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Antonomase - Wikipédia

Antonomase

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En rhétorique, une antonomase est la figure de style par laquelle un nom propre (ou une périphrase énonçant sa qualité essentielle), est utilisé comme nom commun, ou inversement.

Procédé de substitution jouant sur l'opposition « nom propre / nom commun », l'antonomase est donc un trope qui permet d'employer :

  • un nom commun pour signifier un nom propre[1],[2] ;
  • un nom propre pour signifier un nom commun[1],[2] ;
  • un nom propre pour signifier un autre nom propre (que certains linguistes considèrent comme une métaphore).

Le trope par antonomase peut être, selon le cas, analysé comme une métonymie ou comme une métaphore.

Certaines antonomases courantes finissent par se lexicaliser et figurent dans les dictionnaires usuels (« une poubelle », « une silhouette », « un don juan », « un harpagon », « un bordeaux », « le roquefort », etc.).

Lorsqu'elles aboutissent à la production d'un nom commun, les antonomases ne prennent normalement pas la majuscule des noms propres.

Sommaire

[modifier] Antonomase du nom propre

L'antonomase du nom propre (la seule vraie antonomase pour beaucoup de théoriciens) consiste à employer un nom propre pour signifier un nom commun. Selon le cas, ce type d'antonomase peut s'analyser comme une métaphore ou comme une métonymie.

On peut relier l'antonomase du nom propre à la synecdoque dans la mesure où l'individu portant le nom propre fait partie de l'ensemble évoqué (don Juan, par exemple, fait partie des séducteurs). Mais, en d'autres cas, le procédé relève plutôt de la métaphore (« l'Einstein de la Bourse de Paris »).

Contrairement à l'antonomase du nom commun, l'antonomase du nom propre est toujours courante. Cf. l'usage répandu du nom "Frigidaire" pour signifier "réfrigérateur". La plupart du temps, le nom propre utilisé est celui d'une personne, que celle-ci soit réelle ou imaginaire :

Un watt / un diesel / un ampère
De tels noms communs étaient tous des noms propres à l'origine (noms de savants, d'inventeurs, etc.). Il s'agit donc dans chacun de ces cas, d'une antonomase par métonymie.
Un don Juan / un Tartuffe / un Harpagon / une Pénélope / un Apollon / un Brummell / un Staline / un Michel-Ange...
Pour signifier respectivement : un séducteur / un hypocrite / un avare / une épouse fidèle et vertueuse / un bel homme / un élégant / un dictateur / un grand peintre… Ici, l'antonomase peut être analysée aussi bien comme une métaphore (par exemple, tel séducteur peut être comparé à don Juan, etc.), que comme une métonymie (par exemple, tel homme appartient au groupe des séducteurs, dont don Juan est le symbole, etc.).

Michel Le Guern estime que pour qu'un nom propre puisse servir d'antonomase, il faut que ce ne soit plus tout à fait un nom propre, et qu'on puisse y déceler des éléments de signification :

Où sont les Rossinis de notre époque ?
Pour signifier « Où sont les compositeurs comparables à Rossini ? ». On notera dans cette antonomase par métonymie, la présence de l's du pluriel, et ce, malgré la majuscule.

Dès que l'antonomase du nom propre se lexicalise, la sensation d'avoir affaire à un nom commun domine peu à peu. La majuscule est conservée tant que le lien avec le nom propre originel est conscient. Dès lors que ce lien n'est plus conscient, le nom propre devient un véritable nom commun autonome, s'écrivant par conséquent sans majuscule.

Un mécène
Pour désigner un « généreux donateur protégeant les arts et les artistes », en souvenir de Mécène, général romain de l'époque de l'empereur Auguste, qui s'étant enrichi au cours de ses campagnes, s'était offert une villa somptueuse entourée d'artistes…
Une dugazon
Pour désigner un « mezzo-soprano léger, affecté aux emplois de soubrette », en souvenir de la chanteuse Dugazon qui marqua ce type d'emploi lyrique.
Un vandale
Par antonomase, ce nom (d'un peuple germanique qui envahit l'empire romain au Ve siècle) désigne « un individu qui ne respecte rien, qui détruit tout, etc. ».
Une mégère
Pour désigner une « femme violente et agressive », en référence au personnage de Mégère, l'une des trois furies, dans la mythologie grecque.
Une silhouette
Pour désigner une « figure vaguement esquissée », en souvenir des caricatures dessinées pour ridiculiser Étienne de Silhouette, contrôleur des impôts au XVIIIe siècle
Une poubelle
Du nom d'un préfet de police de Paris, M. Eugène Poubelle, qui y généralisa l'usage de cet objet à des fins de salubrité publique.
Un mentor
Du nom du précepteur de Télémaque qui accompagna ce dernier dans son périple pour retrouver son père.

Quelques exemples d'antonomases du nom propre, contenant le mot « saint », et qui, en se lexicalisant ont perdu leur majuscule :

Un chien : le saint-bernard / un vin : le saint-émilion / un gâteau : le saint-honoré / un fromage : le saint-nectaire...

Notons cependant que les noms de marques déposées (qui constituent une variété d'antonomase de nom propre), doivent, lorsqu'ils sont lexicalisés, conserver la majuscule, ceci pour des raisons de légalité :

Kleenex, Klaxon, Frigidaire, Scotch, Solex, Mobylette...

[modifier] Exemples tirés de la littérature

  • « Et il s’en fut, magnifique et serein, tel un petit Salomon de Prisunic » Pierre Desproges, Sketch Les piles.
    (En l'occurrence, "Salomon" renvoie plus particulièrement à son fameux jugement, en référence à celui que rend le gérant du supermarché dans ce sketch en partageant un de ses articles en deux lots)
  • « La démocratie, c'est la victoire de Belmondo sur Fellini » Pierre Desproges
    (Belmondo et Fellini incarnant respectivement, pour Desproges, le vulgaire et l'excellence)

[modifier] Antonomase du nom propre pour un autre nom propre

L'antonomase du nom propre pour un autre nom propre (variété d'antonomase de nom propre) consiste à employer un nom propre pour signifier un autre nom propre : à l'instar de l'antonomase du nom commun, ce type d'antonomase produit un surnom qui peut presque toujours s'analyser comme une métaphore :

Mozart
Pour désigner n'importe quel musicien (autre que Wolfgang Amadeus Mozart, bien sûr). Un tel type d'antonomase peut être selon le cas, affectueuse, ironique, plaisante, flatteuse, etc.
César a ordonné…
Pour signifier « Tel dictateur, tel monarque, tel chef d'État (Louis XIV, Napoléon, Hitler, etc.) a ordonné… »
Le Corse
Pour signifier, non pas tel ou tel Corse, mais Napoléon. Dans ce cas, il ne s'agit plus d'une métaphore, mais d'une inclusion (Napoléon appartient réellement à l'ensemble des Corses) qui s'apparente à l'antonomase du nom commun et plus précisément, à l'antonomase d'excellence.

[modifier] Antonomase du nom commun

L'antonomase du nom commun (parfois appelée antonomase inverse) consiste à employer un nom commun pour signifier un nom propre.

Ce type d'antonomase pose problème, et beaucoup de théoriciens contemporains lui dénient le caractère de trope. Essayons de comprendre pourquoi en passant en revue les différentes hypothèses pouvant être identifiées comme des antonomases du nom commun.

[modifier] Simple choix de dénomination

Éliminons tout d'abord un premier cas. Lorsqu'on a affaire à un véritable nom commun pour désigner une personne, ce simple choix de dénomination, en l'absence d'écart, n'engendre aucune figure. Par conséquent, dans un tel cas, il ne saurait s'agir de véritable antonomase :

[On est en train de parler de Charles Baudelaire…] Le poète naquit en 1821…
Ici, le mot « poète » représente bien évidemment Baudelaire. Il s'agit donc d'une reprise purement textuelle, en d'autres termes, d'une simple anaphore grammaticale. Dans ce cas, il n'y a ni figure, ni trope, ni antonomase, mais utilisation normale des ressources lexicales habituelles : en effet, tout personnage ayant écrit des poésies, et quel que soit son nom, peut être ordinairement désigné sous le nom commun de « poète ».

[modifier] Antonomase d'excellence

Ensuite, le nom commun utilisé peut désigner la valeur superlative dans le domaine dont il est question. Parfois appelée antonomase d'excellence, cette variété est presque toujours précédée de l'article défini singulier, et commence normalement par une majuscule :

Le Poète
Pour désigner Virgile, parce, considéré comme plus grand des poètes.
L’antonomase du nom commun est rare dans le langage contemporain, on y avait davantage recours dans la langue classique, ou classicisante du XIXe siècle et du début du XXe siècle On peut l'y interpréter comme une marque de connivence, presque un snobisme : dire « l'orateur » et attendre qu'on comprenne Démosthène, cela suppose que le lecteur sait qu'on donne à Démosthène la première place parmi les orateurs. L'inverse (« le Démosthène du Parti socialiste ») est moins élitiste, parce qu'il est plus facile de trouver orateur à partir de Démosthène (au besoin, il suffit d'un dictionnaire) que l'inverse.
Les écrivains d'expression grecque ou latine utilisaient souvent ce procédé. Ainsi, l'expression latine propre à la scolastique magister dixit (« le maître a parlé ») repose sur un tel présupposé : le maître représente ici Aristote. Il ne faut pas la confondre avec ipse dixit, « c'est lui qui l'a dit », traduction latine par Cicéron de la formule grecque αὐτὸς ἔφα autòs épha, de même sens, où lui doit être compris comme Pythagore.

Cependant, malgré les apparences, l'antonomase d'excellence est elle aussi dérivée de l'hypothèse précédente (le simple choix de dénomination) et ce n'est que par un phénomène de lexicalisation que celle-ci correspond finalement à un véritable surnom (autre forme du nom propre).

On peut conclure que l'antonomase d'excellence ne saurait être considérée comme un trope vif (une figure d'invention, non encore lexicalisée) : tout au plus est-ce une antonomase de nom propre pour un nom propre, et encore, s'agit-il d'un trope lexicalisé

Un certain nombre de noms propres sont cependant produits au moyen de l'antonomase d'excellence :

Il existe de par le monde de nombreux arcs de triomphe (nom commun), mais pour un parisien, « l'Arc de triomphe » (nom propre) ne peut désigner qu'un seul arc de triomphe, celui de la place de l'Étoile, à Paris.
Il existe, à travers les divers mythes et religions du monde, une infinité de dieux (nom commun), mais pour un monothéiste, il n'y en a qu'un seul, simplement appelé Dieu (nom propre, sans déterminant).
Pour un historien, une période de prospérité succédant à une période de crise est souvent appelée renaissance (nom commun), par exemple, la renaissance carolingienne au IXe siècle, mais lorsqu'on parle de la Renaissance (nom propre), cela désigne toujours la même période, grosso modo, le XVIe siècle

[modifier] Antonomase par périphrase ou pronomination

Enfin, l'antonomase du nom commun n'est le plus souvent qu'une simple dénomination par syntagme, dérivée d'une apposition dont le nom noyau est sous-entendu. S'il s'agit dans ce cas d'une véritable figure, il ne s'agit pourtant pas d'une antonomase, mais d'une ellipse ou d'une périphrase, renvoyant à un nom propre. Dans ce cas, elle porte le nom de pronomination et s'apparente à une métonymie (l'accessoire se substitue à l'essentiel) :

L'inventeur de la psychanalyse
Pour désigner Sigmund Freud, qui fut l'inventeur de la psychanalyse.
L'île de beauté
Pour désigner la Corse, qu'on qualifie habituellement d'île de beauté.
Le prince des orateurs
Pour désigner Cicéron, que l'on considère comme le prince des orateurs…

Il convient de noter que la pronomination peut contenir un ou plusieurs noms propres :

Le monstre des Carpates
Pour désigner Dracula
La Venise du Nord
Pour désigner Bruges, à cause de ses palais et ses canaux… (antonomase lexicalisée)
Le Virgile français
Pour désigner Racine. (antonomase lexicalisée)
La Mecque du cinéma
Pour désigner Hollywood, c'est-à-dire la « ville-phare, où tout le monde est forcé d'aller un jour ». L'analogie entre « La Mecque, ville incontournable pour les pèlerins musulmans » et n'importe quelle ville pouvant dans un autre contexte jouer un rôle similaire, invite à analyser cette antonomase comme une métaphore.

[modifier] Un exemple célèbre

Le mot « auguste / Auguste » est un cas exemplaire qui permet à lui seul de résumer les trois types d'antonomases décrites.

  • Au départ, « auguste » est un adjectif, signifiant majestueux, vénérable, solennel, divin (en latin, augustus, a, um).
  • En 27 av. J.-C., Octave, premier empereur romain, reçoit du Sénat le titre d’Imperator Caesar Augustus. « Auguste » sera désormais son titre et son nom. Si l'on accepte qu'un adjectif vaut ici pour un nom commun, on convient qu'on a affaire à une antonomase du nom commun pour un nom propre.
  • Dès la fin du Ier siècle, le titre d’« auguste » est adopté par les empereurs romains. Il s'agit là d'une antonomase du nom propre pour un autre nom propre.
  • À la fin du IIIe siècle, Dioclétien instaure le système de la tétrarchie : l'empire est gouverné par quatre empereurs, deux empereurs de premier plan (appelés augustes) assistés de deux coempereurs (appelés césars). Le mot « auguste » devient un nom commun (le mot césar aussi, d'ailleurs) et nous voici en présence d'une antonomase du nom propre pour un nom commun. Ainsi, la boucle est bouclée.

[modifier] Antonomases oulipiennes

Les Oulipiens ont beaucoup utilisé les antonomases dans des buts fictionnels, et afin, dans la poésie, d'ancrer la langue dans sa mobilité.

Ainsi, le poème « La Rue Jonas » de Jacques Roubaud éduque son lecteur :

La rue Jonas / « Personnage biblique » / croise la rue Samson / Au sein de laquelle un jardinier cultive / Des dahlias / (d’après Dahl, botaniste danois)

Hervé Le Tellier, dans sa collection de 53 antonomases, présente des situations qui précèdent, justement, la naissance de l'antonomase. Voici les trois premières :

  • 1. Photographie noir et blanc représentant Franz Kafka se faisant expliquer la procédure à suivre pour se faire rembourser une note de frais par l’Éducation nationale.
  • 2. Eau-forte représentant François-René de Chateaubriand décidant brusquement de mettre un terme son régime végétarien.
  • 3. Photographie de fin de repas (un peu floue) où l’on peut reconnaître François Barême essayant d’établir avec précision l’addition de chacun.

[modifier] Références

  1. ab Bernard Dupriez, Gradus, les procédés littéraires, 1984
  2. ab Michèle Aquien, dictionnaire de poétique, 1993

[modifier] Articles connexes


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