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Jacques Delille - Wikipédia

Jacques Delille

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Jacques Delille
Jacques Delille

Jacques Delille, souvent appelé l'abbé Delille, né à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) le 22 juin 1738 et mort à Paris dans la nuit du 1er au 2 mai 1813, est un poète français.

Le lieu de sa naissance est sujet à controverse : certains biographes le font naître à Sardon ou à La Canière, d'autres à Pontgibaud, à Aigueperse (Puy-de-Dôme) (où résidaient ses parents) ou enfin à Clermont-Ferrand, ce qui est le plus probable, rue des Chaussetiers ou rue de l'Écu (aujourd'hui avenue des États-Unis). Delille porta quelque temps le titre d'abbé parce qu'il possédait l'abbaye de Saint-Séverin ; mais il ne suivit pas la carrière ecclésiastique et obtint même une dispense pour se marier.

Sommaire

[modifier] Biographie

Jacques, enfant naturel, conçu dans un jardin d'Aigueperse (Puy-de-Dôme), sous un ciel étoilé de septembre, naquit chez un accoucheur, rue des Chaussetiers, à Clermont-Ferrand, le 22 juin 1738 de Marie-Hiéronyme Bérard, de la famille du chancelier Michel de l'Hospital. Il fut reconnu par Antoine Montanier, avocat au Parlement de Clermont-Ferrand, qui mourut peu de temps après en lui laissant une modeste pension viagère de cent écus. Sa mère, aussi discrète que belle, lui transmit un pré, sis à Pontgibaud, ce qui lui permit d'adjoindre à son prénom le nom de famille Delille.

Jusqu'à douze ou treize ans, il fut placé chez une nourrice à Chanonat et reçut ses premières leçons du curé du village. Envoyé à Paris, il fit de brillantes études au collège de Lisieux et devint maître de quartier au collège de Beauvais puis professeur, d'abord au collège d'Amiens puis au collège de la Marche à Paris. Il s'était déjà signalé par un remarquable talent de versificateur, notamment par une aptitude exceptionnelle à la poésie didactique.

Sa gloire fut assurée d'un coup par sa traduction en vers des Géorgiques de Virgile, qu'il publia en 1770. Louis Racine avait tenté de le dissuader de cette entreprise, qu'il jugeait téméraire, mais Delille avait persisté dans son dessein et Louis Racine, convaincu par ses premiers essais, l'y avait encouragé. Son poème fut accueilli par un concert de louanges, troublé seulement par la voix discordante de Jean-Marie-Bernard Clément de Dijon. « Rempli de la lecture des Géorgiques de M. Delille, écrivit Voltaire à l'Académie française en mars 1772, je sens tout le prix de la difficulté si heureusement surmontée, et je pense qu'on ne pouvait faire plus d'honneur à Virgile et à la nation. Le poème des Saisons [de Jean-François de Saint-Lambert] et la traduction des Géorgiques me paraissent les deux meilleurs poèmes qui aient honoré la France, après l'Art poétique. »

Delille fut élu à l'Académie française en 1772, mais le maréchal-duc de Richelieu fit bloquer son élection par le Roi au motif qu'il était trop jeune. Il fut à nouveau élu en 1774 et, cette fois, il fut reçu par l'illustre Compagnie. Jean-François de La Harpe ayant fait observer dans le Mercure de France qu'il était indigne qu'un talent aussi exceptionnel en soit réduit à dicter des thèmes latins à des écoliers, Delille fut en outre nommé à la chaire de poésie latine du Collège de France.

L'abbé Delille récitant La Conversation dans le salon de Madame Geoffrin
L'abbé Delille récitant La Conversation dans le salon de Madame Geoffrin

L'ascension de Delille s'accéléra encore après la mort de Voltaire, qui pouvait passer pour son seul rival. Tant la cour que le monde des lettres reconnurent unanimement la supériorité de son talent. Il fut à la fois le protégé de Madame Geoffrin et celui de Marie-Antoinette et du comte d'Artois. Ce dernier lui fit attribuer le bénéfice de l'abbaye de Saint-Séverin, qui rapportait 30.000 francs tout en permettant de se borner aux ordres mineurs, que Delille avait reçus à Amiens en 1762.

En 1782, la publication du poème des Jardins, sans doute l'œuvre la plus célèbre de Delille, fut un nouveau triomphe, amplifié par le talent avec lequel l'auteur savait lire ses vers à l'Académie, au Collège de France ou dans les salons. Le comte de Choiseul-Gouffier parvint néanmoins à le persuader de s'arracher à tant d'adulation pour le suivre dans son ambassade de Constantinople. En 1786, il se mit en ménage avec sa gouvernante, Marie-Jeanne Vaudechamps, qu'il épousa en 1799.

Sous la Révolution française, Delille perdit le bénéfice qui était sa seule source de revenus et fut inquiété mais conserva la liberté, sacrifiant aux idées de l'heure en composant, à la demande de Pierre-Gaspard Chaumette, un Dithyrambe sur l'Être suprême et l'immortalité de l'âme. Sous le Directoire, il se retira à Saint-Dié, pays de sa femme, puis quitta la France après le 9 thermidor, au moment où d'autres y rentraient, et passa en Suisse, en Allemagne et en Angleterre. Durant cet exil, poussé par sa femme, qui avait pris beaucoup d'ascendant sur lui, il travailla énormément. Il composa L'Homme des champs et entreprit Les Trois règnes de la nature en Suisse, composa La Pitié en Allemagne et traduisit Paradise Lost (Le Paradis perdu) de John Milton à Londres.

Il rentra en France en 1802 et reprit sa chaire au Collège de France et son fauteuil à l'Académie. Il effectua de longs séjours dans la maison de plaisance du baron Micout d'Umont à Clamart[1], où il aurait écrit en 1808 Les Trois Règnes de la Nature. À la fin de sa vie, il devint aveugle, comme Homère, et cette infirmité ajouta encore à l'admiration proche de l'idolâtrie qui lui était vouée. Il mourut d'une attaque d'apoplexie dans la nuit du 1er au 2 mai 1813. Son corps fut exposé pendant trois jours sur un lit de parade au Collège de France, le front ceint d'une couronne de lauriers et, considéré comme le plus grand poète français, il reçut des funérailles grandioses, suivies par une foule immense. Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise.

[modifier] Œuvre

[modifier] Postérité littéraire

On refuse généralement à Delille le génie et l'invention, mais on le met au premier rang pour l'art de la versification et pour le talent descriptif.

Delille s'est presque exclusivement consacré à la poésie descriptive. C'est un art tout d'ingéniosité, où le souci majeur du versificateur est de trouver des périphrases élégantes et contournées pour décrire des choses triviales dont le nom propre n'avait pas sa place dans le langage poétique du temps, au risque, souvent, de l'affectation, voire du ridicule.

Il n'y a, dans la poésie de Delille, aucune émotion, ni même un sentiment vrai de la beauté de la nature. Lorsqu'un vers résonne d'accents déjà romantiques, son isolement trahit le hasard davantage que l'inspiration, comme le célèbre :

J'aime à mêler mon deuil au deuil de la nature
Les Jardins, Chant IV

La poésie descriptive de Delille se démoda rapidement après sa mort. Les Romantiques lui reprochèrent vivement sa peur du mot juste : Balzac, dans Les Paysans, se moque d'un émule de Delille, auteur d'une Bilboquéide, tandis que Stendhal fustige « les amants tartufes de la nature, comme l’abbé Delille ».

[modifier] Liste chronologique

  • Les Géorgiques de Virgile, 1770 : C'est l'œuvre principale de Delille. « C'est un ouvrage charmant, dit Jean François Joseph Dussault, d'une correction rare, d'une facilité et d'une souplesse admirables, qui suppose le goût le plus délicat et le plus fin, une connaissance approfondie de notre style poétique. Mais aussi, est-ce une véritable traduction ? Y reconnaît-on le génie de Virgile ? L'imitateur français a substitué aux beautés mâles, imposantes et pures de l'original, des grâces un peu maniérées, une espèce d'affèterie, de coquetterie, plus appropriées sans doute à la tournure de son talent, et peut-être plus conformes au goût de ses contemporains. On a dit de cette traduction que c'est une traduction originale ; et cela est très vrai ; mais cela prouve que c'est une traduction où l'on trouve Delille et point Virgile. » Plus lapidaire, Chateaubriand a dit : « C'est un tableau de Raphaël merveilleusement copié par Mignard ».
  • Les jardins ou l'art d'embellir les paysages, poème en 8 chants, 1782 : Ce poème eut encore plus de succès que la traduction des Géorgiques. Pourtant, si la versification en est tout aussi ingénieuse, sinon davantage, il pèche gravement par l'absence de plan, et même d'idées. C'est une succession de tableaux dont chacun est uniquement un prétexte à faire des vers, lâchement cousus entre eux par de maladroites transitions.
  • Bagatelles jetées au vent, 1799
  • L'homme des champs, ou les Géorgiques françaises, 1800
  • Dithyrambe sur l'immortalité de l'âme, 1802
  • Poésies fugitives, 1802
  • La Pitié, poème en 4 chants, 1803 : Delille y condamne en termes très énergiques les excès de la Révolution française et se livre à des considérations sur l’esclavage aux colonies dans lesquelles il compatit surtout au sort des colons. Ce poème est considéré comme l'une de ses œuvres les plus faibles.
  • Le paradis perdu de Milton, 1805 : Imitation en vers plutôt que traduction à proprement parler.
  • L'Énéide de Virgile, 1804 : Cette traduction en vers est inférieure aux Géorgiques, et encore moins fidèle à l'original.
  • L'imagination, poème en 8 chants, 1806 : Ce poème pèche, comme tous ceux de Delille, par sa composition mais comporte de nombreux passages qui ne manquent pas d'intérêt, par exemple ceux sur Jean-Jacques Rousseau ou sur les catacombes, ou l'hymne à la beauté. On y trouve le vers célèbre parce que gravé au fronton des catacombes de Paris : « Demeure ! C'est ici l'empire de la mort. »
  • Les Trois règnes de la nature, 1809 : Il s'agit d'une sorte de traité de physique en vers, où l'ingéniosité du poète descriptif atteint son comble. « Ce poème, dit Pierre-François Tissot, regardé comme le triomphe du genre descriptif, l'a décrédité à jamais parmi nous [...] Tous les vices de sa manière, les concetti, les antithèses, la symétrie des vers à deux compartiments, l'abus de l'esprit, les transitions sans art y pullulent au point de les rendre insupportables. »
  • La conversation, poème, 1812 : Delille a voulu donner les portraits du nouvelliste, de l'érudit ennuyeux, du bel esprit bourgeois, du médisant, du brouillon, etc. Mais la composition est monotone et le style souvent peu soigné.

Ses œuvres ont été publiées par Joseph-François Michaud, 1824, 16 vol. in-8, et éditées par Lefèvre, avec notes, 1833, 1 vol. grand in-8. On les a réunies en un seul vol. compact dans le Panthéon littéraire.

[modifier] Citation

Vers 1770, il revient en Auvergne dans son village, cher à son cœur, et plus tard il écrit :

Mais ce qui fait des lieux la plus sûre puissance,
Ah! nous l'éprouvons tous, c'est la reconnaissance ;
C'est le tendre regret, dont les charmes flatteurs
Font des lieux nos amis, en font nos bienfaiteurs :
Pareils à ces esprits, à ces légères ombres,
Qui, sitôt que la nuit étend ses voiles sombres,
Visitent, nous dit-on, leur antique séjour ;
Ainsi les souvenirs, les regrets et l'amour,
Et la mélancolique et douce rêverie,
Reviennent vers les lieux chers à l'âme attendrie,
Où nous fûmes enfants, amants, aimés, heureux ;
Après le sol natal, toujours chers à nos yeux,
S'ils n'ont pas tout l'attrait de la terre chérie
Où, commença pour nous l'aurore de la vie,
Ils rappellent cet âge, où notre âme et nos sens
Par degrés essayaient leurs organes naissants.
Je l'éprouvai moi-même. Après vingt ans d'absence,
De retour au hameau qu'habita mon enfance,
Dieux ! avec quel transport je reconnus sa tour,[2]
Son moulin, sa cascade, et les prés d'alentour !
Ce ruisseau dont mes jeux tyrannisaient les ondes
Rebelles comme moi, comme moi vagabondes ;
Ce jardin, ce verger, dont ma furtive main
Cueillait les fruits amers, plus doux par le larcin,
Et l'humble presbytère, et l'église sans faste ;
Et cet étroit réduit que j'avais cru si vaste,
Où, fuyant le bâton de l'aveugle au long bras,
Je me glissais sans bruit, et ne respirais pas ;
Et jusqu'à cette niche, où ma frayeur secrète
A l'œil de l'ennemi dérobait ma retraite,
Où sur le sein d'Églé, qui partageait ma peur,
Un précoce plaisir faisait battre mon cœur !
O village charmant ! ô riantes demeures,
Où, comme ton ruisseau, coulaient mes douces heures !
Dont les bois et les prés, et les aspects touchants,
Peut-être ont fait de moi le poète des champs !
Adieu, doux Chanonat, adieu, frais paysages !
Il semble qu'un autre air parfume vos rivages ;
Il semble que leur vue ait ranimé mes sens,
M'ait redonné la joie, et rendu mon printemps.
...Cette clôture même où l'enfance captive,
Prête aux tristes leçons une oreille craintive,
Qui de nous peut la voir sans quelque émotion ?
Ah! c'est là que l'étude ébaucha ma raison ;
Là, je goûtai des arts les premières délices ;
Là, mon corps se formait par de doux exercices.
Ne vois-je point l'espace où, dans l'air s'élançant,
S'élevait, retombait le ballon bondissant ?
Ici, sans cesse allant, revenant sur ma trace,
Je murmurais les vers de Virgile et d'Horace.
Là, nos voix pour prier venaient se réunir ;
Plus loin ... Ah! mon cœur bat à ce seul souvenir !
L’imagination, Chant IV, « Impression des lieux »

[modifier] Annexes

[modifier] Bibliographie

  • Guitton, Edouard. Jaques Delille (1738-1813) et le poème de la nature en France de 1750 a 1820. Paris : Klincksieck (Publications de l'Université de Haute-Bretagne), 1974.

[modifier] Notes et références

  1. Cette maison, communément appelée « la maison de l'abbé Delille », et classée à l'Inventaire des Monuments historiques, a été acquise en 2005 par Philippe Kaltenbach, maire de Clamart. Ceci a provoqué une polémique et un litige avec un promoteur immobilier qui avait de son côté acquis une partie du terrain et s'était ensuite vu refuser le permis de construire par les Monuments Historiques.
  2. Quand il séjournait en Auvergne, c'était dans la veille commanderie de Chanonat.

[modifier] Liens externes



Précédé par
Charles Marie de La Condamine
Fauteuil 23 de l’Académie française
1774-1813
Suivi par
Vincent Campenon
Autres langues


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