Brahmanisme
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La religion brahmanique correspond à la deuxième des trois phases historiques qu'on distingue habituellement dans le développement de la spiritualité indienne. Elle se situe après le védisme (env. 1500-900 av. J.-C.).
Le terme "brahmanique" est dérivé de "brahmane", tout comme celui de "christianisme" est dérivé de "chrétien", c'est-à-dire à celui qui professe la foi en Jésus Christ. Toutefois, le parallèle ne présente pas le même degré d'équivalence. En effet, est brahmane celui qui dispose du brahman (mot neutre), c'est-à-dire d'une formule qui possède à la fois un pouvoir religieux et un caractère magique, d'une formule qui agrandit, valorise et amplifie. Ainsi le terme "brahmane" n'indique pas le fidèle qui vénère le dieu Brahmâ - tardive personnification védique - mais plutôt celui qui appartient à la caste des prêtres. De plus le brahmanisme est un terme dont se servent certains indianistes pour distinguer différents aspects de l'hindouisme.
Le terme brahmanisme est aussi utilisé :
- dans un sens historique, le védisme désignant la culture védique proprement dite, le brahmanisme se référant au système rituel formalisé qui en est issu ;
- dans un sens doctrinal, le brahmanisme constituant l'un des multiples courants de l'hindouisme, parmi lesquels il en existe beaucoup d'autres comme par exemple le shivaïsme ou le tantrisme.
Enfin, le terme brahmanisme est utilisé en second lieu :
- au sens large, pour désigner le système social et religieux des hindous orthodoxes ;
- au sens restreint, pour désigner plus particulièrement les rites et les cultes des brahmanes.
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[modifier] Terminologie
Il convient de faire la distinction entre plusieurs termes dont la ressemblance prête parfois à confusion :
- Le brahmanisme
- Le Brahman, terme désignant la réalité suprême ou la totalité de ce qui est
- Le brahman, terme désignant l'une des sortes de prêtres officiant dans un sacrifice védique (ritvij), aux côtés de l'adhvaryu, du hotri et de l'udgâtri
- Brahmâ, terme désignant la fonction créatrice, personnifiée sous la forme d'une divinité
- Les brahmanes, terme désignant une fonction sociale ; ce sont les membres de la première varna (caste)
- Les Brâhmana, ensemble de textes comprenant des commentaires sur les Veda
[modifier] Caractéristiques principales
La religion brahmanique se caractérisa par le renforcement du système des castes, dont les premières manifestations étaient déjà apparues à l'époque du védisme, marquée par la naissance d'une florissante civilisation qui se développa à partir du 5e millénaire environ av. J.-C. (la civilisation de la vallée de l'Indus)[1].
Cette religion pénétra la plaine du Gange en provenance du Baloutchisthan et, vers l'ouest, s'étendit jusqu'aux plateaux d'Anatolie. La nouveauté qu'introduisit le brahmanisme, par rapport à l'époque védique, tient à l'affirmation des brahmanes en tant que caste supérieure de la société indienne, à l'intérieur de laquelle ils s'érigeaient en gardiens de la parole sacrée transmise par les Veda. Ces savants personnages, prêtres et enseignants, acquirent en effet, dans l'ordre social aryen, un rang prééminent, supérieur même à celui des guerriers. Le rituel sacrificiel qu'ils célébraient jouait effectivement un rôle central dans le cadre des formes culturelles aryennes[1].
Ce n'est qu' au VIe siècle av. J.-C., avec les mouvements rénovateurs du jaïnisme et du bouddhisme, qui se révoltèrent contre le ritualisme des brahmanes, que la suprématie de la caste des prêtres commença à s'affaiblir. L'environnement politique dans lequel les grands réformateurs, Mahâvîra (VIe-Ve siècle av. J.-C.) et Bouddha (480-400 av. J.-C.), durent évoluer, était du reste caractérisé par de profondes transformations, parmi lesquelles la naissance de nouvelles entités étatiques. Il s'agissait précisément, pour la zone comprise entre l'Indus et le golfe du Bengale, de seize royaumes aryens, qui s'étaient substitués, au fur et à mesure de l'affirmation de leur indépendance, à de plus vastes États tribaux auxquels ils avaient fait allégeance[1].
[modifier] Les divinités
Avec le brahmanisme, le monde des dieux déclina grandement par rapport à ce qu'il fut à l'époque védique; et ce, au profit des rites sacrificiels accomplis par les prêtres, les brahmanes[1].
En effet, les deva védiques dépendirent de plus en plus des sacrifices et de la caste des prêtres qui en possédait les secrets rituels, à tel point que les divinités furent estimés incapables d'aider les hommes en l'absence du truchement essentiel que constituaient les sacrifices. En outre, les dieux védiques, tels que Indra, Agni ou Varuna, assistés par leur asura (en sanscrit, "spiritualités","divinités"), perdirent considérablement de leur importance dans le brahmanisme, et le terme même d'asura prit, tout particulièrement dans les textes sacrés appelés Brâhmana, un sens péjoratif[1].
Parmi les devas, désormais réduits au statut d'instruments dociles de la médiation des prêtres, Prajâpati ("le seigneur des créatures") fut bien plus la personnification de la prêtrise qu'un dieu créateur et géniteur; il acquit de ce fait une position prééminente, car, pour les brahmanes, il était avant tout le prêtre suprême, le fondateur du rituel. Prajâpati devint également chef des dieux et des démons, ainsi que de la descendance aryenne (tous les brahmanes étaient de souche aryenne) et de l'ensemble des créatures. Il était en outre l'image personnifiée et la manifestation de l'Absolu situé au cœur des choses, le brahman[1].
[modifier] La tautologie âtman/brahman
Dans le védisme originel, le brahman était une formule ou une parole sacrée, une sorte de principe magique du rite sacrificiel. Avec le brahmanisme, la notion de brahman prend un sens métaphysique, se déplace de l'acte de la prière à l'objet de la prière elle-même[1].
Il devient ainsi le principe dominant et la cause première de la totalité de l'être, un Absolu duquel dérivent toute chose, "comme le fil de l'araignée et l'étincelle du feu". Le terme de brahman, neutre nous l'avons vu, pouvait prendre le genre féminin ou masculin s'il était accompagné d'une caractérisation spécifique, comme le Brahmâ des hindouistes, alors dieu de la Création[1].
Dans les textes sacerdotaux, le brahman était par nature impersonnel, neutre[1].
Dans les Upanishad, il était élevé au rang d'Absolu, n'existant que par soi et sans que rien ne le conditionne : une sorte de principe cosmique éternel, infini et inconnaissable, fondement de tout ce qui est, origine et fin de toute chose[1].
On le retrouvait en deçà de l'espace et du temps. D'ailleurs, le monde des apparences recevait du brahman sa forme visible, tandis que le brahman demeurait sans forme et sans nom, éternel et immuable, asexué et sans propriétés particulières. En tant qu'unité non divisée et Un comprenant le Tout, il se trouvait au-delà du monde des apparences, où dominent en revanche la division, les propriétés, les formes, les noms, la caducité, le changement, la sensation et la sexualité[1].
En ce sens, le brahman est aussi au-delà du bien et du mal. Il pénètre de soi le monde tout entier, comme le « sel rend l'eau de la mer salée »[2], tout en demeurant absolument transcendant, intellectuellement insaisissable, et même intraduisible par des concepts qui la représenteraient dans son indivisibilité et dans son unité, et dans son existence dépourvue de propriétés particulières[1].
Ce n'est que dans la vision extatique, réservée uniquement à un petit nombre de mystiques, qu'il se laisse en partie contempler[1].
Toutefois, parallèlement à la recherche du principe unique du monde, le Soi universel, la quête du brahman comprenait également la recherche d'un principe d'unité de l'être humain, le soi individuel[1].
Ce principe fut situé dans l'âtman (en sanscrit, "respiration", "souffle"), considéré comme l'essence la plus profonde de l'homme[1].
Ainsi, si le brahman est le principe premier de tout l'être et la substance fondamentale du macrocosme, l'âtman est propre au microcosme en tant que "soi conscient". Il constitue donc le véritable "moi" de l'homme, son "âme", porteuse de la conscience et quintessence des forces vitales intimes[1].
D'après les Upanishad, l'âtman est la perception du divin qui se trouve enfouie au plus profond de l'être humain, une sorte de reflet mystérieux du brahman, qui reste quant à lui inconnaissable[1].
L'âtman, originairement souffle de vie, s'est transformé au fur et à mesure en souffle premier de la création, devenant même, par identification au brahman, le principe du monde reflété dans chaque être humain. La doctrine de l'Unité du Tout, affirmée dans les Upanishad, atteint en effet son point culminant dans l'identité des deux principes, le brâhman et l'âtman. La réalité de cette identification se situe au seuil de la transcendance ; d'une certaine façon, même, elle franchit et, pour cette raison, ne peut être démontrée, mais seulement perçue à travers l'extase mystique[1].
Par la formule d'identification aham brahma asmi (en sanscrit, "je suis brahman"), le mystique manifeste sa vision de l'unité entre l'âme individuelle (âtman) et l'âme universelle (brahman)[1].
L'identité des deux principes est exprimée dans les Upanishad par les vers suivants : "Quelle est cette finesse?/Elle est l'âme du monde entier./Là est la vérité, là est l'âtman./Tu es tout cela.[2] Le dernier vers, appelé mahâvâkya ("la grande parole"), constitue la somme de tous les enseignements des Upanishad[1].
Un autre mahâvâkya résume la doctrine mystique de l'unité comprenant le Tout. Pour connaître cette unité, il faut atteindre le "degré supérieur du savoir" (parâ vidyâ) des Upanishad, en délaissant le "degré inférieur du savoir" (aparâ vidyâ) des Veda. Celui qui parvient à voir comment se fait l'identification entre l'âtman et le brahman atteint la moksa ("délivrance" du monde des renaissances)[1].
En effet, par la formule "je suis brahman", on se sent délivré de toute crainte ou désir et, puisque tout devenir a disparu pour laisser place à l'Être, l'âme est délivrée de la hantise de l'éternel. Toutefois, "de même que celui qui ne connaît pas le lieu où il est caché ne trouve pas le trésor, même s'il lui arrive souvent de fouler la terre qui le recouvre, de même ces créatures n'aperçoivent pas le brahman, même si elles l'atteignent tous les jours. Le mensonge les en éloigne"[2].
De fait, le chemin qui mène à la délivrance, c'est-à-dire à la connaissance de l'identité âtman/brahman, bien qu'étant celui qu'emprunte chaque individu, est un chemin très long qui traverse de multiples existences terrestres, que chacun parcourt à travers un tourbillon incessant de vies et de réincarnations : "De même que tous les seaux tournent autour de la roue hydraulique, de même l'homme renaît à chaque fois du giron maternel.[2]
Par ailleurs, dans les Oupanishad, cette théorie de la migration des âmes (appelée samsâra, "écoulement circulaire" en sanscrit) s'inscrit dans la cérémonie de la purification par le feu. Celle-ci affirme que si la mort gagne "le ciel", ce passage considéré comme impur laisse ceux qui restent en vie empreints d'une certaine impureté, laquelle est également ôtée par le dernier sacrifice du feu[1].
"Dans ces flammes, les dieux sacrifient l'homme, et par cette offrande l'homme renaît sous la forme d'une couleur lumineuse." Le grand gourou Yâjnâvalkya (630-583 av. J.-C.) enseignait qu'à sa mort, chaque homme subissait une dissolution; le corps retournait à la terre, le sang à l'eau, le souffle au vent, la vue au soleil et l'intellect à la lune, mais les "actions non rémunérées" se réunissaient pour s'incarner de nouveau en un être humain. De cette façon, la notion, présente dans les Upanishad, de la migration des âmes et de leur renaissance, se joignait à celle du karma (littéralement, "l'action")[1].
Le karma était à l'origine le seul acte rituel[1]; mais, à cette phase de l'évolution du brahmanisme, moteur du samsâra, il est identifié à toute action déterminant de façon automatique non seulement la renaissance après la mort, mais aussi les formes de cette renaissance et la situation que l'individu connaîtra dans sa nouvelle vie[1].
En d'autres termes, l'homme, selon cette théorie, devient ce qu'il accomplit[1]: les bonnes actions d'une existence antérieure améliorent les conditions de vie de l'existence à venir, tandis que de mauvaises actions les aggravent[1].
Aussi chaque individu détermine-t-il par la loi de maturation des actes son propre destin dans la vie à venir, le "théâtre" de son fruit renouvelé, toujours (il n'est pas question de récompense ou de punition, puisqu'il n'y a personne pour récompenser ou punir)[1].
Par ailleurs, dans cette succession d'existences terrestres, l'âtman demeure l'essence invariable propre à l'individu, malgré la totale mutation de l'être, représentant ainsi la continuité du moi dans la migration des âmes, "par quoi nous sommes identiques les uns aux autres et identiques aux puissances de l'univers"[2].
[modifier] L'organisation des castes (varna)
Comme à l'époque védique, les castes, durant le brahmanisme, continuèrent à régir les relations des groupes sociaux. Toutefois, avec le brahmanisme - on l' a déjà évoqué - c'est la caste des prêtres, les brahmanes (brahmana), gardiens de l'antique sagesse, qui est présentée comme la première, la plus élevée. La caste des guerriers perdit en effet l'hégémonie, une fois que les Aryens eurent conquis la plaine du Gange[1]; dans le même temps, le prestige des prêtres s'accrut proportionnellement à l'importance toujours grandissante des rites sacrificiels, qu'ils étaient les seuls à pouvoir célébrer[1].
Les brahmanes, en effet, non seulement possédaient de façon exclusive la connaissance des formules sacrificielles sacrées, qui étaient en mesure d'obliger les dieux à exaucer les requêtes à eux soumises, mais étaient également les seuls à pouvoir les rendre efficaces[1].
En ce sens, ce proverbe indien de l'époque est significatif: "Le cosmos tout entier est soumis aux dieux, les dieux sont soumis aux suppliques qui les implorent, et les suppliques dépendent des brahmanes. Donc les brahmanes sont nos dieux[2].
Bien que subordonnée à celle des prêtres, la caste des guerriers (kshatriya) occupait le deuxième rang dans la hiérarchie sociale[1]: elle détenait le pouvoir temporel, politique[1]; sa fonction était de diriger le pays et de le défendre contre ses ennemis. Il faut cependant prendre en compte le fait que la plus grande partie de la littérature disponible décrivant l'organisation sociale de l'Inde ancienne émane du milieu des brahmanes, et qu'elle n'est sans doute pas neutre d'un point de vue idéologique. Voir à ce sujet l'ouvrage de Fick[3], qui montre que la hiérarchie plaçant les brahmanes au sommet du système des varna ne se confirme pas au travers des textes bouddhiques, qui placent les kshatriya au premier rang et les brahmanes au second.
La troisième caste était celle des simples colons de race aryenne, les Vaisya, paysans, artisans ou commerçants, qui entretenaient les deux classes dominantes[1].
Au-dessous se trouvait la caste des Sudra, les serviteurs, c'est-à-dire les non-Aryens, ou des Aryens déclassés socialement, dans la mesure où ils s'étaient mélangés à la population indigène soumise. Ces serviteurs des trois castes supérieures étaient généralement des journaliers[1].
Cette séparation de la société en quatre castes fut de plus en plus considérée comme un dogme religieux, dans la mesure où l'appartenance à une caste déterminée était justifiée par la doctrine du samsâra et du karma[1].
Les Upanishad affirment expressément[1]; "Ceux qui parmi nous ont connu un changement heureux, ont devant eux la perspective de retourner dans un giron maternel plaisant, un giron de brahmane, de kshatriya ou de vaishya. Mais ceux qui ont mérité une vie horrible ont devant eux la perspective d'un giron maternel horrible, quelque chose comme le giron d'un chandâla. Le chandâla est placé en dehors du système des varna, et se situe hiérarchiquement en-dessous du shûdra. Il faisait l'objet d'un mépris affiché, et appartenait au groupe des individus provenant de parents, de races et de castes diverses[1].
[modifier] Quatre stades de vie idéaux
Selon la formulation (plus ou moins théorique) des dharmashâstra, la vie d'un homme appartenant à l'un des trois varna supérieurs (brahmane, kshatriya, vaishya) se déroulait à travers quatre différents stades ou états de vie, appelés âshrama[1].
Le premier stade, celui du brahmacârin ("étudiant"), correspondait à la période de formation (au minimum 12 ans) que le jeune homme devait passer dans la maison de son précepteur, et consacrer essentiellement à l'étude des Veda[1].
Au deuxième stade, celui du grihastha ("maître de maison"), l'homme devait fonder une famille, tout en perpétuant la pratique des rituels et des devoirs prescrits à son rang[1].
Au troisième stade, celui du vânaprastha ("celui qui s'est retiré dans la forêt"), l'homme, ayant rempli ses propres devoirs (procréation), pouvait quitter la vie active - parfois accompagné de son épouse - pour se consacrer à une vie d'anachorète[1].
Le quatrième et dernier stade était celui du sannyâsin ("renonçant"). Le brahmane, alors d'un âge avancé, pouvait errer comme un pèlerin démuni, en visant la libération (moksha)[1].
[modifier] Les rites
Une caractéristique du brahmanisme est l'extrême complexité de ses rites, grâce auxquels les brahmanes pouvaient disposer des forces de la nature, voire obliger les dieux à exaucer leurs prières[1].
Une grande importance était ainsi attribuée aux rites sacrificiels (yajna), qui signifient avant tout la réintégration d'une dimension spirituelle et cosmique, la remise en activité d'une plénitude originelle perdue, à tel point que "le soleil ne renaîtrait plus le matin, si le brahmane n'avait fait l'offrande du sacrifice.[2] Par le sacrifice, on peut se concilier les dieux et bannir les démons; dans le sacrifice, on fait entrer le "Tout"[1].
Les rites caractéristiques étaient ceux qu'on célébrait en relation avec le cycle lunaire - à l'occasion de la pleine lune et de la nouvelle lune - et qui constituaient en l'offrande de mets sacrificiels aux dieux. Au printemps, lors du premier sacrifice, on faisait aux dieux une oblation d'orge ; à l'automne, une oblation de riz. Quand venait ensuite la saison des pluies, c'était le sacrifice quadrimestriel, destiné à faire prospérer les troupeaux[1].
Dans le culte solennel, le rite se fait sous trois feux: d'abord, le feu du maître de maison (gârhapatya), pour la cuisson des offrandes, de forme ronde; puis le feu d'oblation (âhavaniya), de forme carrée, qui reçoit des oblations cuites; enfin, le feu du sud (daksinâgni), qui affecte la forme de demi-lune[1].
L'efficacité des sacrifices était strictement tributaire de l'exécution la plus exacte possible du rituel et de toutes les cérémonies qui le composaient. Ces dernières devaient, par exemple, être accompagnées d'une formule sacrificielle appelée yagus, alors que les prières devaient précéder les formules par lesquelles on invitait les dieux à descendre sur le lieu du sacrifice[1].
Le rite, enfin, devait se terminer par la formulation de la syllabe mystique OM. Le son, produit d'une façon prolongée, résultant de la combinaison des trois sons A-U-M (de la triade à l'unité), signifie "ce qui a été, est et sera", et possédait, pour ceux qui se vouaient à la méditation, une force à la fois magique et religieuse. Un Upanishad affirme: "Comme s'agglomèrent toutes les feuilles enfilées sur une tige qui les traverse, de même toute parole se fond dans les sons OM. Le son OM est tout cet univers[1].
[modifier] Témoignages écrits
Les textes littéraires du brahmanisme, outre les Veda et les Brâmana, sont constitués des Âranyaka et des Upanishad[1].
Les Brâmana (description des rites et récits mythiques) sont à mettre en relation avec quatre recueils du Veda dont ils constituent l'exégèse et le commentaire. Ecrits entre le Xe et VIIIe siècle av. J.-C. et dus à plusieurs générations de brahmanes, issus de différentes écoles védiques, ils concernent la dogmatique la plus ancienne du brahmanisme, détaillée dans une prose sanskrite des plus arides, et contiennent des injonctions (vidhi) extrêmement précises, ayant trait aux modalités des rites sacrificiels, à leur signification symbolique (arthavâda) et au sens des anciennes sagas et légendes védiques[1]. On trouve également dans les Brâhmana des hypothèses sur la naissance du monde[1].
Les Âranyaka ("textes de la forêt") sont des recueils de traités mystico-rituels, rédigés par des prêtres ermites, et reliés aux Brâmana. Ils sont généralement destinés à des ermites qui se consacrent à l'ascèse et à la méditation, et contiennent l'exposé de pratiques rituelles un peu particulières et l'explication de leur symbolique[1].
Les Upanishad ("équivalences", "connexions") constituent l'ensemble des textes religieux brahmaniques, dont le thème fondamental est la poursuite de l'entrée dans cet Au-delà compris comme une délivrance des renaissances. Les Upanishad furent rédigés à partir du XIe siècle av. J.-C., les plus anciens étant à peu près contemporains de la naissance du brahmanisme[1].
En général, les Upanishad relatent les expériences individuelles des mystiques, leurs méditations et leurs visions. C'est la raison pour laquelle on y traite les problèmes de la migration des âmes et de l'Au-delà, et on fournit la réponse aux questions sur le sens de l'existence, en invitant à pratiquer une mystique de profonde délivrance. Dans ces textes, de fait, on assiste à un dépassement progressif de la pure mystique du sacrifice, caractéristique des Brâhmana (considérés en effet comme une forme de connaissance inférieure) ; et l'on relève la reconnaissance décisive de l'identité entre l'âme individuelle (âtman) et l'âme universelle (brahman), sous la forme de la connaissance suprême. Le nombre exact des Upanishad est incertain, dans la mesure où il existe des doutes sur l'authenticité de quelques-uns des premiers textes, tandis que d'autres proviennent d'ajouts d'époques plus tardives (jusqu'au XVe siècle)[1].
Cependant, un Upanishad, Muktikâ, donne une liste de 108. Les plus anciens (Brihadâranyaka, Châdogya, Taittiriya, Aitareya, Kausîtâki, Kena) sont, à l'exception de quelques vers, essentiellement rédigés en prose. Quant à leur forme, elle est très semblable à celle des Brâmana, dont ils diffèrent pour ce qui est du contenu. Un deuxième groupe (Isâvasya, Svetâsvara, Mundaka, Mahânârâyana) est constitué de textes entièrement rédigés en prose, sans la moindre ressemblance formelle avec les Brâmana. Un troisième groupe (qui comprend Prasna Maitrayana et Mândûkya) est également composé de textes rédigés en prose, mais dont le contenu révèle une remarquable continuité avec tous les courants de l'époque postvédique. Tous les autres Upanishad (Sannyâsa, Yoga, Sâmânya, Vêdanta, Vaisnava, Saiva, Sakta, etc) sont comptés au nombre des Atharva-Veda[1].
[modifier] Chronologie
- 1000/900-800/700 av. J.-C. Composition des Brâhmana[1].
- 800-500 (environ) av. J.-C. Composition des Upanishad[1].
- 680-583 av. J.-C. Gourou Yâjnâvalkya Vajasneya[1].
- VIe-Ve siècle av. J.-C. Mahâvîra, 24e et dernier Tîrthankara du jaïnisme actuel, réformateur religieux, adversaire du brahmanisme[1].
- 513 av. J.-C. Conquête de la région de l'Indus par l'Empire perse, mené par Darius Ier (522-486)[1].
- 480-400 av. J.-C. Gautama (Bouddha), fondateur du bouddhisme, réformateur religieux, adversaire du brahmanisme[1].
[modifier] Notes
- ↑ a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab ac ad ae af ag ah ai aj ak al am an ao ap aq ar as at au av aw ax ay az ba bb bc bd be bf bg bh bi bj bk ENcyclopédie des Religions, Gerhard J. Bellinger, ISBN 2251311131
- ↑ a b c d e f g dans l'Encyclopédie des religions de Gerhard J. Belliger
- ↑ Fick, Richard, 1972 [1897], The Social Organisation in North-East India in Buddha's Time