Intouchable (dalit)
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Les intouchables forment, en Inde, un groupe d'individus exclu du système des castes régissant la société indienne (stricto sensu, ils sont même considérés comme à proprement parler hors caste). Ils représentent environ 170 millions de personnes et peuvent aussi être appelés « Harijan » (« Enfant de dieu », forme politiquement correcte utilisée par Gandhi), mais préfèrent le terme de « dalit » qui signifie « opprimé ». L'appartenance à une caste est héréditaire, ce qui limite la promotion sociale.
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[modifier] Les intouchables et le système des castes
La société indienne est traditionnellement divisée en quatre castes, qui sont (par ordre décroissant) :
- les brâhmanes (brāhmaṇa, ब्राह्मण, lié au sacré) : prêtres, enseignants, ingénieurs et professeurs ;
- les kshatriyas (kṣatriya, क्षत्रिय, qui a le pouvoir temporel, aussi - râjanya) : roi, princes, administrateurs et soldats ;
- les vaisyas (vaiśya, वैश्य, lié au clan, aussi - ârya) : artisans, commerçants, hommes d'affaires, agriculteurs et bergers ;
- les sudras (śūdra, शूद्र, serviteur) : serviteurs.
Les intouchables, hors-castes, forment une cinquième classe de personnes qui n'ont de position dans aucune de ces quatre varnas (ou castes), et qui, sans protection de caste, n'ont accès qu'aux travaux que les autres ne se réservent pas, donc les moins gratifiants. Les castes supérieures, qui sont censées maintenir la pureté rituelle et corporelle, en sont venues à considérer ces derniers comme des intouchables, dont le contact constituerait une souillure.
Le système des castes étant aboli en Inde depuis l'indépendance du pays en 1947, il n'y a plus dans le pays d'inégalité juridique et tous les Indiens sont égaux devant la loi. Néanmoins, une grande partie de la population reste attachée à ce qu'elle considère comme faisant partie intégrante de l'hindouisme et de la culture indienne. Les mariages sont encore presque toujours régis par des considérations de caste, même dans les villes, où les moeurs bougent plus vite.
[modifier] Situation depuis l'indépendance
Jusqu'au milieu du XXe siècle, la simple vue ou le contact avec l'ombre d'un intouchable était source d'impureté pour un brahmane. Dans le cas d'un contact physique, cela pouvait se terminer par la mise à mort du hors-caste. De nos jours, dans les campagnes, ils subissent encore toutes sortes d'humiliations : les dalits ne peuvent pas utiliser le même puits que les autres villageois ; ils résident en dehors du village, doivent enlever leurs chaussures dans les rues et rester debout dans les transports en commun, même si des places restent vides. Parfois, des avions ne décollent pas, les passagers refusant de voyager avec un hors-caste[1]. Plus grave, ils sont victimes de violences dont les récentes statistiques révèlent l'ampleur : chaque jour, deux intouchables sont tués et trois femmes dalits violées en moyenne[2]. En 2000, 43 % vivaient sous le seuil de pauvreté, alors que cette proportion est de 23 % pour l'ensemble de la population indienne.[3]
« La situation des intouchables à Burj Jhabber est la même que dans le reste de l’Inde. Comme dans la plupart des autres villages, pas un seul d’entre eux n’y possède des terres. Les fonds gouvernementaux destinés à améliorer leur sort sont usurpés par les membres du conseil du village, tous de caste supérieure. Ils vivent dans de petites huttes d’argile et de chaume. Ils sont employés comme journaliers dans les champs ou accomplissent des corvées pour des salaires de misère. Endettées, beaucoup de femmes doivent trimer pendant des années pour rembourser de petites sommes. Dans ce village relativement prospère, les dalits sont relégués dans une zone où il n’y a ni centre de santé, ni école, ni eau courante, ni toilettes[4]. »
L'éducation leur était interdite avant l'indépendance, ce qui oblitérait toute promotion sociale. Depuis, ils y ont accès, peuvent pratiquer toutes les professions et même devenir président du pays comme Kocheril Raman Narayanan, ce qui ne doit pas faire croire que la condition des intouchables ait fondamentalement changé : les traditions religieuses sont plus fortes que les lois du pays.
Pour tenter de sortir de leur condition, les dalits font souvent des conversions en masse vers le bouddhisme ou vers le christianisme, mais préfèrent le premier au second, d'une part parce que le premier a des racines dans la culture indienne, et d'autre part parce que le second perpétua longtemps dans les églises la ségrégation entre castes et hors-castes.
[modifier] Les améliorations
La situation des dalits s'est malgré tout améliorée au cours du XXe siècle. Ceux qui, au début du siècle dernier, pouvaient perdre la vie sous prétexte que leur ombre venait toucher le corps d'un brahmane, grâce au bénéfice de l'alphabétisation et au mécanisme des discriminations positives, trouvent aujourd'hui leur force dans l'organisation politique.
Tous les Indiens sont égaux devant la loi en vertu de l’article 15 de la constitution indienne qui interdit toute discrimination basée sur la caste, le sexe, le lieu de naissance ou la religion ; et de l’article 16 qui abolit l’intouchabilité. Le père de cette constitution, Bhimrao Ramji Ambedkar, était lui-même dalit.
La politique de discrimination positive des quotas - 24,5 % des postes dans la fonction publique, les collèges et les universités sont réservés aux intouchables - leur a donné un poids politique du fait de leur nombre.
Ainsi, en Uttar Pradesh, le Bahujan Samaj Party, le parti politique des dalits est parvenu au pouvoir et s'y est maintenu un an et demi, permettant l'intégration de hauts fonctionnaires dalits dans l'administration de l'État. L'école, qui est en Inde gratuite et ouverte à tous, permet à certains intouchables d'accéder à une situation sociale qu'il leur aurait été difficile - voire impossible - d'obtenir avant l'indépendance. Cependant, de nombreux dalits, surtout les filles, ne vont pas à l'école...
[modifier] Personnalités dalits
- Bhimrao Ramji Ambedkar est le principal rédacteur de la constitution indienne.
- En 1997, Kocheril Raman Narayanan est devenu le premier intouchable à devenir Président de la République de l'Inde, poste - honorifique - qu'il a occupé jusqu'en 2002.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Notes
- ↑ Référence :
- ↑ L'Express, 3 mai 2004
- ↑ Le Monde, Dalits, femmes et exclus de la société indienne se retrouvent à Bombay
- ↑ Amit Sengupta, « Bant Singh chante la révolte des intouchables », dans Courrier international n°834, 26/10/2006, [lire en ligne]
[modifier] Lecture conseillée
- Rohinton Mistry, L'Équilibre du monde
- Narendra Jadhav, Intouchable - Une famille de parias dans l'Inde contemporaine
- Marc Boulet, Dans la peau d'un intouchable
- Madhau Kondvilker, Le journal d'un intouchable, Éditeur L'Harmattan, Coll. de l'A.C.I.A.D.
- Robert Deliege, Les Castes en Inde aujourd'hui, Presses universitaires de France, Paris, 2004
- Robert Deliege, "Les intouchables en Inde, des castes d'exclus", Imago, Paris, 1995
- Viramma, Josiane et Jean-Luc Racine, Une vie paria. Le rire des asservis, Terre Humaine, Poche, 2001 (1re éd. : Terre Humaine, Plon, 1995)