Pierre Jeannin
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Pierre Jeannin (1540 - 1622), homme d'État, juriste et écrivain français, connu sous le nom de président Jeannin, naquit à Autun.
[modifier] Biographie
Son père était un échevin qui exerçait, dit-on, le métier de tanneur ; il ne dut qu'à son mérite d'arriver successivement aux premières charges de la magistrature, puis à la place de ministre d'un grand roi. Dans le temps de son élévation, un prince qui cherchait à l'embarrasser lui ayant demandé de qui il était le fils, il répondit : « de nies vertus ». Après avoir étudié le droit sous Cujas, Jeannin fut reçu avocat en 1569, et choisi en 1571 pour être conseiller aux États de Bourgogne. Un riche particulier, y ayant entendu un de ses discours, fut tellement charmé de la solidité de ses raisons et de son éloquence qu'il voulut l'avoir pour gendre.
Comme il s'informait en quoi consistaient ses ressources pécuniaires, Jeannin montrant sa tête et ses livres : Voilà, dit-il, tout mon bien et toute ma fortune. A l'époque du massacre de la Saint-Barthélemy, il fut appelé au conseil tenu chez le comte de Charny, lieutenant général de la province, qui venait de recevoir dans des instructions deux lettres écrites de la main de Charles IX contre les Protestants de cette province. Opinant le premier, comme le plus jeune et le moins qualifié, il représenta, dit P. Saumaise, auteur d'un éloge du président Jeannin, qu'il faut obéir lentement au souverain quand il commande en colère, et conclut d'envoyer demander au roi des lettres patentes avant d'exécuter des ordres aussi cruels : son avis détermina tous les suffrages.
Deux jours n'étaient pas écoulés, qu'un courrier apporta la défense d'entreprendre en aucune façon sur la vie et les biens des partisans de la religion réformée. Jeannin se rendit aux États de Blois comme député du Tiers-État de Dijon et fut l'un des deux orateurs qui portèrent la parole pour le Tiers-État du royaume, mission qu'il remplit avec honneur. Ayant pénétré les vues ambitieuses et violentes de la maison de Guise, il fit tous ses efforts pour les traverser, mais la prévarication du député qui partageait avec lui les fonctions d'orateur fut cause qu'on adopta dans les états la proposition d'engager le roi à déclarer la guerre aux protestants.
Cependant le zèle extrême de Jeannin pour la religion catholique l'entraîna dans le parti des ligueurs : mais c'était avec l'espoir de sauver l'État. Autorisé par ordre exprès de Henri III à rester auprès du duc de Mayenne, et admis aux plus intimes secrets de ce chef des rebelles, il cherchait sans cesse à le contenir et a l'empêcher de se jeter absolument dans les bras des étrangers. Sans lui et Villeroy, les États de Paris auraient précipité la France dans des malheurs irrémédiables. Une main sacrilège ayant tranché les jours du dernier des Valois, l'héritier de la couronne se vit obligé de reconquérir ses États sur ses propres sujets. La maison d'Autriche crut que le moment était venu de réaliser sa chimère de monarchie universelle.
Chargé par un conseil de séditieux d'une mission pour Madrid, Jeannin n'eut pas de peine à reconnaître que, de part et d'autre, la religion était seulement un prétexte, et que Philippe II surtout n'y voyait qu'un moyen pour enlever la France à son roi légitime. Revenu de cette mission, il ne négligea rien pour réveiller dans tous les cœurs l'amour de la patrie, presque éteint par le fanatisme et la rébellion. Il fut à peu près le seul des ligueurs qui rejeta l'argent du roi d'Espagne, craignant d'être engagé à servir ce prince, au préjudice de son pays.
Il confondit aussi, par sa courageuse fermeté, les intrigues du duc de Savoie, et lui arracha la ville de Marseille, dont ce prince s'était rendu maître par surprise. Quand il fut question de traiter avec Mayenne, en 1595, Henri IV fit des avances au président Jeannin, qui après avoir cherché à modérer le chef de la ligue dans ses desseins ambitieux, lui restait fidèle dans ses dernières traverses. Comme Jeannin témoignait son étonnement des paroles flatteuses adressées par le roi à un vieux ligueur tel que lui : Monsieur le président, lui dit Henri, j'ai toujours couru après les gens de bien, et je m'en suis bien trouvé. La négociation marcha rapidement.
Henri III avait donné à Jeannin différentes places, et entre autres une charge de conseiller, puis une de président au parlement de Bourgogne. Lorsque le combat de Fontaine-Française eut porté le dernier coup à la ligue, Henri IV résolut de s'attacher tout à fait Jeannin, sachant bien qu'il aurait ainsi tout un conseil dans une seule tête. En même temps le roi le nomma premier président de la cour souveraine à laquelle il appartenait déjà, mais à la condition de traiter de sa charge, et de s'en défaire promptement.
Depuis ce temps, Jeannin ne quitta plus Henri IV, et partagea sa confiance, son amitié même, avec Sully, au point d'inspirer à l'illustre surintendant une jalousie qui perce dans ses mémoires, et le rend souvent injuste envers son rival. Du reste, dans les lettres concernant le service du roi, que Sully adressa au président Jeannin en diverses occasions, on trouve des éloges de la prudence et de la fermeté d'esprit de ce dernier. Le cardinal Bentivoglio dit de lui
« qu'il l'entendit parler dans le conseil avec tant de vigueur et d'autorité qu'il lui sembla que toute la majesté du roi respirait dans son visage. »
Henri, se plaignant un jour à ses ministres que l'un d'eux avait révélé un secret de l'État, ajouta, en prenant la main du président Jeannin qui gardait un noble silence :
« Je réponds pour le bon homme ; c'est à vous autres de vous examiner »
Il fut un de ceux qui travaillèrent à la confection de l'édit de Nantes. Tous les historiens s'accordent à vanter son habileté extraordinaire pour les négociations étrangères, habileté supérieure à celle de Sully. Le surintendant, qui n'était pas fâché de saisir un moyen honorable de l'éloigner d'auprès du roi, contribua à lui faire donner des missions très importantes en Hollande, dans les années 1607 et 1609. L'objet principal que l'envoyé de Henri eut à traiter fut la paix projetée entre les Provinces-Unies et l'Espagne, qui avait accepté plutôt que demander la médiation de la France. Il ne parla que de trêve ; mais il en régla les conditions de manière à les rendre équivalentes aux solides avantages d'une paix. Par ce traité des Provinces-Unies, conclu en juin 1609, et dans lequel le roi d'Angleterre intervint aussi comme garant de l'exécution, Jeannin fut en quelque sorte le fondateur de cette république. Les états généraux remercièrent solennellement Henri IV de leur avoir envoyé un ministre si sage et si éclairé.
Quand le roi le revit à Fontainebleau, il l'embrassa, et le présentant à la reine, « Voyez- vous ce bon homme, lui dit-il : s'il arrive que Dieu dispose de moi, je vous prie de vous reposer sur la fidélité de Jeannin, et sur la passion. Je sais qu'il'a du bien de mes peuples. »
On entendit ce monarque se reprocher « d'avoir toujours dit du bien de lui sans lui en faire » ce qui n'était pas toujours exactement vrai : car ce fut par l'ordre positif de Henri que Jeannin accepta les présents qui lui étaient offerts par les Provinces-Unies, et plus d'une fois il avait éprouvé les bienfaits du roi. Un jour, l'ambassadeur d'Espagne demandant à Henri IV quel était le caractère de ses ministres, afin de pouvoir traiter plus facilement avec eux, le roi dit de Jeannin : « Celui-ci ne me cache rien de ce qu'il pense, et il pense toujours juste. » Il lui avait donné l'ordre d'écrire l'histoire de son règne : nous n'en avons que la préface, qui est noble et pleine de sens. Après la mort de Henri et la retraite de Sully, Marie de Médicis se reposa sur Jeannin pour les plus grandes affairés de son royaume, et lui confia, avec toute l'épargne du bon roi, l'administration générale des finances.
Il rendit compte de sa gestion dans l'assemblée générale des états de 1614. Nous avons ce discours sous le titre de Propos tenus, etc. Les excellentes intentions de ce ministre, ses vues éclairées, furent contrariées par les Italiens que cette princesse avait auprès d'elle. On la vit même accorder l'éloignement de Jeannin à l'ardeur des sollicitations de la maréchale d'Ancre ; mais il reprit, en 1617, la place de surintendant, et parla au nom du roi en l'assemblée des notables, tenue à Rouen la même année. Il continua ses services avec zèle et fidélité jusqu'à sa mort, survenue à Paris le 21 octobre 1622. Jeannin ne laissa que peu de fortune à sa famille, ce qui répond à toutes les accusations contre son intégrité.
Nous avons de lui ses Négociations, publiées à Paris, 1656, in-fol. par l'abbé de Castille, son petit-fils, et chez les Elzévirs, vol. in-12 ; en 1695, 4 vol. in-12, et plus récemment à Paris, 1819, 3 vol. in-8° avec portrait. Ce recueil est regardé comme le meilleur modèle que puissent prendre les politiques et les négociateurs : il servit d'instruction au cardinal de Richelieu, qui lisait les Négociations de Jeannin tous les jours dans sa retraite d'Avignon, trouvant, disait-il, sans cesse à y apprendre.
Outre l'Éloge publié par Pierre Saumaise, Dijon, 1623, in-4°, on peut consulter, dans les Antiquités d'Autun, celui qui a été fait par Thirotix. Enfin Guyton de Morveau en a donné un, qui a été imprimera Dijon en 1766, in-8° : il fait bien connaître ce personnage, parce que l'auteur a puisé dans les bonnes sources ; mais l'emphase de ce discours ne peut qu'ajouter aux préventions contre le genre des panégyriques commandés par des académies.
On trouve encore les Négociations du président Jeannin dans la collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France publiée par MM. Michaud et Poujoulat, avec une notice assez complète sur leur auteur par M. Séverin Foisset. Elles forment, avec les autres œuvres du président Jeannin, le tome 4 de la série, Paris, 1837, grand- in-8°. M. de Mongis, procureur général à la cour impériale de Dijon, a prononcé à la rentrée.
[modifier] Publications
- Les Négociations de Monsieur le Président Jeannin. Paris chez Pierre Le Petit 1656. Ces mémoires sont surtout importants pour la fin du XVIe siècle et le règne de Henri IV. On peut néanmoins les consulter à propos des États généraux de 1614, de l'assemblée des notables de 1617, des différends survenus entre Marie de Médicis et Louis XIII
[modifier] Sources
- « Pierre Jeannin », dans Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle ancienne et moderne : histoire par ordre alphabétique de la vie publique et privée de tous les hommes avec la collaboration de plus de 300 savants et littérateurs français ou étrangers, 2e édition, 1843-1865 [détail édition]
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