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Principe anthropique - Wikipédia

Principe anthropique

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Le principe anthropique (du grec anthropos, homme) est le nom donné à l'ensemble des considérations qui visent à évaluer les conséquences de l'existence de l'humanité sur la nature des lois de la physique, l'idée générale étant de dire que l'existence de l'humanité (ou plus généralement, de la vie) permet de déduire certaines choses sur les lois de la physique, à savoir que les lois de la physique sont nécessairement telles qu'elles permettent à la vie d'apparaître. Tel quel, ce principe pourrait être considéré comme une tautologie, cependant, l'étude détaillée des conséquences de cette affirmation a de profondes conséquences en physique et en particulier en cosmologie, où il apparaît que les lois de la physique sont sujettes à un nombre étonnamment important d'ajustements fins sans lesquelles l'émergence de structures biologiques complexes n'aurait jamais pu apparaître dans l'univers. Le principe anthropique dans sa formulation scientifique est à mettre au crédit du physicien Brandon Carter, bien que d'autres l'aient incomplètement discuté avant lui, comme Robert Dicke à la fin des années 1950 et le Prix Nobel de physique Paul Dirac dans le courant des années 1930.

Sommaire

[modifier] Trois types de formulations

Il n'existe pas qu'une seule formulation du principe anthropique, mais on peut schématiquement classer ses formulations en trois catégories :

  • Le principe anthropique « trivial », qui déduit de façon directe certaines contraintes sur des paramètres physiques par la simple constatation que la vie existe (par exemple, l'existence de l'humanité implique que l'âge de l'univers soit supérieur à plusieurs millions d'années) ;
  • Le principe anthropique faible, qui cherche toutes les contraintes que l'on doit imposer aux lois de la physique pour permettre l'apparition de la vie. Cette démarche conduit à remarquer qu'il est nécessaire d'avoir un certain nombre d'ajustements fins parmi les constantes fondamentales ;
  • Le principe anthropique fort, qui énonce que le nombre de coïncidences entre les différentes constantes fondamentales nécessaire à l'apparition de la vie est tel qu'il ne saurait être le seul fruit du hasard, et donc que celle-ci pourrait constituer une finalité de l'évolution cosmique. La nature de cette dernière formulation est davantage métaphysique que scientifique, à l'inverse des autres.

Les idées liées au principe anthropique ont donné lieu à de nombreuses discussions. Le principe anthropique faible n'est guère contesté (si nous observons un univers, c'est que celui-ci doit avoir des caractéristiques lui permettant d'avoir des observateurs). D'autres, popularisées par John Barrow et Frank Tipler, ont donné lieu à des controverses, ces deux auteurs ayant été accusés par Brandon Carter d'interpréter de façon abusive son propos initial.

Dans ses variantes faible comme forte, le principe anthropique suppose l'intervention d'une sorte d'anti-hasard. Ce sont les hypothèses sur la nature de cet anti-hasard qui en distinguent ensuite différentes formes. Voir l'article Multivers.

[modifier] Le principe anthropique trivial

Le principe anthropique trivial prend sa forme dans les considérations les plus basiques sur les contraintes de l'existence de la vie. Ainsi, du fait qu'il est établi que l'apparition de la vie est un processus lent, dont le temps caractéristique est de plusieurs centaines de millions d'années, voire de plus d'un milliard d'années, on déduit que le modèle cosmologique qui décrit notre univers ne saurait lui attribuer un âge inférieur à ces valeurs. Ainsi, dans un modèle de type Big Bang, l'âge de l'univers est-il lié à la valeur de son taux d'expansion, c'est-à-dire la constante de Hubble. Imposer que l'âge de l'univers soit supérieur à un milliard d'années impose que la constante de Hubble soit inférieure à une certaine valeur. Ce genre de considération a été pris en compte au début des années 1940 où des erreurs dans l'estimation de la constante de Hubble, surévaluée d'un facteur 7 ou 8 par rapport à la valeur désormais communément acceptée[1], avaient été commises.

Un autre exemple célèbre date de la fin du XIXe siècle, époque à laquelle l'énergie nucléaire n'avait pas encore été découverte, mais où les succès de la thermodynamique ayant permis la révolution industrielle étaient à leur apogée. Ne pouvant pas savoir que l'énergie émise par le Soleil était due à des réactions nucléaires, Lord Kelvin avait fait l'hypothèse que l'énergie du Soleil était simplement issue de la contraction de la matière le formant, la chute de cette matière provoquant un échauffement de celle-ci. Kelvin avait ainsi calculé le temps nécessaire à cet effondrement et trouvé un ordre de grandeur de quelques dizaines de millions d'années. Cette hypothèse, non dénuée de sens[2], avait rapidement été contredite par des biologistes et des géologues, qui affirmaient à raison que le temps caractéristique de certains processus biologiques ou géologiques étaient considérablement plus grand.

Un autre exemple, inversé, remonte à Isaac Newton qui en étudiant la physique des effets de marée à la fin du XVIIe siècle fut le premier à constater que les temps caractéristiques nécessaires pour synchroniser la période de rotation de la Terre et la période de révolution de la Lune étaient considérablement plus grands que les quelques milliers d'années attribués à la Terre par une lecture littérale de la Bible (voir James Ussher). Il s'agit là aussi d'un argument anthropique qui permet a posteriori de douter de l'historicité de la Genèse relatée dans l'Ancien Testament.

[modifier] Le principe anthropique faible

[modifier] Historique

Dans sa version évoluée, le principe anthropique faible remonte à un article de Robert Dicke de 1961[3]. Dans cet article, Dicke fait remarquer que l'apparition de la vie, ou plus généralement de toute structure biologique complexe, nécessite la présence de carbone, et que celle-ci semble être le fruit d'une heureuse coïncidence.

Il était connu à l'époque que le carbone ne pouvait être produit lors de la nucléosynthèse primordiale, à l'époque du Big Bang, mais devait être synthétisé au sein des étoiles (voir nucléosynthèse stellaire). Cependant, même au sein des étoiles, le carbone est difficile à synthétiser. La raison en est que les deux constituants présents en quantité dans une étoile au moment de sa formation sont l'hydrogène et l'hélium, et qu'il n'existe aucun noyau atomique stable produit à partir d'une collision entre un noyau d'hydrogène et un noyau d'hélium ou entre deux noyaux d'hélium. Synthétiser des éléments plus lourds nécessite en réalité de faire intervenir une collision entre trois noyaux d'hélium. L'énergie de masse de trois noyaux d'hélium réunis est cependant supérieure à celle d'un noyau de carbone. La synthèse d'un tel noyau est ainsi défavorisée. Il se trouve cependant qu'elle est permise grâce au fait qu'il existe un état excité du noyau de carbone dont l'énergie totale (incluant l'énergie de masse du moyau) est égale à celle des trois noyaux d'hélium. C'est cette coïncidence, résultant a priori du hasard, qui permet la production d'éléments plus lourds que l'hélium dans les étoiles et par suite la vie. Du reste, l'existence d'un tel état excité pour le carbone avait été envisagée dès 1953 par Fred Hoyle sur base de ces mêmes constatations[4] et découverte immédiatement après[5].

Fred Hoyle, à qui on devait l'expression (au départ péjorative) Big bang, introduisit à cette occasion une nouvelle expression qui connaîtra le succès : "réglage fin des constantes universelles".[réf. nécessaire]

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes

  1. 550 kilomètres par seconde et par mégaparsec au lieu de 72 km·s-1·Mpc-1 ; voir l'article Constante de Hubble pour plus de détails.
  2. En réalité, lors de sa formation, une future étoile est composée de gaz (essentiellement de l'hydrogène et de l'hélium qui s'échauffe lors de sa contraction. C'est quand la masse de l'étoile est suffisamment élevée que la température centrale peut devenir suffisamment élevée pour initier les réactions nucléaires. L'hypothèse de Kelvin correspondait ainsi à la toute première phase de la vie d'une étoile.
  3. (en) Robert Dicke, Dirac's Cosmology and Mach's Principle, Nature, 192, 440-441 Voir en ligne (accès restreint).
  4. (en) Fred Hoyle, On Nuclear Reactions Occuring in Very Hot STARS.I. the Synthesis of Elements from Carbon to Nickel, Astrophysical Journal Supplement Series, 1, 121 (1954) Voir en ligne. Note : bien que cet article ait été publié postérieurement à la découverte de l'état excité du carbone, l'argument développé par Hoyle était antérieur, comme l'atteste la mention à Hoyle dans l'article de Dunbar ci-dessous.
  5. (en) D. N. F. Dunbar, R. E. Pixley, W. A. Wenzel & W. Whaling, The 7.68-Mev State in C12, Physical Review, 92, 649-650 (1953) Voir en ligne (accès restreint).

[modifier] Références


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