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Guerre de la marmite - Wikipédia

Guerre de la marmite

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L'expression guerre de la marmite évoque l'affrontement militaire (dénué toutefois de faits d'armes importants) qui oppose, en 1785, l'Empereur Joseph II d'Autriche et les Provinces-Unies. Elle est appelée ainsi, parce que la propagande néerlandaise rapporta que l'unique « victime » du conflit fut une marmite percée par un projectile.

Sommaire

[modifier] Les préliminaires

[modifier] La guerre anglo-néerlandaise

Au cours de l'automne 1774 la guerre d'indépendance des États-Unis d'Amérique débute: les treize colonies s'insurgent, la France et l'Espagne entrent en guerre, les Provinces-Unies refusent d'honorer leurs engagements de soutenir la Grande-Bretagne et le patriciat commercial hostile au Stathouder Guillaume V d'Orange-Nassau incite la cour de St. James à débuter la quatrième guerre anglo-néerlandaise (1780-1784).
Dès le début, les Provinces-Unies entreprennent une préparation miliaire médiocre ce qui permet à la Grande-Bretagne d'occuper un grand nombre de colonies et de bases néerlandaises qui sont dispersées dans le monde et de bloquer hermétiquement la côte de la métropole produisant des effets désastreux sur le commerce et l'industrie des Pays-Bas.

[modifier] La paix séparée entre la France et la Grande-Bretagne

Par chance pour les Provinces-Unies, cette situation catastrophique se termine lorsque la Grande-Bretagne et la France[1] conviennent d'un cesser le feu en janvier 1783. Les Provinces-Unies se trouvent dans la situation paradoxale d'être les seuls vaincus parmi les vainqueurs ce qui permet à Londres (qui occupe la plus grande partie des colonies néerlandaises) de prétendre de La Haye (qui ne dispose d'aucun moyen pour imposer ses conditions) quelques concessions territoriales en Indes orientales néerlandaises.
La Grande-Bretagne essuie un refus des délégués néerlandais si bien que la France décide de signer un accord de paix séparé: le traité de Paris du 3 septembre 1783, normalement considéré comme la fin officielle des hostilités.

Portrait de l'Empereur Joseph II d'Autriche
Portrait de l'Empereur Joseph II d'Autriche

[modifier] La crise avec l'Autriche

[modifier] L'ultimatum autrichien aux Provinces-Unies

Cette impasse se prolonge jusqu'en mai 1784 lorsque la position des Provinces-Unies se trouve bouleversée par un évènement imprévu: un ultimatum par lequel Joseph II exige d'importantes concessions territoriales et l'agrandissement des territoires des Pays-Bas catholiques.
L’ultimatum, dénommé « tableau sommaire des prétentions » exige la cession des territoires dans le Limburg et dans les Flandres néerlandaises, la liberté de commerce des ports belges avec les colonies néerlandaises. Et enfin, l'exigence porte sur la libre navigation sue l'Escaut, donc la réactivation du port d'Anvers et au-delà celui de Gand (tous deux bloqués la première fois en 1585, avec de grands dommages pour le commerce et un avantage certain pour les Provinces-Unies) ainsi que la démolition des forts néerlandais sur ce fleuve.
Il s'agit de requêtes anciennes qui ont déjà envenimé les relations avec les Provinces-Unies et qui 40 ans plus tard, envenimeront les relations avec le futur Royaume de Belgique, après la révolution belge de 1830.

[modifier] La brève réconciliation des partis politiques néerlandais

Ces demandes sont inacceptables pour les trois factions qui dominent la politique intérieure néerlandaise:

  • pour le parti des patriotes parce que sont en jeu toutes les conquêtes historiques des Provinces-Unies au détriment des Pays-bas catholiques espagnols, comme cela a été fixé par le traité de Münster de 1648 et par le Traités d'Utrecht de 1713,
  • pour le parti Orangiste qui a ses propres bases dans les provinces qui intéressent l'Empereur,
  • pour le parti républicain parce que la résurgence du port d'Anvers aurait infligé des dommages cruciaux aux commerces d'Amsterdam.

On peut dire que Joseph II a commis un vrai impair, unifier tous les ennemis possibles dans une position commune, il en est ainsi des trois partis qui s'associent pour la première fois dans un effort conjoint de préparation militaire et d'actions politiques.

[modifier] Les premières initiatives diplomatiques

[modifier] Les négociations directes à Bruxelles

La nouvelle concorde nationale des Provinces-Unies n'est pas mise à l'épreuve, personne à La Haye, ni les états généraux, ni encore moins le Stathouder ont oublié les humiliations subies au cours de la malheureuse guerre anglo-néerlandaise à peine conclue.

Les deux partis engagent des pourparlers à Bruxelles sur le « sommaire des prétentions ». La délégation impériale est emmenée par le milanais comte de Belgiojoso, en qualité de plénipotentiaire des négociations.

[modifier] La paix avec la Grande-Bretagne

La diplomatie française profite de la situation pour vaincre les dernières résistances néerlandaises pour de marginales concessions coloniales: le 20 mai 1784, les plénipotentiaires néerlandais, à Paris, signent le traité de paix par lequel les Provinces-Unies cèdent Nagapattinam en Indie à la Grande-Bretagne et ouvrent aux navires britanniques le commerce des Indes orientales néerlandaises (ou au moins dans les Moluques). En échange Londres restitue la plus grande partie des possessions occupées.

[modifier] La recherche d'un casus-belli

La paix avec la cour de St. James affaiblit la stratégie de Joseph II qui avait compté sur l'assentiment britannique à son initiative, au moins pendant qu'était ouverte la querelle avec les Provinces-Unies.
Les blessures de la guerre sont trop récentes pour que La Haye puisse de manière réaliste compter sur le soutien de Londres: Joseph II n'a pas trouvé d'obstacle à une opération militaire à l'encontre des Provinces-Unies, surtout si elle se limite aux territoires contestés.
À ce stade, il reste à trouver un prétexte adéquat.

[modifier] La guerre

[modifier] La tentative de forçage du blocus d'Anvers

Les impériaux décident alors de forcer la situation en passant commande de la réalisation, auprès du port d'Anvers de trois bateaux, deux marchands et le brigantin Le Louis.
Le 6 octobre 1784 le petit convoi laisse le port pour remonter l'Escaut. Le Le Louis est commandé par le capitaine Lieven van Isseghem, d'Ostende. À sept heures du soir, il passe en vue du fort néerlandais de Kruisschans, sans répondre aux qui va là! de la sentinelle. À huit heures de la matinée suivante, il passe face au fort Lillo. Un quart d'heure plus tard, le brigantin est approché par une chaloupe qui demande des indications sur le voyage et reçoit en retour un refus du capitaine.

Non loin, face à l'emplacement de garnison néerlandais de Saaftingen, l'expédition est surprise par la présence d'un brigantin néerlandais, le De Dolfijn, caché sur le coté. Celui-ci tire une salve de canon qui oblige van Isseghem à s'arrêter mais il refuse toujours de donner les indications attendues. C'est alors que le De Dolfijn tire un boulet de canon mais de manière à ne pas toucher le Le Louis, van Isseghem exige des explications et obtient, en retour, trois nouveaux coups de balles et mitraille qui endommage le brigantin autrichien en divers points. Un second canot néerlandais s'approche qui menace de couler le Le Louis si celui-ci tente de poursuivre vers la mer.

Le lendemain, 9 octobre, une partie de l'équipage du De Dolfijn prend pacifiquement possession du Le Louis pendant que van Isseghem avec un lieutenant capitaine ingénieur, A. de Launoy, part pour Bruxelles pour en référer aux autorités autrichiennes.

Simultanément au Le Louis, le brigantin autrichien le Verwagtige commandé par le capitaine van Pettenhoven, lui aussi d'Ostende, tente le parcours inverse. Celui-ci est bloqué le 15 octobre, dans le port de zélandais de Flessingue de l'escouade navale du vice-amiral Reynst.

[modifier] L'état de guerre

La nouvelle des évènements arrive à Vienne, Joseph II ordonne à son ambassadeur de La Haye, le baron de Reischach, de laisser la ville sans prendre congé, pour mieux manifester le désappointement impérial. Dans le même temps, à Bruxelles, le plénipotentiaire comte de Belgiojoso, communique à ses homologues néerlandais que l'Empereur considère les faits comme une insulte à son drapeau équivalente à une déclaration de guerre de la part des Provinces-Unies.

Le 30 octobre suivant, les États Généraux de La Haye protestent contre cette interprétation des faits mais retirent leur ambassadeur de Vienne, le comte de Wassenaer. Celui-ci, contrairement à son homologue de Reischach, demande une audience qui lui est refusée.

[modifier] La fable de la marmite

Le casus belli cherché et obtenu par l'empereur n'a don rien à voir avec l’insulte au drapeau perpétré par le De Dolfijn. Naturellement, les Néerlandais ont tous intérêts à minimiser les évènements, niant le bombardement et les menaces de destruction du convoi impérial.
C'est en ces circonstances que la propagande néerlandaise se met à faire circuler la légende de la marmite: ils affirment qu'un seul un coup de mousquet a touché le Le Louis qui aurait percé la marmite du navire. C'est ainsi que l'affrontement, selon la tradition de ce pays, reçoit le nom burlesque de la guerre de la marmite.

[modifier] La préparation autrichienne

Edmundson soutient que les impériaux ont un corps expéditionnaire de 80 000 hommes en état de préparation avancée ce qui est suffisant pour écraser les Provinces-Unies, comme l'ont démontré les évènements de septembre octobre 1787 où 25 000 Prussiens suffirent à libérer le pays entier de la révolution batave.
Dans tous les cas, l'Autriche a planifié le forçage du blocus comme une provocation délibérée et pendant que des ordres étaient envoyés au comte de Belgiojoso, elle commandait à son armée l'ordre de marche.

[modifier] La préparation des Provinces-Unies

La nouvelle fait accélérer l'effort des sept provinces pour organiser de nouveaux contingents militaires. Les États Généraux chargent de la besogne le comte de Maillebois.
L'activité des États provinciaux se déploie de pair par exemple le 18 novembre, les États provinciaux de la province de Hollande chargent le comte de Salm-Kyrburg (en) de l'organisation d'une petite armée.

Le mouvement des patriotes est particulièrement actif, porteur d'exigences démocratiques et désireux de s'organiser en vue d'un futur défi pour le poste de Stathouder, la menace impériale leur donne l'occasion d'intensifier la création des exercitiegenootschappen, petits groupes de volontaires armées qui pratiquent le tir au mousquet et répondent aux chefs de parti locaux.

[modifier] La résolution de la crise

Portrait de l'ambassadeur autrichien à Paris, le comte Florimond de Mercy-Argenteau
Portrait de l'ambassadeur autrichien à Paris, le comte Florimond de Mercy-Argenteau

[modifier] Les Provinces-Unies demandent la médiation française

Sagement, les Provinces-Unies mettent en route une action diplomatique, déjà la nomination de de Maillebois est survenu suite à un conseil du Roi de Prusse Frédéric-Guillaume II, beau-frère du Stathouder Guillaume V d'Orange-Nassau intéressé à empêcher tout agrandissement du rival Joseph II.

De plus, ils peuvent compter sur l'aide de la diplomatie française à laquelle ils demandent une médiation. L'ambassadeur français à La Haye, le comte de Vergennes, convainc, à raison, la cour de Louis XVI que si Paris refuse la médiation, les Provinces-Unies se seraient tournées vers Londres qu'il hait ce qui aurait mis fin à l'influence gagnée sur le petit allié.

[modifier] Les menaces françaises auprès de Vienne

Il s'ensuit une note officielle envoyée le 27 novembre 1784 par les ministres de Louis XVI à l’ambassadeur de Joseph II à Paris, le comte Florimond de Mercy-Argenteau: la France « ne peut rester indifférente au sort des Provinces-Unies », elle se voit donc contrainte de rassembler des troupes sur la frontière des Pays-Bas autrichiens et se réserve le droit d'intervenir directement.

Il n'est pas facile d'évaluer le sérieux d'une telle menace: en effet, la France aussi sort de la récente participation à la guerre d'indépendance américaine. De plus, l'Autriche est le principal allié de la France en Europe depuis la guerre de Sept Ans (1756-1763) conduite par Marie-Thérèse d'Autriche aux cotés de Louis V, respectivement mère de la femme de Louis XVI Marie-Antoinette et grand-père de ce même Louis XVI, ce qui faisait du roi de France le beau-frère de Joseph II.

En fait, la note diplomatique transmise à Mercy-Argenteau représente seulement un expédient réussit pour empêcher un affrontement entre deux nations de Paris qui n'avaient aucun intérêt à un confit ouvert.

[modifier] La contre proposition autrichienne

Joseph renonce alors à la demande principale, la libre navigation sur l'Escaut amis exige en compensation la cession de Maastricht et un important district sur la Meuse.
De nouveau, l'ambassadeur de Vergennes convainc Paris de la repousser. Face à une telle humiliation, le Premier ministre de l'Empereur, le prince di Kaunitz réagit en faisant perquisitionner les voitures de deux plénipotentiaires néerlandais en voyage à Vienne, le comte Avassenaer-Twickel et le baron de Linden, auxquels sont confisqués différents objets. Ceux-ci leur seront restitués peu avant de leur admission auprès de Joseph II, le 24 juillet 1785, à Vienne.

Les contacts diplomatiques reprennent à Paris, les Autrichiens exigeant une compensation égale à 15 millions de florins, les Provinces-Unies n'en offrant que 5,5. À la fin, on se met d'accord sur 10, les 4,5 supplémentaires étant à la charge de la France.

[modifier] Le traité de Fontainebleau

L'accord est confirmé par un traité, le Traité de Fontainebleau, signé le 8 novembre 1785 : les Provinces-Unies maintiennent le blocus de l'Escaut et donc empêche le renouveau du port d'Anvers. Ils acceptent, cependant, quelques compensations territoriales et militaires mineures et paient 9 500 000 florins pour le renoncement de Joseph II sur Maastricht.

Caricature néerlandaise du duc Louis Ernest de Brunswick-Lüneburg
Caricature néerlandaise du duc Louis Ernest de Brunswick-Lüneburg

[modifier] Les conséquences

[modifier] L'alliance militaire défensive avec la France

Peu de jours après la signature du traité de Fontainebleau, Paris et La Haye formalisent leur propre alliance, dans les faits elle remonte à la guerre anglo-néerlandaise, avec la signature d'une « confédération défensive ».

[modifier] Les conséquences sur la politique intérieur aux Pays-Bas

Le discutable succès international ne suffit pas à réconcilier les diverses factions politiques qui se disputent la suprématie des Provinces-Unies, se divisant en particulier en raison du rôle ambigu de Guillaume V de Orange-Nassau: en théorie le chef de l'armée mais dans les faits presque un monarque avec des pouvoirs vaguement limités dont la charge est de plus héréditaire.

Les polémiques reprennent comme au temps de l'échec de la guerre anglo-néerlandaise. Le duc Louis Ernest de Brunswick-Lüneburg, le principal courtisan de Guillaume V en fait les frais: alors qu'il s'est déjà retiré en 1782 à Den Bosch dont il était gouverneur, en 1784 il abandonne définitivement le pays, accusé, par les ennemis de Guillaume, de collusion avec l'empereur Joseph II dans sa tentative.

La principale conséquence est l'affrontement civil qui permet au parti démocratique des patriotes de provoquer en août 1786, un violent changement politique qui met en péril le pouvoir de Guillaume V, évènement passé à l'histoire sous le nom de première révolution batave.

[modifier] Note

  1. Préliminaires de paix conclus à Paris, le 30 novembre 1782.

[modifier] Bibliographie

  • Ferdinand de Cornot Cussy, Phases et causes célèbres du droit maritime des nations, Tome II, Leipzig, 1856, [1].
  • George Edmundson, History of Holland, Cambridge University Press, 1922.
  • G. Verweij, Geschiedenis van Nederland. Levensverhaal van zijn bevolking, 1996.
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