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Renaissance du XIIe siècle - Wikipédia

Renaissance du XIIe siècle

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De nouvelles découvertes technologiques ont permis le développement du style gothique.
De nouvelles découvertes technologiques ont permis le développement du style gothique.

Les XIIe et XIIIe siècles marquent en Occident l'apothéose de la renaissance ottono-clunisienne des Xe et XIe siècles et ont été l'âge d'or du Moyen Âge. L'Occident contrôle la Méditerranée et a accès aux connaissances des mondes musulman et persan. La circulation des connaissances se fait dans un espace géographique énorme. Cela accentue les transformations sociales, politiques et économiques et la revitalisation intellectuelle secondaires à la renaissance ottono-clunisienne et ouvre la voie aux mouvements artistiques et littéraires de la Pré-Renaissance dans l'Italie du Trecento [1] et les développements scientifiques du XVIIe siècle.

La redécouverte des travaux d'Aristote ont mené Thomas d'Aquin et d'autres penseurs à développer la philosophie de la scolastique. En architecture, de nombreuses cathédrales gothiques ont été construites ou complétées pendant cette période.

Sommaire

[modifier] Contexte

[modifier] Renaissance ottono-clunisienne

L’éphémère renaissance carolingienne du IXe siècle a posé les bases d'une poussée technologique et culturelle. L'instauration de réseaux monastiques sur les voies de pèlerinages va permettre l'échange des connaissances à travers toute l'Europe. Le Xe siècle est favorable à l'instauration d'États structurés permettant la reprise des échanges. Les États de la Marche espagnole et principalement le comté de Barcelone bénéficiant de contacts frontaliers avec le monde musulman vont améliorer leurs techniques agricoles et avoir accès aux écrits de l'Antiquité. Ces progrès techniques voyageant sur les chemins de Saint-Jacques vont bénéficier à l'Europe entière. Apparaissent ainsi l'usage de la charrue au lieu de l'araire, des chevaux à la place des bœufs, et le système de rotation triennal et non plus biennal. Les rendements atteignent 4 pour 1 en Bourgogne au XIIe siècle contre 2 à 3 pour 1 à l'époque carolingienne[2].

Amélioration des techniques de construction : utilisation de la roue de levage.
Amélioration des techniques de construction : utilisation de la roue de levage.

Ces améliorations techniques sont potentialisées par l' optimum climatique médiéval, une période de réchauffement climatique allant du Xe jusqu’au XIVe siècle environ. Le blé est cultivé jusqu'en Scandinavie, et la vigne au nord de l’Angleterre, même si l'expansion la plus importante des vignobles se produit pendant le petit âge glaciaire du XIVe siècle. Cette protection contre la famine permet à la population européenne de croître, malgré la famine de 1315 qui tue 1,5 million de personnes. On considère qu'entre 950 et 1300, la population européenne a doublé et triplé dans certaines régions [3]. L'augmentation de la population entraîne d'immenses défrichements et assèchements de marais qui permettent d'étendre les surfaces cultivées. Cela permet d'augmenter encore la production agricole et donc de nourrir plus de bouches.

Au XIe siècle, les populations du nord des Alpes colonisent de nouvelles terres, dont certaines étaient retournées à l'état sauvage après la fin de l'Empire romain. Dans ce qui a été appelé les « grands nettoyages », de vastes forêts d'Europe ont été rendues agréables. Au même moment, les colonies ont dépassé les frontières traditionnelles de l'Empire franc jusqu'aux nouvelles frontières d'Europe de l'Est, au-delà de l'Elbe, triplant la taille de la Germanie par la même occasion. Les Croisés ont fondé des colonies au Levant, la Reconquête espagnole a repeuplé l'espace repris aux Maures, et les Normands ont colonisé le sud de l'Italie ; toutes les populations ont donc ainsi augmenté.

La création du Saint-Empire et la mainmise des Ottoniens sur l'Italie du Nord vont entraîner la possibilité d'échanges commerciaux entre le Saint-Empire et la Méditerranée. Profitant de leur position géographique centrale dans ces échanges, des villes comme Gênes, Amalfi ou Pise vont se doter de flottes commerciales et militaires puissantes et prendre le contrôle de la Méditerranée, rendant possibles les croisades.

Icône de détail Pour plus de détails, voir l’article renaissance ottono-clunisienne.

[modifier] XIIe et XIIIe siècles : âge d'or de l'Occident médiéval

États croisés du Proche-Orient en 1140.
États croisés du Proche-Orient en 1140.

[modifier] Croisades

Au XIIe siècle, cette tendance se confirme : après la prise de Jérusalem en 1099, le Proche-Orient est à présent contrôlé par la chrétienté. Les ordres militaires créés pour contrôler ces nouveau territoires vont s'organiser en de gigantesques réseaux transnationaux, accélérant les échanges de connaissances avec les mondes byzantin et musulman. Par exemple, les commanderies templières sont implantées en terre sainte, dans tous les pays chrétiens de la péninsule ibérique (où les templiers participent à la reconquista) à l'Europe orientale aux frontières du monde païen (on y comptera jusqu'à 14 établissements et deux forteresses templières[4]).

[modifier] Cisterciens

Icône de détail Articles détaillés : Art cistercien et Ordre cistercien.
Intérieur de l'église abbatiale de Fontenay
Intérieur de l'église abbatiale de Fontenay

Si l'ordre de Cluny a été l'un des moteurs de la renaissance ottono-clunisienne, en s'enrichissant il perd de sa rigueur et sa crédibilité. L'ordre cistercien, qui est fondé en 1098 à l'abbaye de Cîteaux par Robert de Molesme va être un acteur important de la diffusion des connaissances et de la culture en Europe à partir du XIIe siècle. Avec le support de la papauté, des rois et des évêques, l'influence de Bernard de Clairvaux dans l’expansion de l’ordre est décisive. À sa mort en 1153, on compte trois cent cinquante monastères. L'Ordre du Temple fondé en 1129 sur le modèle de Cîteaux avec le soutien des Cisterciens au Concile de Troyes, a accès aux connaissances issus des échanges culturels aux confins de la chrétienté. Or, les moines cisterciens mettent en avant le travail manuel là où les Clunisiens encourageaient surtout l'esprit. Ils vont donc répertorier et améliorer les techniques agricoles et appliquer les progrès scientifiques à leurs propres infrastructures. Ils font entre autres progresser les techniques d'irrigation et construisent des moulins hydrauliques à turbine bien plus efficaces énergétiquement que les moulins à aube. La présence au sein des monastères de nombreux frères convers habitant avec leur famille dans les villages avoisinants permet de diffuser les nouvelles techniques dans la population rurale et d'accélérer la croissance démographique. D'autre part, les Cisterciens vont créer leur propre style architectural se caractérisant par des bâtiments remarquables par la pureté de leurs lignes, l'économie des matériaux et la simplicité du plan d'ensemble. L'apparition d'arches brisées préfigure le gothique et la pureté de ligne donne une acoustique extraordinaire à leurs chapelles.

[modifier] Accélération des échanges commerciaux

Caravane sur la route de la soie (1380)
Caravane sur la route de la soie (1380)

L'accroissement démographique et l'amélioration des techniques agricoles permettent une accélération de la production et dégagent des richesses et de la main-d'œuvre pour d'autres taches. Les villes croissent, ainsi que le nombre de commerçants et d'artisans. Il est plus facile de commercer à cette époque par voie maritime que par les routes. Les républiques maritimes italiennes s'enrichissent grâce à leurs réseaux commerciaux densifiés après les croisades et leur puissance maritime est telle qu'elles peuvent profiter des luttes d'influence entre le Saint-Empire et la papauté, pour obtenir leur autonomie. De la même manière, les villes du nord du Saint-Empire créent des réseaux commerciaux qui couvrent la Baltique et la mer du Nord dès 1150 et se regroupent autour de la ligue hanséatique à partir de 1241, incluant Lübeck, Hamburg, Cologne, Brême, Hanovre et Berlin. Les cités hanséatiques hors du Saint-Empire Romain sont Bruges et la ville polonaise de Gdańsk. À Bergen et Novgorod, la ligue dispose d'ateliers et d'intermédiaires. Pendant cette période, les Germains colonisent l'est de l'Europe au-delà de leur empire, en Prusse et en Silésie. Tout comme les républiques italiennes, la puissance de cette ligue permet à ces villes d'obtenir une quasi-autonomie. Les échanges se font sur une zone géographie énorme et cela contribue à accélérer les progrès culturels.

À la fin du XIIIe siècle, un explorateur vénitien appelé Marco Polo devient un des premiers Européens à voyager le long de la Route de la soie jusqu'en Chine. La conscience de l'Est lointain augmentent à la lecture de ses voyages dans Il Milione. Il est suivi par de nombreux missionnaires chrétiens vers l'Est, comme William de Rubruck, Giovanni da Pian del Carpini, André de Longjumeau, Odoric de Pordenone, Giovanni de Marignolli, Giovanni di Monte Corvino, et d'autres voyageurs comme Niccolo Da Conti.

[modifier] Technologie

Chantier médiéval de Guédélon
Chantier médiéval de Guédélon
Article principal : Technologie médiévale

Pendant les XIIe et XIIIe siècles en Europe s'est déroulé un changement radical dans la quantité de nouvelles inventions, innovations par le fait de gérer des moyens traditionnels de production, et de croissance économique. En moins d'un siècle, il y a eu plus d'inventions développées et appliquées avec succès que dans les millénaires précédents de l'histoire de l'Homme sur tout le globe. Cette période a vu des avancées technologiques majeures, incluant l'adoption ou l'invention de l'impression, la poudre à canon, l'astrolabe, les lunettes, une meilleure horloge, et des navires bien améliorés. Ces deux dernières avancées ont rendu possible l'avènement de l'Âge de l'exploration.

Alfred Crosby décrit certaines de ces révolutions technologiques dans The Measure of Reality : Quantification in Western Europe, 1250-1600 et d'autres historiens majeurs de la technologie l'ont aussi remarqué.

[modifier] Écoles, cathédrales et Universités

C'est à partir de la fin du XIe siècle que les écoles urbaines s'imposent, à Angers, Chartres, Laon, Paris, Reims, et que les écoles monastiques s'effacent, pour plusieurs raisons :

  • La croissance urbaine
  • Le mouvement de réforme des monastères, qui se «recentrent» sur le rôle de lieu de prière
  • La disparition progressive de l'institution des oblats
  • La contradiction entre formation intellectuelle et humilité monastique, défendue par Saint Bernard
  • Les effets de la réforme grégorienne, qui encourage les écoles épiscopales et la restauration d'une vie commune pour les chanoines, qui se regroupent en collégiales

En 1179, le IIIe concile du Latran en 1179 codifie les évolutions qui ont eu lieu au cours du siècle : chaque église cathédrale doit avoir une école ; le chapitre doit réserver un bénéfice pour l'écolâtre.

À Paris, l'École du Chapitre étant tombée en décadence, de nombreuses écoles rivales s'étaient établies sur la colline Sainte-Geneviève, pour échapper au contrôle épiscopal. Dès 1208-1209, pour résister aux prétentions du Chapitre, les maîtres se groupent en une association qui, en 1215, prend le nom de Universitas magistrorum et scolarium. Il s'agit aussi d'échapper à la juridiction royale.

C'est dans ces conditions qu'Innocent III jette les bases de l'Université de Paris. Dès 1200, le roi Philippe Auguste et le pape s'étaient entendus pour considérer les étudiants comme des clercs (Charte de Philippe Auguste). Ils échappent donc au pouvoir temporel et reçoivent le droit de s'organiser sous la haute autorité du Pape. L'intervention pontificale est donc particulièrement nette pour l'Université de Paris, qui reçoit ses statuts du Pape parce qu'elle s'avère dès le départ être le phare de la théologie.

En 1215, le Pape ordonne au chancelier de Notre-Dame de Paris de conférer les grades universitaires à ceux qui en ont été jugés dignes par leurs maîtres. Le premier statut officiel de la «Communauté des maîtres et élèves de Paris» est promulgué par Robert de Courçon. C'est reconnaître la liberté de collation des grades sans intervention épiscopale. L'université devient une communauté autonome, ce qui est confirmé par Grégoire IX en 1231 (bulle Parens scientarum). Dans la lutte entre l'évêque de Paris et l'Université, le roi de France soutient en général l'évêque, et le pape, l'université.

Cours dans une Université médiévale.
Cours dans une Université médiévale.

Une seconde université est créée à Toulouse en 1229. Il existait une tradition scolaire en Languedoc : outre Montpellier, centre considérable dédié à la médecine et sans doute aussi au droit, il y avait des écoles monastiques et quelques écoles épiscopales.

Mais cette fondation est à replacer surtout dans le contexte de la croisade albigeoise. D'une part, elle est imposée à Raymond VII de Toulouse par le pape (traités de Paris et de Meaux en 1229). L'université est d'autre part d'une certaine façon la continuation de la prédication dominicaine du début du XIIIe siècle, en vue de faire reculer l'hérésie non par les armes, mais par l'explication de la foi chrétienne.

Les matières enseignées sont très différentes de celles enseignées à Paris :

  • Le droit civil, interdit à Paris en 1219 par la bulle Super speculam. Il a d'ailleurs tellement de succès à Toulouse et ailleurs qu'Innocent IV se plaint en 1254 qu'il détourne de la théologie ;
  • Aristote et ses ouvrages de cosmologie, interdits à Paris jusqu'en 1255.

Les premiers professeurs de théologie nommés à Toulouse viennent de Paris, dans le contexte de grève et de dispersion de l'Université de Paris cette année-là. Devant l'hostilité de la population, ils partent, mais l'Université survit grâce à l'appui du pape Grégoire IX qui lui octroît les mêmes privilèges qu'à l'Université de Paris (1233) ; par exemple, tout maître régulièrement reçu dans une des Facultés pourrait enseigner partout ailleurs sans autre examen, étudiants et maîtres ne dépendraient que de la justice ecclésiastique... Le premier collège pour étudiants pauvres ouvre en 1243, avant la Sorbonne (1257), et les collèges d'Oxford (1262) et de Cambridge (1284).

Le renom de la faculté de médecine de Montpellier s'explique en grande partie par la situation géographique de la ville, qui, au bord de la Méditerranée, est en contact avec le monde oriental et plus encore avec l'Espagne où les Arabes et les communautés israélites ont conservé et perfectionné le legs médical de l'Antiquité. Si Salerne bénéficie des mêmes conditions, son prestige décline à mesure que s'affirme celui de Montpellier.

Cette école, sans doute très ancienne, n'entre dans l'histoire qu'en 1137. En 1180, la liberté d'enseignement médical est établie dans la ville. C'est alors que s'affirme l'influence pontificale : le cardinal-légat Conrad promulgue en 1221 les premiers statuts de la faculté de médecine, qui sont complétés en 1229 par le légat Guy de Sora. Un chancelier dirige l'école, qui relève de la justice ecclésiastique. Jusqu'au XIVe siècle, l'évêque conserve un droit de regard sur la collation de la licence et du doctorat. Les étudiants reçoivent alors quelques privilèges sans participer vraiment à la gestion et à l'organisation de l'Université.

L'enseignement repose essentiellement sur l'étude livresque des «autorités» classiques, les Grecs Galien (IIe siècle apr. J.-C.) et Hippocrate (Ve-IVe siècle av. J.-C..). Leur physiologie repose sur la théorie des humeurs (sang, lymphe, bile jaune et bile noire) dont dérive celle des tempéraments. S'y ajoute l'étude des docteurs hébreux ou de tradition arabe, comme le perse Avicenne (mort au début du XIe siècle). L'expérimentation est rare : il n'est prévu qu'une dissection en deux ans d'études.

L'école de droit commence brillamment. Son premier maître connu est Irnerius, maître de Bologne venu chercher refuge. La Faculté assure l'enseignement, vers 1230, du droit civil et du droit canon, mais c'est seulement en 1285 que l'évêque obtient l'autorisation de délivrer la licence.

La théologie s'enseigne dès le milieu du XIIIe siècle dans les couvents mendiants. Ce n'est qu'en 1241 qu'elle se constitue en véritable faculté avec l'évêque comme chancelier.

[modifier] Science

Si l'on met à part le monde byzantin, les enseignements philosophiques et scientifiques du début du Moyen Âge n'ont été basés que sur de rares copies et commentaires d'anciens textes grecs survivant en Europe de l’Ouest après la chute de l'Empire romain de l'Ouest. Une large partie de l’Europe occidentale avait alors perdu le contact avec les connaissances du passé.

Ce scénario change après la renaissance ottono-clunisienne. Le contact avec le monde islamique en Espagne [5]et Sicile[6] lors de la Reconquête et des Croisades ont permis aux Européens de préserver des copies des travaux des Romains et des anciens Grecs (qui étaient précédemment perdus) ainsi que les travaux des philosophes islamiques, dont en particulier Averroès. La naissance des universités médiévales a commencé avec une nouvelle infrastructure qui était nécessaire pour les communautés scientifiques et aidée matériellement pour la traduction et la propagation de ces textes.

Au début du XIIIe siècle, des traductions latines correctes des principales œuvres de tous les anciens auteurs cruciaux étaient raisonnablement disponibles. À partir de ce moment, la philosophie naturelle contenue dans ces textes a commencé à s'étendre par des savants tels que Robert Grosseteste, Roger Bacon, Albertus Magnus et Duns Scotus. Les précurseurs des méthodes scientifiques modernes peuvent être aperçus dans l'emphase de Grosseteste sur les mathématiques comme méthode de compréhension de la nature, et dans l'approche empirique admirée par Bacon. D'après Pierre Duhem, la Condamnation de 1277 a mené à la naissance de la science moderne, car elle a forcé les penseurs à éviter de trop se baser sur Aristote, et ainsi de penser plus le monde en de nouvelles façons.

La première moitié du XIVe siècle a vu naître les travaux scientifiques de grands penseurs. Guillaume d'Ockham a introduit le principe de parcimonie : la philosophie ne doit s'intéresser qu'à des sujets sur lesquels elle peut fournir un vrai savoir. Cela a pour but de mener au déclin des débats sans buts et le déplacement de la philosophie naturelle vers la science. Les chercheurs comme Jean Buridan et Nicolas Oresme ont commencé à mettre en question la sagesse reçue des principes de la mécanique d'Aristote. En particulier, Buridan a développé la théorie de l'impetus qui était une première étape vers le concept moderne d'inertie.

En 1348, la peste noire et d'autres désastres ont scellé une fin soudaine à la période précédente de développements scientifiques et philosophiques massifs. Plus tard, de nouveaux développements mèneront à la Révolution scientifique, qui peut être aussi comprise comme une reprise de ce processus de changement scientifique arrêté par le début de la peste noire.

[modifier] Scolastique

Article principal : Scolastique

Une nouvelle méthode d'apprentissage appelée scolastique a été développée vers la fin du XIIe siècle à partir de la redécouverte des travaux d'Aristote à travers les Juifs médiévaux et la philosophie musulmane (Maïmonide, Avicenne, et Averroès) et ceux qu'ils ont influencés, dont les plus célèbres Albert le Grand, Bonaventure et Abélard. Il s'agit d'une méthode fondée sur l'étude et le commentaire des textes religieux et profanes fondamentaux et autorisés. Elle comporte trois types d'exercice : la lectio d’une part, la quaestio et la disputatio d'autre part. C'est sur cet aspect que se concentrera la critique rationaliste et moderne de la scolastique. Sa méthode est en effet une pure spéculation intellectuelle, fondée exclusivement sur le commentaire de textes ou le commentaire de commentaires, s'interdisant tout regard direct sur le réel.

Il s'ensuit une profonde réflexion philosophique qui remet en cause certains fondements de l'Église ce qui aboutit à une querelle théologique.

Une première période (du début du XIe siècle à la fin du XIIe siècle) est marquée par la querelle des universaux, opposant les réalistes, menés par Guillaume de Champeaux, aux nominalistes, représentés par Roscelin, et aux conceptualistes (Pierre Abélard).

Les universaux sont des types, des propriétés ou des relations et caractérisent ce qui est invariable dans le temps et dans l'espace. Les universaux s'opposent donc aux particuliers et sont assimilables, en première approche, à des concepts.

Ainsi la chevalinité, la circularité, ... sont des universaux. À l'inverse, tel cheval, tel cercle sont des particuliers.

Les écoles s'opposent sur la question de savoir si les universaux sont de pures conceptions de l'esprit, c'est-à-dire de simples concepts, ou s'ils sont des idées, assimilables à la conception platonicienne des Idées et ont à ce titre une existence propre.

Cette opposition traverse de part en part l'histoire de la philosophie. Platon, idéaliste, et Aristote, réaliste, ont présenté des thèses opposées. Pour Platon, les Idées existent et sont même la seule réalité. Pour Aristote, l'observation de la nature (physis) et des réalités concrètes prime.

Saint Thomas d'Aquin, docteur de l'église catholique, (1225-1274).
Saint Thomas d'Aquin,
docteur de l'église catholique,
(1225-1274).

Si la thèse platonicienne a longtemps été dominante, voire exclusive, elle fut remise en cause par le chanoine de Compiègne Roscelin, qui affirma que les universaux sont avant tout des abstractions, qui n'ont d'existence que dans l'esprit de celui qui les forme et au moyen des mots ou des noms dont on les désigne ; ce qui a donné son nom à cette thèse : le Nominalisme.

Une deuxième période (du XIIe siècle à la fin du XIIIe siècle) voit l'entrée en force des œuvres d'Aristote, introduites par les philosophes juifs et arabes, notamment Averroès, mais ensuite traduites du grec en latin par Albert le Grand et par Guillaume de Moerbeke, secrétaire de Thomas d'Aquin.

Plusieurs sensibilités se sont exprimées dès cette époque. On note par exemple que Robert Grossetête à Lincoln, et Roger Bacon à Oxford, davantage portés vers l'expérience que vers la spéculation pure, avaient identifié quelques erreurs commises par Aristote à propos des phénomènes naturels, ce qui ne les empêcha nullement de reconnaître l'importance de la philosophie d'Aristote.

Ceux qui ont pratiqué la méthode scolastique croient en l'empirisme et supportent les doctrines de l'Église romaine catholique à travers les études séculaires, le raisonnement et la logique. Ils opposent le mysticisme chrétien et les croyances platonistes-augustiniennes dans le dualisme (philosophie de l'esprit) et la vue du monde comme fondamentalement mauvais. Le plus célèbre pratiquant de la scolastique est Thomas d'Aquin (élevé plus tard au rang de docteur de l'Église), qui a mené le déplacement du Platonisme et de l'Augustinisme vers l'Aristotélisme. Utilisant la méthode scolastique, d'Aquin a développé une philosophie de l'esprit en écrivant que l'esprit était lors de la naissance une tabula rasa (« table blanche ») à qui est donné la possibilité de penser et de reconnaître des formes ou idées à travers une étincelle divine. D'autres scolastiques célèbres sont Roscelin, Abélard, et Pierre Lombard. Une des principales questions pendant cette période de temps a été le problème de l'univers. De proéminents non-scolastiques de la même période sont Duns Scots, Guillaume d'Ockham, Anselme de Canterbury, Pierre Damien, Bernard de Clairvaux, et les Victorines.

[modifier] Saint Anselme (1033-1109)

Anselme de Canterbury(1033-1109) : théologien et philosophe, il enseigne à l'abbaye du Bec-Hallouin près d'Évreux, où il suit d'abord les leçons de Lanfranc. Il est nommé archevêque de Canterbury en 1093.

Il tente de comprendre la foi chrétienne à la lumière de la raison dans le Monologion, puis le Proslogion qui contient l'«argument ontologique» de l'existence de Dieu. Enfin, dans son Cur Deus Homo, il cherche à interpréter rationnellement le dogme de l'incarnation. L'influence de Platon et de Saint Augustin est assez sensible dans son œuvre.

Saint Anselme s'inscrit dans le courant qui veut mettre la démarche rationnelle au service de la foi. Ce n'est pas une théologie rationnelle au sens où la raison doit suffire à faire comprendre la divinité; il ne s'agit pas de comprendre pour croire, mais de comprendre au moyen de la dialectique les vérités de foi admises : Credo ut intellegam.

Saint Anselme accorde à l'Homme une place essentielle dans la création. Dans le Cur Deus Homo, Anselme refuse l'idée communément admise selon laquelle l'Homme aurait été créé par Dieu pour remplacer les anges déchus après la révolte de Lucifer. Anselme affirme que, de toute façon, la nature humaine a été créée par Dieu parce qu'elle le méritait. L'être humain n'est donc pas une créature de remplacement, il a été prévu de toute éternité par Dieu qui, en s'incarnant, a donné une autre dimension à l'humanité.

Définir l'existence de Dieu par l'exercice de la raison et non plus seulement en étudiant la Révélation était un enjeu encore plus important. Saint Anselme, s'appuyant sur une démarche dialectique, affirme l'existence de Dieu par l'argument ontologique : «nous avons en nous l'idée d'un Dieu parfait ; or l'existence est une condition première de la perfection. Si donc Dieu est parfait, Dieu existe».

L'argument ontologique est contesté par Gaunilon de Marmoutier, moine près de Tours : on ne peut réfléchir à l'essence d'un être que si on a préalablement établi son existence.

[modifier] Robert Grossetête (1175-1253)

En 1215, il devient chancelier de l'université d'Oxford, en 1230 il enseigne au studium franciscain d'Oxford d'où sortira 20 ans plus tard Roger Bacon. Passionné de grec dont il encouragea l'étude, il traduit lui-même l'Éthique à Nicomaque et les œuvres du Pseudo-Denys l'Aréopagite, effectue plusieurs commentaires sur l'œuvre d'Aristote, et fait venir à Oxford des lettrés de plusieurs pays - y compris la Grèce - en leur demandant d'apporter avec eux tout ce qui leur était possible comme traités de grammaire - ce qui contribue à asseoir la réputation de cette université. Il confirme la rotondité de la Terre indiquée par Aristote, mais ajoute des explications naturelles indiquant que les planètes doivent être rondes elles aussi.

Conscient que la mathématique est l'outil privilégié des autres sciences, il s'intéresse principalement à la géométrie (De lineis, angulis et figuris) et à l'astronomie (theorica planetarum, De accessione et recessione maris). Il développe la théorie selon laquelle tout le monde physique peut se décrire par de la géométrie. S'appuyant sur les traités d'optique d’Ibn al-Haytham, il étudie les rayons directs, les rayons réfléchis, les rayons déviés. Il s'intéresse à la formation de l'arc-en-ciel (De iride) et travaille sur les lentilles et les miroirs. Il découvre ainsi que les lentilles, non seulement ont la propriété de pouvoir mettre le feu, mais aussi peuvent servir plus simplement de loupe. Il étudie la réfraction de la lumière à travers un récipient sphérique rempli d'eau (De natura locorum). Il est à l'origine d'une règle (imparfaite) sur la notion de réfraction : "l'angle de réfraction est égal à la moitié de l'angle d'incidence".

Concernant les couleurs, dans son ouvrage De colore, il est un des premiers à faire une distinction entre :

  • le blanc (lux clara ou albedo) et le noir (lux obscura ou nigredo)
  • les 7 couleurs fondamentales

À chaque couleur, il affecte une autre propriété : la luminosité, permettant ainsi de faire la différence entre un bleu lumineux et un bleu terne.

Il développe une conception de l'infini et a l'intuition que certains infinis sont plus grands que d'autres.

À la suite d'Ibn al-Haytham, il défend l'idée que la science se bâtit par l'expérience.

[modifier] Roger Bacon (1214-1294)

Roger Bacon considère que seule l'expérience est source de certitude dans le domaine scientifique. Bacon rejette ainsi les raisonnements purement abstraits qui sont stériles pour l'avancement des sciences. Il crée la science expérimentale en faisant de l’expérience la seule source de connaissance scientifique.

[modifier] Albert le Grand (1193?-1280)

Le récolement des écrits d'Albert le Grand en 1899 dénombra un total de 38 volumes, démontrant sa connaissance étendue et littéralement encyclopédique de toutes sortes de sujets, incluant entre autres la logique, la théologie, la botanique, la géographie, l’astronomie, la minéralogie, la chimie, la zoologie, la physiologie et la phrénologie, tous ces domaines n’étant que le résultat de la logique et de l’observation. Il fut l’auteur le plus lu de son temps. Il lut et fit sienne la totalité de l’œuvre d’Aristote, dans une traduction latine accompagnée des notes des commentateurs arabes, qu’il interpréta et systématisa à la lumière de la doctrine de l'Église.

Albertus Magnus, fresque 1332, Trévise.
Albertus Magnus, fresque 1332, Trévise.

La connaissance qu’avait Albert des sciences physiques était considérable et, pour l’époque, relativement précise. Ses travaux dans chaque domaine était excellents, et bien que l’on trouve dans son analyse nombre d’erreurs caractéristiques de la philosophie scolastique, son étude prolongée d’Aristote lui donna une grande faculté de systématisation de sa réflexion et d’exposition de ses conclusions, et les résultats de cette étude, tels qu’ils nous sont parvenus, ne justifient en aucune façon le surnom méprisant qui lui est parfois donné de « singe d’Aristote ».[citation nécessaire] Bien plutôt ils nous conduisent à mieux apprécier les épithètes de Grand ou de doctor universalis que lui décernèrent ses contemporains. Il faut cependant admettre qu’une large partie de ses connaissances furent mal assimilées : ainsi Albert considérait-il que Platon et Speusippe étaient des stoïques.

Albert fut tout à la fois un étudiant et un professeur en alchimie et chimie. Il isola l’arsenic en 1250, le premier élément à être isolé depuis l’Antiquité et le premier dont le découvreur nous est connu. On a prétendu qu’il était magicien, du fait qu’il fut à plusieurs reprises accusé par certains de ses contempteurs de communier avec le diable, de pratiquer l’art de la magie, et d’être capable de parler une langue démoniaque. Il fut aussi l’un des alchimistes réputés être parvenus à découvrir la pierre philosophale.

[modifier] Guillaume de Champeaux (1070-1121)

Guillaume de Champeaux, évêque de Châlons (en Champagne) de 1113 à 1121 était un philosophe et un théologien français. Il a pris parti pour le réalisme dans la Querelle des universaux.

Il enseigna à l'école de la cathédrale Notre-Dame de Paris, dont il fut fait chanoine en 1103.

Ses seuls travaux imprimés sont un fragment sur l'Eucharistie (inséré par Mabillon dans son édition des travaux de saint Bernard) ainsi que Moralia a brevi ala et De Origine Animae[7]. Dans ces derniers il soutient que les enfants qui meurent non baptisés sont obligatoirement damnés, l'âme pure étant souillée par la grossièreté du corps. Il affirme que la volonté de Dieu ne doit pas être mise en question. Il soutient la théorie du créationnisme (selon laquelle une âme est spécialement créée pour chaque être humain). Ravaisson-Mollien a découvert un certain nombre de fragments de lui, parmi lequel le plus important est De Essentia Dei et de Substantia Dei; un Liber Sententiarum, composé de discussions sur l'éthique et sur l'interprétation de la Bible lui a aussi été attribué.

[modifier] Pierre Abélard

Abélard et Héloïse

Revenu vers 1102 à Paris et devenu maître (nom donné à un enseignant dans le monde médiéval) où il rompt avec l'école capitulaire de Notre-Dame, Pierre Abélard s'installe dans les environs de Paris sur la montagne Sainte-Geneviève où il fonde une école de rhétorique et de théologie ouverte par lui-même où il s'établit en 1108. Dans cette école, il y enseigne la rhétorique et la philosophie scolastique, et propage ses idées dans les écoles de Melun, de Corbeil et de Paris. Il jouit très rapidement d'une grande renommée dans le monde des intellectuels et passe vite pour l'un des philosophes les plus importants de sa génération.

C'est un maître brillant qui a un grand succès. Cette école fut fréquentée par plus de 3 000 auditeurs de toutes les nations, et d'où sortirent plusieurs hommes célèbres.

Il débute tardivement ses études de théologie, mais son succès est aussi important dans l'enseignement de cette matière que la philosophie. Malheureusement pour lui, il se trouve opposé à des personnalités éminemment importantes comme saint Bernard et Guillaume de Saint-Thierry, qui le considèrent comme un hérétique au vu de ses positions théologiques et doctrinaires sur la question de la trinité.

Pierre Abélard est un spécialiste du langage. Chez lui, la dialectique s'apparente à la logique. Avant Descartes, il pratique le doute méthodique : « En doutant, nous nous mettons en recherche, et en cherchant nous trouvons la vérité ».

Abélard va plus loin. Il souligne que l'on peut rendre compte des dogmes fondamentaux du christianisme en utilisant les notions de la philosophie païenne. D'autre part, professeur de dialectique, il montre que la logique, inspirée d'Aristote, peut être un instrument d'usage universel dans toutes les branches du savoir, en particulier en théologie.

Il semble qu'Abélard est le premier au Moyen Âge à donner au mot «théologie» son sens moderne d'effort d'exposition rationnelle et systématique du contenu des Écritures et des vérités de la foi. Abélard pensait que grâce à la dialectique on pouvait, de manière évidemment approximative, analogique, présenter les vérités révélées (comme le dogme de la Trinité) de telle sorte qu'il apparût au moins qu'elles n'étaient pas en contradiction avec les exigences de la raison. Cette perspective était à l'opposé de celle de la culture monastique traditionnelle, que Saint Bernard portait alors à son apogée et qui s'exprimait avant tout par le commentaire allégorique et mystique du texte sacré, préparé dans la méditation, la prière et l'humilité.

En 1121, son traité Theologia summi boni, écrit pour expliquer le mystère de la Trinité à l'aide d'arguments purement rationnels, est condamné par le synode de Soissons. En 1141, après le concile de Sens de 1140, dix-neuf de ses positions de l'Introductio ad theologiam sont déclarées hérétiques.

Saint Bernard, alerté par son ami Guillaume de Saint-Thierry, est particulièrement sévère, en lui reprochant de réduire les mystères chrétiens à des vérités rationnelles, de recourir à des analogies, de subordonner la crédibilité des vérités de la foi à leur démonstration logique, et de substituer des innovations personnelles à l'autorité des Écritures.

Cependant, ces condamnations ne sont pas celles de l'Église unanime : chaque fois, des prélats de haut rang et de haute culture, comme Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, l'ont défendu et accueilli après ses condamnations, qui n'ont d'ailleurs eu qu'un effet limité sur la diffusion de ses idées, de ses œuvres et de sa méthode.

Le primat de la dialectique signifie que la discussion, la «question disputée», devient désormais l'exercice scolaire fondamental que la lecture magistrale ne fait plus que préparer. Cela modifie les conditions mêmes du travail intellectuel, l'atmosphère des écoles et les rapports des étudiants entre eux et avec leur maître.

La liberté relative dont jouissaient les écoles parisiennes était la garantie d'échanges intellectuels intenses, stimulés par le succès de la dialectique et de la dispute, instruments d'un véritable progrès de la connaissance. La rançon de cette atmosphère d'émulation permanente et de curiosité intellectuelle toujours en éveil est la fréquence des querelles et l'âpreté des jalousies entre élèves d'une même école ou entre maîtres rivaux qui se disputent les auditoires d'étudiants.

Abélard fut sans doute le plus grand défenseur du nominalisme au Moyen Âge. Il se permet même de s'attaquer aux idées de la doctrine du réalisme enseigné par Guillaume de Champeaux et celles de Roscelin, le nominalisme. Il réussit à unir ces deux doctrines sous un système de conceptualisme.

Avec le Sic et Non (1123), recueil de citations extraites des Pères de l'Église, Abélard cherche à résoudre les oppositions sur les questions présentant des contradictions. Abélard invente une science du langage qui doit étudier le sens des mots, un même mot pouvant avoir plusieurs sens. Il développe ainsi la scolastique.

En théologie, sa doctrine est fondée sur l'impossibilité dialectique d'arriver à la connaissance du monde sans répudier le réalisme des choses. Il introduit le rationalisme au sein de la théologie. Dissolvant le mystère, il provoque les foudres de Saint Bernard. Puissance, Sagesse et Bonté sont pour lui les trois termes de la Trinité (Père/Fils/Saint Esprit). Les noms sont des attributs du divin hypostasié.

[modifier] Encyclopédies

En ce XIIe siècle où les civilisations entrent en contact, Abélard est aussi un précurseur du dialogue interculturel. Il écrit le Dialogue entre un philosophe, un juif et un chrétien (1142), qui restera inachevé. Les encyclopédies et les Sommes qui se multiplient au XIIe siècle participent de l'idée que le savoir mène à Dieu. La réunion des connaissances humaines dans un volume a pour but de contempler l'œuvre du créateur à travers des savoirs recueillis depuis l'Antiquité. Ces encyclopédies tendent à se dégager progressivement des interprétations mystiques et allégoriques.

  • Hugues de Saint-Victor (1096-1141), maître de l'école de l'abbaye des chanoines réguliers de Saint-Victor à Paris de 1115 à 1141, établit dans le De sacramentis une véritable encyclopédie du savoir théologique à travers l'étude des sacrements. Il voulait défendre dans son monastère l'éducation humaniste, tout en la maintenant servante de la théologie. Il distingue la philosophie mondaine et la théologie divine. Considéré par ses contemporains comme le premier théologien de son temps, il est l'auteur d'une œuvre exégétique importante.

Le Didascalicon d'Hugues de Saint-Victor est un traité de méthodologie, de pédagogie et d'herméneutique. Le sous-titre de ce traité, De arte legendi, nous apprend qu'il est aussi un art de lire, c'est-à-dire un art d'enseigner. Les trois premiers livres traitent des «écritures profanes», c'est-à-dire de tous les livres qui se rapportent aux arts libéraux ou aux sciences humaines. Toutes les sciences sont en effet utiles, non seulement pour parvenir à la sagesse, mais aussi pour comprendre les «écritures divines» dont traitent les trois derniers livres.

Les écritures profanes parlent de l'«œuvre de la création» (opus creatonis), les écritures divines de l'« œuvre de la rédemption ».

  • Pierre Lombard (vers 1100-1160) a été longtemps professeur dans les écoles de Paris. Il finit évêque de Paris. À partir d'une compilation de Pères de l'Église, il organise des groupes de questions avec discussion comprenant approbation et réfutation, puis la solution, qui était l'enseignement du maître (Livre des Sentences, 1152). Cet ouvrage divisé en quatre livres, présente un exposé complet, méthodiquement ordonné, des mystères de la foi. C'est là le fondement de la méthode scolastique qui va s'imposer dans l'enseignement universitaire. Les conceptions théologiques de Pierre Lombard deviennent celle de l'Église au quatrième concile de Latran.

L'Écriture est constamment citée dans les Sentences, mais elle est devenue une autorité invoquée, expliquée et commentée de façon à tenir son rôle dans les démonstrations et les argumentations théologiques du maître. Ce n'est plus elle, cependant, qui sert de cadre et d'armature à un manuel dont les avantages théologiques apparaîtront bientôt tels qu'on n'osera plus beaucoup modifier l'ordre des matières qu'il avait adopté.

Le succès de l'ouvrage de Pierre Lombard consacre en quelque sorte la distinction entre l'enseignement de l'Écriture et celui de la théologie qui s'était progressivement affirmée et qui sera un des traits caractéristiques de la méthode scolastique. Les maîtres de l'université, au XIIIe siècle, continuent sans doute à lire et à commenter l'Écriture. Mais dans leur enseignement théologique proprement dit, ce sont les Sentences de Pierre Lombard qu'ils expliquent et commentent.

Au XIIIe siècle, beaucoup d'encyclopédies sont produites dans la mouvance mendiante, comme Albert le Grand dans son De animalibus (1270) : l'ouvrage comprend 26 livres, 19 qui suivent la zoologie d'Aristote, les sept autres étant appuyés sur Pline l'Ancien. Il décrit les animaux selon leur milieu de vie, et apporte des connaissances nouvelles sur les animaux des contrées nordiques, comme le narval, dont la corne passait pour être une corne de licorne.

[modifier] Fin de l'Âge d'or

La scolastique a permis de libérer la pensée et a accéléré les développements scientifiques, mais elle a aussi provoqué une réflexion sur certains fondements de l'Église. Il en résulte des querelles universitaires et ecclésiastiques qui aboutissent à ce que certaines églises cherchent à se détacher de Rome. En découle la réflexion sur la primauté du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel : l'Europe est-elle une théocratie centralisée à Rome, un ensemble de théocraties ou un ensemble d'États gouvernés par des monarques de droit divin ? Les forces centrifuges sont donc à l'œuvre, mais Rome peut maintenir son influence tant qu'elle contrôle de vastes territoires en terre sainte (avec la force politique et militaire que lui confèrent les ordres militaires).

Le 28 mai 1291[8], les croisés perdent la ville de Saint-Jean-d'Acre à l'issue d'une bataille sanglante. Les chrétiens sont alors obligés de quitter la Terre Sainte : les ordres religieux tels que les Templiers et les Hospitaliers n'échappent pas à cet exode.

Frères templiers sur le bûcher.
Frères templiers sur le bûcher.

Or, une fois en Occident, la question de l'utilité de l'ordre du Temple se pose car il avait été créé, à l'origine, pour défendre les pèlerins allant à Jérusalem sur le tombeau du Christ. Or, il n'est soumis qu'à l'autorité papale et Boniface VIII déclare en 1300, par la bulle Unam Sanctam, la supériorité du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel, et par ce biais la supériorité du pape sur les rois, ces derniers étant responsables devant le chef de l'Église: Il tente d'instaurer une théocratie. La réplique de Philippe le Bel est foudroyante : Il envoie Guillaume de Nogaret notifier au pontife sa citation à comparaître devant un concile devant le déposer. Cet évènement est appelé "Attentat d'Anagni". Mais Boniface VIII meurt un mois plus tard. Le nouveau pape Clément V, d'origine française, est élu avec l'assentiment de Philippe le Bel et s'installe à Avignon. Philippe le Bel a les mains libres pour anéantir l'Ordre du Temple qui fait figure de bras armé de l'Église. Le 13 octobre 1307, les Templiers furent arrêtés. Beaucoup sont soumis à la torture pour obtenir des aveux correspondant aux chefs d'accusation : reniement de la Sainte-Croix, reniement du Christ, sodomie et adoration d'une idole (appelée le Baphomet. Ainsi, au XIVe siècle s'achève la longue période d'échanges culturels entre Orient et Occident qui avait été rendue possible par les croisades.


Carte de l'Europe au XIIIe siècle. Le "Saint Empire romain germanique" n'est pas un état unitaire mais un ensemble complexe de royaumes, duchés, principautés (dont certaines ecclésiastiques) et villes-républiques, l'empereur étant élu parmi les souverains par les électeurs palatins.
Carte de l'Europe au XIIIe siècle. Le "Saint Empire romain germanique" n'est pas un état unitaire mais un ensemble complexe de royaumes, duchés, principautés (dont certaines ecclésiastiques) et villes-républiques, l'empereur étant élu parmi les souverains par les électeurs palatins.

D'autre part, le XIVe siècle est marqué par la peste noire de 1348 et par un brusque refroidissement climatique, qui diminuent d'un tiers, peut-être de la moitié la population ouest-européenne. Les progrès ralentissent très nettement en France et à moindre mesure dans le reste de l'Europe. Le progrès redémarre avec la spécialisation des pays du nord de l'Europe dans l'artisanat et le commerce. A la fin de la guerre de 1453, date qui coïncide avec l'invention de l'imprimerie et la prise de Constantinople, commence la Renaissance.

[modifier] Historiographie

Icône de détail Article détaillé : Renaissance (historiographie).

Charles H. Haskins a été le premier à parler de la renaissance qui a surgi dans le Moyen Âge commençant vers 1070. Il a trouvé que le XIIe siècle en Europe : était sur de nombreux aspects un âge de vie fraîche et vigoureuse. L'époque des Croisades, des soulèvements des villes, et des premiers États bureaucratiques de l'Ouest, il a vu la culmination de l'art roman et le début du gothique ; l'émergence des littératures vernaculaires ; le retour du latin classique, la poésie latine et la loi romaine ; la restauration de la science grecque, avec ses ajouts arabes, et beaucoup de la philosophie grecque ; et les origines de premières universités européennes. Le XIIe siècle a laissé sa signature sur l'éducation supérieure, sur la philosophie scolastique, sur les systèmes de loi européens, sur l'architecture et la sculpture, sur la liturgie dramatique, sur la poésie latine et vernaculaire… Nous devrions nous confiner au côté latin de cette renaissance, la résurgence du savoir au sens large — le latin classique et son influence, la nouvelle jurisprudence et l'historiographie la plus variée, les nouvelles connaissances des Grecs et des Arabes et son effet sur la science de l'Ouest et sa philosophie, sont donnés dans la préface.

[modifier] Notes et références

  1. Trecento : XIVe siècle italien.
  2. De Charlemagne à la féodalité: [1]
  3. www.cliohist.net. Le Xe siècle et ses mutations : [2]
  4. M. Starnawska, « Crusade orders on Polish Lands during the Middle Ages. Adaptation in a Peripherical Environment », in Quaestiones medii aevi novae, Institut historique de l'université de Varsovie, t.2, pages 128 et 137-1391997 (citée par A. Demurger 2002, page 71)
  5. Voir al-Andalus & Sciences et techniques en al-Andalus.
  6. Voir al-Idrisi, dont les atlas, en particulier, révolutionnent la perception en T du Monde issue des conceptions chrétiennes provenant de la lecture de l'Ancien Testament.
  7. E. Martnes Thesaurus novus Anecdotorum, 1717, vol. 5
  8. René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem - III. 1188-1291 L'anarchie franque, 1936 [détail des éditions], p. 746

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

Arts
"La" Renaissance
encyclopédiste médiéval :

[modifier] Liens externes


Prérenaissances médiévales
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