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Contentieux sino-vietnamien - Wikipédia

Contentieux sino-vietnamien

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Le contentieux sino-vietnamien peut être illustré par le dilemme face auquel s'est trouvé Hô Chi Minh, Président de la toute jeune République démocratique du Viêt Nam. Du Nord arrivaient les armées chinoises nationalistes yunnannaises de Tchang Kaï-chek, sous la conduite du Général Lu Han, venues pour désarmer les troupes japonaises au Nord du 17ème parallèle, après la capitulation inconditionnelle du Japon le 2 septembre 1945, signée sur le "USS Missouri" en Baie de Tokyo. Du Sud arrivait le détachement français venu à Saigon dans les bagages des forces britanniques du Général Gracey pour désarmer les troupes japonaises au Sud de ce 17ème parallèle. Les Français commençaient déjà la Première Guerre d’Indochine avec leur tentative de reconquête coloniale par le Sud, par la Cochinchine qui avait le statut de colonie.

Le Général Leclerc et le commissaire de la République Jean Sainteny tentaient de négocier un retour pacifique de l’administration française, après le coup de force japonais du 9 mars 1945. Celui-ci avait nettoyé l’Indochine française de toute présence administrative et militaire françaises. Un accord a été signé pour permettre au détachement militaire français d’entrer dans Hanoi sans tirer un coup de feu, en antidote aux Chinois nationalistes du Général Lu Han.

Le Président Hô Chi Minh a eu ce mot digne de Henri IV de France, rapporté par Paul Mus[1] et souvent repris :

  • […] Je tiens de bonne source un mot prêté au Président et qui, non sans verdeur, décrit bien et l’opération et l’esprit dans lequel, du côté de la République Démocratique du Viêt Nam, les adversaires les plus résolus de l'ancien système colonial ont pu s’y risquer : "Plutôt flairer un peu la crotte des Français que manger toute notre vie celle des Chinois" [2].

Sommaire

[modifier] La prégnance des "Hai Ba Trung"

Les conflits sino-vietnamiens durent depuis plus de 21 siècles. L’empire chinois a colonisé le petit royaume de Dai Viêt sur le delta du Fleuve Rouge. En 39 avant le calendrier chrétien, deux reines vietnamiennes, les sœurs Trung Trac et Trung Nhi ont conduit pendant quatre ans une guerre de libération contre la domination chinoise des Han qui ont déployé toute leur puissance militaire. Plutôt que de se rendre, les deux reines se sont suicidées en se jetant dans le Fleuve Rouge. Chaque année, au mois de mars les femmes du Viêt Nam célèbrent ces héroïnes nationales au jour de "Hai Ba Trung" (les deux Dames Trung), comme les Français pour leur Jeanne d'Arc. En 1979, l’invasion chinoise a fait revivre ce souvenir historique [3].

D’autres révoltes ont suivi aux IIIe, VIe et Xe siècle, qui ont bâti le nationalisme et l’esprit combatif des Vietnamiens. Une douzaine d’autres rébellions ont eu lieu au XVe siècle pour affermir et affirmer l’indépendance du Viêt Nam.

  • “[…] En raison de sa position géographique dans l’Asie du Sud-Est, depuis sa fondation, notre pays a dû presque constamment lutter contre les invasions étrangères. Ce combat ininterrompu pour la survie de la nation a fait de notre histoire une longue épopée illustrée de valeureux et sublimes faits d’armes. Du début de l’ère chrétienne jusqu’au XVIIIe siècle, pour ne mentionner que les conflits à l’échelle nationale, notre peuple a livré plus de vingt guerres pour la libération du pays ou la sauvegarde de la souveraineté nationale. Sous la domination des féodaux étrangers, qui dura dix siècles, notre peuple n'a cessé de s’insurger pour reconquérir son indépendance. Dès le milieu du XIXe siècle, au début de l’agression colonialiste française, tandis que la Cour des Nguyen capitulait honteusement, notre peuple se dressa héroïquement dans tout le pays, sous la direction de grands patriotes...” (Vo Nguyen Giap, 1970).

Pour le Général Võ Nguyên Giáp, les féodaux étrangers étaient les Chinois du début de l’ère chrétienne.

  • “[…] Le fait qu’enregistre l’histoire générale de l’Indochine, en regard d’accomplissements culturels, artistiques – voire militaires, somme toute considérables – est en effet, une progression constante, contre ses rivaux, du système social vietnamien, d’inspiration chinoise ; d’où par intolérance foncière de ce système à l’égard de ce qui ne lui ressemble pas, le recul ou la disparition des peuples de culture indianisante, bien doués à tant de titres, mais selon des formes sociales et spirituelles d’une autre métropole civilisatrice. Quelle est donc l’originalité de cette culture sino-vietnamienne ? Elle paraît avoir emprunté de ses voisins du Nord la force de vaincre les adversaires du Sud. Mais où a-t-elle puisé celle de résister à son propre modèle, et d’en rejeter la domination politique, après des siècles d’asujettissement ? Dès que commence le Viêt Nam, le maître mot de ses problèmes historiques paraît justement se trouver dans l’esprit de résistance qui associe de façon paradoxale à d’étonnantes facultés d’assimilation une irréductibilté nationale"[4].

La découverte à Thieu Dong (Province de Thanh Hoa, au Centre du Nord Viêt Nam) d'objets vietnamiens sous des couches contenant des objets chinois de l’époque des Han semblent être une réfutation de la thèse selon laquelle les objets de l’âge du bronze de Dong Son [5] appartiendraient à une civilisation postérieure à celle des Han introduite au Viêt Nam pendant l'occupation chinoise du pays. Ces découvertes ont été faites par le Professeur Nguyen Van Kinh [6].

  • "[…] Les guerres pédagogiques entre la Chine et le Viêt Nam sont soutenues, sur un autre plan, par des guerres archéologiques. Les diverses occupations chinoises qui se succédèrent durant les mille années suivantes laissèrent aussi une empreintes physique sur les Vietnamiens…" [7]

[modifier] La genèse du Pays des Viêts

L’histoire du Viêt Nam avant 200 av. J.-C. est, à la façon du passé de l’Europe au-delà du bassin méditerranéen, ensevelie dans les légendes. Il semble qu’il ait existé, entre 500 et 207 avant J-C, un royaume connu sous le nom de "Van Lang" ou "Au Lac", couvrant apparemment ce qui est aujourd’hui la province chinoise du Guangdong et le Nord-Viêt Nam. Ce denier a été plus d’une fois une marche frontalière dans la longue et orageuse histoire vietnamienne, ce dont témoigne le nom de Diên Biên Phu : "Chef-lieu préfectoral" (Phu) "frontalier" (Diên Biên).

Conquis par des généraux chinois ayant rompu avec les empereurs de la dynastie Qin, "Au Lac" devint connu sous le nom de "Nam Viêt", littéralement "Viêt" (déformation du " Yueh" cantonais) du Sud (" Nam"). Comme il est arrivé souvent au cours de l’histoire du Viêt Nam, ce petit État ne pouvait maintenir son intégrité que lorsque son puissant voisin était en difficulté, ce qui arriva fréquemment. La dynastie des Han se consolidant en Chine, le Nam Viêt fut repoussé lentement du Guangdong vers le bastion nord-vietnamien du "Viêt Bac" qui deviendra plus tard, en 1945-1954, la base de la lutte de libération contre le colonialisme français. En 111 avant J-C, l’empire Han écrasa le jeune État vietnamien et, à l’exception de brèves rébellions, il devint pour plus de 1 000 ans terre chinoise.

La route du Nord étant fermée par le "grand dragon" chinois, le "petit dragon" vietnamien ne pouvait que prendre la route du Sud. Le Viêt Nam s’est bâti au fur et à mesure de la "longue marche" d’un front de villages, du delta du Fleuve Rouge au delta du Mékong, absorbant et assimilant, par le sabre et la charrue ("Ense et aratro"), sur son passage le Royaume du Champâ et le royaume Khmer devenu Cambodge. Le Centre du Viêt Nam était cham et tout le Sud était khmer. Ancienne colonie vietnamienne, le Cambodge n’a dû son autonomie qu’à l’arrivée des Français et son indépendance à la Première Guerre d’Indochine. [8]

[modifier] Approche psychanalytique

L’Histoire du Viêt Nam se base sur les Annales chinoises et son peuplement est issu de la région de Canton, ainsi que sa langue et toute sa culture. Se pose donc, pour le Viêt Nam, la question de son identité et de son individuation au niveau de la réalté symbolique, interrogation présente en filigrane dans le contentieux sino-vietnamien.Au plus simple et au plus court de Jacques Lacan, c'est l'injonction paradoxale du Nom du Père et du Non du Père, d'être la fois comme le Père et ne pas être comme le Père. Il s'agit d'être comme le Père sans avoir ses attributs et ses privilèges. La Chine a toujours peur d'un Viêt Nam indépendant et réunifié, Des Accords de Genève à la Troisième Guerre d'Indochine, la politologie est prolixe en exemples sur cette idée.

[modifier] La perspective du désir mimétique de ce contentieux

  • "[...] C’est bien à tort que les Chinois riaient en cachette de ces humbles institutions réduites presqu’au sol. Elles ne leur ont pas cédé. Le Viêt Nam est, avant toute chose, une manière d’être et d’habiter dont l’expression et l’instrument d’expression sont le village, puis le foisonnement des villages et enfin une grappe uniforme de villages rizicoles…”[9]

C'est la relation du modèle-obstacle où le modèle du désir risque de devenir l'obstacle à la réalisation de ce désir.

  • "[...] Lorsque l'imitation est revendiquée comme telle ou que la distance est infranchissable, c'est une 'médiation externe'. Lorsque le médiateur se rapproche ou que l'imitation devienne moins 'bouffonne' ou plus 'réaliste', une rivalité s'installe et se développe entre le 'disciple' et le 'modèle'. Le sujet désirant ne voit plus son médiateur comme "modèle", mais comme un obstacle à la réalisation de son désir et le 'modèle' voit dans son 'disciple' un rival. Dans la 'médiation interne', l'Autre, de modèle, est devenu obstacle. Intervertissant l'ordre chronologique et logique du désir, le sujet désirant croit rivaliser pour un objet qu'il a désiré spontanément et se met à détester celui qui lui en barre l'accès ou le lui dispute. Il s'agit d'une "haine impuissante", car non seulement elle coexiste avec l'admiration, mais elle la renforce et en est inséparable. On comprendrait mieux une "envie haineuse" si l'on ne part pas de l'objet de la rivalité." (Thanh H. Vuong & Jorge Virchez , "Communauté économique de l'Asie-Pacifique", p.90, Presses Inter Universitaires, Cap Rouge, Qc, Canada, 2004).

[modifier] Le sentiment d'infériorité

Les relations sino-vietnamienes peuvent aussi s'interpréter comme la relation confucéenne des devoirs et droits mutuels entre “grand frère” ( "Anh", "Chi" en vietnamien) et “petit frère” ("Êm" en vietnamien), qui se situe dans la dialogique chère à Edgar Morin des coopérations compétitives qui ne cessent pas d’être des compétitions coopératives. Dans le cadre de cette relation, le “petit frère” ne peut obtenir facilement son indépendance et son unité. En revanche, le "grand frère" peut très bien faciliter la participation du "petit frère" à une économie politique asiatique, comme le montre l'exemple de la "Communauté Économique de l'Asie-Pacifique" du "grand dragon" et des "petits dragons".

Des anthropologues, politologues et sociologues ont utilisé ces notions de sentiment d’infériorité et de compensation dans leur champ opératoire. Pour l’anthropologue, c’est une langue bâtarde anglo-américaine, métisse de toutes les immigrations, devenue une langue universelle, à la mesure du latin en son temps. Pour le politologue, c’est la guérilla, ou petite guerre des pauvres, qui compense la faiblesse matérielle par la force idéologique. Pour le sociologue, c’est aussi la rhétorique qui remplace l’action dans beaucoup d’exemples illustratifs possibles. En philosophie, il y a la dialectique du maître et de l’esclave chez Hegel. Avec son autorité, le Maître est servi par ses esclaves. Ne faisant plus rien, le Maître n’acquiert plus de nouvelles compétences et perd ses compétences acquises et son autorité. L’esclave, en servant, acquiert de plus en plus de nouvelles compétences et une nouvelle autorité. Le Maître devient l’esclave de son ancien esclave et l’esclave devient le nouveau Maître dans cette dialectique.

[modifier] Conclusion

En dehors de la singularité du qualificatif "sino-vietnamien", la pluralité des contentieux peut être abordée avec différentes perspectives et à différents niveaux de réalité de l’approche écosystémique dans la globalité des relations entre crise et conflit ainsi que celles entre crise et catastrophe, en occultant les détails triviaux qui encombrent l’esprit, comme l’arbre qui masque la forêt.

On peut jouer avec le contentieux anglo-français avec la transformation de Guillaume le Bâtard en Guillaume le Conquérant, le contentieux germano-français de l'héritage du Grand Charles (Carolus Magnus) ou Charlemagne des Francs, ou encore le contentieux sémitique israélo-arabe des enfants d'Abraham, dans le paradoxe existentiel d'un éventail de différences enveloppé dans une batterie de similarités. Il semble que tout contentieux soit un conflit, dans sa signification profonde ou exacte de heurt entre des points de droit, dans le partage d'un héritage physique, psychique ou symbolique.

Le contentieux le plus long et le plus profond est encore dans le partage de l'héritage symbolique, comme le contentieux sino-vietnamien et le contentieux israélo-arabe qui dépasse le simple partage territorial et où le mot "Père" en hébreu et en arabe, AB, est constitué des deux premières lettres de l'alphabet, dans Abraham, qui le sont restées en grec et en latin, dans les trois religions monothéistes. Ce contentieux de l'héritage du "Père" a commencé par le contentieux judéo-chrétien.

Comparativement, le contentieux sino-russe est beaucoup plus léger puisqu'il ne se rapporte qu'au partage territorial d'une zone frontalière de l'Asie centrale à la Sibérie, même s'il est doublé d'un contentieux idéologique sur la signification et la valeur de l'idéal communiste pour l'Homme de Marx et l'Homme de Confucius dans une économie politique asiatique. L'intensité et la profondeur d'un contentieux sont beaucoup plus qualitatives que quantitatives dans l'importance du déchirement.

[modifier] Notes

  1. dans "Viêt Nam. Sociologie d’une guerre", Seuil Paris, 1952,
  2. (Paul Mus, p. 85, 1952)
  3. (en)[1]
  4. (Paul Mus, p. 19, 1952)
  5. (cf. http://users.skynet.be/bonsais.dongson/tambour.html#F)
  6. ("Archeological Finds in Thieu Dong", dans Viêt Nam Advances, Hanoi, pp. 18-21 October 1961)
  7. (Thanh H. Vuong, p. 551, 1987).
  8. L’historien étatsunien Joseph Buttinger a intitulé son livre sur le Viêt Nam, non sans humour, "The Smaller Dragon", Praeger, New York, 1975.
  9. (Paul Mus, p. 20, 1952).

[modifier] Références bibliographiques

  • Paul Mus, Viêt Nam. Sociologie d’une guerre, Seuil, Paris, 1952.
  • Vo Nguyen Giap, "Guerre de libération politique-stratégie-tactique", Éditions sociales, Paris, 1970.
  • Anthony Wilden, Système et structure. Essais sur la communication et l'échange, Boréal Express, Montréal, 1983.
  • Anthony Wilden, The Rules are no Game. The Strategy of Communication, Routledge & Kegan Paul, London & New York, 1987.
  • Anthony Wilden, Man and Woman, War and Peace. The Strategist’s Companion, Routledge & Kegan Paul, London & New York, 1987

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes


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