la rencontre des ouvriers de Billancourt qui occupent leur usine.

Les accords de Grenelle négociés entre Georges Pompidou et les syndicats laissent croire un moment à une sortie de crise en échange d'une fournée d'acquis sociaux sans précédent depuis la Libération voire depuis les accords Matignon du 7 juin 1936 : droit syndical dans l'entreprise, augmentation du Smic de 30 %, paiement des jours de grève à 50 %, etc. Cependant, la base boude les accords et aucune reprise du travail en se manifeste.

La crise devient politique. Alors que le général de Gaulle apparaît flottant et dépassé (son intervention télévisée du 24 mai, proposant un référendum, est tombée à plat de son propre aveu, et n'a suscité qu'une nouvelle nuit de barricades parisiennes, plus violente que la précédente), une alternative semble s'esquisser non sans mal à gauche. Certains comme François Mitterrand parlent d'un gouvernement provisoire qui serait dirigé par Pierre Mendès France. C'est aussi vers ce dernier que se tournent beaucoup de regards, jusque de la part des centristes et de certains hommes de droite, et c'est en lui aussi que mettent leurs espoirs les organisateurs du meeting du stade Charléty (CFDT, UNEF et animateurs de Mai), réunis le 27 mai au soir. Quant au PCF, dubitatif mais menacé d'être débordé, il fait défiler ses troupes en bon ordre le 29 pour exiger un « gouvernement populaire » aux contours imprécis mais dont il serait une partie prenante essentielle.

C'est ce 29 mai qu'au plus fort de la contestation et du désarroi, de Gaulle disparaît pendant plusieurs heures, à la surprise générale. Cela plonge Pompidou et la majorité dans une certaine angoisse. Sans prévenir personne, de Gaulle va consulter son ancien compagnon de lutte le général Massu en Allemagne, au lieu de se rendre comme annoncé à sa résidence secondaire de Colombey. Veut-il s'assurer symboliquement du soutien de l'armée, dont nul ne souhaite en réalité l'intervention ? Veut-il déconcerter l'adversaire et jouer sur la peur du vide, alors que l'opinion commence à se retourner devant l'absence de perspective du mouvement ? Epuisé et déconcerté, a-t-il eu un authentique moment de passage à vide voire la tentation de se retirer ? Il semble que toutes ces raisons se soient conjuguées.

Revenu à Paris le lendemain midi 30 mai, de Gaulle accepte la proposition de Georges Pompidou de dissoudre l'Assemblée nationale pour organiser de nouvelles élections législatives[6]. Le Premier ministre estime avec justesse que le mouvement étudiant, poursuivant la grève en dépit de l'accession à ses revendications, s'est rendu impopulaire. L'après-midi, tandis qu'une marche de soutien au gouvernement, menée par André Malraux et Michel Debré, réunit sur les Champs-Elysées trois cent mille manifestants selon la préfecture de police et un million selon les gaullistes, de Gaulle annonce la dissolution par la radio dans un discours bref qui change brusquement la donne (voir Charles de Gaulle pour quelques extraits).

La situation se renverse peu à peu. Après plusieurs épisodes violents début juin — violents affrontements à Renault-Flins les 7 et 10 et à Peugeot-Sochaux le 11 —, les grèves cessent progressivement. Une troisième « nuit des barricades » au Quartier latin les 11 et 12 juin n'est plus que le fait d'irréductibles. Le 12 juin, plusieurs organisations « gauchistes » sont dissoutes. L'Odéon et la Sorbonne sont évacués sans difficulté par la police quelques jours plus tard. De nombreux journalistes grévistes sont licenciés à l'ORTF, tandis que la répression s'abat sur certains leaders du mouvement, tels Daniel Cohn-Bendit, interdit durablement de séjour. Les élections des 23 et 30 juin s'achèvent sur un raz-de-marée électoral pour les gaullistes, dont le groupe emporte la majorité absolue à l'Assemblée, situation sans précédent. Mais ces jours ont aussi porté en germe un net refroidissement des relations entre Georges Pompidou et le général de Gaulle : aussitôt les élections remportées, ce dernier le remplace par Maurice Couve de Murville à la tête du gouvernement.

Néanmoins, les Français ont appris à apprécier en ces jours-là le vrai vainqueur de la crise : de Gaulle n'est plus irremplaçable et, après l'échec du référendum du 28 avril 1969, suivi de sa démission immédiate, c'est sans surprise que Georges Pompidou accédera à l'Elysée.

L'échec politique du mouvement n'empêche pas un certain succès social et culturel : jamais ratifiés, les accords de Grenelle sont tacitement appliqués. L'Université napoléonienne est démantelée fin 1968 par la loi Edgar Faure, la décentralisation relancée. Si la tentative du Premier ministre Jacques Chaban-Delmas (1969-1974) de satisfaire certaines aspirations de Mai 68 se heurtent au plus grand conservatisme de Pompidou, d'autres satisfactions seront apportées par le président Valéry Giscard d'Estaing en 1974 (dépénalisation de l'IVG, fin de la censure, majorité civile à 18 ans, etc.) ou encore par la gauche au pouvoir après 1981 (libéralisation de l'audiovisuel, loi Defferre sur la décentralisation, etc.)

[modifier] Chronologie des événements

[modifier] 1er mai

Traditionnel défilé à l’appel de la CGT, du PCF et du PSU (République - Bastille). La CFDT, la FGDS et la FEN ont refusé de s’associer.
Daniel Cohn-Bendit est appelé à comparaître le 6 mai devant la Commission des affaires contentieuses et disciplinaires de l'Université.
La rumeur court que les « fafs » vont attaquer Nanterre le 2 mai. Ils ont fait venir des renforts de province. Dès la nuit, avec l’aide des membres des Comités Vietnam de base accourus en foule, la faculté est mise en état d’autodéfense.
Chapelle de la Sorbonne
Chapelle de la Sorbonne

[modifier] 2 mai

  • 7h45 : À la Sorbonne, Occident met le feu au bureau de la Fédération générale des étudiants en lettres, la FGEL. Les pompiers accourent sur les lieux dans les minutes qui suivent et maîtrisent le feu. Sur le mur on découvre un cercle barré d’une croix celtique, l’insigne d’Occident. Personne n’a vu ces incendiaires, dont le feu, vite étouffé dans ce local, va tout embraser. En signe de protestation, les Groupes d’études de lettres (FGEL) annoncent un meeting le lendemain vendredi 3 mai, dans la cour de la Sorbonne : « Nous ne laisserons pas les étudiants fascistes maîtres du Quartier latin. » Mais ils prennent aussi la défense de Cohn-Bendit : « Jamais les étudiants ne permettront que la répression policière s’abatte sur un des leurs par le biais d’un tribunal universitaire. »
Dès le matin, la rumeur n’est plus mise en doute par personne (les preuves sont là, à la Sorbonne) et va déclencher la révolte : le mouvement Occident, constitué de militants d’extrême droite et aidé pour l’occasion par d’anciens parachutistes, a fait savoir qu’il s’apprêtait, pour le lendemain, à attaquer Nanterre et à rétablir l'ordre. C’est le branle-bas de combat sur le campus.
En prévision, on s’arme de gourdins, de boulons, on fabrique des cocktails Molotov et entasse des barres de fer. L’effectif du commando d’Occident, parachutistes compris, dépasse les 200 éléments.
Le meeting qu’Occident compte tenir n’est qu’un prétexte pour en découdre et l'avertissement est pris au sérieux. Les Pro-chinois de l’UJCml se préparent donc à recevoir dignement leurs visiteurs et transforment la faculté en camp retranché avec occupation « stratégique » des toits, lance-pierres, catapultes géantes pour projectiles géants (généralement des tables), cocktails Molotov, caillasses, etc. Des guetteurs casqués ont pris place sur le toit munis des caisses de boulons et de cailloux. Il y a des sentinelles partout, aux portes et aux fenêtres des bâtiments. Matraque à la main, casque à la ceinture, les chefs patrouillent. Des tranchées creusées sur le campus sont prévues pour enrayer la progression de l’adversaire et bloquer ses voitures. Des contacts ont même été pris avec des ouvriers qui travaillent dans un chantier voisin, pour que, si le besoin s’en faisait sentir, ils appuient les étudiants avec leurs bulldozers ! Les étudiants de l’université de Pékin servent de modèles, ils ont déjà eu recours à cette stratégie de défense qui prévoit de faire du campus un camp retranché. On se passe de main en main un tract d’Occident : « Nous montrerons demain que nous sommes capables de nous opposer à la terreur rouge et de rétablir l’ordre avec les moyens qui s’imposent ».
Finalement, Occident ne viendra pas, mais la police si. Un bâtiment de la résidence est transformé en Fort-Chabrol.
Au milieu de l'effervescence, on apprend que huit étudiants du Mouvement du 22 Mars sont convoqués devant la Commission des affaires contentieuses et disciplinaires de l’Université de Paris, que préside Robert Flacelière, directeur de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm et vice-président du Conseil de l’Université, pour le lundi 6 mai, à 11h30. Les accusés qui doivent répondre de la soirée du 22 mars sont : Daniel Cohn-Bendit, Olivier Castro, Michel Pourny, Daniel Schulmann, Yves Fleischl, Jean-Louis Ploix, Jean-Pierre Duteuil et René Riesel.
En fin de matinée, le doyen de Nanterre, M. Pierre Grappin, et le recteur Roche se rendent sur place pour constater la situation avec le directeur des enseignements supérieurs du ministère, M. Olmer. Ils sont inquiets. Grappin ne voit pas d’autre solution que de suspendre les cours, comme en mars. On est à quinze jours des examens, la faculté peut à la rigueur rester fermée jusque-là : « D’ailleurs, après avoir marqué le coup, nous prévoyons de la rouvrir progressivement si la situation le permet. »
  • 13h45 : un tract des « 22 mars » lance le mot d’ordre : « Hors de Nanterre les ratonneurs ! Les commandos fascistes seront exterminés. »
Dans l’après-midi, 300 étudiants environ réquisitionnent le grand amphi de la faculté pour la projection de films sur la guerre du Viêt Nam et sur le Black Power. René Rémond trouve son amphithéâtre occupé avec une pancarte sur la porte : « Le cours de Rémond n'aura pas lieu. » L’historien, furieux, proteste, mais rien n’y fait. Il reçoit pour tout encouragement une table dans les jambes, on le hue, on l’expulse et il est contraint de faire demi-tour. Les cours de François Bourricaud, de Michel Crozier et d'Alain Touraine sont également perturbés.
  • 19h : Devant la tournure prise par les évènements, le doyen Grappin, en accord avec le ministre Alain Peyrefitte et le recteur Roche, décide de suspendre les cours et les travaux pratiques à l’Université de Nanterre « jusqu’à nouvel ordre » à compter du lundi 6 mai à 9 heures.
Le journal télévisé de 20 heures sur la première chaîne diffuse l’appel du doyen Grappin qui s’élève contre l’action de « petits groupes d’extrémistes ». Le départ pour l’Iran et l’Afghanistan du Premier ministre Georges Pompidou est également diffusé ce même soir.
Communiqué de l’UNEF et du Mouvement du 22 mars pour une manifestation le 6 mai à 10 h à la Sorbonne : s’opposer à la répression engagée contre certains étudiants.

[modifier] 3 mai

  • 12h : Le soulèvement des étudiants de Nanterre gagne le quartier Latin à Paris. En accord avec plusieurs organisations d’extrême gauche (la JCR d’Alain Krivine, la FER de Stephane Berg), le Mouvement d’action universitaire, l’UNEF et le Mouvement du 22 mars s’associent au meeting dans la cour de la Sorbonne pour protester à la fois contre l’incendie des locaux de la FGEL, la veille, par le groupe d’extrême droite « Occident » et contre la comparution de Daniel Cohn-Bendit et de ses camarades devant le conseil de discipline de l’Université le 6 mai : « Protester contre la fermeture de Nanterre et la comparution de huit étudiants devant une commission de discipline, le lundi suivant. » Environ 200 étudiants, placés sous le commandement de Xavier Langlade, le chef du « SO » (service d’ordre) de la JCR, sont présents.
Un trotskiste de la FER commence par invoquer la nécessaire alliance avec la classe ouvrière. Puis, un militant lit à haute voix l’éditorial de Georges Marchais dans L’Humanité. Ensuite, Cohn-Bendit, harangue le public : « Que la Sorbonne devienne un nouveau Nanterre ! », lance-t-il. C’est ensuite au tour de Jacques Sauvageot, 25 ans, licencié en droit et en histoire de l’art, militant du PSU et vice-président de l’UNEF (dont il assure la présidence par intérim depuis avril), inconnu de Cohn-Bendit et des autres, de prendre la parole. Tout ce beau monde attend, en outre, de pied ferme les nationalistes qui, après la fermeture de Nanterre, ont promis de leur faire rendre gorge.
  • 13h : Le meeting est un bide. On se disperse non sans avoir convenu de reprendre la manifestation à 14 heures.
Pendant ce temps-là, le général de Gaulle reçoit quelques personnalités pour déjeuner. Parmi elles, l’acteur Fernandel qui a fait décaler le tournage d’un film pour être présent.
  • 14h00 : À nouveau, 300 étudiants se retrouvent dans la cour de la Sorbonne. Les orateurs se succèdent dans la cour de la Sorbonne pour inviter à faire du lundi 6 mai, jour fixé pour la séance de la Commission, une grande journée de protestation. Des forces de police, sur requête du recteur soucieux d’assurer la « liberté des examens » quadrillent le quartier et se massent discrètement aux alentours de la Sorbonne. Une heure se passe poussivement ; il faut que les services d’ordre de la Jeunesse communiste révolutionnaire et de la FER occupent la scène en entonnant leurs hymnes guerriers et prolétariens pour que l’attention se maintienne.
En début d’après-midi, les lecteurs parisiens du supplément littéraire du Monde prennent connaissance de la parution de quelques ouvrages : un roman d’André Stil, conforme à la ligne esthétique du parti communiste, deux recueils : un de textes castristes et un sur Mao. Ils sont informés de la situation des lettres suisses. À la une, un billet très critique de Robert Escarpit : « …Rien n’est moins révolutionnaire, rien n’est plus conformiste que la pseudo-colère d’un casseur de carreaux même s’il habille sa mandarinoclastie d’un langage marxiste ou situationniste… ». Tandis que la police s’apprête à pénétrer dans la Sorbonne, 45 enseignants de Nanterre se réunissent dans les locaux de leur faculté, désertée après la décision de suspendre les cours, afin de débattre du texte rappelant l’urgence d’une réforme universitaire, qu’Alain Touraine, Paul Ricoeur et Guy Michaud ont rendu public dans Le Monde du 2 mai. Soulignant que la perturbation des cours par l’extrême gauche a été exagérée, ils estiment que l’Université et les universitaires sont, en partie, responsables de la vague de violence et d’agitation.
  • 15h00 : Deux cents militants d’extrême droite du mouvement Occident, armés de matraques, menacent de pénétrer dans la Sorbonne. À leur tête, on reconnaît Alain Madelin et à ses côtés le jeune Alain Robert. Le groupe arrive de la faculté de droit de la rue d’Assas. Ce dernier a battu le rappel des troupes qui, passées par l’Observatoire, arpentent maintenant le boulevard Saint-Michel et se dirigent vers la Sorbonne aux cris de « Communistes assassins », « Occident vaincra », « Tuons tous les communistes » et « Occident au pouvoir ». Dans la cour de la Sorbonne, une estafette essoufflée apporte la nouvelle : Occident se rassemble près de l’Observatoire et marche en rangs serrés vers la Sorbonne. Des observateurs vont et viennent, des sentinelles prennent place aux portes de la Sorbonne, le camp retranché à nouveau s’organise dans les fausses nouvelles, les bruits alarmistes, la confusion. Prochinois de l’UJC (ml) et trotskistes de la JCR sortent les casques de leurs sacs de plastique, on arrache des pieds de chaise, on ramasse des pierres dans un couloir en travaux. Un petit état de siège bruyant et fébrile s’empare de la Sorbonne, où la plupart des étudiants sont en cours ou bien passent sereinement l’agrégation dans l’amphithéâtre tout proche.
  • 15h10 : Ces préparatifs stratégiques impressionnent le recteur Roche, qui craint la contagion nanterroise. Entretien des responsables de l’UNEF, de la FER et de la JCR avec le secrétaire général de l’Université, qui leur demande d’évacuer la Sorbonne. Les étudiants refusent. Roche commence alors par faire évacuer et fermer les amphithéâtres où l’on donne des cours, ce qui a pour effet de grossir la petite troupe qui transforme la cour en mini-camp retranché. Puis il appelle ses supérieurs. Tout d’abord, il discute avec le directeur de cabinet du ministre de l’Éducation nationale. Tous conviennent que les conditions d’une intervention policière sont réunies. Couvert par ses supérieurs, Roche appelle alors la préfecture (Jean Paoli, directeur de cabinet de Maurice Grimaud), laquelle, réticente, demande une réquisition écrite pour intervenir. Ensuite, à la demande du recteur Jean Roche qui craint des affrontements violents entre étudiants de gauche et de droite, les forces de l’ordre bloquent les entrées et sorties de la Sorbonne. Sont visibles dans la cour environ 150 jeunes gens dont une vingtaine sont casqués et munis de barres en bois provenant de tables et de chaises qu'ils ont brisées auparavant. Le secrétaire général de la Sorbonne, Bourjac, est séquestré dans son bureau jusqu'à ce qu'il accorde les clés des amphithéâtres. Des voitures de service, qui se trouvent dans la cour, sont déplacées pour former une barricade devant la voûte d'entrée, et les Nanterrois, avec des pioches, commencent à dépaver la cour pour édifier des barricades.
Le groupe de militants d’Occident arrive rue des Écoles avant d’accélérer dans la foulée. Au même instant, un policier en civil revêtu d’un long manteau de cuir noir ordonne à ses policiers en tenue et casqués de charger le cortège, qui galope vers l’entrée de la Sorbonne et grimpe quelques marches avant de faire brusquement demi-tour. Ils s’éloignent, alors que les policiers qui les traquent ne semblent pas réellement chercher à les rattraper. Le commando d’extrême droite se désagrège et se disperse dans les rues avoisinantes.
  • 15 h 35 : Le commissaire du Ve arrondissement reçoit une missive explosive de quatre lignes qui va entraîner les premiers affrontements du Quartier latin : « Le recteur de l'académie de Paris, président du conseil de l'université, soussigné, requiert les forces de police de rétablir l'ordre à l'intérieur de la Sorbonne en expulsant les perturbateurs. » L'inattendu suscite l'étonnement des plus radicaux : la police va pénétrer dans la Sorbonne, alors que les bâtiments universitaires lui sont interdits.
  • 16h15 : Les gardes mobiles bloquent les issues de la Sorbonne.
  • 16h30 : La rue de la Sorbonne est évacuée et ses deux extrémités sont bloquées.
  • 16h40 : Le calme est revenu parmi les étudiants : il ne se passe rien. Un cri : « Attention, ils arrivent ! » Le commandant Petit et ses hommes pénètrent en longue file dans la cour de la Sorbonne. Stupéfaits, les étudiants hésitent, discutent entre eux. Qu’ils se battent et ils prendront des coups sans espoir de s’échapper. Inutile et dangereux. Ils décident finalement de sortir dans le calme et en silence. Alain Krivine, Jacques Sauvageot et Stéphane Berg s’avancent en délégation vers le commissaire Petit.
  • 16h45 : Pendant ce temps, les quelques étudiants échappés par derrière cherchent des renforts dans le quartier Latin. L’afflux des forces de police, le bouclage de la rue de la Sorbonne et de la rue des Écoles ont attiré, en un clin d’œil, une petite foule. Ceux qui déambulent boulevard Saint-Michel, badauds ou militants arrivés en retard pour le meeting, s’arrêtent devant le spectacle.
À 16 h 45, ils sont peut-être mille, mais, par un prompt renfort, ils seront plus de deux mille à 17 heures.
  • 17h00 : Après quelques mots échangés avec le commissaire de police, les étudiants acceptent de sortir sans se défendre si la police les laisse filer. Les forces de l'ordre ne tiennent pas leur parole. Des gendarmes casqués et bâtons en mains font évacuer la Sorbonne. La routine policière veut que l’on contrôle l’identité des « perturbateurs » désignés par le recteur. Ils sont trop nombreux pour qu’on puisse le faire sur place. Quelques 400 étudiants sont donc embarqués dans les cars qui attendent à l’extérieur.
  • 17h10 : Un premier convoi (trois cars) d'étudiants arrêtés quitte la Sorbonne sans difficulté. Par manque de « paniers à salade », l’embarquement durera plus de trois heures.
  • 17h15 : On compte trois mille personnes aux abords de la Sorbonne. Les incidents sérieux commencent à 17 h 15 place de la Sorbonne, lors du départ du second convoi. La place de la Sorbonne est dégagée à l’aide de grenades lacrymogènes. Des manifestants se regroupent boulevard Saint-Michel et harcèlent les forces de l’ordre. Des cris s'élèvent, « Libérez nos camarades », « La Sorbonne aux étudiants », «  Halte à la répression » et même « CRS SS » ; bientôt repris en chœur. La foule grandit, les cars de CRS ont du mal à se frayer un passage. Le préfet Grimaud est là en personne.
Un commissaire raconte: « À 17 h 16, des manifestants arrivent de la rue Champollion vers la Sorbonne. Leur nombre peut être évalué à 1 000. Ils appliquent une technique de harcèlement ponctuée de heurts sévères mais de courte durée. » La police reçoit l'ordre de « nettoyer » les abords. Pour dégager les deuxième et troisième cars de « détenus », secoués par la foule, et permettre le transbordement de certains d'entre eux, un pneu ayant été crevé par les manifestants, la police tire des grenades de gaz lacrymogène. Des manifestants, luttant contre l’asphyxie, brisent une grille d’arbre et descellent quelques pavés, les premiers. Cette fois tout commence.
Quelques-uns des dirigeants de l’UJCml se trouvent à leur fief de l’ENS. Cinquante-deux étudiants de Nanterre, membres du Mouvement du 22 mars, qui ont assisté au début de l’émeute arrivent en courant les chercher. On leur dit : « Il faut que vous veniez vite, on se bat sur le boulevard Saint-Michel. » Ils l’entendaient à la radio ; « On a besoin de vous, vous seuls pouvez sauver la situation ! » Ils ont répondu : « C’est sûrement des gens de droite qui se battent, sans ça, nous, on y serait déjà. »
  • 17h30 : Boulevard Saint-Michel, devant le lycée Saint-Louis, un premier pavé fuse. Il fracasse la vitre d'un car de CRS et fend le crâne du brigadier Christian Brunet qui s'écroule. La réponse est immédiate. Les policiers chargent, repoussent les manifestants en matraquant tout sur leur passage. Les rangs des contestataires grossissent. Tout le monde goûte à la répression, les manifestants, les passants, les étudiants, les clients des cafés, commerçants, touristes, riverains, ceux qui veulent s'interposer... Les policiers s’efforcent de repousser les manifestants sans cesse plus nombreux vers la place Saint-Michel et la Seine. Les arrestations se multiplient. Elles ont nécessité l'usage de grenades lacrymogènes. Pour la première fois, des jeunes occupent le pavé parisien et retrouvent les réflexes des communards. Une explosion de violence qui stupéfie les policiers.
  • 18h30 : Le quartier Latin est en état de siège. Les manifestants se comptent par milliers. C’est une mini-guérilla urbaine qui commence. Henri Dacier, qui allait au cinéma aux Trois Luxembourg, rue Monsieur-le-Prince, est matraqué au sol devant son amie. Ils se joignent tous deux aux émeutiers. Au coin de la rue de l’École de médecine, Claude Frèche, arrête sa 404 et demande ce qui se passe à un agent. Pour toute réponse, il reçoit deux coups de matraque et rejoint les manifestants. Un camionneur descend de son véhicule boulevard Saint-Michel et fait tournoyer la grande manivelle qu’il tient à la main. Les policiers reculent.
  • 20h00 : Le recteur Roche ordonne la fermeture de la Sorbonne et l'annexe de Censier, réservée au premier cycle, jusqu’au retour au calme.
  • 20h05 : Les premières barricades sont édifiées, à l’aide de grilles d’arbres et de panneaux publicitaires notamment.
  • 20h25 : Le quartier Latin est un champ de bataille où s’affrontent des militants de gauche organisés en petits groupes et des gardes mobiles souvent débordés. Dans les petites rues autour du « Boul’-Mich », Nicole Le Guennec et quelques autres militants pro-chinois renversent les voitures en stationnement. Au carrefour Saint-Michel-Saint-Germain, Henri Vacquin, ancien de l’Union des étudiants communistes, voit un groupe de jeunes secouer un car de police comme un prunier. «  Vous êtes fous !- Ta gueule, vieux con, t’es plus dans le coup ». Un peu plus loin, au croisement du boulevard Saint-Germain et de la rue Saint-Jacques, ce sont les loulous du Roméo-Club, rendez-vous de la banlieue adolescente, qui mènent la danse avec une rigueur toute prolétarienne. Juché sur une auto, un militant de la FER crie : « C’est une folie, camarades ! Repliez-vous ! Ne suivez pas les provocateurs ! », sans résultat. Des ébauches de barricades sont successivement abandonnées par des manifestants agressifs qui, pour dégager certains des leurs, se ruent en bandes sur les forces de l’ordre. Trois commissaires, MM. Stevenot, Quilichini et Bailly, conjuguant les efforts de leurs effectifs, dégagent les abords du Luxembourg au prix d'actions vigoureuses et en s'aidant de grenades lacrymogènes.
  • 21h00 : L’émeute est maîtrisée.
  • 22h00 : Dans la soirée, le SNE Sup se réunit rue Monsieur-le-Prince, où siégera pendant plusieurs semaines l'état-major de la révolte. Le secrétaire général du SNE-Sup, Alain Geismar (29 ans, maître-assistant au laboratoire de physique de la rue d’Ulm) a lancé dans la soirée un mot d’ordre de grève générale dans l’enseignement supérieur sans avoir eu le temps de consulter le Bureau national. Après cinq heures d’affrontements, le quartier retrouve son calme. Bilan : 83 policiers blessés, et 574 arrestations, dont 179 mineurs, 45 femmes, 58 étrangers. Les Renseignements généraux ont soigneusement conservé jusqu'à aujourd'hui les 574 fiches des interpelés du 3 mai. Avec le recul, leur lecture est savoureuse, car on y retrouve, encore presque anonymes, des hommes qui depuis ont fait leur chemin, dont de futurs ministres de gauche... comme de droite. Bien sûr, les leaders sont embarqués : Alain Krivine, dirigeant trotskiste de la Jeunesse communiste révolutionnaire, Jacques Sauvageot, nº 1 de l'UNEF, l'incontournable Daniel Cohn-Bendit et Henri Weber (aujourd'hui sénateur PS) ; mais on trouve aussi Brice Lalonde (fiché comme président de la Fédération des groupes d'études de lettres) et José Rossi, futur ministre UDF d'Édouard Balladur, présenté comme « membre du bureau exécutif de l'Association nationale des jeunes du Centre démocrate » et le fils de l’écrivain gaulliste de gauche David Rousset, que de Gaulle avait reçu une semaine plus tôt en lui disant : « Il faut condamner le capitalisme, la société capitaliste. Il faut la condamner expressément. Il faut condamner le communisme totalitaire. Il faut trouver une voie nouvelle, la participation ». Quelques futurs journalistes ou écrivains font partie du lot : Guy Hocquenghem, Bernard Guetta (actuel directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, « déjà interpellé en 1964 lors d'affrontements contre des partisans de Tixier-Vignancour ») ou Hervé Chabalier (patron de l'agence CAPA). Mai 68 a commencé.
  • 23h00 : Les étudiants arrêtés dans l’après-midi commencent à être relâchés dans les commissariats où ils ont été conduits pour des contrôles d’identité et où vingt-sept d’entre eux, trouvés porteurs d’armes prohibées, sont placés en garde à vue.
  • Minuit : Les meneurs étudiants, ceux dont l'arrestation a tout déclenché, sont libérés.

[modifier] 4 mai

  • 2h00 : Une première réunion des représentants de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF), du Mouvement du 22 mars, de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR, Alain Krivine et Henri Weber), du Comité de liaison des étudiants révolutionnaires (Cler), du Mouvement d’action universitaire (MAU, Jean-Marcel-Bouguereau et Jean-Louis Péninou) et de l'Union des jeunesses communistes marxistes-léninistes (UJCml, Robert Linhart) se tient dans les locaux de l'École Normale Supérieure pour décider de la riposte. Les pro-Chinois se désolidarisent très tôt, pour eux, le mouvement est piégé ; il faut l'arrêter, déserter le quartier Latin et chercher le contact avec le peuple. La jeune organisation maoïste invite ses militants à se détourner d’un mouvement dont elle ne contrôle pas la direction et lance un appel à constituer des « comités de défense contre la répression » afin d’éviter l’encerclement des étudiants au quartier Latin. Sans eux, sont décidées deux manifestations pour le lundi, une le matin pour soutenir les étudiants qui passent en conseil de discipline, une le soir à Denfert-Rochereau à 18 h 30.

[modifier] 6 mai

  • Le quartier latin est le théâtre de violents affrontements qui font 600 blessés et donnent lieu à 422 interpellations. Le mouvement étudiant gagne les universités de province.
  • Occupation de l'institut de sociologie de l'université de Caen pour l'obtention d'un second cycle.

[modifier] 9 mai

  • Grève et occupation de l'usine Wisco, à Givet (Ardennes). Deux pelotons de gendarmerie délogent les ouvriers.

[modifier] 10 mai

  • Nuit de barricades dans le Quartier latin. Les affrontements avec les CRS font des centaines de blessés. Le 11 : 460 personnes sont interpellées.

[modifier] 11 mai

  • Le Centre national des jeunes agriculteurs se déclare "solidaire des étudiants".

[modifier] 13 mai

  • Les images des violences ont choqué. Des défilés rassemblent 200.000 à un million de personnes à Paris, selon les estimations, et un million dans une trentaine d'autres villes du pays.

[modifier] 14 mai

  • Au petit jour, 500 métallos de l'usine Claas de Woippy (Moselle), débraient.
  • Dans la soirée, grève illimitée avec occupation à l'usine Sud-Aviation de Bouguenais (Loire-Atlantique), première usine occupée de France. A Clermont-Ferrand, des groupes de jeunes ouvriers entrent dans l'université pour venir aux nouvelles.

[modifier] 15 mai

  • La grève gagne l'usine Renault de Cléon, où 300 jeunes ouvriers séquestrent une dizaine de cadres. Au même moment, grève aux usines Kléber-Colombes d'Elbeuf et La Roclaine de St-Etienne du Rouvray, dans le même département de Seine-Maritime. Un groupe d'ouvriers de Cléon fait irruption sur le nouveau campus de Mont-Saint-Aignan (Rouen).
  • Parallèlement, la "journée d'action nationale" de la CGT contre les ordonnances, fait un bide.

[modifier] 16 mai

  • Une cinquantaine d'usines occupées en France, dont 5 de Renault (Billancourt, Le Mans, Cléon, Flins, Sandouville), et 10 sur la seule ville du Havre.
  • Le comité d'occupation de la sorbonne lance dans le même temps un appel à l'occupation immédiate de toutes les usines en France et à la formation de conseils ouvriers.

[modifier] 17 mai

  • On décompte 200.000 grévistes en France. Le mouvement gagne Besançon ou encore le Sud-est.
  • Parmi les grévistes, beaucoup de jeunes titulaires d'un CAP, qui s'estiment déclassés. L'ORTF diffuse des images de milliers d'étudiants piétinant devant les portes, fermées, de Renault-Billancourt, bastion de la CGT.

[modifier] 18 mai

  • Un million de grévistes à midi. Deux millions en fin d'après-midi. Les images de l'ORTF créent des remous au sein des syndicats et des partis de gauche, qui à partir du 19 mai tentent d'entrer dans le mouvement pour le canaliser ou le récupérer, selon les versions. Parmi les usines en grève, 45 sont dans la métallurgie lourde, 19 dans l'automobile, 17 dans l'électrotechnique, 15 dans l'alimentation et 13 dans l'aéronautique.

[modifier] 21 mai

  • Lundi matin, après un week-end de tractations et discussions, le nombre de grévistes atteint 4 millions, dans tous les corps de métiers, y compris de nombreux cadres et ingénieurs.

[modifier] 22 mai

  • 8 millions de grévistes
  • Daniel Cohn-Bendit quitte la France pour faire une "tournée révolutionnaire". Le ministre de l'intérieur annonce qu'il est désormais interdit de séjour en France.

[modifier] 24 mai

  • Au soir du jeudi de l'ascension, le président Charles de Gaulle fait une intervention à la télévision. Il annonce un futur référendum sur la participation. Le soir, après le discours, les manifestants scandent « Son discours, on s'en fout ».
  • Le lendemain, les préfets lui envoient par télégramme les réactions dans chaque région.

[modifier] 25 mai

  • Le vendredi, au lendemain de l'ascension, on frôle les 9 millions grévistes.
  • Le record de précédente grande grève de 1936 (6 millions) est largement battu, dans une France qui s'est industrialisé au cours des 30 glorieuses de l'après-guerre.
  • Plus de téléphone, courrier, plus d'essence. Dans les médias, malgré la grève, les journalistes continuent à couvrir les événements. Des musiciens viennent jouer gratuitement dans les usines, où l'on danse et joue au football.
  • 1ère séance de négociations syndicats/gouvernement, rue de Grenelle, ouverte par Georges Pompidou.

[modifier] 26 mai

  • A Nantes, le comité central de grève distribue des bons de fuel aux petits commerces alimentaires et organise le ramassage des ordures. A Cluses (Haute-Savoie), une monnaie émise par les grévistes et avalisée par les commerçants circule en bons de 10 francs. Dans la Somme, ces sont les municipalités de Saleux, Picquigny, Saint-Sauveur et Flixécourt, qui émettent des bons.

[modifier] 27 mai

  • Les accords de Grenelle sont signés à 7 heures du matin, après une nuit blanche.
  • La France entière, privée d'essence et de téléphone, respire au rythme de ses transistors.
  • Les assemblées générales créent la surprise, en rejetant ces accords et en votant dans la journée la poursuite de la grève, même à l'usine Renault de Billancourt, où la CGT dépasse traditionnellement 60% des voix aux élections professionnelles et se voit débordée.
  • Dans l'après-midi, un meeting géant réunit, au stade Charléty (dans le sud de Paris) les étudiants de l'UNEF, les militants et dirigeants de la CFDT, de la FEN, de 4 fédérations FO, et d'une partie des groupes d'extrême gauche.

[modifier] 28 mai

  • La CGT propose et obtient d'organiser le lendemain de « grandes manifestations unitaires ».

[modifier] 29 mai

  • Charles de Gaulle a disparu mais laisse entendre qu'il est parti à Baden-Baden consulter l'armée et notamment le général Jacques Massu.

[modifier] 30 mai

  • Le président réapparaît, reçoit Georges Pompidou à 14 h 30, convoque un conseil des ministres pour 15 h, puis annonce à 16 h 30 à la radio la dissolution de l'assemblée et des élections législatives. Une manifestation, prévue la veille, contre le mouvement social et en soutien au président de la république rassemble huit cent mille personnes le soir même.[7]
  • Texte de l'intervention radiodiffusée du Général De Gaulle :
« Françaises, Français, étant le détenteur de la légitimité nationale et républicaine, j'ai envisagé, depuis vingt quatre heures, toutes les éventualités, sans exception, qui me permettraient de la maintenir. J'ai pris mes résolutions. Dans les circonstances présentes, je ne me retirerai pas. J'ai un mandat du peuple, je le remplirai. Je ne changerai pas le Premier ministre dont la valeur, la solidité, la capacité méritent l'hommage de tous. Il me proposera les changements qui lui paraîtront utiles dans la composition du gouvernement. Je dissous aujourd'hui l'assemblée nationale. J'ai proposé au pays un référendum qui donnait aux citoyens l'occasion de prescrire une réforme profonde de notre économie et de notre université et en même temps de dire s'ils me gardaient leur confiance ou non par la seule voie acceptable, celle de la démocratie. Je constate que la situation actuelle empêche matériellement qu'il y soit procédé, c'est pourquoi j'en diffère la date. Quant aux élections législatives, elles auront lieu dans les délais prévus par la constitution à moins qu'on entende bâillonner le peuple français tout entier en l'empêchant de s'exprimer en même temps qu'on l'empêche de vivre, par les mêmes moyens qu'on empêche les étudiants d'étudier, les enseignants d'enseigner, les travailleurs de travailler. Ces moyens, ce sont l'intimidation, l'intoxication et la tyrannie exercés par des groupes organisés de longue main, en conséquence et par un parti qui est une entreprise totalitaire, même s'il a déjà des rivaux à cet égard. Si, donc, cette situation de force se maintient, je devrai, pour maintenir la république, prendre conformément à la constitution d'autres voies que le scrutin immédiat du pays. En tous cas, partout et tout de suite, il faut que s'organise l'action civile. Cela doit se faire pour aider le gouvernement, d'abord, puis localement, les préfets devenus ou redevenus commissaires de la République, dans leur tâche qui consiste à assurer, autant que possible, l'existence de la population, et à empêcher la subversion à tout moment et en tout lieu. La France, en effet, est menacée de dictature. On veut la contraindre à se résigner à un pouvoir qui s'imposerait dans le désespoir national, lequel pouvoir serait alors évidemment et essentiellement celui du vainqueur, c'est-à-dire celui du communisme totalitaire. Naturellement, on le colorerait, pour commencer, d'une apparence trompeuse en utilisant l'ambition et la haine de politiciens au rancart. Après quoi, ces personnages ne pèseraient pas plus que leur poids, qui ne serait pas lourd. Eh bien non, la République n'abdiquera pas. Le peuple se ressaisira. Le progrès, l'indépendance et la paix l'emporteront avec la liberté. Vive la République ! Vive la France ! »

[modifier] Conséquences de Mai 68

[modifier] Au plan politique

[modifier] Les accords de Grenelle

Une augmentation de 35 % du SMIC à 600 F par mois et de 10 % des salaires, la création de la section syndicale d’entreprise, actée dans la loi du 27 décembre 1968 et une quatrième semaine de congés payés, sont entre autre conclues lors des accords de Grenelle, suite à des négociations menées en particulier par le jeune haut fonctionnaire Jacques Chirac, et la reprise du travail s'effectue progressivement au début du mois de juin. La police et la gendarmerie évacuent au fur et à mesure les différents lieux occupés. Les événements ont causé la mort directe de cinq personnes : le commissaire de police René Lacroix, écrasé par un camion à Lyon, le gréviste de 24 ans Pierre Beylot, ouvrier à l'usine Peugeot de Sochaux-Montbéliard (Doubs), tué de deux balles, un autre gréviste de la même usine, Henri Blanchet, 49 ans, qui est déséquilibré par une grenade offensive, tombe d’un parapet et meurt le crâne fracturé, ou encore le lycéen Gilles Tautin (17 ans), noyé dans la Seine après la poursuite par des CRS aux abords de l'usine de Flins (Yvelines) ainsi que Philippe Mathérion, 26 ans, dont on retrouve le corps au petit matin sur la barricade de la rue des Écoles.

[modifier] Dissolution de l'Assemblée nationale le 30 mai 1968

Les élections législatives de juin 1968 voient la très large victoire des gaullistes, regroupés dans le parti renommé pour l'occasion Union pour la défense de la République. On s'est beaucoup interrogé sur ce retournement de la peur, tant les médias donnaient l'impression que la population penchait pour le mouvement étudiant. Au fond personne à gauche n'avait donné l'impression de maîtriser ce qui se passait et la solution paraissait être provisoirement en dehors du mouvement, dans la stabilité institutionnelle.

[modifier] Référendum sur la régionalisation et le rôle du Sénat du 27 avril 1969 et départ du général de Gaulle

Le général de Gaulle avait souhaité un référendum en mai 1968. Georges Pompidou avait plaidé et obtenu la dissolution de l'Assemblée nationale. De Gaulle ne renonce pas à son projet de référendum. Il perçoit que mai 1968 a mis en exergue un besoin de démocratie plus direct et plus proche du peuple. Il imagine de décentraliser certains lieux de décision et de refonder le Sénat en changeant profondément ses critères de recrutement. C'est l'objet de ce référendum. Il met tout son poids politique dans la balance en promettant de partir si les Français répondent « non ». Le non l'emporte avec 52,41 % (80,13 % de votants, 77,94 % de suffrages exprimés). Comme il l'avait indiqué, le général de Gaulle part.

[modifier] Aux plans culturel, économique et social

D'une manière générale Mai 68 sera la plus grande contestation de l'ordre existant. La singularité française sera le lien entre la contestation intellectuelle et le monde ouvrier.[8] Mai 68 est une ouverture brutale de la culture française au dialogue social et médiatique, qui s'infiltrera dans tous les rouages de la société et de l'intimité familiale, et une étape importante de prise de conscience de la mondialisation de la société moderne (après les guerres « mondiales ») et de la remise en cause du modèle occidental de la « société de consommation ».

  • L'une des principales influences de la révolution de mai 68 se situe au niveau socio-culturel, comme l'a reconnu François Mitterrand lors du 20e anniversaire de mai 68.
On assiste à une désaffection des Français pour la sphère publique et politique et pour le militantisme en général. Ce sera sans doute le lit de la fin de la peur de la gauche au pouvoir en 1981. Mai 68 est le chant du cygne du conflit « droite-gauche » qui n'existera plus que pour les partis politiques et les campagnes électorales.
Les événements de mai 1968 marquent une division politique qui a des répercussions dans la société française. Par exemple, le schisme de l'université des sciences humaines de Lyon II. Actuellement, on situe parfois les personnalités politiques selon le « côté » des barricades où elles se situaient. Le qualificatif péjoratif de « gauchiste », créé par Lénine en 1920 (« La maladie infantile du communisme »), entre dans le langage courant.
De nouvelles valeurs apparaissent. Elles sont notamment centrées autour de l'autonomie, la primauté de la réalisation personnelle, la créativité, la pluridisciplinarité et la valorisation de l'individu impliquant le refus des règles traditionnelles de la société et la remise en cause de l'autorité. La redéfinition de nouvelles règles se construit autour de l'idée d'autogestion et du communautarisme. Le concept d'autogestion sera concurrencé par celui de cogestion qui sera cher à Edgar Faure dans sa réforme de l'enseignement qui suivra et d'une manière générale très en vogue dans les organisations politiques inquiètes de cette évolution jugée « anarchique ».
  • On considère souvent la libération sexuelle comme l'un des grands thèmes de Mai 68. En réalité ce n'est que dans les années suivantes (1970 à 1975 essentiellement) que les débats sur les moeurs prendront place, corrélativement à l'arrivée des contraceptifs modernes. Le féminisme aussi se développe durant ces années, avec son mouvement le plus radical, le MLF (première manifestation publique en 1970), et joue un grand rôle dans l'implosion du militantisme traditionnel au profit de thèmes féministes comme l'autorisation de l'avortement (1975), la remise en cause de la répartition des tâches dans le couple (« Qu'est-ce qui est plus long : faire cuire le steak d'un révolutionnaire ou celui d'un bourgeois ? »), la « naissance sans violence ».
  • La dénonciation des régimes communistes réformistes (l'Archipel du Goulag, le Cri des pierres) se confirme. Cette désillusion sur le communisme, juste après un engagement politique intense, notamment des maoïstes et de l'extrême gauche qui apparurent un temps parmi les jeunes comme une alternative plus authentique, débouchera sur un pessimisme généralisé dans les milieux de gauche, un auto-dénigrement systématique de tout ce qui a pu exister avant la Révolution de Mai.
  • L'influence de Mai 68 est manifeste dans la pédagogie scolaire en France. De disciple, l'élève devient un sujet pouvant intervenir dans la pédagogie dont il est l'objet, c'est la coéducation. La dimension de la parole libre, du débat, s'accroît. La discipline autoritaire fait place à la participation aux décisions. Les enseignants ont été parfois déstabilisés dans l'idée qu'ils se faisaient de leur métier. On critiquera ensuite cette évolution jugée souvent trop permissive. Elle a aussi été à l'origine de la participation des élèves et des parents aux conseils de classe et de la redéfinition des règlements scolaires dans les établissements dès juin 1968.
  • Dans le domaine économique et social
Le conflit de la société des montres « Lip », conduit par Charles Piaget du Syndicat CFDT, à Besançon en 1973, sera une illustration très médiatisée de cette évolution, avec une expérience de mise en œuvre de l'autogestion de l'entreprise qui fera couler beaucoup d'encre.
Cette influence aura aussi des conséquences en 1973 dans des mouvements de remise en cause de l'armée et de la force de frappe nucléaire et d'une manière générale dans les mouvements écologiques (Brice Lalonde) et anti-militaristes (la lutte contre l'extension du camp militaire des jeunes paysans du Larzac, dont est issu José Bové, le courant de la Non-violence) et les fameuses ONG comme « Médecins Sans Frontières » (Bernard Kouchner), directement issues de la prise de conscience planétaire des mouvements de Mai 68. C'est aussi la période de la naissance de l'idée de « Halte à la croissance ? » (1972) titre d'une publication du Club de Rome fondé en 1968.
Curieusement, si l'on en croit le magazine L'Expansion, le rythme annuel d'augmentation de la productivité « s'accrut » pendant les trois années qui suivirent Mai 68. Il est clair qu'avec la victoire des gaullistes le 30 mai 1968 pour réprimer le mouvement de mai 68 et casser le mouvement, l'objectif politique n'allait pas dans le sens des revendications des manifestants contre qui les gaullistes s'étaient livrés à un bras de fer.
  • Dans la presse

On peut noter l'enthousiasme de certaines plumes comme celle de Jacques-Arnaud Penent dans le journal Combat.

L'encyclique Humanæ vitæ, publiée en juillet 1968, est surtout connue pour son refus de la contraception.
La communauté œcuménique des Frères de Taizé devient l'un des pôles structurant de ce bouleversement. Au début des années 1970, jusqu'à quarante mille jeunes, venus certes du monde entier, mais beaucoup de France, se rassemblent autour d'eux chaque semaine de Pâques dans le petit village bourguignon de Taizé, qui compte d'ordinaire cinquante habitants. Chacun est invité à participer au « Concile des jeunes ». On crée des « fraternités » dans le monde communiste, comme dans le monde occidental ou en Amérique latine, à l'image des premiers chrétiens et auprès des plus pauvres. Ces extraits de textes de Taizé expriment le bouleversement chrétien en écho aux événements de mai 68 : « Le Christ ressuscité vient animer une fête au plus intime de l'homme », « Il va nous donner assez d'imagination et de courage pour devenir signe de contradiction ». Ce « signe de contradiction » deviendra ultérieurement « signe de réconciliation ».
À cette époque s'amplifie également le mouvement des prêtres ouvriers et le mariage des prêtres. Surtout le nombre de pratiquants dans les églises occidentales traditionnelles va suivre une décroissance considérable et traumatisante pour les responsables religieux.
  • La fin des années 1970 a été appelée par certains (comme Gilles Lipovetsky) « l'ère du vide ». L'élection de François Mitterrand en 1981, sur le thème très mai 68 « Changer la vie », apparut comme une flambée d'espoir ou une crise de panique catastrophique, selon les courants, dans cette évolution politique en France. Mais cette attitude désillusionnée sur la classe politique reprendra le dessus et est encore très présente de nos jours avec des prises de position critiques, mais une méfiance croissante vis-à-vis du militantisme politique.

[modifier] Quelques slogans soixante-huitards, écrits et scandés

  • Il est interdit d'interdire.
    • ce slogan mérite une place spéciale : « Il est interdit d'interdire » fut, au départ simple boutade autoréférentielle lancée par le fantaisiste Jean Yanne ; il fut par la suite repris au premier degré, ce dont le concerné se montrera surpris... et amusé[réf. nécessaire].
  • L'imagination prend le pouvoir !
  • À bas la société spectaculaire marchande.
  • Ne travaillez jamais.
  • Je prends mes désirs pour des réalités car je crois en la réalité de mes désirs.
  • Fin de l'université.
  • Vivre sans temps mort et jouir sans entrave.
  • L'ennui est contre-révolutionnaire.
  • Pas de replâtrage, la structure est pourrie.
  • Nous ne voulons pas d'un monde où la certitude de ne pas mourir de faim s'échange contre le risque de mourir d'ennui (cette phrase tirée de l'introduction du Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations de Raoul Vaneigem fut largement commentée par Thierry Maulnier, qui était membre de l'Académie française, et par le chroniqueur André Frossard, qui le deviendra).
  • Ceux qui font les révolutions à moitié ne font que se creuser un tombeau.
  • On ne revendiquera rien, on ne demandera rien. On prendra, on occupera.
  • La base doit emmener la tête.
  • Ne laissez pas les hauts parleurs parler pour vous
  • Plébiscite : qu'on dise oui qu'on dise non, il fait de nous des cons.
  • Depuis 1936, j'ai lutté pour les augmentations de salaire. Mon père avant moi a lutté pour les augmentations de salaire. Maintenant j'ai une télé, un frigo, un VW. Et cependant, j'ai vécu toujours la vie d'un con. Ne négociez pas avec les patrons. Abolissez-les.
  • Le patron a besoin de toi, tu n'as pas besoin de lui.
  • Travailleur : tu as 25 ans mais ton syndicat est de l'autre siècle.
  • Veuillez laisser le Parti communiste aussi net en sortant que vous voudriez le trouver en y entrant.
  • Soyez réalistes, demandez l'impossible.
  • On achète ton bonheur. Vole-le.
  • Sous les pavés, la plage (au moment de l'érection des barricades, on avait retrouvé sous le macadam l'ancien pavement de Paris, et sous les pavés - immédiatement utilisés de la façon que l'on devine - le lit de sable sur lequel ils étaient posés).
  • Autrefois, nous n'avions que le pavot. Aujourd'hui, le pavé.
  • L'âge d'or était l'âge où l'or ne régnait pas. Le veau d'or est toujours de boue.
  • La barricade ferme la rue mais ouvre la voie.
  • Il n'y aura plus désormais que deux catégories d'hommes : les veaux et les révolutionnaires. En cas de mariage, ça fera des réveaulutionnaires.
  • Le réveil sonne : PREMIÈRE humiliation de la journée !
  • Imagine
  • Laissez la peur du rouge aux bêtes à cornes.
  • Cours camarade, le vieux monde est derrière toi.
  • Les murs ont la parole.
  • Élections, piège à cons.
  • (sur une bouteille de poison) Presse : ne pas avaler.
  • ORTF : La police vous parle tous les soirs à 20 heures.
  • Prenez vos désirs pour la réalité.
  • Nous sommes tous des Juifs allemands (à l'occasion du retour à la Sorbonne de Daniel Cohn-Bendit)
  • Le droit bourgeois est la vaseline des enculeurs du peuple.
  • Ne vous emmerdez plus, emmerdez les autres !
  • La plus belle sculpture,c'est le pavé de grès, c'est le pavé qu'on jette sur la gueule des flics.
  • Vendre du Guevara pour refiler du Trotski, c'est trahir deux fois.
  • Même si Dieu existait, il faudrait le supprimer.
  • À travail aliéné, loisir aliéné.
  • Les gens qui travaillent s'ennuient quand ils ne travaillent pas, les gens qui ne travaillent pas ne s'ennuient jamais.
  • Il est douloureux de subir ses chefs, il est encore plus bête de les choisir.

En réponse aux propos du Général de Gaulle :

  • La chienlit, c'est lui (avec l'ombre du Général de Gaulle en fond d'affiche)
  • Sois jeune et tais toi (avec l'ombre du Général de Gaulle en fond d'affiche)

En réponse à la violente répression, des affiches sérigraphiées disent :

  • Les CRS aussi sont des hommes : la preuve, ils violent les filles dans les commissariats.
  • CRS = SS
  • Il n'y a peut-être aucun rapport... Mais peut-être aucun.

[modifier] Citations

  • « Mai 68, pour moi, c'est la mise en action de la démocratie radicale (...). D'un coup, ce désir de prendre les affaires en main se répand dans toute la société ! C'était fabuleux ! Tout le monde se sentant le droit de discuter de tout ce qui le concerne, c'était la preuve que nous ne rêvions pas tout éveillés. Je garde de 68 le souvenir d'un moment de rare bonheur collectif où la violence n'était somme toute pas méchante et joyeuse. L'illusion était bien de croire qu'un moment d'exception peut devenir la règle. Il n'empêche, il a montré qu'on pouvait être bien en société. » (Marcel Gauchet, Ouest-France, 17 janvier 2008).
  • « Cette révolution est d'abord spirituelle. L'Esprit se venge [...]. Étudiants, jeunes, ouvriers [...] ne demandent pas cent mille francs par mois, mais à changer la vie. » (Maurice Clavel, Combat, le 28 mai 1968)

[modifier] Bibliographie

  • en:Kristin Ross, Mai 68 et ses vies ultérieures ed.Le Monde Diplomatique/ Complexe.
  • Antoine Artous, Didier Epsztajn, Patrick Silberstein (dir), La France des années 1968, Paris, Syllepse, 2008.
  • François Audigier (dir.), « Mai 68 en débats », Parlement(s), Revue d'histoire politique, n°9, 2008
  • Jean-Jacques Brochier et Bernd Oelgart, L’internationale étudiante, Paris, Julliard, 1968
  • Vincent Cespedes, Mai 68, La philosophie est dans la rue !, Larousse, « Philosopher », 2008.
  • Daniel et Gabriel Cohn-Bendit, Le gauchisme remède à la maladie sénile du communisme, Paris, Seuil, 1968.
  • Daniel Cohn-Bendit, Forget mai 68, 2008.
  • Jean-Marc Coudray (pseudonyme de Cornelius Castoriadis), Edgar Morin, Claude Lefort, La Brèche, Fayard, 1968.
  • Dominique Dammame, Boris Gobille, Frédérique Matonti, Bernard Pudal, Mai - juin 1968, Paris, Edition de l'Atelier, 2008.
  • Adrien Dansette, Mai 1968, Plon, 1971.
  • Alain Delale et Gilles Ragache, La France de 68, éditions du Seuil, 1978
  • Eric Donfu, Ces jolies filles de mai, 68, la Révolution des femmes, Paris, Jacob-Duvernet, 2008
  • Gérard Filoche, 68-98, histoire sans fin, Éd. Flammarion, réédition J.-C. Gawsevitch.
  • Gébé, L'An 01, Paris, Série bête et méchante, 1972.
  • Alain Geismar, Serge July et Erlyn Morane, Vers la guerre civile, Éditions et publication premières, 1969.
  • Hervé Hamon et Patrick Rotman, Génération, les années de rêve, Paris, Seuil, 1987.
  • Denis Langlois, Slogans pour les prochaines révolutions, Paris, Le Seuil, 2008.
  • David Faroult, Gérard Leblanc, Mai 68 ou le cinéma en suspens, Paris, Syllepse, 1998.
  • Sébastien Layerle, « À l’épreuve de l’événement. Cinéma et pratiques militantes en Mai 68 », in Christian Biet et Olivier Neveux, Une histoire du spectacle militant. Théâtre et cinéma militants 1966-1981, Montpellier, L'Entretemps, 2007.
  • Jean-Pierre Le Goff, Mai 68 : l'héritage impossible 1998, réédition en 2002, La Découverte, ISBN 2-7071-3654-9
  • Daniel Lindenberg, Choses vues. Une éducation politique autour de 68, Bartillat, 2008
  • Henri Mendras, Voyage au pays de l’utopie rustique, Avignon, Éditions Actes/Sud, collection espace-temps, 1979.
  • Olivier Neveux,Théâtres en lutte. Le théâtre militant en France des années 1960 à aujourd'hui, Paris, La Découverte, 2007.
  • Alain Touraine, Le Communisme utopique : le mouvement de mai 1968, Paris, Seuil, 1968 (postface de 1972).
  • Arnaud Bureau et Alexandre Franc,(bande dessinée) Mai 68 - Histoire d'un printemps, Paris, Berg International, avril 2008. Préface de Daniel Cohn-Bendit.
  • Philippe Alexandre , L'Élysée en péril, Fayard, 978-2213637365
  • Henri-christian Giraud, L'Accord secret de Baden Baden : comment de Gaulle et les soviétiques ont mis fin à mai 68, Éditions du Rocher, 2008.

[modifier] Films

[modifier] Chansons

  • La Pègre, Grève illimitée, Chacun de vous est concerné, À bas l’État policier, de Dominique Grange (mai 1968)
  • La Révolution, La Faute à Nanterre par Évariste et les chœurs du Comité Révolutionnaire d’Action Culturelle (CRAC) (mai 1968)
  • Crève Salope, de Renaud (mai 1968, jamais éditée)
  • Paris mai, de Claude Nougaro (octobre 1968, Philips)
  • Street Fighting Man, des Rolling Stones (album Beggar's banquet, 1968)
  • L'Été 68, Comme une fille, de Léo Ferré (album L'Été 68, 1969, Barclay Universal)
  • Paris, je ne t'aime plus, de Léo Ferré (album Amour Anarchie, 1970, Barclay Universal)
  • Fais que ton rêve soit plus long que la nuit, de Vangelis (album Poème symphonique, 1972, Europa Sonor).

Sorbonne 68 (1968) paroles Jeanine Prin composé et interprété Par Ted Scotto

  • Le futur, de Sinsémilia (album Tout c'qu'on a, 2000)

[modifier] Émission radiophonique

Chronique de Mai - Mai 68, vingt ans après... de Dominique Chagnaullaud, série de sept émissions d'une heure réalisées par Jean-Jacques Vierne à l'occasion du 20e anniversaire des événements. Première diffusion sur France Culture entre le 1er et le 9 août 1988. A base d'archives sonores, ces chroniques reprennent les principaux événements de Mai 68, de Nanterre à sa fin :

[modifier] Notes et références

  1. en:Kristin Ross, Mai 68 et ses vies ultérieures, éd. Le Monde diplomatique / Complexe.
  2. Selon l'historien Jean-François Sirinelli, in Mai 68. L'événement Janus, Fayard, 2008, on ne compte que 70 heures d'affrontements sur les milliers d'heures de l'événement.
  3. Le premier lycée mixte (à partir de la classe de seconde) a été ouvert à Rambouillet en 1960 sous le nom évocateur de « Lycée mixte d'État de Rambouillet » (aujourd'hui Lycée Louis-Bascan)
  4. Derrière la vitre, Gallimard, 1970, 421 p., (ISBN 2070366413).
  5. Mai 68 et ses vies ultérieures, Le Monde diplomatique – éd. Complexe,2005, 222 p., (ISBN 2804800202).
  6. Pour les débats parlementaires, l'échec de le motion de censure et la position des différentes forces politiques en présence, voir « Mai 68 en débats », Parlement(s), Revue d'histoire politique, n°9, 2008 : Discours de Pompidou et Mitterrand prochainement en ligne ici
  7. Alain Delale et Gilles Ragache, La France de 68, éditions du Seuil
  8. Kristen Ross. ibid

[modifier] Vidéos

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes


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