Pierre Vidal-Naquet
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Pierre Emmanuel Vidal-Naquet, né le 23 juillet 1930 à Paris et mort le 29 juillet 2006 à Nice, est un historien, helléniste, préfacier de centaines de livres les plus divers[1] et militant français. Il est notamment connu pour son engagement contre la torture en Algérie, contre la dictature des colonels grecs et contre le négationnisme, ainsi que pour son soutien dans les efforts de paix au Moyen-Orient.
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[modifier] Biographie
[modifier] Parcours universitaire
Vidal-Naquet a écrit plusieurs textes à visée autobiographique, dont Pourquoi et comment je suis devenu historien (rencontre de Blois 2002) et Esquisse d'un parcours anticolonialiste (2001)[2]. Il a rédigé également des mémoires, publiées en 1998.
Sa famille appartenait à la communauté juive comtadine de Carpentras, près d'Avignon. Il est éduqué dans un milieu laïc et républicain. Son père était un avocat « dreyfusard » qui a très tôt rejoint la Résistance afin d'échapper à l'expatriation. En juin 1940, la famille s'enfuit pour Marseille. Le 15 mai 1944, ses parents sont arrêtés à Marseille par la Gestapo et déportés à Auschwitz, d'où ils ne sont pas revenus. Après la déportation de ses parents, Pierre Vidal-Naquet se cache dans la maison de sa grand-mère dans la Drôme. Il en profite pour se livrer à des lectures intensives, dont l'Iliade, et y rencontre son cousin, le philosophe Jacques Brunschwig.
Il découvre le surréalisme (André Breton, René Char et Antonin Artaud) et, à l'âge de 18 ans, fonde la revue Imprudence avec Pierre Nora. Lecteur de Marc Bloch, sa vocation d'historien naît. En 1949, le procès de Rajk en Hongrie lui ôte définitivement tout désir de rejoindre le Parti communiste français.
Élève en classe d'hypokhâgne et de khâgne à Marseille[3], il étudie l'histoire et devient docteur ès-lettres (1955) et agrégé d'histoire. Il se marie en 1952. Cette même année, il commence à s'intéresser à Platon. Il est nommé pendant un an au lycée Pothier d'Orléans avant de rejoindre l'université de Caen (1956-1960), où Alain Corbin est son élève. Il étudie alors essentiellement la Grèce antique. Il collabore également à l'édition des œuvres de Léon Blum, avec notamment François Furet. En 1960, il suit l'enseignement de Jean-Pierre Vernant. Il intègre l'université de Lille entre 1961 et 1962.
Il consacre ses recherches à la Grèce antique, l'histoire juive ainsi que l'histoire contemporaine. Il se dit persuadé également que le continent nommé Atlantide par Platon constitue simplement une invention de celui-ci. Entré à l'EHESS en 1966, il en devient le directeur en 1969.
Père de trois enfants, il a été officier de la Légion d'honneur ainsi que commandant de l'Ordre du Phénix en Grèce. Lecteur de Dumézil et de Lévi-Strauss, il devient membre de l'École de Paris, composée de son ami Jean-Pierre Vernant (avec qui il écrira quelques livres), de Nicole Loraux et de Marcel Detienne.
Il est mort à l'hôpital de Nice le 29 juillet 2006.
Parmi ses élèves, on compte les historiens Pauline Schmitt-Pantel , Maurice Sartre et François Hartog.
Pierre Vidal-Naquet compte parmi les membres de sa famille José de Bérys, Francine Bloch, Marcel Dassault et Darius Milhaud.
[modifier] Un intellectuel engagé
Outre la Grèce antique, son domaine de prédilection, il s'intéresse à des sujets contemporains comme la guerre d'Algérie et le drame de la Shoah. Intellectuel engagé dans la défense des droits de l'homme, il milite contre la torture en Algérie et contre le colonialisme. En 1956, il fait publier dans la revue Esprit un témoignage sur des exactions de l'armée française. A partir de 1957 il effectue un travail d'historien sur la disparition de Maurice Audin, jeune mathématicien français, arrêté en Algérie et disparu depuis : il défend la thèse de sa mort sous la torture contre celle, officielle, de sa disparition par évasion. Il en fait un livre, L'Affaire Audin, paru en 1958 et réédité, largement complété, des années plus tard. Il participe ainsi au Comité Audin. Il publie en 1962 La Raison d'état, livre dénonçant l'emploi de la torture. Pour avoir signé en 1960 le « Manifeste des 121 », pétition d'intellectuels sur le droit à l'insoumission durant la guerre Algérie, le ministère de l'Éducation Nationale lui retire pendant un an son poste (tout en lui laissant son salaire).
Marxiste anti-stalinien, il a été brièvement membre du Parti socialiste unifié, ainsi que sympathisant de Socialisme ou barbarie, mais n'a pris part à aucun parti politique, le PSU n'étant pour lui qu'un « simple cercle de discussion ».
Avec Michel Foucault et Jean-Marie Domenach, il signe le 8 février 1971 le manifeste du Groupe d'information sur les prisons. Il est membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence.
Au printemps 1979, Cornélius Castoriadis et lui critiquent fortement Bernard-Henri Lévy dans Le Nouvel Observateur pour avoir mal vérifié ses références dans son récent livre Le Testament de Dieu (cette première édition du livre citait le témoignage au tribunal de Nuremberg d'un accusé qui s'était suicidé avant l'ouverture de celui-ci !), affirmé « contemporains » des événements éloignés de plusieurs siècles, et effectué des citations sans en mentionner les auteurs. Le conflit s'étale sur plusieurs numéros jusqu'à ce que Jean Daniel y mette fin sur une dernière réponse de Bernard-Henri Lévy. Ce dernier conviendra de son erreur de référence et du fait qu'il ne mentionne en effet pas toujours les auteurs de ce qu'il cite, non sans avoir eu au passage des mots très durs pour ses deux contradicteurs (« nostalgie des clercs », « rapport de police philosophique »)[4].
En juillet 2003, il participe à l'appel « Une autre voix juive », qui regroupe des personnalités juives solidaires du peuple palestinien, pour une paix juste et durable au Proche Orient.
[modifier] Citation
« L’historien, cet homme libre par excellence, ne se partage pas. Même au plus vif d’une polémique, il ne peut que demeurer un historien, c’est-à-dire un traître face à tous ces dogmes — théologiques, idéologiques, voire prétendument scientifiques. (…) L’historien est un praticien de la vérité. »
— Les Juifs, la mémoire et le présent, Paris, La Découverte, 1991.
[modifier] Principaux ouvrages
[modifier] L'Histoire ancienne et ses traditions
- Clisthène l'Athénien, avec Pierre Lévêque, Les Belles Lettres, 1964
- Le Bordereau d'ensemencement dans l'Égypte ptolémaïque, Bruxelles, Fondation égyptologique Reine Élisabeth, 1967
- Économies et Sociétés en Grèce ancienne. Périodes archaïque et classique, avec Michel Austin, Armand Colin, 1972
- Mythe et Tragédie en Grèce ancienne, avec Jean-Pierre Vernant, François Maspero, 1972, La Découverte, 2005
- La Grèce ancienne. I: Du mythe à la raison, avec Jean-Pierre Vernant, Le Seuil, coll. Points Essais, 1990
- La Grèce ancienne. II: L'Espace et le Temps, avec Jean-Pierre Vernant, Le Seuil, coll. Points Essais, 1991
- La Grèce ancienne. III: Rites de passage et Transgressions, avec Jean-Pierre Vernant, Le Seuil, coll. Points Essais, 1992
- Œdipe et ses mythes, avec Jean-Pierre Vernant, Complexe, 2001
- Travail et esclavage en Grèce ancienne, avec Jean-Pierre Vernant, Complexe, 2002
- Le Chasseur noir. Formes de pensées et formes de société dans le monde grec, François Maspero, 1981, La Découverte, 2005
- La Démocratie grecque vue d'ailleurs, Flammarion, 1990
- Les Grecs, les historiens et la démocratie, La Découverte, 2000
- Le Miroir brisé : tragédie athénienne et politique, Les Belles Lettres, 2002 (nouvelle édition)
- Le Monde d'Homère, Librairie académique Perrin, 2002
- Fragments sur l'art antique, Agnès Viénot, 2002
- L'Atlantide. Petite histoire d'un mythe platonicien, Les Belles Lettres, 2005 ; ISBN 225138071X
- Flavius Arrien entre deux mondes, postface à la traduction par Pierre Savinel de la Vie d'Alexandre d'Arrien, Éditions de Minuit, coll. Arguments, 1984
- Du bon usage de la trahison, introduction à la traduction par Pierre Savinel de La Guerre des Juifs de Flavius Josèphe, Éditions de Minuit, coll. Arguments, 1988
[modifier] Histoire contemporaine et témoignages personnels
[modifier] Sur la Guerre d'Algérie
- L'Affaire Audin, 1957-1978, Éditions de Minuit, 1989 [nouvelle édition augmentée]
- La Torture dans la République : essai d'histoire et de politique contemporaine (1954-1962), Minuit, 1972
- Les Crimes de l'armée française Algérie 1954-1962, La Découverte, 2001 [Préface inédite de l'auteur]
- La Raison d'État. Textes publiés par le Comité Audin, La Découverte, 2002 (nouvelle édition du livre publié en 1962 aux éditions de Minuit)
[modifier] Sur les Juifs, la Shoah et le négationnisme
- Les Assassins de la mémoire, Le Seuil, 1995 - dont le 5e chapitre éponyme du livre est disponible en ligne
- Les Juifs, la mémoire et le présent, Le Seuil, 1995
- La Solution finale dans l'histoire, avec Arno Mayer, La Découverte, 2002
[modifier] Sur Jean Moulin
- Le Trait empoisonné, La Découverte, 1993, 2002
[modifier] Sur Mai 68
- Avec Alain Schnapp : Journal de la commune étudiante. Textes et documents. Novembre 1967 - juin 1968, (première édition en 1969[5]), réédition revue et augmentée, Le Seuil, collection « L'univers historique », 1988.
[modifier] Mémoires
- Mémoires t.1 - La brisure et l'attente, 1930-1955, Le Seuil, 1998
- Mémoires t.2 - Le trouble et la lumière, 1955-1998, Le Seuil, 1998
- Dans le tome II de ses Mémoires (p.44), Pierre Vidal-Naquet rappelle les qualités exceptionnelles de Michel de Boüard quand il était doyen de la faculté des lettres de Caen. Il regrette en revanche, que cet universitaire de grande classe ait en 1986, à 77 ans, approuvé la thèse soutenue par Henri Roques le 15 juin 1985 devant un jury de l'Université de Nantes (cf Ouest-France des 2/3 août 1986). Dans une note au bas de cette même page 44, P. Vidal-Naquet écrit : « Si j’en crois un témoin bien placé pour le savoir, [cette thèse] aurait été rédigée non par Henri Roques, qui ne sait pas un mot d’allemand, mais par mon ancien camarade [de khâgne], Robert Faurisson en personne ».
- Henri Roques a poursuivi Vidal-Naquet pour diffamation le 1er décembre 1998. En première instance, par jugement du 18 janvier 2001, P. Vidal-Naquet fut condamné. L'affaire passa en cour d'appel en novembre 2002, qui donna raison à Pierre Vidal-Naquet. Ce dernier jugement fut annulé par la cour de cassation en janvier 2005, et l'affaire renvoyée devant la cour d'appel d'Orléans. En décembre 2005, suite au désistement de Pierre Vidal-Naquet (et de son éditeur), la cour déclara éteinte l'instance introduite en appel. De ce fait, le jugement de janvier 2001 retrouva toute sa force et P. Vidal-Naquet fut donc définitivement condamné pour diffamation au profit d'Henri Roques.
- Pour rappel, la soutenance et la thèse négationniste de Roques furent annulées, pour cause d'irrégularités administratives par le Ministre de l'Éducation nationale dès juillet 1986, puis par le Tribunal administratif (en 1988) et enfin par le Conseil d'État (en 1992).
[modifier] Notes et références
- ↑ Marcel Bénabou, « PVN préfacier ou une forme latérale de l’histoire », in Pierre Vidal-Naquet, un historien dans la cité, La Découverte, 1998, pages 58-66.
- ↑ Les deux textes ont été rassemblés dans Le Choix de l'Histoire, 2004, éditions Arléa.
- ↑ histoire est mon combat, p. 38.
- ↑ La critique du Testament de Dieu de Bernard-Henri Lévy (1979) sur le site de P. Vidal-Naquet.
- ↑ Dans sa revue des livres écrits sur les événements de mai 1968, l'historien Michel de Certeau estimait, en mai 1969, que l'ouvrage de Schnapp et Vidal-Naquet était « désormais, le livre d'information » (La prise de parole et autres écrits politiques, Points Essais, 1994, p. 124, c'est De Certeau qui souligne).
[modifier] Liens externes
[modifier] Articles
- « De Faurisson et de Chomsky », 21 novembre 1980
- « Un Eichmann de papier », 1980
- « Une fidélité têtue. La résistance française à la guerre d'Algérie », Vingtième siècle, n°10, 1986.
- « Présentation du journal tenu par Lucien Vidal-Naquet (1993) entre le 15 septembre 1942 et le 29 février 1944 », Annales, 1993.
[modifier] Entretiens
- L’État n’a pas à dire comment enseigner l’histoire, entretien de Pierre Vidal-Naquet avec Hervé Nathan, Libération, 14 avril 2005.
- La Vérité de l’indicatif, entretien avec Pierre Vidal-Naquet, Vacarme, n°17, automne 2001.
- Pierre Vidal-Naquet entretien avec Thierry Paquot (Paris XII) janvier 1998.
- L’encouragement direct de Papon, entretien de Pierre Vidal-Naquet avec Jean-Paul Pierot, L'Humanité, 17 octobre 1997.
- « Les réponses de Pierre Vidal-Naquet et de Michel Foucault » (à propos de l'état d'urgence déclaré en Pologne par le général Jaruzelski, republié dans M. Foucault, Dits et écrits IV, n°302)
- Un combat contre les mensonges et les vérités officielles, entretien de Pierre Vidal-Naquet avec Anne Tristan et Christian Roques, Ras l'Front, n°110, février/mars 2006