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Caste

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Le système de caste érige une division héréditaire de la société en groupes séparés, fondée sur l'ethnie, la profession, ou encore d'autres critères. Le monde indien connait un système de caste ancien et toujours prégnant.

Le mot caste vient du portugais casta, pur, non mélangé, à rapprocher du français « chaste ». Il regroupe deux concepts liés, mais différents et parfois antagoniques dans la société indienne : le varna et la jâti.

Sommaire

[modifier] En Inde

[modifier] Origine du mot

À Goa, durant la période coloniale, les Portugais utilisaient les termes suivants pour catégoriser les habitants de l'enclave :

  • les castiços, les Portugais, nés en Inde de parents portugais ;
  • les mestiços, les métis indo-portugais ;
  • les reinols, les fonctionnaires nés au Portugal et envoyés en Inde ;
  • les canarins, les Indiens, qui refusaient fièrement d'être assimilés aux mestiços et que les Portugais qualifièrent de casta, « ceux de sang pur ».

[modifier] Le varna

En sanskrit, le varna (peut-être lié à la couleur de la peau) signifie la couleur, l'aspect, la forme physique ou la caractéristique. Un des hymnes du Rig-Veda, un des écrits hindous les plus saints, donne l'énumération suivante dans le célèbre hymne Purusha Sukta (RV 10,90):

मुखं किमस्य कौ बाहू का ऊरू पादा उच्येते ||

ब्राह्मणो अस्य मुखमासीद बाहू राजन्यः कर्तः |

ऊरूतदस्य यद वैश्यः पद्भ्यां शूद्रो अजायत ||

Sa traduction littérale dit : « Qu'est-il advenu de son visage (ou de bouche) (de l'esprit cosmique) ? Qu'est-il advenu de ses deux bras ? Qu'est-il advenu de ses deux cuisses ? De que (les produits) les deux pieds se sont-ils appelés ? De son visage (ou de la bouche) sont venus les brahmanas. De ses deux bras est venu le rajanya (les kshatriyas). De ses deux cuisses sont venus les vaishyas. De ses deux pieds sont venus les shudras. »

C'est le seul hymne dans le Rig-Veda, qui appartient à ce livre (Xe) que beaucoup d'historiens prétendent être une addition peu postérieure aux neuf livres existants, qui énumère les quatre varnas pour la première et la dernière fois (sans définir n'importe quoi). Les autres trois Vedas et Upanishads ont la mention extrêmement rare du Varna. Dans l'hindouisme le plus primitif, les gens ont interprété cet hymne dans le sens que la société doit être divisée en quatre varnas ou castes, qui sont :

  • les brâhmanes (brāhmaṇa, ब्राह्मण, lié au sacré), prêtres, enseignants et professeurs ;
  • les kshatriyas (kṣatriya, क्षत्रिय, qui a le pouvoir temporel, aussi - râjanya), roi, princes, administrateurs et soldats ;
  • les vaisyas (vaiśya, वैश्य, lié au clan, aussi - ârya), artisans, commerçants, hommes d'affaires, agriculteurs et bergers ;
  • les sudras (śūdra, शूद्र, serviteur), serviteurs.

Cependant, dans l'hindouisme primitif encore, comme réclamé par le Manu Smriti, est venu se constituer une autre classe de personnes qui n'ont aucune position dans l'un de ces quatre varnas, et qui par conséquent, a été associée aux travaux les plus dégradants. Les castes supérieures, qui sont censées maintenir la pureté rituelle et corporelle, sont venues à considérer ces dernières comme des intouchables, constituant une sorte de cinquième varna, que certains indiquent comme provenant de nulle part. Ces personnes sont également appelées : les Dalits (« opprimés ») ou les Harijans (« enfants de Dieu »).

Il est très clair que dans les périodes récentes de la religion védique, les classes signifiées de système de varna (le cas échéant il existait) avec la mobilité libre des travaux et l'intermarriage. Une hymne de Rig-Veda dit :

कारुरहं ततो भिषगुपलप्रक्षिणी नना | (RV 9,112,3)

« Je suis un barde, mon père est un médecin, le travail de ma mère doit rectifier le maïs... »

Tandis que les intermariages entre des jeunes mariés de Brahmanes et les princesses Kshatriya étaient extrêmement courants (même sanctionnés par les anciens écrits du Manu Smriti), dans beaucoup de cas, des mariages entre les princes Kshatriya et les jeunes filles de Brahmanes ont été également observés (mais sévèrement condamnés par le Manu Smriti). Un de ces exemples est le mariage de Dushyanata, prince Kshatriya, avec Shakuntalâ, fille du sage Vishvâmitra et fille adoptive du sage Kanva.

Dans des périodes postérieures, avec l'élaboration du ritualisme, le système de caste est devenu absolument héréditaire (les historiens sont en désaccord sur la période) et on n'a pas même permis aux Shudras d'entendre le mot sacré de Veda.

« Si le shudra écoute intentionnellement et mémorise le veda, ses oreilles devraient être remplies de fil et de laque (fondus); s'il chante le veda, alors sa langue devrait être découpée; s'il a maîtrisé le veda son corps devrait être coupé aux morceaux. » ( Manu Smriti XII. 4)

Par contraste rigide avec ceci, on trouve un mantra du blanc Yajur Veda lui-même :

यथेमां वाचं कल्याणीमावदानि जनेभ्यः ।

ब्रह्मराजन्याभ्याँ शूद्राय चार्याय च स्वाय चारणाय ।

प्रियो देवानां दक्षिणायै दातुरिह भूयासमयं मे कामः समृध्यतामुप मादो नमतु ।। (Blanc Yajur Veda 26.2)

« J'adresse par ceci ce discours salutary (le voix Vedique) au profit de l'humanité - pour les Brahmanas, les Kshatriyas, les Shudras, les Vaishyas, les kinsfolk et les hommes de la position la minima dans la société. Peux j'être cher à les instruits en ce monde. »

D'après Guy Deleury, le terme de « purs » était employé dans une intention ironique par les Portugais, comme il le fut deux siècles auparavant par l'Inquisition à propos des Cathares. Il aurait été utilisé tout d'abord pour désigner le groupe des brâhmanes, très préoccupés par les problèmes de pureté et de souillure, avant d'être étendu à l'ensemble des varnas.

Les varnas sont présentées dans la Bhagavad-gîtâ de la façon suivante (d'après la traduction de Émile Senart citée dans Le modèle indou) :

Les devoirs des brâhmanes, kshatriya, vaishya, shoudra
Se répartissent en fonction des qualités primordiales
D'où vient leur nature propre ;

Sérénité, maîtrise de soi, ascèse, pureté, patience,
Et rectitude, connaissance, discernement et foi,
Tels sont les devoirs du brâhmane selon sa nature.

La vaillance, la gloire, la constance et l'adresse,
Le refus de la fuite, le don et la seigneurie,
Tels sont les devoirs du kshatriya selon sa nature.

Soin des champs et du bétail, négoce,
Tels sont les devoirs du vaishya selon sa nature.
Servir est le devoir du shoudra selon sa nature.

Bhagavad-gîtâ, XVIII, 41-44

Le varna est intimement lié à l'hindouisme et à la notion de karma. Chacune de ces parties du corps social est censée provenir d'une partie du corps de Brahma, les brahmanes sortant évidemment de la tête du dieu. En-dehors de cette justification religieuse de la place de chacun, et de la hiérarchie entre les castes, il est évident que ces castes recoupent la trifonctionnnalité indo-européenne : les fonctions sacrée, guerrière et de production sont ici clairement identifiables.

Si on accepte l'hypothèse de la théorie de l'invasion aryenne, on obtient grossièrement l'organisation suivante de la société indienne : les trois premières varnas, celles des « deux fois né », correspondent alors aux groupes constitués de l'envahisseur indo-européen, groupes que l'on retrouve dans les zones où les Indo-européens se sont implantés. La quatrième varna regroupe, dans ce cas, les membres des civilisations pré-aryennes comme celle de la civilisation de la vallée de l'Indus ou des Dravidiens du sud de l'Inde, et les intouchables quant à eux, non civilisés, correspondent aux aborigènes de l'Inde, les habitants originels, impurs car non-hindouisés. Concernant les couleurs traditionnelles associées aux varnas, blanc pour les brâhmanes, rouge pour les kshatriyas, jaune pour les vaisyas, noir pour les sudras, au-delà d'un lien possible avec la carnation des membres de chacune d'elle qui est cependant contredit par le fait qu'il y a toujours eu, par exemple, des brâhmanes à la peau noire, elles semblent plutôt être des symboles liés au rôle des varnas dans la société, le blanc de la recherche de purété des brâhmanes ; le rouge, la gloire et le sang des guerriers kshatriyas ; le jaune, symbole de l'or et de la richesse, le but des vaisyas ; et le noir, les tâches avilissantes des sudras.

[modifier] La jâti

À côté du système du varna existe un autre découpage de la société indienne, le système des jāti ( जाति, naissance), au nombre de 4635 - d'après une étude de l'Anthropological Survey of India de 1993 - et qui recouvre assez précisément le découpage en professions. Ce dernier système, qui se rapproche assez d'une organisation de la société indienne en corporations, préexistait peut-être au système des varna. On notera qu'aucune jâti ne franchit de frontière linguistique et que donc toutes les zones linguistiques indiennes ont leur propre système de jâti.

Selon l'orthodoxie hindoue, les membres de deux jâtis différentes vivent de manière totalement séparés. En particulier, ils ne partagent pas de nourriture et ne se marient pas entre eux (c'est un système endogame). En fait, chaque jâti possède ses propres habitudes culinaires, vestimentaires, parfois un langage propre, souvent ses propres divinités et les servants de ces divinités qui appartiennent à la jâti et ne sont donc pas brâhmanes. Un membre de la jâti des cordonniers pourra devenir tailleur, à condition de s'expatrier (comme les héros de « L'Équilibre du monde » de l'auteur canadien d'origine indienne, Rohinton Mistry).

À cause de la modernisation de la société indienne, cette séparation des personnes tend à s'estomper progressivement, bien qu'elle reste forte dans les zones rurales, là où vit toujours la majorité de la population indienne, et parmi les couches les plus défavorisées de la population.

Le système des castes a été fortement combattu par plusieurs réformateurs indiens, le plus connu d'entre eux est Bhimrao Ramji Ambedkar, rédacteur de la Constitution de l'Inde et lui-même intouchables mahars avant de se convertir au Bouddhisme.

Il a été théoriquement aboli et toute discrimination est interdite par la loi indienne. Même si le varna coïncide souvent avec la prospérité sociale, cela n'a rien de systématique. Ainsi, parmi les hommes les plus prospères de Vârânasî, on trouve des intouchables qui ont pris en charge le commerce lié à la mort, la fourniture du bois nécessaire aux crémations par exemple, un commerce refusé par les varna car impur puisque touchant à la mort.

[modifier] Le problème des castes dans une Inde démocratique

[modifier] La brâhmanisation des jâti

Le sociologue indien Mysore Narasimhachar Srinivas qui travailla durant cinq décennies sur le système des castes, a, semble-t-il, été le premier à utiliser le terme de brâhmanisation pour décrire le processus, ancien et courant, de l'élévation d'une jâti dans l'échelle varnique (On parle aussi de processus de sanskritisation).

En effet, si la modification du statut d'un individu est inenvisageable dans le système des varna, il n'en est pas de même pour la position de la jâti. Autrement dit, dans la société indienne, un homme ne peut évoluer, au sens de l'échelle varnique, qu'en tant que membre de la communauté dans laquelle il naît, ce qui montre que le système des jâti est plus important aux yeux de la plupart des Indiens que celui des varna et qu'il l'a peut-être précédé historiquement. Cette façon de voir ne satisfait évidemment pas les brâhmanes qui sont au sommet de la pyramide.

Cette ascension de la jâti ne peut s'obtenir qu'à certaines conditions :

  • elle doit toucher la totalité ou du moins une partie importante de la jâti,
  • celle-ci doit s'engager dans une modification de ses pratiques, pour se rapprocher de celles des brâhmanes, en particulier :
    • changer ses habitudes alimentaires - une caractéristique des jâti - et tendre vers le végétarisme,
    • suivre les coutumes des brâhmanes concernant le mariage,
    • élever le niveau éducatif de la jâti et éviter l'impureté au sens brâhmanique.

Une jâti emblématique concernant cette évolution varnique est celle des intouchables Mâhar, qui ont donné son nom à l'État du Maharashtra et à laquelle appartenait le Dr Ambedkar, le rédacteur de la constitution indienne. Ambedkar œuvra à la suppression de l'intouchabilité, mais à la fin de sa vie, voyant que cet objectif restait encore très lointain, milita pour que les Mâhar se convertissent en masse au bouddhisme et adoptent de nouvelles habitudes en rupture avec celles de leur jâti, en particulier encouragent leurs enfants à faire des études, observent une plus grande propreté corporelle, abandonnent la consommation de viande bovine, tendent vers le végétarisme et brûlent leurs morts au lieu de les enterrer. Tous ces changements ont fait que, depuis cinquante ans, le statut des Mâhar qui ont suivi ces recommandations s'est grandement amélioré et qu'ils jouissent d'une considération nouvelle, leur conversion n'étant comprise par le corps social que comme une adhésion à une secte particulière de l'hindouisme.

Tous les Mâhar, cependant, ne suivirent pas cette voie, certains avaient été précédemment convertis au christianisme. Cette décision, n'étant pas une émanation de la jâti mais partant du niveau de la famille ou d'un groupe de familles, les sortaient de l'échelle varnique. Comme, de plus, les missionnaires étaient étrangers, cela marqua plus encore l'aspect extérieur de cette conversion. Enfin, à l'image de ce qui s'était fait au Paraguay, les familles furent regroupés au sein de « réserves confessionnelles ». Suivant la formule de Deleury, « d'intouchables qu'ils avaient été, ils étaient devenus étrangers » sans espace reconnu dans la société indienne.

Un célèbre exemple de brâhmanisation est celle des paysans Koumbi appartenant à la varna des sudras. Ceux-ci s'enrôlèrent dans les armées marathes de Shivaji et accompagnèrent ses successeurs dans leurs campagnes. Obtenant des terres en remerciement de leur engagement, ils y fondèrent des dynasties et devinrent, de fait, des kshatriyas.

Cette brâhmanisation est même accessible aux intouchables, comme les Gâkwâd qui, grâce à leur incorporation dans les armées marathes et malgré leur origine, fondèrent la dynastie régnante de Baroda, ou les Holkar d'Indore, de provenance aborigène, à qui personne ne contesterait le statut de kshatriya.

Il est probable d'ailleurs que le système n'ait pas été aussi rigide au début de notre ère. Ce qui est certain, en revanche, c'est que la présence anglaise figea la politique indienne en institutionnalisant les dynasties régnantes avec lesquelles elle signait des traités, interdisant par suite la progression de certaines jâti vers le pouvoir local et donc leur possibilité de brâhmanisation. De la même façon, l'institution d'un état civil moderne risque d'être une entrave à ce mouvement, car s'il permet de mettre en place les mécanismes de discrimination positive, qui ont d'ailleurs déjà entraîné des résultats appréciables, aura tendance à enfermer plus encore les personnes dans une catégorie.

[modifier] À Bali

Le système des castes balinais est basé sur celui de l'Inde. C'est un héritage des royaumes hindouistes en Indonésie - Shrîvijaya, Empire Majapahit - mais beaucoup plus simple car essentiellement architecturé autour des varnas.

Ainsi on y retrouve les quatre castes avec des noms parfois assez proches :

  • les pedana : l'équivalent des brâhmanes,
  • les satria : la caste des princes et rois,
  • les wesia : ici considérés comme la caste des guerriers, intégrant la noblesse et les marchands,
  • les sundra : les cultivateurs formant les 90% de la population balinaise, mais sans comporter d'intouchables.

Chaque caste utilise son propre dialecte du langage balinais. Un cinquième dialecte est utilisé lorsqu'on s'adresse à quelqu'un dont on ne connaît pas la caste. Cependant ce système linguistique a quasiment disparu ces dernières années et le système des castes semble tomber en obsolescence.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Louis Frédéric, Dictionnaire de la civilisation indienne, Robert Laffont, 1987
  • Guy Deleury, Le modèle indou, Éditions Kailash, Paris et Pondichéry, 1993
  • Louis Dumont, Homo hierarchicus. Le système des castes et ses implications., Gallimard (coll. TEL), Paris, 1966
  • Robert Deliege, Les Castes en Inde aujourd'hui, Presses universitaires de France, Paris, 2004
  • Alain Daniélou, Les quatre sens de la vie, Librairie académique Perrin, Paris, 1963

[modifier] Articles connexes

[modifier] Vidéos


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