Symphonie n° 9 de Beethoven
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La Symphonie n° 9 en ré mineur, opus 125, de Ludwig van Beethoven, est une symphonie en quatre mouvements pour grand orchestre et chœur mixte composée de la fin de 1822 à février 1824, créée à Vienne le 7 mai 1824 et dédiée au roi Frédéric-Guillaume III de Prusse. Son finale, aussi long que la Huitième symphonie tout entière, introduit des sections chantées sur l'Ode à la joie (Ode an die Freude) de Friedrich von Schiller. Cette œuvre monumentale, en laquelle Wagner voyait « la dernière des symphonies », marqua un tournant décisif dans ce style musical et est souvent considérée comme un des plus grands chefs-d'oeuvre du répertoire occidental[réf. nécessaire].
Sommaire
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[modifier] Histoire de l'œuvre
La composition de la Neuvième symphonie s'étala de la fin de 1822 au début de 1824, ce qui fait d'elle une contemporaine de la Missa Solemnis op. 123, des 33 Variations sur une valse de Diabelli op. 120 et de La Consécration de la maison op. 124. Œuvre de la dernière période créatrice de Beethoven, elle eut une genèse extrêmement complexe, dont la compréhension nécessite de remonter à la jeunesse du compositeur et de bien distinguer l'élaboration des trois premiers mouvements de celle du quatrième et de son Hymne à la Joie, dont la synthèse s'est opérée très tardivement.
[modifier] 1792 - 1823 : Genèse de l'Hymne à la joie
Dans les ouvrages consacrés à la Neuvième symphonie il est fréquent de lire Ode à la joie pour le poème de Schiller et Hymne à la joie pour la musique de Beethoven, mais il ne semble pas exister de règle absolue à ce sujet. Cependant pour davantage de clarté c'est cette distinction de terminologie qui sera employée dans l'article.
[modifier] Découverte du poème de Schiller
Dès l'époque de sa jeunesse à Bonn, Beethoven manifesta un goût prononcé pour la lecture de Goethe et de Schiller chez qui il puisa certains des idéaux qui allaient plus tard jalonner son œuvre : la nature, l'amitié et la joie. Aussi n'est-il pas étonnant qu'il se soit enthousiasmé en 1792 pour l'ode À la joie (An die Freude) de Schiller, appel à la fraternité des hommes dans la conquête de la joie, publié en 1785 à Dresde. À cette époque, âgé de vingt-deux ans, le musicien n'avait écrit que des œuvres mineures dont la plupart restent méconnues aujourd'hui ; cependant son style s'était déjà suffisamment affirmé pour être remarqué par les observateurs avisés, de Waldstein à Haydn. À la fin de 1792, peu avant son départ pour Vienne, le compositeur se lia d'amitié avec un professeur de droit du nom de Ludwig Fischenich, ami personnel du poète Friedrich von Schiller, et lui présenta un poème qu'il avait mis en musique (la Feuerfarbe de Sophie Mereau). Fischenich fit part de son admiration à l'épouse de Schiller dans une lettre où s'annonçait comme une prophétie le futur hymne à la joie :
- « Je vous envoie une composition de la Feuerfarbe [...]. Elle est d'un jeune homme d'ici, dont les talents musicaux deviendront universellement célèbres... Il veut aussi mettre en musique la Joie de Schiller, et même toutes les strophes. J'en attends quelque chose de parfait ; car, pour autant que je le connais, il est tout à fait porté au grand et au sublime. » [1]
Son départ pour Vienne et ses années d'études obligèrent le compositeur à ajourner son projet. Durant toute sa vie créatrice il revint périodiquement à cette idée, à chaque fois sous forme d'essais, parsemés dans plusieurs de ses œuvres. Tantôt il mit en musique des fragments du poème de Schiller, tantôt il s'essaya au thème du futur hymne à la joie. De Schiller, dont il déclarait qu'aucun musicien ne pouvait s'élever au-dessus de sa poésie (Solomon, p. 428), il ne mit guère d'autre en musique que Rasch tritt der Tod d'après Guillaume Tell, WoO 104.
[modifier] L'Ode à la joie dans l'œuvre de Beethoven
Bien avant le finale de la Neuvième symphonie, Beethoven mit en musique des bribes du poème de Schiller. En 1798 il nota dans un cahier d'esquisses une musique sur le vers Muß ein lieber Vater wohnen (Solomon, p. 427). Entre 1799 et 1803, selon son ami Ferdinand Ries, Beethoven aurait écrit un lied entier sur le poème de Schiller (Ibid., p. 427). Enfin, et c'est certainement l'exemple le plus connu, il utilisa le troisième vers de la deuxième strophe, Wer ein holdes Weib errungen, pour l'épilogue triomphant de Fidelio en 1805 [2].
[modifier] L'Hymne à la joie dans l'œuvre de Beethoven
Tout au long de sa vie, Beethoven semble avoir été hanté par un thème mélodique que Michel Lecompte retrouve déjà chez Mozart (dans l'offertoire Misericordias Domini K. 222) [3]. Ce thème est éparpillé dans l'œuvre de Beethoven, sous diverses formes, quoiqu'il semble évident que dès le début le compositeur s'en soit fait une idée précise. On le trouve d'abord dans le lied Gegenliebe (1795), WoO 118, sur le poème Seufzer eines Ungeliebten d'August Bürger : la mélodie y est presque immédiatement reconnaissable, aussi bien que la forme (un thème A et un thème B de deux fois seize temps chacun, chaque thème étant présenté sous la forme antécédent-conséquent selon la forme A, A', B, B').
Treize ans plus tard, Beethoven réutilise ce thème dans la Fantaisie chorale opus 80 pour piano, chœur et orchestre sur un poème de Christophe Kuffner (1808), qui annonce le quatrième mouvement de la Neuvième symphonie à au moins trois égards : pour la première fois, Beethoven introduit des chœurs dans une œuvre orchestrale non religieuse ; la mélodie du thème principal de la section chantée dérive directement de celle de 1795, mais cette fois la disposition thématique est très exactement celle qu'aura l'hymne à la joie (A, A', B, A') ; enfin, l'apologie très claire que fait de la joie le poème de Kuffner [4] élargit encore la comparaison. Quelque peu oubliée de nos jours, la Fantaisie chorale ne manque donc pas d'intérêt historique tant il semble évident que Beethoven s'en est servi d'expérience pour la Neuvième symphonie.
En 1810, dans le lied Mit einem gemalten Band opus 83 n° 3 d'après Goethe, le thème, quoique cité de manière très éphémère, fait une apparition sous une forme mélodiquement plus proche de l'hymne à la joie (Solomon, p. 428). L'hymne à la joie définitif n'est composé qu'au cours de l'année 1823 pour intégrer le quatrième mouvement de la Neuvième symphonie où Beethoven l'utilise avec plusieurs variations.
[modifier] 1812 - 1823 : Genèse de la Neuvième symphonie
[modifier] Symphonie en ré mineur, symphonie avec chœurs
L'idée d'une symphonie en ré mineur germa dans l'esprit de Beethoven au début de l'année 1812, alors qu'il venait d'achever la composition de la Septième et travaillait à la Huitième. En mai 1812, il écrivait ainsi à son éditeur Breitkopf & Härtel : « J'écris trois nouvelles symphonies, dont l'une est déjà terminée » (Lecompte, p. 165). Mais la troisième de ces symphonies, hypothétique Neuvième, ne fut pas mise en chantier immédiatement, peut-être à cause des événements obscurs qui émaillèrent la deuxième moitié de l'année 1812 dans la vie du compositeur. Ce n'est que dix années plus tard, après l'achèvement de la Missa Solemnis, qu'il revint à ce projet.
[modifier] Composition des trois premiers mouvements
[modifier] 1823 : Synthèse
[modifier] 1824 : Préparatifs et création de l'œuvre
[modifier] Musique
[modifier] Structure générale
Autant d'années séparent la composition de la Première Symphonie (1800) de celle de la Huitième (1812), que celles de la Huitième et de la Neuvième (1824), et si la structure générale de cette dernière peut paraître classique avec ses quatre mouvements, chacun d'entre eux innove, se déploie et prend des proportions exceptionnelles : 547 mesures pour le premier mouvement, 1414 pour le deuxième (avec ses reprises, son da capo et sa coda), 157 pour le troisième et 940 pour le finale[5]. Le premier mouvement garde la forme sonate avec ses deux thèmes, son développement et sa ré-exposition ; le scherzo est placé en deuxième position – pour la première fois dans une symphonie de Beethoven – comme dans les Quatuors à cordes op. 18 n° 4 et n° 5, le Trio à l'Archiduc op. 97 ou la Sonate Hammerklavier op. 106 ; le mouvement lent, en troisième position, est un adagio en forme de thème et variations ; le finale particulièrement complexe se divise en quatre sections et prend les dimensions d'un oratorio avec solistes et chœur.
Outre les développements thématiques impressionnants, l'exploitation méticuleuse de chaque motif, leur imbrication rigoureuse et homogène, l'œuvre se caractérise par des changements de tempos, de caractères, de mesures, d'armures et de modes jamais vus jusqu'alors dans une symphonie, ce qui fit écrire à Berlioz[6] : « Quoi qu’il en soit, quand Beethoven, en terminant son œuvre, considéra les majestueuses dimensions du monument qu’il venait d’élever, il dut se dire : “Vienne la mort maintenant, ma tâche est accomplie.” »
En observant le début de chaque mouvement, les notes de l'arpège descendant sur deux octaves de ré mineur (ré la fa ré) ressortent comme un incipit musical donnant son unité aux éléments thématiques de l'ensemble de l'œuvre. Descentes rythmées et scandées dans le premier mouvement, entrecoupées de silence dans le deuxième, en fanfare de croches doublées et arpèges brisés dans la ritournelle du quatrième, Beethoven fait le tour de force, dans le troisième, sur une seule octave, de mettre en relief les quatre notes dans la tonalité pourtant bien affirmée de si♭ majeur gardant cette tonique en note centrale.
[modifier] Orchestration
Écrite pour orchestre symphonique, cette œuvre est la première du genre à se voir adjoindre dans le finale des solistes chanteurs (soprano, alto, ténor, baryton) et un chœur (sopranos, altos, ténors, basses). À l'instar du dernier mouvement de la cinquième symphonie, un piccolo pour l'aigu, un contrebasson pour le grave et trois voix de trombone (alto, ténor et basse) pour les cuivres sont aussi ajoutés au finale ainsi qu'un triangle, une grosse caisse et des cymbales pour la percussion. Vue l'orchestration exceptionnelle du finale et l'exploitation maximum des tessitures et techniques vocales, la réunion de plusieurs chorales de qualité est nécessaire pour une bonne audition de l'œuvre. Les trois trombones interviennent également pour quelques mesures dans le Scherzo.
Cordes |
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premiers violons, seconds violons, altos, violoncelles, contrebasses |
Bois |
1 piccolo, 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes en la et si♭, 2 bassons, 1 contrebasson |
Cuivres |
4 cors en ré et en si♭, 2 trompettes en ré et en si♭, 3 trombones (alto, ténor et basse) |
Percussions |
2 timbales[7] (I : ré/la, II : fa/fa, III : si♭/fa, IV : ré/la) triangle, grosse caisse, cymbales |
Voix |
Solo : soprano, alto, ténor, baryton Chœur : sopranos, altos, ténors, basses |
[modifier] Premier mouvement : Allegro ma non troppo, un poco maestoso
[modifier] Tonalité
Le premier mouvement commence par une incertitude, un doute : sur une quinte (la - mi) tenue pianissimo jouée aux deux premiers cors et en trémolos aux deuxièmes violons et violoncelles, les premiers violons puis les altos et contrebasses répètent ces deux notes, la première en brève appoggiature de la deuxième, en mouvement descendant, de manière interrogative, énigmatique. Les bois soutiennent ensuite progressivement les tenues, renforçant le crescendo des pédales, les deux notes devenant plus mélodiques se resserrent dant le temps. Il faut attendre, juste après le ré de basse des bassons et des troisième et quatrième cors, la dix-septième mesure pour entendre enfin s'affirmer magistralement la tonalité de ré mineur. Le premier thème prend tout l'espace sonore, des instruments les plus graves aux plus aigus ; il débute fortissimo à l'unisson du tutti d'orchestre par l'arpège descendant sur deux octaves de l'accord parfait mineur (ré, la, fa, ré, la, fa, la, fa, ré), les timbales, les troisième et quatrième cors et les trompettes martelant la tonique (ré) et la dominante (la).
[modifier] Indication de mouvement
La même hésitation, le même flottement se retrouvent pour la mesure et le tempo : les tenues et les trémoli de l'introduction forment une nappe brumeuse d'où s'échappent les descentes de quartes et quintes des cordes, seul le grand unisson orchestral du premier thème affirmera l'Allegro ma non troppo, un poco maestoso titrant cette première partie. L'indication de mouvement Allegro, normalement rapide et gai, est atténuée par le mais pas trop ; elle est complétée par l'indication d'expression un peu majestueusement, avec une certaine solennité. Beethoven, profitant du métronome breveté par son ami Maelzel, précise même la pulsation à 88 noires par minute[8], ce qui habituellement correspond d'avantage à un Moderato. Malgré cette relative lenteur, en gardant le terme Allegro, il impose sa volonté de préserver le caractère dynamique et énergique à l'allure et aux rythmes de ce premier mouvement. Comportant 547 mesures à deux temps, le tempo étant de 88 à la noire, la durée théorique, avec les quatre ritenutos très courts, est d'environ 12 minutes et demi ([547 x 2 x 60] : 88 = 746 secondes).
[modifier] Structure
(ébauche) Forme sonate :
- exposition : deux thèmes, l'un en ré mineur, l'autre en si♭ majeur, sans reprise ;
- développement : très modulant, sur des parties des deux thèmes, sur-dimensionné,
- réexposition : les deux thèmes très variés, mais principalement en ré mineur/majeur
- coda : en deux parties.
[modifier] Deuxième mouvement : Molto vivace
[modifier] Tonalité
Aucune hésitation quant à la tonalité du deuxième mouvement : dès l'introduction, sur un rythme de sicilienne, les cordes martèlent une descente de tonique, dominante ré, la (souvenir du début de l'Allegro initial), et ce sont les timbales, surprenantes après un silence, qui fixent le mode mineur avec la médiante fa en octave, puis tout l'orchestre scande la tonique ré, le ré mineur s'impose à nouveau. Dans la musique classique dans son sens le plus large, c'est l'un des rares exemples où les timbales sortent de leur emploi habituel de soutien harmonique ne jouant que des premiers et cinquièmes degrés (tonique et dominante) ; ici, ce sont elles qui déterminent le mode, jouant en solo le troisième degré de la gamme (fa naturel, médiante de ré mineur).
La partie centrale, prémices à l'Ode à la joie du finale, module dans le premier sens du terme : gardant la tonique, le mode change en ré majeur. Beethoven réutilisant une partie de ce motif dans les treize ultimes mesures de la coda, le mouvement s'achève dans cette tonalité majeure.
[modifier] Indication de mouvement
Cette deuxième partie de la symphonie est un Molto vivace à 3/4, la blanche pointée étant de 116 pulsations par minute. Dans ses œuvres précédentes, Beethoven nous a habitués à ces tempos très vif pris à la mesure, rendant le rythme ternaire la pulsation étant à la blanche pointée. Dès la première symphonie, bien que le troisième mouvement soit intitulé Menuetto, l'indication est Allegro molto e vivace, blanche pointée égale 108, les scherzos suivants obéissant au même principe de tempo à la mesure. Bien-sûr, dans cette neuvième, Beethoven va un peu plus loin, précisant pour certains passages Ritmo di tre battute et Ritmo di quatro battute (battre à trois temps comme un 9/4 et battre à quatre temps comme un 12/4), précisant exceptionnellement la carrure de ses phrases musicales.
Comme il l'avait déjà fait dans la troisième et la sixième symphonies, le trio de ce scherzo revient à une mesure binaire, un Presto à 2/2, mais là encore pris à la mesure en gardant la pulsation précédente, soit la ronde égale 116. Ce trio avec son équivalence de pulsation (blanche pointée précédente = ronde) pose, avec l'Allegro assai vivace - Alla Marcia du finale, l'un des principaux problèmes des indications métronomiques de l'œuvre. Si cette dernière paraît beaucoup trop lente, celle-ci semble bousculée, précipitée. Quelques chefs préfèrent par exemple "noire = noire" soit la ronde autour de 88 (rappel du tempo du premier mouvement), d'autres font un choix intermédiaire (+/- 100), rares sont ceux qui imposent cette équivalence de tempo à 116 très (trop?) rapide[9].
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Avec ses reprises, son da capo (sans reprises), sa coda, deux strigendos très courts, ce mouvement fait un total de 1414 mesures à 116 bpm à la mesure (3/4 ou 2/2), soit un timing théorique [(1414 x 60) : 116 = 731 secondes], avec les accélérés, d'un peu plus de 12 minutes.
[modifier] Structure
Ce Molto vivace est un Scherzo de deux reprises avec Trio, également de deux reprises, da Capo sans les reprises et Coda.
Après l'accord de ré mineur descendant sur un rythme de sicilienne entrecoupé de silence vu ci-dessus, la première reprise commence par un fugato à cinq voix des cordes, d'un caractère très vif et léger, joué pianissimo et staccato, chaque voix étant ponctuée graduellement par les bois et les cors. Le thème est ensuite exposé fortissimo par l'orchestre, les timbales, trompettes et cordes graves martelant la première noire de chaque mesure ; il module de ré mineur à do majeur. Sur un ostinato rythmique des cordes sur cinq octaves, apparaît un nouvel élément à deux voix en do majeur joué aux bois. Il s'en suit un jeu d'alternance entre les bois et les cordes sur les motifs précédents se concluant par une gamme par mouvements contraires, puis le rythme initial de sicilienne est répété quatre fois pianissimo en modulant do majeur, la mineur, fa majeur, ré mineur et… trois mesures de silence ! Reprise au fugato.
Avant la deuxième reprise, Beethoven reprend la section "rythme initial de sicilienne modulant" sur ré mineur, sib majeur, sol mineur, mib majeur. À nouveau, trois mesures de silence, et semblant s'amuser de ces modulations, il enchaîne sur ce même rythme, une kyrielle de tonalités descendantes en tierce et alternant majeur/mineur, pour nous mener, après un petit chromatisme, à la dominante de mi mineur (mib M, do m, lab M, fa m, réb M, sib m, solb M, mib m, dob M, lab m, mi M, do# m, la M + "la, la#, si" sur cinq octaves). Sur une carrure de trois mesures (Ritmo di tre battute) commence un fugato du thème initial joué par les bois, la timbale rompant la cadence dans tous les sens du terme, imposant un fa majeur, les cors/trompettes ramenant le ré mineur. La carrure redevient à quatre temps (Ritmo di quatro battute) sur l'entrée en strette des cordes ; les cors et timbales puis tout l'orchestre martèlent le rythme de sicilienne, le thème principal revient fortissimo, sur l'accord de ré mineur scandé par les cuivres et les basses. Suit une partie plus harmonique, mais toujours rythmée de siciliennes, amenant à nouveau le deuxième thème au bois d'abord en majeur, puis mineur ; les cuivres et cordes cadencent la tonique. Après un développement des éléments de ce thème, retour au "rythme initial de sicilienne modulant" et reprise de cette deuxième section.
Après un point d'orgue sur l'accord de dominante de ré ''(la do# mi), pour amener le trio et sa nouvelle mesure, Beethoven utilise un strigendo il tempo (accélérer le tempo) pour arriver au Presto à 2/2 sur une descente en octaves des cinquième et premier degrés. Les hautbois, doublés des clarinettes sur une basse staccato des deux bassons à l'unisson exposent un nouveau thème aux lignes mélodiques de plus en plus proche du chant final. Ré-exposé au cors puis aux bassons, c'est la partie staccato qui est développée par le hautbois solo, retour de ce thème à la flûte et aux violons I & II sur le sempre staccato en tierces des bassons, altos, violoncelles et contrebasses. Après la reprise, le développement de ces deux éléments mène au Scherzo da capo al coda senza repliqua poi la Coda.
La Coda reprend le strigendo il tempo pour faire ré-entendre le thème du Presto s'arrêtant brutalement sur un silence, suivi, comme précipitée, de la descente en octaves des cinquième et premier degrés (la, ré).
[modifier] Troisième mouvement : Adagio molto e cantabile
(4/4, noire = 60, si ♭majeur) - Andante moderato (3/4, noire = 63, ré majeur) - (mesure, tempo et ton primo) - (mesure et tempo secondo, sol majeur) - (mesure et tempo primo, mi♭ majeur) - Lo stesso tempo (12/8, noire pointée = 60, si ♭majeur)
[modifier] Tonalité
[modifier] Indication de mouvement
Deux phrases s'alternent au départ de ce troisième mouvement : un Adagio molto e cantabile à 4/4, la noire = 60 et un Andante moderato à 3/4, la noire = 63.
Aujourd'hui, un Adagio est trop souvent synonyme de lenteur ou d'indolence , alors que l'origine du mot "ad agio" signifie "à l'aise" et ici adagio molto doit être compris comme "très à l'aise". Cette idée est renforcée par le cantabile, "bien chanté", atténuée sur la partie de premier violon par un mezzo voce, à mi-voix. Très à l'aise et bien chanté, mais à mi-voix, après l'effervescence fébrile du Scherzo, Beethoven nous mène dans une quiétude sereine, un apaisement mélodieux.
L'Andante moderato, (en marchant plutôt tranquillement), avec l'indication espressivo aux premiers et deuxièmes violons, implique une remise en route, une reprise du cheminement. Si les indications métronomiques peuvent paraître assez proches, (60 et 63), ce sont surtout les rythmes utilisés qui contrastent les deux phrases : valeurs longues et liées pour la première, syncopes et doubles-croches pour la deuxième.
Quand apparaît le 12/8 avec l'indication Lo stesso tempo, (la même vitesse de pulsation, donc la noire pointée à 60 bpm), là encore les thèmes et les variations comme improvisées des premiers violons, sont spécifiés dolce (avec douceur) dans le bercement de l'accompagnement ternaire, contrastant avec les deux courtes fanfares surprenantes et sonores, appels de « remise en marche » et annonçant le dernier mouvement.
Compte tenu des tempos indiqués et d'un point d'orgue, la durée théorique est (approximativement) de 9 minutes 50 secondes.
[modifier] Structure
Le troisième mouvement allie plusieurs formes et peut être présenté de plusieurs façons.
Les éléments :
- un thème A en si♭ majeur de seize mesures à 4/4, avec une intro de 2 et une coda de 6 reprenant la dernière partie du thème,
- un thème B de 16 mesures en ré majeur à 3/4, fondu-enchaîné sur la coda précédente et coda de deux mesures avec une cadence rompue et un point d'orgue arpégé aux premiers violons sur l'accord de septième de dominante de la tonalité suivante,
- une première variation de A à 4/4, thème très orné aux premiers violons, coda identique, retour en si♭ majeur
- un retour du thème B en sol majeur à 3/4, non pas varié mais réorchestré (inversement : thème au bois, accompagnement aux cordes), coda avec une cadence rompue, se terminant sur l'accord de septième de dominante de la tonalité suivante,
- une deuxième variation en forme de développement de A à 4/4 commençant en mi♭ majeur, passant en mi♭ mineur, reprenant en do♭ majeur, s'achevant sur l'accord de septième de dominante de cette tonalité. À noter la vertigineuse partition du quatrième cor dans cette section : sur un ambitus de plus de trois octaves, il joue d'abord la basse du quatuor avec le basson et les deux clarinettes, une fausse entrée en fugato du thème A qui s'achève sur des sons pédales de contrebasse, doublant ensuite à l'octave inférieure (tout de même) le chant de flûte/clarinette, il termine en solo, sans aucun accompagnement, par une cadence de la gamme ascendante et descendante de do♭ majeur.
- une troisième variation de A 12/8, si ♭majeur, coda, fanfare de deux mesures
- une quatrième variation de A 12/8, si ♭majeur, coda, fanfare de deux mesures
- une coda générale (issue de A, ultime variation ?)
[modifier] Quatrième mouvement : Finale
La division en quatre parties du "monument" qu'est le Finale, s'impose par le jeu des tonalités, des changements de mesures et d'indications de mouvement :
- la première section reprend l'alternance de modes du deuxième mouvement (ré mineur/majeur), elle alterne aussi les 3/4 et 4/4 ;
- la deuxième, entièrement à 6/8, rappelle les tonalités des thèmes du troisième mouvement (si♭ et ré majeur),
- la troisième, à 3/2, ré-alterne les modes cette fois sur sol,
- la dernière, en 6/4 et en 2/2, impose définitivement le ré majeur.
[modifier] Postérité
[modifier] Éditions
La Neuvième symphonie fut éditée pour la première fois chez Schott, en octobre 1826 à Mayence. Elle portait une dédicace au roi Frédéric-Guillaume III de Prusse.
[modifier] Partition manuscrite
La partition manuscrite de la Neuvième symphonie a été acquise par l'UNESCO en 2003 et classée au registre Mémoire du monde [10].
[modifier] La Neuvième symphonie dans la culture populaire
[modifier] Cinéma
- 1971 : Orange mécanique de Stanley Kubrick
- 1989 : Le Cercle des poètes disparus de Peter Weir
- 1994 : Ludwig van B. (Immortal beloved) de Bernard Rose
- 1995 : Harrison Bergeron de Bruce Pittman
- 1996 : Shine de Scott Hicks
- 1999 : Sexe intentions (Cruel Intentions) de Roger Kumble
- 2001 : Waterboys de Shinobu Yaguchi
- 2002 : Bowling for Columbine de Michael Moore
- 2002 : Equilibrium de Kurt Wimmer
- 2006 : Southland Tales de Richard Kelly
[modifier] Animation
- 1995 : Neon Genesis Evangelion de Hideaki Anno
- 2003 : Tokyo Godfathers de Satoshi Kon
[modifier] Enregistrements célèbres
- Felix Weingartner dirigeant l'orchestre philharmonique de Vienne en 1935.
- Wilhelm Furtwängler dirigeant l'orchestre philharmonique de Berlin en mars 1942.
- Wilhelm Furtwängler dirigeant l'orchestre du festival de Bayreuth en 1951. Ce concert ouvrit le festival, suspendu par les alliés après la seconde guerre mondiale.
- Wilhelm Furtwängler dirigeant l'orchestre philharmonique de Vienne en 1951.
- Arturo Toscanini à la tête de l'orchestre symphonique de la NBC en 1952. Robert Shaw , assistant habituel de Toscanini, dirigeait le chœur.
- Wilhelm Furtwängler à la tête de l'orchestre philharmonique de Lucerne en 1954.
- Otto Klemperer à la tête de l'orchestre Philharmonia en novembre 1957.
- Ferenc Fricsay dirigeant l'orchestre philharmonique de Berlin en 1958, premier enregistrement en stéréo de la 9e symphonie.
- Herbert von Karajan dirigeant l'orchestre philharmonique de Berlin en 1962 et 1977, dans ses cycles des symphonies de Beethoven.
- George Szell dirigeant l'orchestre de Cleveland. Enregistré en 1961 et publié sur CD en 1991 par Sony.
- Karl Böhm dirigeant l'orchestre philharmonique de Vienne en 1981 avec Jessye Norman et Plácido Domingo parmi les solistes. Avec 79 minutes, cet enregistrement figure parmi les plus longs.
- Robert Shaw avec l'orchestre et les chœurs de l'Atlanta Symphony en 1985.
- Günter Wand avec le North German Radio Symphony Orchestra. Enregistré en 1986 et publié en 2001 par RCA Red Seal.
- Leonard Bernstein dirigea une version de la 9e symphonie, avec "Freiheit" ("liberté") au lieu de "Freude" ("Joie"), pour célébrer la chute du mur de Berlin à Noël 1989.
- Roger Norrington dirigeant les London Classical Players. Enregistré sur instruments d'époque et publié en 1987 par EMI Records (re-publié en 1997 sous le label Virgin Classics ).
- Sir Simon Rattle dirigeant l'orchestre philharmonique de Vienne en 2003, publié au sein d'un cycle des 9 symphonies de Beethoven par EMI Classics.
- Wendy Carlos sur la bande-son de Orange mécanique (A Clockwork Orange) (Stanley Kubrick, 1971). Le personnage principal, Alex DeLarge, subit une thérapie par le dégoût après son emprisonnement. Parmi les musiques accompagnant sa thérapie figurent des œuvres de Beethoven qu'il aimait. Il tente par la suite de se suicider à cause de la douleur terrible que lui cause l'audition de la 9e symphonie (particulièrement le second mouvement).
[modifier] Média
[modifier] Citations
- Orange mécanique, Alex (le héros) à propos de la neuvième symphonie :
- "Ô extase ! Extase divine. C’était splendeur et splendosité faits de chair. C’était comme un oiseau tissé en fil de Paradis, comme un nectar argenté coulant dans une cabine spatiale, et la pesanteur devenue une simple plaisanterie."
[modifier] Galerie
Cette galerie est temporaire
Frédéric-Guillaume III de Prusse, dédicataire de la Neuvième symphonie |
Friedrich von Schiller, auteur de l'Ode à la joie |
Ignaz Schuppanzigh dirigea la création de l'œuvre le 7 mai 1824 |
[modifier] Ressources
[modifier] Bibliographie
- La neuvième de Beethoven, une histoire politique par Esteban Buch - Gallimard 1999 - ISBN 978-2-07-075118-1
[modifier] Notes et références
- ↑ Source : Extrait d'une lettre de Ludwig Fischenich à Charlotte Schiller, épouse du poète, reproduite In: Massin J et B, Ludwig van Beethoven, Fayard, 1967, p. 39
- ↑ Source : livret de Fidelio, dans : www.karadar.com
- ↑ Source : Lecompte M, Guide illustré de la musique symphonique de Beethoven, Fayard, 1995, p. 180-81
- ↑ Source : voir le poème et sa traduction sur www.cledut.net
- ↑ Soit au total 3058 mesures. Pour comparaison, la dernière symphonie de Mozart, 34 ans plus tôt, en comporte 1028.
- ↑ Hector Berlioz, A travers chants : Études musicales, adorations, boutades et critiques, 1862, Paris
- ↑ N.B. : première symphonie où les deux timbales changent d'accord entre chaque mouvement.
- ↑ Bien qu'elles font encore couler beaucoup d'encre, les indications métronomiques prises en compte sont celles de la partition. Les plus contestables (comme l'Allegro assai vivace - Alla Marcia, noire pointée = 84 du dernier mouvement, le plus souvent joué à 120 pulsations par minute) seront signalées au fur et à mesure de l'analyse.
- ↑ N.B. * 88 à la ronde = 176 à la blanche = 352 à la noire
* 100 à la ronde = 200 à la blanche = 400 à la noire
* 116 à la ronde = 232 à la blanche = 464 à la noire - ↑ Source : portal.unesco.org
[modifier] Articles connexes
[modifier] Liens externes
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