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Projet de la Baie-James - Wikipédia

Projet de la Baie-James

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Projet de la Baie-James, 1972-2006
Projet de la Baie-James, 1972-2006

Le Projet de la Baie-James (ou Complexe La Grande ou LG) se réfère aux installations hydroélectriques sur la Grande Rivière, dans le Nord du Québec, Canada, et la dérivation d’une partie des eaux des rivières Eastmain, Opinaca et Caniapiscau vers la Grande Rivière.

La région de la Baie-James, ou Jamésie, est bordée par la baie James à l’ouest, les régions d'Abitibi-Témiscamingue et de Saguenay–Lac-Saint-Jean au sud, la Côte-Nord et le Labrador à l’est, et le Nunavik au nord. Les rivières de la région ont leur source sur le Plateau laurentien du bouclier canadien à une élévation de plus de 500 mètres. Le bassin versant du Complexe hydroélectrique La Grande comprend environ 177 000 km², soit 12 % de la superficie du Québec. La construction du projet s'éleva à 15 milliards de dollar canadien. [1]

La production électrique annuelle du Complexe La Grande s’élève à environ 83 térawatt-heure (TWh), soit environ 43 % de l’électricité consommée au Québec (estimée à 193 TWh en 2003). Les sept centrales hydroélectriques du Complexe La Grande, construites entre 1974 et 1996, ont une capacité installée de 16 021 mégawatts (MW) et fonctionnent en moyenne à 60 % de leur capacité. [2]

Les exportations nettes d'électricité vers l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, le Vermont et l'État de New York s'élevaient en moyenne à 14 TWh entre 1981 et 2005 et avaient atteint un sommet de 28,8 TWh en 1987 lors de la mise en service des plus grandes centrales du complexe hydroélectrique. En 2004 et 2005, cependant, les exportations nettes d'électricité ne s'élevaient qu'à 1,5 TWh et à 6,7 TWh respectivement, soit l'équivalent de 0,8 à 3,5 pour-cent de la consommation totale d'électricité au Québec, toute production confondue. [2]

La construction de trois nouvelles centrales entre 2003 et 2011 (Eastmain-1, Eastmain-1A et Sarcelle) et la dérivation du cours supérieur de la rivière Rupert vers les centrales de la Grande Rivière fera passer la capacité installée à 17 389 MW et la production totale du Complexe de la Baie-James à environ 94 TWh. L'augmentation anticipée de la pluviosité de la région due au réchauffement climatique devrait augmenter cette production. [2]

Sommaire

[modifier] Historique

Le potentiel hydroélectrique des rivières du Nord du Québec a attiré l’attention du gouvernement du Québec dès les années 1950, mais les projets de développement hydroélectrique des chutes Churchill, au Labrador, et de la rivière Manicouagan, sur la Côte-Nord, s’avéraient plus faciles à réaliser à moyen terme, ce qui a eu pour effet de retarder le développement des rivières du Nord du Québec.

Lors de la nationalisation de la plupart des producteurs privés d’électricité du Québec en 1963, la société d'État Hydro-Québec a reçu en héritage les résultats des études préliminaires sur le potentiel hydroélectrique des rivières de la baie James réalisées par la Shawinigan Light and Power, qui exploitait des centrales hydroélectriques sur la rivière Saint-Maurice. Ses études préliminaires portaient sur les rivières dans le sud de la région de la Baie-James, limitrophe du bassin versant de la Saint-Maurice. À la fin des années 1960, une seconde option est mise en avant par des ingénieurs québécois : le développement de la Grande Rivière et de la rivière Eastmain, dans la partie septentrionale de la région de la Baie-James.

[modifier] Le Projet du siècle

Vue aérienne du bassin de La Grande IV (LG4)
Vue aérienne du bassin de La Grande IV (LG4)

L’élément déclencheur est survenu en 1970 lors de l'élection d'un nouveau premier ministre du Québec, Robert Bourassa, un jeune économiste prônant une modernisation économique axée sur le développement des ressources naturelles québécoises jusqu’alors inexploitées. Le développement du potentiel hydroélectrique des rivières du Nord offrait l’occasion d’attirer le capital étranger, d’augmenter le niveau d'emploi et de réaliser des revenus substantiels en exportant les surplus d’électricité au Nord-Est américain (New York et les états de la Nouvelle-Angleterre).

Le 1er mai 1971, devant un rassemblement du Parti libéral du Québec, Robert Bourassa dévoilait son projet de construire plusieurs centrales hydroélectriques sur les rivières de la région de la Baie-James, soit sur les rivières Nottaway, Broadback, Rupert et Harricana dans le sud, soit sur la Grande Rivière au nord. La décision en faveur du second projet est prise en mai 1972. Le projet initial portait sur la construction de quatre centrales sur la Grande Rivière et la dérivation des rivières Caniapiscau, Opinaca et Eastmain vers le bassin versant de la Grande Rivière, doublant ainsi son débit à l’embouchure. En 1971, le gouvernement du Québec met donc sur pied deux sociétés parapubliques pour réaliser le "Projet de la Baie-James". La Société de développement de la Baie-James (SDBJ) avait la tâche de réaliser les infrastructures (routes, les campements et approvisionnements) requises pour accueillir quelque 12 000 ouvriers à la pointe de la Phase I du projet, et une machinerie de construction sans précédent au Québec. La Société d'énergie de la Baie-James (SEBJ), qui deviendra une filiale à part entière d'Hydro-Québec en 1978, avait quant à elle la responsabilité de l'ingénierie et de la construction des ouvrages hydroélectriques eux-mêmes (centrales et barrages).

Étant donné que des évaluations environnementales n’étaient pas requises en droit québécois à cette époque, la construction d'un chemin de 620 km du sud vers les rivières de la baie James a débuté dès 1971. Il a été complété en octobre 1974 au coût total d’environ 400 millions de dollars canadiens. En 1973 et 1974, un chemin de glace temporaire a été employé pour transporter l’équipement lourd nécessaire à la construction des 13 ponts principaux traversant les rivières de la région.

Bien que les Cris du Québec utilisaient la région pour la chasse, la pêche et le piégeage, aucune route d'accès permanente n’existait avant 1971 ; les voies d'accès existantes prenaient fin à Matagami et à Chibougamau. L’opposition initiale au projet était vive chez les 5000 Cris de la Baie-James, les 3500 Inuits du Nord du Québec et certains groupes de conservation de la nature qui affirmaient que le gouvernement du Québec n’avait pas respecté son engagement de 1912 de s’entendre gré à gré avec les autochtones de la région et que le projet hydroélectrique détruirait leurs territoires traditionnels de chasse, de pêche et de piégeage. De plus, les Cris et les Inuits n’avaient pas été informés de la nature du projet avant le début des travaux de construction de la route de la Baie-James, à l'été de 1971.

Après des négociations difficiles, ponctuées de plusieurs requêtes devant les tribunaux, les gouvernements du Canada et du Québec et les représentants des Cris et des Inuits du Québec se sont entendus en novembre 1975 sur la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. La Convention accordait aux Cris et aux Inuits des droits exclusifs de chasse et de pêche sur des territoires d’une superficie totale d’environ 170 000 km² ainsi que des compensations financières à court et à moyen termes d’environ 225 millions de dollars. En contrepartie, le gouvernement du Québec obtenait le droit de développer les ressources hydrauliques, minérales et forestières du Nord du Québec. La future centrale La Grande-1 devait aussi être construite plus loin que prévu du village cri de Fort George. [3]

La Convention prévoyait aussi un suivi environnemental très serré de tous les aspects du projet, allant de la construction des réservoirs et des routes à l'installation des lignes de transmission à haute tension, et prévoyait la mise sur pied d’un processus d’évaluation environnementale pour tout futur projet dans la région. La convention précise, toutefois, que les Cris et les Inuits ne sauront s’opposer à un futur projet hydroélectrique en raison de ses impacts sociaux. [3]

[modifier] Phase I

L'évacuateur de crues du barrage Robert-Bourassa (anciennement La Grande-II)
L'évacuateur de crues du barrage Robert-Bourassa (anciennement La Grande-II)

La première phase du projet de la Baie-James couvre une période d’environ 14 ans. En 1986, la construction des principaux ouvrages était entièrement achevée, dont les centrales Robert-Bourassa (anciennement La Grande-2), La Grande-3 et La Grande-4, avec une capacité installée de 10 800 mégawatts, et cinq réservoirs d’une superficie totale de 11 300 km². La dérivation des rivières Eastmain et Caniapiscau a ajouté environ 1600 m³/s à parts égales à la Grande Rivière.

Les centrales de cette première phase du projet de la Baie-James produisent annuellement environ 65 TWh d’électricité et fonctionnent à environ 60 % de leur capacité maximale. L’électricité est acheminée vers le Québec méridional par cinq lignes de transmission de 735 kilovolts et une ligne de 450 kilovolts en courant continu branchée directement au réseau de transmission américain.

[modifier] Phase II

La deuxième phase du projet s’étend jusqu’en 1996 et comprend la construction de cinq centrales additionnelles sur la Grande Rivière et ses affluents (La Grande-1, La Grande-2A, Laforge-1, Laforge-2 et Brisay) d’une capacité installée de 5200 mégawatts. Trois nouveaux réservoirs d’une superficie totale de 1600 km² sont aussi créés, dont le réservoir Laforge-1 d'une superficie de 1288 km². [2]

Les centrales de cette deuxième phase du projet produisent environ 18,3 TWh d’électricité annuellement et fonctionnent à 60 % ou 70 % de leur capacité maximale. À la fin de cette deuxième phase du projet de la Baie-James, la capacité installée de l'ensemble du Complexe La Grande est portée à 16 021 mégawatts et la production annuelle moyenne à environ 83 TWh. [2]

[modifier] Le projet de la Grande-Baleine

Pendant la construction de la deuxième phase du projet de la Baie-James, le gouvernement du Québec et Hydro-Québec ont annoncé leur intention de procéder avec la construction du Complexe Grande-Baleine, centré sur la Grande rivière de la Baleine, la Petite rivière de la Baleine et la rivière Coast, dans le Nunavik, au nord de la région de la Baie-James. Prévu nommément dans la Convention de la Baie-James et du Nord québécois de 1975, le Complexe Grande-Baleine comprend l’aménagement de trois centrales sur la Grande rivière de la Baleine, qui a une dénivellation de 400 m sur une distance de 370 km, la dérivation des eaux de la Petite rivière de la Baleine et de la rivière Coast vers le bassin versant de la Grande rivière de la Baleine et la création de quatre réservoirs hydrauliques. Les deux bassins versants ont une superficie totale de 59 000 km², dont 20 % est couverte d'eau douce. La création des réservoirs, y compris le rehaussement du niveau du lac Bienville, aurait inondé environ 1667 km² de territoire, soit 3 % de la superficie des deux bassins versants. [3]

Les chasseurs et pêcheurs cris et inuits des villages jumelés de Whapmagoostui et de Kuujjuarapik, à l'embouchure de la Grande rivière de la Baleine, auraient perdus certains territoires de chasse limitrophes, mais l’ouverture de nouvelles routes aurait facilité l’accès aux zones de chasse de l’intérieur et leur aurait permis de mieux répartir leurs activités de chasse et de pêche sur l’ensemble du territoire. En 1993, environ 30 % de l’approvisionnement en nourriture des habitants de la région provenaient encore de la chasse et de la pêche.

Avec une puissance installée de 3210 mégawatts, les trois centrales du Complexe Grande-Baleine auraient produit 16,2 TWh d’énergie annuellement, dont 11,1 TWh à la centrale Grande-Baleine-1 à quelque 40 km des villages de Whapmagoostui et de Kuujjuarapik. Le coût total des études préliminaires et des études d’impact environnemental réalisées par Hydro-Québec et ses filiales s’élevait à plus de 250 millions de dollars canadiens.

Les Cris de la Baie-James, dont les Cris de Whapmagoostui, et les Inuits du village de Kuujjuarapik se sont opposés avec fermeté à ce nouveau projet, craignant l'impact sur leurs communautés et sur l'environnement. Le Grand Conseil des Cris, sous la direction du Grand Chef Matthew Coon Come, a notamment mené des campagnes de publicité à New York dans le but d’empêcher la vente de l'électricité québécoise aux distributeurs américains.

Les Cris de la Baie-James, qui étaient toujours en train d’assimiler les changements culturels et économiques massifs associés à l’ouverture de la route de la Baie-James en 1974, s'inquiétaient de l’impact du prolongement de la route de Radisson vers le village de Whapmagoostui et de la reprise des grands chantiers de construction dans la région. Dès le début des années 1980, le débit naturel de la Grande Rivière et des rivières Eastmain, Opinica et Caniapiscau avait subi des changements importants et environ 4 % des territoires traditionnels de chasse des Cris avaient été inondés par les réservoirs, dont 10 % des territoires des chasseurs du village de Chisasibi. Au même moment, l’accès aux territoires éloignés de la région du réservoir Caniapiscau et de la frontière du Labrador, était grandement facilité par l'ouverture de la route de la Baie-James, la création des grands réservoirs, et l'utilisation de plus en plus intensive de motoneiges et d'avions de brousse par les chasseurs cris.

Projet La Grande I
Projet La Grande I

Le projet de la Grande-Baleine a été suspendu par le gouvernement du Québec en 1994, peu de temps après le retrait de l’État de New York d’un contrat d’achat de l’électricité québécoise d’une valeur de plusieurs milliards de dollars.

[modifier] Le projet Eastmain-1

Au début de 2002, le gouvernement du Québec et le Grand Conseil des Cris, alors dirigé par le Grand Chef Ted Moses, ont signé un accord historique, la « Paix des Braves », afin de jeter les bases d’une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris de la Baie-James. L’accord prévoit la construction du dernier volet du projet original de la Baie-James, à savoir la construction d’une centrale hydroélectrique sur le cours supérieur de la rivière Eastmain, avec une capacité installée de 480 mégawatts, et d’un réservoir d’une superficie de 600 km² (centrale Eastmain-1 et réservoir Eastmain). [4] Le projet Eastmain-1, faisant partie intégrale du projet de la Baie-James de 1975, n'est assujetti à aucune évaluation environnementale supplémentaire. Lancé dès 2003, le projet produira 2,7 TWh d'énergie annuellement dès 2007.

[modifier] La dérivation Rupert

Le 11 janvier 2007, les travaux de construction des centrales hydroélectriques Eastmain-1A et Sarcelle ainsi que les ouvrages nécessaires à la dérivation du cours supérieur de la rivière Rupert ont été officiellement lancés lors d'une annonce à laquelle participaient le Premier ministre du Québec, Jean Charest, le Président-directeur général d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, et le Grand chef des Cris du Québec, Matthew Muskash. Le projet nécessitera un investissement d'environ 5 milliards de dollars canadiens entre 2007 et 2012. Ce projet prévoit la dérivation d'environ 50 % du débit de la rivière Rupert (et 70 % au point de la dérivation) vers le nouveau réservoir Eastmain et le Complexe La Grande, ainsi que la construction de deux nouvelles centrales, Eastmain-1A et Sarcelle, avec une capacité installée de 888 mégawatts. Des terres d'une superficie de 346 km² seront inondés par le nouveau bief reliant le bassin versant de la rivière Rupert au réservoir Eastmain. Ces deux centrales produiront environ 3,2 TWh d'énergie annuellement et les centrales existantes de la Grande Rivière (Robert-Bourassa, La Grande-2A et La Grande-1) augmenteront leur production d'environ 5,3 TWh, pour un gain net de 8,5 TWh.

La dérivation de la rivière Rupert a été autorisée par les gouvernements du Québec et du Canada à la fin de 2006 malgré l'opposition de certains Cris des communautés affectées (Waskaganish, Nemaska et Chisasibi) et de plusieurs groupes écologistes du sud du Québec. Les évaluations environnementales du projet de dérivation de la rivière Rupert, menées conjointement par les gouvernements du Québec et du Canada et des représentants du Grand Conseil des Cris du Québec, furent complétées en 2006. Les deux rapports d'évaluation étaient favorables au projet de dérivation. Les gouvernements du Québec et du Canada ont aussitôt donné leur aval à la réalisation du projet de dérivation de la rivière Rupert vers le Complexe La Grande.

Le projet hydroélectrique a été rendu possible en 2004 a mis fin à tous les litiges qui opposaient le Grand Conseil des Cris et le Gouvernement du Québec au sujet du développement du territoire de la Baie-James et a ouvert la voie à une évaluation environnementale conjointe du projet de la rivière Rupert. Le Grand Chef des Cris du Québec, Matthew Muskash[1], élu en 2005, s'est opposé par le passé au projet de dérivation de la rivière Rupert.

Le projet de la dérivation de la rivière Rupert est le troisième projet proposé par Hydro-Québec pour la rivière Rupert. Le Complexe NBR envisagé au début des années 1970 par les ingénieurs d'Hydro-Québec pour les rivières Nottaway, Broadback et Rupert, et prévu à la Convention de la Baie-James et du Nord québécois de 1975, comprenait la construction d'une dizaine de centrales hydroélectriques d'une puissance installée d'environ 8 000 mégawatts et une production annuelle de 53 TWh. Neuf barrages étaient alors prévues sur la rivière Rupert, dont la première à moins de 5 km du village de Waskaganish, ainsi que la dérivation des eaux de la rivière Eastmain vers la rivière Rupert, au sud. Même le lac Mistassini, le plus grand lac naturel du Québec et la source de la rivière Rupert, aurait été transformé en réservoir avec un marnage d'environ 11 mètres.

En 1990, Hydro-Québec a proposé une variante du Complexe NBR axée sur la construction d'une série de sept barrages sur la rivière Broadback et de deux barrages sur le cours supérieur du Rupert, avec une production annuelle de 45 TWh d'électricité; entre-temps, le cours supérieur de la rivière Eastmain avait été détourné vers la Grande Rivière). Chacun des projets de 1975 et 1990 prévoyait la création de nouveaux réservoirs qui aurait entraîné l'inondation d'environ 4 500 km² de terres. La réalisation du « Complexe NBR » sera donc écartée définitivement par la dérivation du cours supérieur de la rivière Rupert vers le Complexe La Grande.

[modifier] Impact environnemental

La construction du Complexe hydroélectrique La Grande comprenait la dérivation des rivières Caniapiscau, Opinica et Eastmain vers le bassin versant de la Grande Rivière et l’inondation d’environ 11 000 km² de forêt boréale. Le débit de la rivière Eastmain à son embouchure a été réduit de 90 %, près du village cri d'Eastmain, celui de la Caniapiscau de 45 % à sa confluence avec le fleuve Koksoak, et celui du Koksoak de 35 % à son embouchure près du village nordique de Kuujjuaq. Le débit de la Grande Rivière, par contre, a été doublé, passant de 1 700 m³/s à 3 400 m³/s sur une base annuelle (et de 500 m³/s à 5 000 m³/s pendant l’hiver), près du village cri de Chisasibi, à l’embouchure de la Grande Rivière.

L'activité bactérienne intense dans les années suivant la création des nouveaux réservoirs, qui dure habituellement de 20 à 30 ans en région boréale, convertit une partie du mercure présent dans la terre et les matières organiques submergées en méthylmercure (CH3Hg). Sous cette forme, le mercure est neurotoxique et s'accumule dans la chaîne alimentaire aquatique, notamment dans des espèces de poissons piscivores, tels que le grand brochet, le touladi et le doré jaune. Une partie du mercure qui se trouve dans tous les lacs, rivières et réservoirs du Nord québécois provient des émissions polluantes des centrales thermiques fonctionnant au charbon des pays industrialisés, notamment les États-Unis et le Canada.

Après la découverte de la présence de mercure à des niveaux élevés dans le sang des Cris de la région de la Baie-James, avant même la création des réservoirs sur la Grande Rivière, les autorités de santé locales ont dressé des consignes particulières concernant la consommation du poisson. Bien que la consommation du poisson sauvage est encore fortement recommandée par les autorités sanitaires, en raison de sa grande valeur nutritive, la capture de poissons à certains endroits spécifiques des nouveaux réservoirs est, pour l'instant, déconseillée et la consommation du poisson prédateur (ou piscivore) devrait être restreinte, surtout chez les femmes enceintes. Lors de certaines études de suivi, seuls quelques habitants du village cri de Whapmagoostui – qui mangent du poisson provenant des rivières vierges du Nunavik – affichaient encore un taux élevé de mercure. En 2005, le milieu aquatique des réservoirs du Complexe La Grande, dont l’âge moyen atteint 18 ans en 2005, ressemble de plus en plus à celui des lacs naturels de la région.

Les environnementalistes craignaient à l’origine que le projet de la Baie-James aurait un impact important sur les oiseaux migratoires; or, les réservoirs hydrauliques n’ont submergé que 1 % des zones utilisées par les oiseaux et leur population est demeurée stable depuis plus de 30 ans. De plus, le panache d’eau douce au large de l’embouchure de la Grande Rivière, qui est nettement plus grand en période hivernale, semble ne pas avoir d’impact significatif sur la vie aquatique et faunique de la région. De toute évidence, le réchauffement planétaire semble avoir un impact plus important dans cet environnement nordique que le changement du régime hydraulique de la Grande Rivière, empêchant par exemple la formation des banquises au large des côtes dont dépend les phoques, près des villages de Whapmagoostui et de Kuujjuarapik à l'embouchure de la Grande rivière de la Baleine.

Lors de la construction et le remplissage du réservoir Caniapiscau, qui s'étendait de 1981 à 1984, des variations importantes du débit de la Caniapiscau auraient contribué à la noyade de 10 000 caribous, soit environ 1,5 % du troupeau de la rivière George. Toutefois, depuis 1985, le débit réduit de la rivière Caniapiscau et du fleuve Koksoak a eu pour effet de réduire le risque d’inondation sur le cours inférieur de la Caniapiscau pendant la période de la migration des caribous, de la fin de l’été au début de l’automne. Sur une base annuelle, environ 30 000 caribous sont tués par les chasseurs inuits et cris et par les chasseurs sportifs américains et européens.

Dans le sillage de la conférence de Kyoto sur les changements climatiques de 1997, s’est élevé un débat sur les émissions de gaz à effet de serre produites par les grands réservoirs hydrauliques, notamment à cause de la production de méthane par l’activité biotique du milieu aquatique. Toutefois, les émissions de gaz à effet de serre des grands réservoirs en région boréale représentent de 1 à 4 pour cent des émissions associées aux centrales thermiques fonctionnant au charbon et de 2 à 8 pour cent des émissions d'une centrale à cycle combiné fonctionnant au gaz naturel.

Finalement, les exportations d'électricité québécoise de 1989 à 1996, pendant la période où le Québec avait d'importants surplus d'électricité, ont eu pour effet d'éviter des émissions de gaz à effet de serre dans les centrales au charbon et au pétrole en Ontario, dans l'État de New York et dans les États de la Nouvelle-Angleterre, soit quelque 87 millions de tonnes équivalents de CO2.

Territoire visé par la Convention de la Baie-James et du Nord québécois de 1975

[modifier] Impact social

La signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois en novembre 1975 représente un point tournant dans l’histoire des relations entre les Québécois d’origine européenne, établis dans la vallée du fleuve Saint-Laurent, et les Nations autochtones du Québec[3]. Au moment où la chasse, la pêche et le piégeage étaient en déclin dans les villages cris de la région, à la fin des années 1960, le projet de la Baie-James a fourni aux Cris les ressources financières et matérielles pour affronter les conséquences environnementales et sociales du projet et pour prendre en main le développement économique futur de leurs communautés en créant, par exemple, des entreprises de construction et de transport (Air Creebec). De 1975 à 1999, les Cris ont reçu des indemnités totalisant 450 millions de dollars (canadiens courants) et des contrats d'une valeur de 215 millions de dollars, tandis que les Inuits ont reçu des indemnités de 140 millions de dollars et des contrats d'une valeur de 120 millions de dollars.

Le projet de la Baie-James a aussi permis aux Cris de forger une identité collective et de créer des institutions politiques et sociales collectives, dont le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee) en 1974. La Convention de 1975 a aussi créé des structures administratives et politiques pour les affaires locales, le développement économique, les écoles et les services de la santé, pour la plupart sous le contrôle de nouvelles institutions politiques régionales, l'Administration régionale crie dans la région de la Baie-James et l’Administration régionale Kativik au Nunavik. [3]

L’impact social du projet de la Baie-James lui-même demeure modeste par rapport à l'impact des contacts de plus en plus fréquents entre les communautés cries du Nord et les forces sociales et économiques du Québec francophone. L'impact principal découle de l’ouverture en 1974 de la route liant la ville de Matagami au nouveau centre administratif de Radisson, près de la centrale Robert-Bourassa (La Grande-2) et du village cri de Chisasibi. Pendant la période de pointe de la construction de la première phase du Complexe La Grande, vers la fin des années 1970, Radisson avait une population plusieurs fois supérieure à celle de Chisasibi.

Néanmoins, les communautés cries encore isolées de la région de Baie-James ont milité en faveur de la construction de nouvelles routes afin de lier les villages de Wemindji, d’Eastmain et de Waskaganish à la route de la Baie-James, à environ 200 km à l’est. Ces dernières routes d’accès, ouvertes entre 1995 et 2001, ont facilité l’accès aux territoires de chasse et encouragé les échanges commerciaux et sociaux avec les villes du sud (Matagami et les villes d’Abitibi-Témiscamingue). Une route distincte relie aussi la route de la Baie-James à Chibougamau, via le village de Nemaska. La construction de ces nouvelles routes était généralement confiée aux entreprises cries de la région.

La construction de la route de la Baie-James et la réduction subite des coûts associés au transport ont aussi ouvert la région de la Baie-James à l’exploration minérale et à l’exploitation de sa forêt boréale. Ces activités exercent des pressions supplémentaires sur les activités traditionnelles de chasse, de pêche et de piégeage dans la région, notamment dans les villages de Waskaganish et de Nemaska. Ces activités, qui représentaient plus de la moitié de l’activité économique des villages à la fin des années 1960, ne représentent plus que moins de 20 % de l’activité économique à la fin du siècle. La chasse et le piégeage sont pratiqués surtout par les jeunes adultes et les adultes âgés qui n’ont pas de qualifications professionnelles. Ces activités sont aussi renforcées par un régime de soutien du revenu, financé par le gouvernement du Québec (15 millions de dollars par année), qui offre l’équivalent d’un modeste salaire aux chasseurs et à leurs familles qui vivent de la chasse pendant au moins quatre mois chaque année.

L'impact social doit cependant être nuancé par un impact culturel nettement moins positif, comme cela est bien décrit dans le roman Harricana de Bernard Clavel, l'industrialisation a détruit une riche héritage culturel chez les communautés autochtones.

[modifier] Sommaire

Le projet de la Baie-James a entraîné des changements importants dans le mode de vie des Cris de la Baie-James, surtout chez habitants des villages de Chisasibi et d'Eastmain qui se trouvent en aval des aménagements hydroélectriques. Le débat concernant l’impact environnemental du projet de la Baie-James va sans doute se poursuivre pour encore bien des années, les uns soulignant la modification d’un vaste écosystème boréal encore à l'état sauvage en 1971, les autres la production d'une vaste quantité d'énergie sans pollution.

Au moment où les pays industrialisés et les pays en développement construisent de plus en plus de centrales thermiques au charbon, avec leurs émissions atmosphériques polluantes (gaz à effet de serre, SO2, mercure, particules en suspension), l'énergie hydroélectrique du Complexe de la Baie-James paraît en comparaison comme une source d’énergie propre et durable.

[modifier] Bibliographie

[modifier] Notes et références

  1. Projet de la baie James - L'encyclopédie canadienne
  2. abcde Projet de la baie James (1972) - Contexte historique et impact économique
  3. abcde Convention de la Baie-James et du Nord Québécois
  4. Ententes entre Hydro-Québec, la Société d'énergie de la Baie James et les Cris du Québec

[modifier] Liens externes

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Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur Projet de la Baie-James.


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