Une ténébreuse affaire
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Une ténébreuse affaire | |
Auteur | Honoré de Balzac |
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Genre | Étude de mœurs |
Pays d’origine | France |
Éditeur | Souverain et Lecou |
Date de parution | 1843 |
Collection | Scènes de la vie politique |
Série | La Comédie humaine |
Précédé par | Un épisode sous la Terreur |
Suivi par | Le Député d'Arcis |
Une ténébreuse affaire est un roman français d’Honoré de Balzac, paru au début de l’année 1841 en prépublication dans le journal le Commerce, puis en volume chez Souverain et Lecou en 1843, avec une dédicace :
« À Monsieur de Margone, son hôte du château de Saché reconnaissant. De Balzac. »
Le roman prendra place en 1846 dans les Scènes de la vie politique de l’édition Furne.
Sommaire |
[modifier] Analyse
À la fois roman policier, roman d’espionnage, pétri de complots, de rebondissements de trahisons, l’œuvre ramène aux Chouans avec une touche beaucoup plus fine, plus habile, moins guerrière. L’art de la tactique, du billard à trois bandes, y sont développés avec une particulière maestria. Dans sa préface au roman, le philosophe Alain[1] se montre très enthousiaste :
« Ce roman, un des plus grands de Balzac, suit naturellement les romans de la guerre civile. On y retrouve Corentin et la police [2]. Les couches sociales y sont soulevées de façon à faire apparaître la Révolution, l’Empire de Napoléon, et la Restauration, tels que pouvaient les voir un simple citoyen de cette époque. Cette analyse politique est supérieure à tout ce qu’on peut citer dans la littérature. »
Et il ajoute, (point de vue que ne partageront pas les amateurs d’action rapide) :
« Et parce que l’analyse sociale, disons même sociologique, est faite en même temps que le récit et par le récit même, il n’est pas facile de tout remarquer et de prendre le temps de connaître ce roman, un des plus difficiles à lire. »
[modifier] Un roman politique
En fait, il s’agit bien d’un roman politique, le seul véritablement où l’auteur laisse ses opinions en retrait et fait s’exprimer successivement celle des royalistes fanatiques qui conspirent contre Bonaparte (la famille de Simeuse, Laurence de Cinq-Cygne), celle des royalistes modérés, prêts à composer avec le nouveau régime (la famille d’Hauteserre, le vieux marquis de Chargebœuf qui conseille à Laurence de faire des concessions), les anciens jacobins (Michu) et sa femme Marthe, fille d’un procureur montagnard qui ordonna l’exécution des Simeuse, et dont le souvenir fait horreur à Marthe. On y retrouve aussi Corentin, dandy policier à l’esprit tortueux, prêt à changer de camp alors que Fouché conspire contre Napoléon Bonaparte à la veille de la bataille de Marengo, à la veille aussi du sacre impérial du premier consul.
En réalité, si Balzac semble presque neutre et détaché de toute passion royaliste, c’est parce qu’il plane dans tout son roman une sorte d’admiration diffuse pour Napoléon, un sentiment qui imprègne presque toute la Comédie humaine. Napoléon a un destin, il est donc forcément un personnage balzacien. Ce que finit par reconnaître Laurence de Cinq-Cygne elle-même lorsqu’elle rencontre le premier consul sur le champ de bataille de Marengo. Elle est fascinée.
Finalement, Fouché, qui avait ourdi un complot pour faire assassiner Bonaparte (en faisant accuser les Simeuse et Michu, le fidèle régisseur de leur domaine), se voit obligé de renoncer quand le futur empereur, donné perdant, revient vainqueur de Marengo.
[modifier] Synopsis
[modifier] Michu et la police
L’action se passe à Arcis-sur-Aube, au moment où le fidèle régisseur de domaine Michu, pourtant réputé jacobin, fait tout pour cacher qu’il préserve les biens de ses anciens maîtres (Les Simeuse, guillotinés pendant la Révolution) et de leurs héritiers : les jumeaux de Simeuse, qui ont émigré. Ces jeunes émigrés viennent justement, de rentrer clandestinement en France (sans doute Michu le sait-il), et le régisseur se méfie de tout, de tout le monde, à juste titre. Car Fouché a lancé sur les traces de la famille, chassée de la terre de Gondreville, et réfugiée sur le domaine de Hauteserre, deux de ses limiers : Corentin(Balzac) et un policier de moindre importance. Les deux hommes surgissent au moment où Michu nettoie son fusil. On sent que déjà le destin de l’homme est scellé. Dans la morphopsychologie balzacienne, « son cou très court appelle le couperet ».
[modifier] Laurence de Cinq-Cygne
La jeune fille était encore enfant lorsque la populace est venue tirer les Simeuse de leur domicile, épargnant les jumeaux à cause de leur jeune âge, et aussi Laurence, petite fille terrorisée. La caractéristique de la jeune fille est une totale maîtrise de son apparence. Elle joue de sa beauté et de sa grâce pour donner l’illusion qu’elle n’est qu’un fragile tanagra. En vérité, elle cache une volonté de fer et une force virile. Elle fait croire à son oncle et à sa tante Hauteserre, qui l’ont recueillie après le drame, qu’elle parcourt la campagne à cheval pour son plaisir, alors que la vérité est tout autre. Elle fait en réalité passer des messages aux Simeuse, épaulés par l’aristocratie étrangère hostile à Napoléon. Les parents Hauteserre ignorent que leurs deux fils ont également rejoint leurs cousins et pensent que les jeunes gens se cachent pour échapper à la conscription napoléonienne.
[modifier] Le complot royaliste
Les jumeaux Simeuse et les frères Hauteserre, rentrés en France, financés par les cours étrangères, ont l’intention de rétablir la royauté. De quelle façon vont-ils s’y prendre ? L’explication reste obscure, mais ne gêne pas le déroulement de l’action, qui, comme dans tous les romans policiers se joue des invraisemblances. En outre, Fouché les soupçonnant de vouloir récupérer leur terre de Gondreville, abandonnée à un de ses affidés du nom de Malin, il envoie sur place les policiers Peyrade et Corentin « le mirliflore dont la figure ressemble à une bouteille de limonade. »
[modifier] La terre de Gondreville
En réalité, Malin a fait transporter, sur la terre de Gondreville, des documents compromettants pour lui-même et pour Fouché sur l’autre complot : celui que Fouché a monté pour se débarrasser de Napoléon Bonaparte en faisant porter la responsabilité aux familles Simeuse et Hauteserre.
Cependant, Malin soupçonne (à juste titre) Michu de vouloir récupérer cette terre pour ses anciens maîtres. Il soupçonne aussi (et Corentin est là pour s’en assurer) la famille Hauteserre, Michu, mademoiselle de Saint-Cygne, et l’ensemble des gens rattachés d’une manière ou d’une autre à la terre de Gondreville, de cacher les émigrés. Ce qui est exact.
[modifier] Le trésor et la grotte de Michu
En parcourant la forêt, Michu a découvert les restes d’un ancien monastère sous lesquels se trouve une grotte. C’est là qu’il cache les jeunes gens recherchés et leur fait porter la nourriture nécessaire alternativement par un commis qui joue les niais devant la police, par sa femme qui se fera piéger, ou par mademoiselle de Saint-Cygne (insaisissable). Michu a d’autre part conservé un trésor à l’usage de ses maîtres. Alors qu’on le croit prêt à tout pour s’enrichir dans le village, il a au contraire caché des sacs d’or au pied d’arbres spécifiquement marqués. Ce trésor sera fort utile à la famille.
Malheureusement c’est le jour du carnaval au pays, ce même jour où Malin est enlevé, que la famille choisit de déterrer le trésor. Leur alibi sera difficile à établir. Mais mademoiselle de Saint-Cygne traite Corentin avec une telle arrogance que le mirliflore perd un peu de sa superbe.
[modifier] L’enlèvement du sénateur
Balzac se serait inspiré d’un fait divers : l’enlèvement du sénateur Clément de Ris sous l’Empire (incarné par Malin dans le roman)[3] en liaison avec un complot contre Napoléon. Si tel est le cas, le fait divers ne prend qu’une faible place dans le récit. Des hommes masqués de même taille que les Simeuse et les Hauteserre enlèvent Malin, brûlent les documents compromettant et font disparaître l’homme que l’on retrouvera dans la grotte même où étaient cachés les Simeuse. Corentin a donc fini par éventer la supercherie de Michu et c’est lui qui sera le premier accusé. Car Corentin fait passer à sa femme Marthe un billet où l’écriture de Michu est imitée, et où l’homme demande à Marthe d’apporter des provisions au prisonnier,dans le but de la tromper,et de la faire accuser. C’est là que Marthe est arrêtée.
[modifier] Le procès
Il a lieu au tribunal de Troyes. Conseillés par leur parent, le sage marquis de Chargebœuf qui les accueille chez lui, aidés d’avocats talentueux (Bordin) soutenus par monsieur de Grandville, impartial substitut du procureur qui ne se laisse pas convaincre par un jury « acheté », les familles Simeuse, Hauteserre, Mademoiselle de Saint-Cygne et Michu ont bon espoir. Mais le piège de Corentin a fonctionné à merveille et Marthe est prise au moment où elle apporte un pain au prisonnier de la grotte. Rien ne pourra sauver Michu de l’échafaud bien que Mademoiselle de Saint Cygne abandonne son arrogance pour obtenir la grâce de ce fidèle régisseur auprès de Napoléon.
[modifier] La rencontre de Laurence et Napoléon
Selon Alain : « Napoléon est peut-être le vrai héros d'Une ténébreuse affaire. Il y est gigantesque et réel[4] ». Lorsque Laurence de Saint-Cygne va le trouver sur le champ de bataille à la veille de Marengo, elle demande la grâce de Michu, des Simeuse, des Hauteserre : « Ils sont tous innocents, déclare-t-elle. » Napoléon lui montre les campements de deux armées en disant : « Ceux-là sont certainement innocents, et demain, trente mille hommes auront péri ».
[modifier] L’échec de Fouché
Dès l’annonce de la victoire de Napoléon à Marengo, Fouché sait qu’il a perdu l’occasion de prendre le pouvoir. Le récit des détails de son complot et des trahisons dont il est menacé, se fait maintenant dans un salon. Les années ont passé. C’est De Marsay qui raconte les agissements du brelan de prêtres : Talleyrand, Fouché, Sieyès. En véritable politicien, il livre tous les détails et permet au lecteur de comprendre Marengo et le 18 Brumaire.
[modifier] La fin annoncée de De Marsay
Cependant De Marsay tousse, il semble en mauvais état, et Balzac nous annonce brièvement et sans plus d’explication que : « cela se passe peu avant sa mort ». Maladie mystérieuse, mort inexpliquée, cette fin convient parfaitement à ce mystérieux membre des Treize.
[modifier] Notes et références
- ↑ Extraite de L’Œuvre de Balzac, parue au « Club français du livre », reprise dans « Le livre de poche », Hachette Livre-classique en 1963.
- ↑ déjà actifs dans Les Chouans
- ↑ Dictionnaire des œuvres Laffont-Bompiani, t. VI, p. 366.
- ↑ Introduction à Une ténébreuse affaire, Le livre de poche, Hachette, p. 12, op. cit.
[modifier] Bibliographie
- Max Andreoli, « Sur le début d’un roman de Balzac, Une Ténébreuse Affaire », L'Année balzacienne, 1975, p. 89-123.
- S. J. Berard, « A propos d’Une Ténébreuse Affaire, problème de genèse blème-blême », Cahiers de l’Association Internationale des Études Françaises, 1963, n° 15, p. 331-340.
- Etiènne Cluzel, « David Séchard d’Honoré de Balzac ou une autre 'ténébreuse affaire' », Bulletin du Bibliophile et du Bibliothécaire, 1957, n° 6, p. 225-241.
- René-Alexandre Courteix, « La Vision de l’église catholique dans Une Ténébreuse Affaire », L’Année balzacienne, 1998, n° 19, p. 29-38.
- (it) Luigi Derla, « Balzac e il romanzo storico: Une Ténébreuse Affaire », Testo: Studi di Teoria e Storia della Letteratura e della Critica, Jan-June 2005, n° 26 (49), p. 67-82.
- (en) Owen Heathcote, « Balzac at the Crossroads: The Emplotment of Terror in Une ténébreuse affaire », The Play of Terror in Nineteenth-Century France, Newark ; London, U of Delaware P ; Associated UP, 1997, p. 130-46.
- Ayse Eziler Kiran, « La Révolution et ses référents dans Une Ténébreuse Affaire de Balzac », Frankofoni, 1989, n° 1, p. 213-24.
- Mireille Labouret, « Le Sublime de la terreur dans Les Chouans et Une Ténébreuse Affaire », L’Année balzacienne, 1990, n° 11, p. 317-327.
- Pierre Laubriet, « Autour d’Une ténébreuse affaire », L’Année balzacienne, 1968, p. 267-282.
- Jacques Maurice, « La Transposition topographique dans Une Ténébreuse Affaire », L’Année balzacienne, Paris, Garnier Frères, 1965, p. 233-8.
- Anne-Marie Meininger, « Andre Campi : du Centenaire à Une ténébreuse affaire », L’Année balzacienne, 1969, p. 135-145.
- (en) Armine Kotin Mortimer, « Balzac: Tenebrous Affairs and Necessary Explications », The Play of Terror in Nineteenth-Century France, Newark ; London, U of Delaware P ; Associated UP, 1997, p. 242-55
- (it) Pierluigi Pellini, « Balzac fra romanzo storico e ‘romanzo giudiziario’: Lettura di Un caso tenebroso », Problemi: Periodico Quadrimestrale di Cultura, Jan-Apr 1996, n° 104, p. 50-79.
- Franc Schuerewegen, « Une ténébreuse affaire ou l’histoire et le jeu », L’Année balzacienne, 1990, n° 11, p. 375-388.
- Françoise M. Taylor, « Mythes des origines et société dans Une Ténébreuse Affaire de Balzac », Nineteenth-Century French Studies, Fall-Winter 1985-1986, n° 14 (1-2), p. 1-18.
- (en) Gwen Thomas, « The Case of the Missing Detective: Balzac’s Une ténébreuse affaire », French Studies, July 1994, n° 48 (3), p. 285-98.