Georges Thill
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Georges Thill est un ténor français né le 14 décembre 1897 à Paris et décédé le 17 octobre 1984 à Lorgues dans le Var.
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[modifier] Biographie
Fils d’un éditeur parisien, il naquit à Paris (4e) le 14 décembre 1897. Tout jeune, il se plaisait à chanter et le faisait volontiers sur demande, même devant ses collègues de la Bourse des valeurs où il travailla dès 1915 ; mais il était loin de penser à faire carrière dans le chant quoiqu’il fût doté d’une voix puissante. Il raconta plus tard avoir appris par cœur, aux écouteurs d’un juke-box de l’époque, deux airs italiens chantés par Caruso, tirés des opéras Tosca et Paillasse. Ces enregistrements reproduits à la mauvaise vitesse l’habituèrent à placer sa voix trop haut. Le célèbre ténor qui avait comme il le dit « le chant véritablement dans la peau » devait résumer ses premières leçons à ces deux extraits.
Thill, appartenant à cette génération de conscrits de la Grande Guerre, fut appelé au front en 1916. Il y aura l’occasion de chanter devant ses compagnons d’armes. À la fin des combats, un oncle le pousse à passer une audition au Conservatoire de Paris où il fut reçu en novembre 1918. Ses deux premières années de formation (1919-20) avec la basse André Gresse comme professeur de chant, furent pourtant difficiles et frustrantes pour le futur grand ténor qui ne trouvait toujours pas comment placer sa voix. Il obtint seulement en fin de cycle un 2e accessit de déclamation lyrique.
En janvier 1921, il décide, sur l’incitation d’un ami, d’aller auprès du fameux Fernando De Lucia, spécialiste du répertoire du bel canto, qui professait à Naples. Ce chanteur renommé s’aperçut rapidement de la qualité de ses aigus et de la faiblesse et de l’instabilité de ses registres médium et grave. Thill gagna par l’enseignement de De Lucia le renforcement de son bas registre, le contrôle du souffle, un legato exemplaire et une diction étonnante de clarté. Les leçons de ce professeur furent présentes à son esprit tout au long de sa carrière et lui servirent à aborder plus tard des rôles dramatiques plus lourds. Il devait rester deux ans auprès de De Lucia qui tomba gravement malade et mourut deux ans plus tard.
Thill décida, début 1924, d’entrer à l’Opéra de Paris dirigé alors par Jacques Rouché, plutôt qu’à La Scala de Milan qui aurait été la suite logique et raisonnable après l’étude du chant italien (et le vœu de son maître). Cette décision marqua la singularité de sa carrière, car il devint, par la suite, spécialiste incontesté de l’opéra français qui touchait à la fin de son âge d’or, et, à travers le monde entier, l’interprète emblématique du chant français. Il parvint par ses qualités uniques à s’imposer peu à peu dans le temple lyrique où régnait pourtant le grand ténor parisien Paul Franz qui ne devait partir qu’en 1938.
[modifier] Principaux jalons de sa carrière
- cette liste s'appuie sur la chronologie exhaustive établie par André Segond.
- Le 24 février 1924: il fait ses débuts dans Thaïs, de Massenet, dans le rôle de Nicias, avec Geneviève Vix et J.F. Delmas comme partenaires ; puis suivront Faust, de Gounod, dans le rôle éponyme, et Rigoletto, de Verdi, dans le rôle du duc de Mantoue. Des rôles qui le firent connaître. Il sera aussi à la création de quelques œuvres secondaires, aujourd’hui oubliées. Notons seulement la création de Nazdah d’Athos Palma (en langue espagnole) à Buenos Aires, en 1930.
1925
- Février: débuts au Théâtre de Monte-Carlo, dans Thaïs.
- Théâtre de Mons, le 3 décembre, dans Faust.
1925-27
- Opéra de Paris principalement (jusqu’en 1929), avec les œuvres de Gounod (Faust et Roméo et Juliette), de Massenet (Thaïs, Hérodiade), de Berlioz (La Damnation de Faust), de Gluck (Alceste), de Verdi (Aïda, Rigoletto et La Traviata), de Leoncavallo (Paillasse), de Wagner (Lohengrin). Tout au long de sa carrière, la plupart de ces œuvres seront avec Werther celles qui lui seront les plus demandées.
1928
- Opéra de Paris : Turandot (Puccini), Carmen (Bizet), Marouf (Rabaud).
- Le Covent Garden à Londres, fin mai, dans Samson et Dalila de Saint-Saëns
- Les Arènes de Vérone, fin juillet, dans Turandot, succès qui va lui ouvrir les portes de la Scala, l’année suivante.
- Le Théâtre royal de Gand, début décembre, dans Faust.
1929
- Opéras de Paris et de Monte-Carlo : Parsifal (Wagner), Andrea Chénier (Giordano), Martha (Flotow), Les Troyens (Berlioz), Guillaume Tell (Rossini), Tosca (Puccini).
- Débuts à la Scala de Milan (début mars) : Turandot.
- Première tournée en Amérique latine : Buenos Aires au Teatro Colòn ; puis Montevideo.
- Pendant le dernier trimestre, il chantera plusieurs fois à l’Opéra-Comique (Carmen, de Bizet, et Werther, de Massenet).
1930
- La Scala de Milan, en janvier, février et avril, dans Turandot, La fanciulla del West (Puccini) et Andrea Chénier.
- Opéra de Monte-Carlo : Tannhäuser, de Wagner.
- Buenos Aires : Don Carlo (Verdi), Sadko (Rimsky-Korsakov), Mefistofele (Boito), et Opéra de Paris : Les Troyens à Carthage, de Berlioz.
1931
- Opéra de Paris : Hérodiade et Esclarmonde, de Massenet ; Lohengrin et Tannhäuser.
- Première tournée en Amérique du Nord : au Metropolitan de New York : Roméo et Juliette, Faust, Aïda. Puis, Baltimore : Tosca ; et Cleveland : Carmen.
- Tournée en Amérique du Sud : Buenos Aires ; Rio de Janeiro.
1932
- Anvers, Liège, et Vienne.
- Tournée en Amérique du Nord : New York, Philadelphie : Sadko et Lakmé, de Delibes.
1933
- Barcelone, Genève et Copenhague. Monte-Carlo : Valse de Vienne (Strauss)
- Opéra de Paris : Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg (Wagner) et Vercingétorix (Canteloube).
1934 À partir de cette année, il chantera essentiellement dans les principaux théâtres de métropole.
- Monte-Carlo : La Belle Hélène (Offenbach).
- En janvier, il reçoit la croix de chevalier de la Légion d’honneur.
- En avril, il débute au cinéma avec le film Chansons de Paris de Jacques de Baroncelli.
- En juin, de retour d’Aix-en-Provence, il est victime d’un accident de voiture près de Moulins où il fut hospitalisé pour une fracture du fémur. En août, il était de retour dans la région parisienne pour sa rééducation.
- En octobre, il reprend son activité avec le tournage du film de Charles Barrois : Aux portes de Paris. Son rétablissement l’avait éloigné de la scène jusqu’à la fin de l’année où il revint chanter Aïda et les 2 Faust au Palais Garnier.
1935 Les concerts prennent de plus en plus de place dans son programme.
- Belgique et Suisse, Belgrade, Budapest, Athènes, Afrique du Nord.
- En mai, Grand Prix du Disque (l’air d’Énée : « En un dernier naufrage »), Les Troyens à Carthage de Berlioz (dir. Eugène Bigot).
1936
- Opéra de Paris, en avril : Les Huguenots (Meyerbeer).
- Buenos Aires en juillet. Rio de Janeiro et Sao Paulo, en septembre. Concerts en Russie (qui s’étendront jusqu’en janvier suivant).
- En mai, Grand Prix du Disque (rôle de Julien), Louise de Gustave Charpentier ; avec Ninon Vallin et André Pernet, (dir. Eugène Bigot).
1937 Thill chante principalement en France. Ses tournées lointaines à l’étranger vont se raréfier.
- Opéra de Paris, dans Ariane (Massenet) en février.
- Concerts à Berlin, en Belgique et en Suisse.
1938
- Afrique du nord, Genève, Sofia, Belgrade, Buenos Aires.
- En septembre : tournage de l’opéra filmé « Louise » de Charpentier par Abel Gance, avec Grace Moore, André Pernet.
1939
- Belgique, puis Stockholm. À partir de septembre, une dizaine de concerts radiodiffusés.
1940-45 Principalement des concerts et quelques rares opéras: surtout Werther, Carmen, Paillasse et Lohengrin (métropole et territoires français), Louise (Charpentier).
- 30 décembre1940 : Samson et Dalila. Cet opéra sera le dernier chanté par Georges Thill au Palais Garnier.
- Décembre 1943, en Belgique.
1946
- grande tournée internationale de concerts en Belgique, Suisse, Autriche, Québec, Australie, Nouvelle-Zélande, Égypte.
1947-56 Des concerts, à très peu d’exceptions près, en métropole et territoires français.
- 1951 : il est au repos à partir de septembre et sera encore inactif jusqu’en juin 52, et ne reprendra cette année que pour 3 concerts.
- Le 25 mars 1956, concert d’adieux au Théâtre du Châtelet.
- À partir de 1975, il se retire à Lorgues, près de Draguignan (Var), où il s’éteint le 17 octobre 1984.
[modifier] Type de voix
La voix de Thill est celle d’un ténor demi-caractère (ou lyrique) au timbre clair et à l’aigu facile et large, mais au médium et bas-médium suffisamment affermis (chez De Lucia) pour tenir couramment les rôles dramatiques d’un « lirico-spinto », tels ceux de Lohengrin et de Radamès (Aïda); voire de se frotter, sans toutefois en abuser, à ceux de Tannhäuser, Parsifal, Don Carlo, Samson et autres plutôt dévolus aux forts-ténors. Voix virile, souple et élégante, miraculeusement homogène sur deux octaves, qui porte sans forcer, sans la nasalisation typique du chant français classique. On a pu lui reprocher un peu d’accent pointu parisien qui lui revenait parfois. On disait que la voix de Caruso était de cuivre et que celle de Thill était d’argent.
[modifier] Art du chanteur
Que Thill ait pu tenir pendant presque 30 ans, dont une quinzaine en plein apogée, avec un répertoire aussi diversifié (en français surtout, mais aussi en italien, en espagnol et en allemand) en dit long sur la technique acquise et le travail incessant pour maintenir un mécanisme vocal aussi performant. Son assimilation du style du bel canto qu’il adapta à la déclamation et à la prosodie françaises, la netteté de l’élocution, la maîtrise du passage des registres, la coloration raffinée et l’aisance de l’articulation sont étonnantes. Son chant, « voix de violoncelle », semblait lui sortir naturellement du gosier. Bien sûr, le tissu vocal s'use et ne se régénère pas et, à partir des années 40, si sa technique était toujours présente, il n’eut plus la même splendeur.
[modifier] Popularité
Il demeure un des rares artistes français qui eut sans interruption une gloire aussi éclatante. Tous ses faits et gestes étaient repris en écho dans toutes les presses régionales. Son succès ne se démentit jamais. Les critiques étaient invariablement dithyrambiques et ne se désolaient que de quelques soirées d’empêchement. Toujours pris par le plaisir de chanter et de faire plaisir au public, il ne dédaignait pas les airs d’opérette et les chansons. Cette popularité entretenue par ses enregistrements continua même pendant sa retraite. Cela l’étonnait et le touchait. Homme affable, élégant, d’un physique séduisant et d’une belle prestance, il fut adulé des femmes qui l’assiégeaient et dont il fut sans cesse entouré. Ceux qui avaient connu son époque se souvenaient de la croix tressée avec leurs cheveux offerte par des jeunes filles d’une institution religieuse tombées en adoration. Aujourd’hui, ses admirateurs sont plus silencieux mais toujours aussi passionnés.
[modifier] Enregistrements
- Thill enregistra quelque quatre-vingts enregistrements électriques en 78 tours (et 2 seulement en acoustique). Aujourd’hui, les enregistrements les plus importants ont été repiqués sur disques-compacts.
Parmi les plus intéressants et surtout les plus couramment disponibles :
- EMI : Airs d’opéras français CDM 7695482
Gluck (Admète), Berlioz (Faust), Gounod (Roméo, Faust), Massenet (Rodrigue, Werther), Bizet (Don José), Rossini (Tell), Saint-Saëns (Samson).
- des airs parmi les plus réussis du chanteur
- Music Memoria : Thill, roi des ténors français : 30190
Gluck (Iphigénie en Tauride), Cherubini (Les Abencérages), [Gounod]] (Mireille), Wagner (Lohengrin, Les Maîtres-chanteurs), Meyerbeer (Les Huguenots), Massenet (Hérodiade, Sapho), Delibes (Lakmé), Henri Rabaud (Marouf), Bruneau (L’attaque du moulin), Verdi (Aïda), Ernest Reyer (Sigurd).
- avec 2 airs, de Lohengrin et de Walther, qui faisaient l’admiration d’Elizabeth Schwarzkopf et lui servaient, dans ses « masterclasses », d’exemples de beau chant wagnérien : « Aux bords lointains » (le récit du Graal) et « Aube vermeille ».
- G. Thill, N. Vallin, G. Féraldy, M. Rocque, A. Narçon.
- rôle fétiche du ténor qui y reste inégalé
- NAXOS : l'opéra Louise, de Gustave Charpentier (1 CD) 8.110225
- N. Vallin, G. Thill, A. Pernet, A. Lecouveur
- Austro Mechana Historic Recordings 89168 (Lebendige Vergangenheit)
- 19 airs dont ceux moins courants de Parsifal,La Traviata, Turandot, Tosca. Et deux airs (les seuls connus en italien): « Nessun dorma » (Calaf) et « Un di all’azzurro spazio :» (Andrea Chénier]).
- Louise de Charpentier (DVD, de Bel Canto Society, BCS D0670) film d’Abel Gance (1938).
- Avec G. Moore, G. Thill, A. Pernet.
- Enfin une curiosité : un reportage des actualités de l’époque filmé dans le salon du domicile du chanteur à Saint-Germain-en-Laye et le montrant répétant un passage de Vercingétorix, opéra de Joseph Canteloube (qui se mettra lui-même au piano) créé en mai 1933. Thill y chante un passage sans plus d’efforts apparents que s’il le sifflait. Ce clip est actuellement disponible à partir d’un site de vidéos.