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Béarnais - Wikipédia

Béarnais

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On appelle généralement béarnais une variété du gascon, dialecte de l'occitan. C'est la langue vernaculaire du Béarn, encore très répandue dans la première moitié du du XXe siècle, qui a beaucoup reculé par la suite au profit du français, malgré l'apparition des écoles occitanes, les calandretas.

Jusqu'à la vulgarisation par l'association Per Noste des travaux dialectologiques sur le domaine gascon, dans les années 1970, on ne parlait pas de béarnais au sein du gascon, mais de béarnais et de gascon, comme l'indique bien le titre du dictionnaire du félibre de Simin Palay[1].

La notion de béarnais est donc fluctuante et linguistiquement floue, voire insaisissable.


Sommaire

[modifier] Usage de la langue

Un sondage de 1982 en Béarn indique que 51% de la population parle béarnais, 70% le comprend, 85% est favorable à la sauvegarde de la langue.

François Bayrou candidat à l'élection présidentielle 2007, originaire du Béarn et agrégé de lettres classiques parle couramment le béarnais ; il a pris position en faveur de la défense des langues régionales lors de son discours de Perpignan.


[modifier] L'orthographe du béarnais

L'orthographe du béarnais, comme langue officielle d'une vicomté féodale semi-autonome, puis d'un État souverain, a varié au fil des siècles. À partir de 1620, date de l'annexion du Béarn à la France, l'orhographe du béarnais a subi de plus en plus profondément l'influence de celle du français, et ce parfois de manière aberrante[2].

Dans sa monumentale grammaire publiée en 1858[3], Jean-Vastin Lespy, qui travaillait aux archives des Basses-Pyrénées et avait donc accès aux écrits du temps du Béarn souverain, effectua une première normalisation de l'orthographe du béarnais en conciliant la langue de ses contemporains et celle des anciens textes[4]. Lespy semble avoir souhaité aller beaucoup plus loin puisqu'il écrivait: "Si dans les vieux substantifs terminés en or, tels que amor, calor, dolor, flor, pastor, etc., etc., on ne fait pas résonner l'r, et que l'on donne à la voyelle o, ainsi que cela se faisait, le son de ou, on arrivera aux substantifs employés de nos jours: - Amou, calou, doulou, flou, pastou, etc., etc., qui dérivent du latin: - Amor, calor, dolor, flos, floris, pastor, etc., etc. Voilà comment la prononciation finit par enlever aux mots le cachet de leur origine. S'il ne dépendait que de nous, ce cachet précieux serait restitué à tous nos vocables."[5].

L'orthographe de Lespy, très largement adoptée par les Béarnais écrivant leur langue vernaculaire dans la seconde moitié du XIXe siècle, fut modifiée en 1900 et 1905 par l'Escole Gastoû Febus, sur proposition du Pr. Édouard Bourciez, de la Faculté de lettres de Bordeaux, renommé parmi les spécialistes des langues romanes[6].

Le point faible de cette orthographe était l'absence de distinction entre le [e] atone final et la voyelle atone issue du -'a'- final latin[7], notés indistinctement e. Or, ces deux voyelles n'ont la même prononciation que dans le parler du Nord-Ouest (Lacq, Orthez, Salies, Sauveterre)[8]. Simin Palay, conscient du problème, imagina pour son dictionnaire une solution originale consistant à marquer le e prononcé [e] (atone) d'un point diacritique situé au-dessous de la voyelle; cette solution restait impraticable dans la grande masse des publications.

Jean Bouzet imagina une autre solution dans ses ouvrages de grammaire[9], qui fut de revenir à l'ancienne graphie a pour la voyelle atone résultant du -'a' final latin[10].

Jean Bouzet a ensuite participé à l'adaptation au gascon, et par conséquent au "béarnais", de l'orthographe occitane classique codifiée par Louis Alibert pour le languedocien[11]. Les règles en ont été ensuite reprises et affinées dans une brochure de Robert Darrigrand[12], puis par les études menées par Gilbert Narioo, Michel Grosclaude et plus récemment Patric Guilhemjoan au sein de l'association Per Noste fondée par Roger Lapassade en 1967

L'orthographe occitane classique, qui présente d'indéniables avantages tant au niveau pan-occitan qu'au niveau du gascon lui-même ou de sa "variante béarnaise", a été et continue d'être promue par Per Noste, mais aussi au sein des Calandretas, de l'enseignement public, et des diverses publications paraissant en Béarn; elle est aujourd'hui présente dans l'enseignement, l'édition et la signalisation officielle, pratiquement à l'exclusion de toute autre[13].


[modifier] Discussion sur le nom du "béarnais"

Le locuteur d'une langue a le droit de l'appeler comme il le souhaite: ainsi, la plupart des locuteurs de la langue vernaculaire du Béarn opteront spontanément pour l'appellation de béarnais de préférence à celle d'occitan ou a fortiori de gascon, ressenti comme "extérieur".

Peut-on pour autant parler de "langue béarnaise"? Il était légitime de le faire lorsque le Béarn était un pays souverain doté de ses propres lois et institutions, et d'une langue officielle relativement standardisée. Mais dès 1858, Jean-Vastin Lespy, qui a pourtant, de par son métier d'archiviste, un contact permanent avec les textes de cette époque glorieuse de l'histoire du Béarn, écrit: "L'idiome béarnais est un dialecte de la langue romane qui se forma, dans le midi de l'Europe, de la corruption du latin"[14] Dans les années 1930, Simin Palay écrit dans son dictionnaire: "Pour les Béarnais, les parlers bigourdans, armagnacais, de la Lomagne, de l'Astarac, de l'Albret, de la Chalosse et des Landes sont lou gascoû; les Gascoûs, d'ailleurs, considèrent aussi le béarnais comme suffisamment différent de leurs parlers pour justifier une appellation particulière. En réalité, mis à part les termes locaux, tous ces dialectes sont des rameaux d'une même souche."[15] Dans cette période des années 1920 et 1930, Simin Palay est également conscient que cette "souche" gasconne" appartient au grand ensemble occitan[16]

En 1963, le linguistique Pierre Bec, spécialiste de la dialectologie du gascon, va plus loin: alors que Jean-Vastin Lespy et Simin Palay faisaient du béarnais un dialecte d'un ensemble plus large, lui nie pratiquement l'existence d'un parler béarnais clairement caractérisé du point de vue dialectologique[17].

Cependant, comme nous le disions en préambule, il reste que le locuteur d'une langue a le droit de l'appeler comme il le souhaite et sans tenir compte des critères des linguistes. Celui ou celle qui parle la langue vernaculaire du Béarn parle par définition une langue; il a le droit de l'appeler "béarnais" et d'estimer, pour des raisons affectives, historiques voire idéologiques, qu'il y a une "langue béarnaise". Cela ne fait pas pour autant de la langue qu'il parle une langue distincte des parlers romans qui l'entourent. Les conditions qui permettaient de soutenir ce point de vue à l'époque du Béarn souverain n'existent plus et à notre connaissance, personne ne souhaite les recréer.

En outre, toutes les actions tendant à promouvoir la langue vernaculaire du Béarn inscrivent celle-ci dans un cadre plus large, celui du gascon, et au-dessus et coiffant celui-ci, celui du domaine d'Oc. La notion de "béarnais", a fortiori de "langue béarnaise", est donc inopérante à rendre compte du dynamisme culturel porté par le renouveau de la langue vernaculaire du Béarn.


[modifier] La pertinence historique de l'appellation béarnais

Elle est grande, le Béarn ayant constitué un État souverain de 1347 à 1620. Une forme spécifique d'occitan, basée sur le parler béarnais de la région d'Orthez, est la seule langue officielle du Béarn depuis les origines de la vicomté jusqu'en 1620, puis concurremment avec le français de 1620 à 1789[18]. Cette langue officielle du pouvoir béarnais est naturellement appelée béarnais et c'est tout naturellement que la reine Jeanne d'Albret, souhaitant répandre la Réforme protestante dans ses États, commande une traduction des Psaumes en béarnais pour son État souverain du Béarn et en gascon pour ses domaines d'Albret, Marsan et Gabardan.


[modifier] Sa pertinence sociale

Force est de constater qu'à partir de la fin du XIXe siècle, et peut-être avant, l'usage du mot béarnais pour désigner la langue propre du Béarn n'est plus dans l'usage courant, remplacé par le mot patois qui est péjoratif, à l'origine du moins, et présente l'inconvénient d'englober sous un même terme tous les parlers de la langue d'oc et de la langue d'oïl!

L'usage du terme patois (en premier lieu, il faut le signaler, de la part des locuteurs eux-mêmes) a reculé à partir des années 80 du siècle dernier, au fur et à mesure que le "renouveau des langues régionales" affirmait la dignité de la langue vernaculaire, sans qu'il y ait pour autant une relation de cause à effet garantie.

Aujourd'hui, le terme de patois reste employé, mais minoritairement. On parle plus généralement, pour désigner la langue vernaculaire du Béarn, de béarnais, d'occitan, plus rarement de langue d'oc à l'instar de Simin Palay (cf. ci-dessus), encore plus rarement de gascon.

Les locuteurs disent généralement parler béarnais, mais précisent parfois patois béarnais. Ainsi, l'appellation de béarnais semble reposer surtout sur une identification langue-territoire de type "départemental" (de même qu'en Ariège ou en Ardèche on dira parler le patois ariégeois ou ardéchois, et par opposition ou complémentarité avec les Basques, qui dans le même département, parle basque[19]. Aucune étude n'a été faite à ce jour sur les représentations qu'ont les locuteurs de la langue qu'ils parlent. Elles semblent très variables d'un individu à l'autre[20].

[modifier] Sa pertinence scientifique: peut-on définir un "parler béarnais" sur des critères strictement linguistiques?

Du point de vue dialectologique, Pierre Bec a dit depuis longtemps (cf. supra) combien il serait difficile de caractériser un type de parlers qui serait propre au Béarn et distinguerait, du point de vue linguistique, ce territoire des territoires gascons voisins (Bigorre, Lavedan, Armagnac, Chalosse, Bas-Adour).


[modifier] Des parlers béarnais

Force est de constater que les parlers occitans du Béarn ne présentent pas de traits linguistiques qui les distinguerait clairement au sein de l'aire dialectale gasconne. Il n'existe pas un type de parlers spécifiques au Béarn au sein de l'ensemble du dialecte gascon de la langue occitane.

D'une part, si l'on considère ces parlers en eux-mêmes, en faisant abstraction des parlers gascons des contrées environnantes (Bigorre, Lavedan, Armagnac, Chalosse, Bas-Adour), on constate de grandes variations internes qui permettent de définir plusieurs parlers béarnais. Le plus original d'entre eux est sans nul doute le parler des vallées d'Aspe et de Barétous, qui présente une caractéristique phonétique unique en Béarn, le maintien des consonnes sourdes intervocaliques latines /k/, /p/, /t/: era sèca ("la ronce"; ailleurs en Béarn: "la/era sèga"); era capana ("la cabane"; ailleurs en Béarn: la/era cabana); un horatàs (augmentatif de horat, "trou"; ailleurs en Béarn: un horadàs). Ce parler aspois-barétounais présente encore de nombreuses caractéristiques phonétiques (passage du groupe consonantique -nt à -nd dans candar ou endéner (ailleurs cantar ou enténer, respectivement "chanter" et "entendre"), lexicales (emploi du verbe ir, "aller", ailleurs anar, morphologiques (première personne du singulier du conditionnel en -ei (qu'averei, "j'aurais", ailleurs qu'averí ou qu'aurí; emploi de lo comme pronom neutre COD, au lieu de ac) et même syntaxiques (har a partir, "faire partir", ailleurs har partir)[21].

En l'état actuel des travaux des linguistes, les parlers béarnais pouvant être individualisés sont:

- l'aspois-barétounais, par rapport à tous les autres parlers occitans, par la conservation des sourdes intervocaliques du latin, et par rapport aux autres parlers béarnais par l'évolution nt > nd et l'emploi du pron om personnel neutre lo.

- le parler du Nord-Ouest (Orthez, Salies, Sauveterre), qui se distingue des autres parlers béarnais par la prononciation proche du 'e' muet français du -'e' atone final et du -'a' atone final et l'emploi du pronom datif li[22]

- un parler central ou "palois" (grosso modo d'Artix à Nay), qui se distingue par la désinence en -in de la troisième personne du pluriel des verbes du deuxième et du troisième groupe[23]

- un parler oloronais, qui a la particularité d'employer une forme i ("et") là où les autres parlers emploient e.

- le parler de la Vallée d'Ossau, seul en Béarn à me pas connaître l'évolution mb > mp dans des mots tels que cramba ("'chambre, ailleurs crampa), ombra ("ombre", ailleurs ompra)

- un parler du Nord-Est (Vic-Bilh et Montanerés) qui réalise comme une aspiration [s] devant consonne (eslorir, "moisir: [exlu'ri], emploie la forme endà ("pour", ailleurs entà) et réalise partiellement [w] le v intervocalique [a'we].

Une étude sérieuse de la dialectologie du béarnais implique qu'elle se fasse dans le cadre plus large du dialecte gascon auquel les parlers béarnais ressortent tous, voire dans le cadre global occitan. On s'aperçoit alors que le parler du Nord-Ouest présente bien plus d'affinités avec les parlers voisins du Bas-Adour et des Landes, que le parler du Nord-Est partage des traits avec le parler central et d'autres avec les parlers bigourdans voisins, tandis que les traits propres du parler aspois-barétounais ne sont pas uniques seulement au sein des parlers béarnais, mais aussi au sein du dialecte gascon dans son ensemble et plus encore, dans tout l'espace linguistique occitan!


[modifier] Du point de vue phonétique

Le Béarn est traversé par au moins une isoglosse majeure qui coupe l'ensemble du domaine gascon: dans le nord-ouest du Béarn, on prononce le -a final comme un e français dit "muet", c'est la prononciation de la Gascogne occidentale, alors que dans l'est du Béarn et les vallées pyrénéennes domine la réalisation en "o ouvert" de cette voyelle, réalisation de la Gascogne orientale. Encore ce "o" ouvert est-il plus ou moins fortement articulé selon les régions, et globalement plus marqué dans les vallées que dans la plaine. La prononciation "a", résiduelle partout en occitan, n'est pas non plus absente (Pontacq, comme dans le Lavedan voisin).

La réalisation [pã] (généralement réduite à [pa:]) de pan ("pain") oppose les parlers béarnais aux parlers gascons des Landes, traçant ainsi une limite nord pour le "béarnais". Ce trait est toutefois inopérant à définir un type "béarnais" de parlers, puisqu'à l'ouest et à l'est du Béarn, les parlers du Bas-Adour et les parlers bigourdans et lavedanais voisins présentent la même réalisation [pã] ou [pa:] [24].

Quant à la réalisation [ß] ou [w] du -v intervocalique (aver prononcé [a'ße] ou [a'we]), si sa limite correspond grosso modo à la limite Béarn-Bigorre à l'est ([a'ße] étant la prononciation "béarnaise" et [a'we] la prononciation bigourdane, la réalisation [ß] n'est pas caractéristique du seul Béarn puisque cette fois-ci, c'est en direction des Landes, du Bas-Adour et du Lavedan qu'elle déborde de ses limites. En outre, la réalisation [w] est présente dans le parler "béarnais" du canton de Montaner.


[modifier] Du point de vue lexical

En effectuant une lecture même rapide des cartes de l'Atlas linguistique de la Gascogne[25], on est en peine de trouver une série de mots spécifiquement "béarnais". Si un mot comme dia, "jour", oppose très nettement les parlers béarnais à ceux des Landes qui emploient le mot pan-occitan jorn, il se retrouve dans tous les parlers sud-gascons, jusqu'au Val d'Aran[26].


Dans le dictionnaire de Simin Palay, on rencontre beaucoup plus de mots marqués comme spécifiques à la région d'Orthez, au Vic-Bilh, à la Vallée d'Aspe ou à la Vallée d'Ossau que de mots marqués B. (Béarn). Encore ceux-ci ne sont-ils pas forcément usités dans tous les parlers béarnais[27].


[modifier] Du point de vue morphologique

Les parlers béarnais emploient l'article pan-gascon et pan-occitan lo, la au nord Gurs - Lucq-de-Béarn - Lasseube - Asson et l'article dit "pyrénéen eth, era au sud de cette ligne, à l'exception notable de la majeure partie des localités de la Vallée d'Ossau. Cette dualité n'est pas spécifiquement béarnaise, mais est au contraire connue dans tout le dialecet gascon: elle oppose le Lavedan et le sud de la Bigorre au nord de la Bigorre et de l'Armagnac, ainsi que le Haut-Comminges et le Val d'Aran au Bas-Comminges[28].

Autre exemple de l'absence complète d'unité des parlers béarnais et de variations internes propres au domaine gascon, le verbe estar ("être") fait à la première personne du singulier soi dans le parler du Nord-Ouest et sòi dans la plupart des autres parlers, la première forme se retrouvant dans le sud des Landes [29], la seconde dans les parlers de la Bigorre et du Lavedan. À la troisième personne, la forme ei s'oppose à la forme es des Landes, mais est celle des parlers lavedanais et bigourdans les plus proches [30].

Il faut aussi mentionner l'existence en Béarn de deux types de subjonctifs, le subjonctif dit en -i dans le parler du Nord-Ouest et un subjonctif proche du subjonctif dit classique dans les autres parlers. Ainsi, "il faut qu'il soit à Pau demain" se dira que cau que sii a Pau doman dans le Nord-Ouest, que cau que sie a Pau doman ailleurs [31].


[modifier] Du point de vue syntaxique

Les études syntaxiques font cruellement défaut dans l'ensemble du domaine gascon.

Sur le plan de la morpho-syntaxe, on constate que le fameux "futur du passé" béarnais, un temps particulier issu du parfait du subjonctif latin (amauerit > (qu')aimère) et abondamment cité et commenté dans toutes les grammaires, n'est pas connu de tous les parlers[32].

On constate que Jean Bouzet, en dépit du titre même de son ouvrage[33], ne semble pas faire une distinction entre des traits spécifiques qui seraient propres aux parlers du Béarn et d'autres qui appartiendraient aux parlers environnant: cela n'apparaît nulle part. Lorsque d'aventure il cite des variantes régionales, elles ne coïncident pas avec les limites du Béarn[34]. Son autre ouvrage[35], d'une très haute qualité au demeurant, donne pour généraux certains faits locaux qui obligent à une certaine prudence dans son maniement.


[modifier] Du point de vue prosodique

Il existe bien divers "accents" béarnais, comme le locuteur le reconnaissent volontiers. Est-ce que ces accents béarnais locaux ont plus en commun entre eux qu'avec les accents des parlers gascons des régions les plus proches? Il est impossible de le dire (et de dire le contraire): les études de prosodie occitane manquent cruellement[36], a fortiori les études de prosodie occitane comparée.


[modifier] Du point de vue de l'intercompréhension

On a beaucoup glosé sur le caractère tout relatif de l'intercompréhension mis longtemps en avant par les militants de la cause occitane. Philippe Zuppiger et Ursula Leonhard[37] ont depuis longtemps souligné à la fois l'existence et les limites de l'intercompréhension entre les différents dialectes occitans. En revanche, personne ne semble s'être soucié de l'intercompréhension au sein d'une même aire dialectale (pour le gascon, un locuteur du Médoc ou du Bas-Comminges comprend-il immédiatement et sans restrictions un locuteur aspois ou barétounais?), a fortiori à l'échelon infra-dialectal. Pourtant, il semble bien que pour un locuteur de la région paloise la compréhension du parler aspois-barétounais, pourtant "béarnais", nécessite un plus grand temps d'adaptation que la compréhension du parler, "non-béarnais", d'Aire-sur-l'Adour[38]. Nous nous limiterons à cette observation empirique, les études faisant, ici encore, cruellement défaut.

[modifier] Conclusion

Le "béarnais" n'a jamais été classé comme langue spécifique par quelque romaniste que ce soit. Les caractéristiques des parlers béarnais que nous avons étudiées en nous fondant sur les travaux cités en notes[39] démontrent à l'envi qu'il est impossible d'affirmer l'existence de cette "langue béarnaise".

Il resterait la possibilité de voir naître, ou renaître, une "langue béarnaise" comme langue par élaboration, si un mouvement associatif ayant une certaine audience travaillait à recréer un standard propre au Béarn[40] et réussissait à le faire enseigner dans toutes les calandretas, écoles bilingues, collèges et lycées du Béarn et à le faire accepter comme langue écrite dans toutes les publications, y compris officielles. Ce type de mouvement n'existe pas à l'heure actuelle.

L'expression "langue béarnaise" reste donc disponible pour tout locuteur qui souhaite reconnaître à son parler maternel ou appris plus tard la dignité de langue, sans forcément l'englober dans un cadre plus vaste. Cependant, la plupart du temps, ce choix semble procéder d'une logique "départementale" (cf. supra) inconsciente: c'est plus un réflexe qu'un choix éclairé fondé sur la connaissance de son parler, de ses caractéristiques, de son histoire et de sa littérature, car l'enseignement officiel n'apporte aucune information à ce sujet, celle-ci se trouvant dispersée dans des ouvrages parfois anciens, souvent d'un abord délicat, dont l'existence même est la plupart du temps inconnue de la majorité des locuteurs.

[modifier] Notes et références

  1. Simin Palay, Dictionnaire du béarnais et du gascon modernes, Paris, C.N.R.S., 1974
  2. par exemple par l'emploi de trémas pour noter les diphtongues (Aüssaü, Paü) et de doubles consonnes à la françaises (pastourelle, holle "folle")
  3. Jean-Vastin Lespy, Grammaire béarnaise, suivie d'un vocabulaire français-béarnais, Pau, Veronese, 1858
  4. Il décide alors de revenir à des graphies comme Aussau, Pau, pastourèle, hole).
  5. Cette citation se trouve à la p. 54 de la grammaire de Lespy
  6. Les modifications adoptée concernèrent notamment l'abandon définitif du digraphe ix pour transcrire le son [∫], la suppression du -h étymologique non aspiré (on écrivit désormais oustau, abé, au lieu de houstau, habé; respectivement "maison" et "avoir") et le remplacement du digraphe authentiquement béarnais nh au profit de son équivalent français gn, en raison des difficultés qu'il posait dans des mots tels que inhèr ("enfer"), enhastia ("dégoûter", "canuler"): on écrivit désormais Gascougne au lieu de Gascounhe ("Gascogne").
  7. Voir ci-dessous, "Du point de vue phonétique"
  8. Voir la carte intitulée afinau.gif et celle intitulée enegre.gif sur le site Occitanet
  9. Manuel de grammaire béarnaise, Pau, Escole Gastoû Febus, 1928, et Syntaxe béarnaise et gasconne, Pau, Escole Gastoû Febus, 1963.
  10. "Dans un traité de grammaire qui veut être pris au sérieux, il importe, ça me semble de pouvoir distinguer le masculin (Yan qu'ey prèste, aço qu'ey nouste) du féminin (la taula qu'ey prèsta) et l'indicatif (que tribalhas pla) du subjonctif (que cau que tribalhes miélhe." Lettre de Jean Bouzet citée dans la préface de Marcel Saint-Bézard à la Syntaxe béarnaise et gasconne)
  11. Louis Alibert, Pierre Bec, Jean Bouzet, L'application de la réforme linguistique occitane au gascon, Toulouse, Institut d'Estudis Occitans, 1952
  12. Comment écrire le gascon, Orthez, Per Noste, 1969
  13. En orthographe occitane classique, les mots cités plus haut sont désormais écrits: Pau, Assau, pastorèla, hòla, ostau, aver, in•hrèn, en•hastiar, Gasconha; les exemples de Bouzet dans la préface de Marcel Saint-Bézard s'écrivent: Jan qu'ei prèste, Aquò qu'ei noste, La taula qu'ei prèsta, que tribalhas plan.
  14. C'est la première phrase de l'Introduction à sa grammaire.
  15. P. 519 du dictionnaire. Le souligné est de nous
  16. Il parle constamment, dans ses tribunes publiées dans Reclams de Biarn e Gascougne, de la lengue d'O (la langue d'oc), et écrit dans le numéro d'avril 1930 de la revue: "Lous pouètes d'Ouccitanie qu'an cantat d'ue bouts de mey en mey ayside, e qu'at èy dit aci medich, noû y a pas hère, la bouts dous pouètes que porte loegn e que ba pregoun [...] De Nice, Cap de Proubence, à Bayoune, la nouste lengue qu'ey toustem parlade e per autan de mounde que yamey. ("Les poètes d'Occitanie ont chanté d'une voix de plus en plus aisée, et je l'ai dit ici-même, il n'y a pas longtemps, la voix des poètes porte loin et pénètre en profondeur [...] De Nice, haut-lieu de la Provence, à Bayonne, notre langue est toujours parlée et par autant de gens que jamais")
  17. "On voit par exemple qu'on oppose traditionnellement béarnais et gascon, alors que celui-ci n'est qu'un sous-dialecte, assez mal caractérisé, de celui-ci. Il est évident que c'est le cadre historico-géographique du Béarn qui a imposé cette vision erronée des faits", écrit Pierre Bec dans La langue occitane, Paris, P.U.F., collection Que sais-je, pp. 33-34, n. 1. Les soulignés sont de nous.
  18. voir Michel Grosclaude, Le Béarn: témoignages sur mille ans d'histoire, 70 textes historiques des origines à 1979, Per Noste, s. d., Orthez
  19. Il est courant d'associer langue et territoire. Dans les Pyrénées-Atlantiques, les gens ne s'identifient pas au département, mais au Béarn ou au Pays Basque. Or, au Pays Basque, on parle indéniablement basque; donc, en Béarn, on parle béarnais, sans que cela implique la conscience de la dignité de ce dernier. On entend fréquemment, même de la part des locuteurs: "Le basque, c'est une langue" (sous-entendu: "Le béarnais, c'est un patois").
  20. Il faudrait tenir compte également de la représentation de ceux des locuteurs qui militent dans les associations et mouvements occitanistes, dont le point de vue n'a pas moins de légitimité que celui du locuteur lambda
  21. Tous ces exemples sont tirés de la nouvelle d'Éric Gonzalès Isabèu de la Valea, partiellement écrite en aspois-barétounais. Éric Gonzalès, Isabèu de la Valea, Pau, Escòla Gaston Febus, 2000
  22. cf. § 147 de Jean Bouzet, Manuel de grammaire béarnaise, Billère, Escole Gastoû Febus, 1975
  23. ibid., §§ 73 et 74
  24. Cf. carte des isoglosses in Pierre Bec, La langue occitane, Paris, P.U.F., collection "Que sais-je?", 1963
  25. SEGUY (J.). et ALLIERES (J.), Atlas linguistique de la Gascogne, 2 vol., C.N.R.S., 1971
  26. Tà fòrça gent eth dimars ei eth dusau dia dera setmana, "Pour beaucoup de gens le mardi est le deuxième jour de la semaine", in 450 mots que cau saber entà començar a liéger, escríuer e parlar er occitan dera Val d'Aran, Vielha, Centre de Normalisacion Lingüistica de la Val d'Aran - Conselh Generau d'Aran, 1992
  27. Ainsi, l'entrée de l'article signifiant "tenir" est-elle ainsi rédigée: "téngue (V.-B. Big. G. L.); tié, tiéngue, tiéne (B.); tenì (As. Bar.); tìne (Bay. L.); ti, té (Lav.)" (Dictionnaire du béarnais et du gascon modernes, p. 947). La mention "B." regroupe ici pas moins de trois formes, et encore ses trois formes ne suffisent-elles pas à couvrir l'ensemble du Béarn puisque l'auteur en donne une autre marquée "V.-B." marquée (Vic-Bilh) et une autre marquée "As. Bar." (Aspe et Barétous).
  28. voir carte des diverses formes de l'article masculin en occitan sur la carte intitulée artmasc.gif du site Occitanet
  29. Césaire Daugé, Grammaire gasconne (dialecte d'Aire), Dax, H. Labèque, 1905
  30. L'écrivain lavedanais Jan Loís Lavit emploie systématiquement la forme ei, par exemple dans Hont blanca, s. l., IEO-IDECO, 2000. Une unique occurrence de es dans tout le texte de Bite bitante de Miquèu de Camelat, lavedanais lui aussi, est probablement due à l'inattention de Marcel Saint-Bézard, qui s'occupa de l'édition de l'ouvrage; il était en effet armagnacais. Ei est aussi la forme systématiquement employée par l'écrivain aranais Francés Boya Alós dans Presoèrs dera mar gelada, Lleida, Pagèrs Editors, 1998.
  31. et que cau que sie a Pau deman en parler aspois-barétounais
  32. Par exemple, on ne le trouve jamais dans les oeuvres de Yulien de Caseboune, écrivain natif de Herrère
  33. Syntaxe béarnaise et gasconne, cf. supra
  34. Ainsi au §31: "Dans le moyen Béarn, la Bigorre et l'Armagnac" d'une part, "Dans les vallées d'Aspe et de Barétous ainsi que dans les régions Nord et Ouest du Béarn" d'autre part
  35. La Grammaire béarnaise de 1928, rééditée en 1975
  36. Lorsque on a cité Ruth Bremen & Petra Ninta Müller, L'accent régional. Études prosodiques, in Andres M. Kristol et Jakob Th. Wüest, Drin de tot. Travaux de sociolinguistique et de dialectologie béarnaises, Berne - Francfort - New-York, Peter Lang, 1985, on a sans doute tout cité...
  37. in L'intercompréhension dialecte, art. dans l'ouvrage cité à la note précédente
  38. Mais la réciproque ne semble pas être vraie. Un Aspois ou un Barétounais comprend facilement un Béarnais de Pau ou un Landais d'Aire-sur-l'Adour: pour lui, tout cela est parlar de baish ("parler de la plaine")
  39. travaux d'origines très diverses: pré-félibréennes (Lespy), félibréennes (Palay, Bouzet), occitanistes (Bec, Grosclaude)
  40. basé sur un ou plusieurs des parlers vernaculaires


[modifier] Voir aussi

Occitan - Gascon - École Calandreta

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