Pierre Brossolette
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Pierre Brossolette, né le 25 juin 1903 à Paris et décédé le 22 mars 1944 dans la même ville, était un homme politique socialiste français et fut un des dirigeants de la Résistance française. Il est fait compagnon de la Libération en 1942.
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[modifier] Biographie
[modifier] Études, socialisme et journalisme
Fils de Léon Brossolette, Inspecteur de l'Enseignement Primaire à Paris et ardent défenseur de l'enseignement laïque au début du XXe siècle, neveu de Francisque Vial, Directeur de l'Enseignement Secondaire, il entre premier à l'École Normale Supérieure en 1922. Cacique de sa promotion, il est reçu seulement second à l'agrégation d'histoire, derrière Georges Bidault, à la suite d'un petit scandale. Il épouse en 1926 Gilberte Brossolette, avec qui il aura deux enfants Anne et Claude et qui après sa mort prendra le relais de ses idées et deviendra la première femme sénateur en France.
Il adhère à la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) en 1929. D'abord fervent défenseur des idéaux pacifistes et européens d'Aristide Briand, ses conceptions évoluent lorsqu'il prend conscience de la réalité de la menace nazie et de l'inevitabilité de la guerre. Il est également membre de la Ligue des droits de l'homme, de la Ligue internationale contre l'antisémitisme, et est franc-maçon.
Journaliste au sein de plusieurs journaux (l'Europe nouvelle, le Quotidien, le Progrès civique, les Primaires, Notre temps, Excelsior, Marianne et à la Terre Libre), ainsi que celui de la SFIO le Populaire (où il est rédacteur de politique étrangère); il travaille également pour Radio-PTT, dont il est licencié en janvier 1939 lorsqu'il s'oppose dans une émission aux accords de Munich.
[modifier] Résistance
Au début de la Seconde Guerre mondiale, il rejoint l'Armée avec le grade de Lieutenant, est promu Capitaine avant la défaite de la France et a été décoré avec la Première Croix de Guerre en 1940 par son attitude au cours de la retraite de son unité. Hostile au régime de Vichy, il rejoint le Groupe du musée de l'homme présenté à Jean Cassou par Agnès Humbert, écrit le denier numéro du journal Résistance du mouvement et échappe de peu à son démantèlement. Puis, il participe à la formation des groupes de résistance Libération-Nord et Organisation Civile et Militaire dans la zone occupée et devient, plus tard, chef de la section presse et propagande de la Confrérie Notre-Dame. Quand le régime de Vichy lui interdit d'enseigner, Brossolette et son épouse ouvrent une librairie à Paris, au 89 rue de la Pompe, qui sert de lieu de rencontre et de « boîte aux lettres » pour les résistants.
En avril 1942, Brossolette entreprend un voyage à Londres en tant que représentant de la résistance pour rencontrer Charles de Gaulle. Il travaille dès lors, promu Commandant, pour le Bureau central de renseignements et d’action (BCRA), en liaison avec la section RF du Special Operations Executive (SOE) britannique. Il est parachuté à trois reprises en France, la deuxième fois avec André Dewavrin, alias le Colonel Passy, et Forest Frederick Edward Yeo-Thomas alias « Shelley », agent du SOE surnommé familièrement « le Lapin Blanc ». Ils vont parvenir à unifier l'ensemble des mouvements de résistance de la Zone Occupée, dans le cadre de la mission "Arquebuse-Brumaire", du nom de code de Passy et Brossolette.
Pierre Brossolette est aussi le porte-voix à Londres des combattants de l'ombre. Dans un discours au Albert Hall le 18 juin 1943, il rend un vibrant hommage aux « soutiers de la gloire », expression qui deviendra par la suite usitée. Il prendra la parole de nombreuses fois au micro de la BBC en remplacement de Maurice Schumann et écrira des articles, dont un dans La Marseillaise qui par la suite sera considéré par certains comme un des textes fondateurs du gaullisme de guerre.
[modifier] Politique
Pierre Brossolette est très critique vis-à-vis de la IIIe République qu'il rend responsable de la défaite, et estime que la Libération à venir devra être l'occasion d'une profonde rénovation démocratique, notamment par la naissance d'un grand parti de la Résistance appelé à réaliser une politique de transformation sociale ambitieuse. Un programme commun très proche de ces aspirations sera élaboré par le Conseil national de la Résistance en mars 1944, le mois de la mort de Brossolette.
Cette critique de la Troisième République sera le principal sujet de discorde avec Jean Moulin, et lui vaudra par ailleurs l'opposition des partis, soucieux de leur propre survie. Ainsi à la veille de son arrestation, Brossolette est exclu de la SFIO par Gaston Defferre[1], décision qui ne sera pas appliquée à cause de sa disparition. Si dans un premier temps la IVe République renouera avec les mœurs de la IIIe, l'instauration de la Ve République représentera pour certains la validation a posteriori des idées de Brossolette sur l'après-guerre.
En effet, le projet d'un grand parti rassemblé autour de De Gaulle pour gérer l'immédiate après-guerre et limiter les dégâts prévisibles d'une épuration incontrôlée sera vivement critiqué et soupçonné même de dérives fascisantes. De Gaulle, conscient des soupçons d'autoritarisme qui pesaient déjà sur lui, tranchera pour le maintien du système de partis de la IIIe République, donnant ainsi gain de cause à Jean Moulin. Ce choix aura des conséquences importantes sur l'image de ces deux grands chefs de la Résistance et de leur place dans la mémoire nationale.
Ainsi s'opposeront a posteriori l'image d'un Jean Moulin homme d'État proche du radicalisme d´avant-guerre, défenseur des valeurs républicaines et de la démocratie voire du statu quo, face à celle, complexe, d'un Pierre Brossolette homme politique certes visionnaire, précurseur du gaullisme bien que socialiste, dénonciateur féroce du danger fasciste et communiste avant la guerre mais partisan de méthodes radicales voire révolutionnaires.
Cependant son idée d'un parti unique issu de la Résistance ne devait servir qu'à réorganiser l`après-guerre et il aurait envisagé de créer lui-même un nouveau parti de gauche, travailliste sur le modèle anglo-saxon donc non-marxiste ou en tout cas réformiste. Pour cela, Brossolette avait travaillé sur une ambitieuse critique du marxisme pendant ses missions, que sa stature d'intellectuel, normalien de haut vol permettait de croire respectable et qui aurait été jetée par dessus bord lors du naufrage sur les côtes bretonnes ayant amené son arrestation[2].
[modifier] Arrestation
Après avoir échappé plusieurs fois à des arrestations, Brossolette est arrêté le 3 février 1944 près de Douarnenez alors qu'il rentre à Londres pour présenter le nouveau chef du CNR, Émile Bollaert, au Général de Gaulle. En effet la pinasse (le Jouet des Flots) qui doit le conduire à une frégate anglaise fait naufrage à cause du mauvais temps près de la pointe du Raz, et les deux chefs de la Résistance échouent sur la côte, où ils sont contrôlés et emmenés en prison à Rennes. Après des semaines sans être reconnu, Ernst Misselwitz en personne vient l'identifier sur place et les Allemands le transfèrent le 19 mars au quartier général de la Gestapo à Paris, 84 avenue Foch. On ne sait toujours pas ce qui a pu le dénoncer : soit des fuites sur les tentatives d'évasion qui se préparaient sous l'initiative de Forest Frederick Edward Yeo-Thomas (capturé à Paris quelques jours auparavant) ; soit un courrier non codé de la part de Claude Bouchinet-Serreules vers Londres qui aurait été intercepté sur la frontière espagnole ; soit encore, selon la légende, sa mèche blanche caractéristique apparue sous la teinture.
[modifier] Décès
Pour l'obliger à parler, Pierre Brossolette est torturé pendant deux jours et demi. Le 22 mars, profitant d'un moment d'inattention du gardien, il se serait levé de sa chaise les menottes derrière le dos, ouvert la fenêtre de la chambre de bonne dans laquelle il était enfermé, tombé d'abord sur le balcon du 4e étage et ensuite devant l'entrée de l'immeuble côté avenue. Une autre thèse plus incertaine affirme qu'il serait tombé côté cour. Gravement blessé, il succombera à ses blessures vers 22 heures à l'hôpital de la Salpêtrière, sans avoir parlé.
Le 24 mars, il est incinéré au cimetière du Père-Lachaise, où ses cendres sont conservées avec celles d'un autre résistant mort le même jour, dans deux urnes dans la division 87.
Son fils cadet est Claude Pierre-Brossolette, qui a été Inspecteur des Finances, Directeur du Trésor, Secrétaire-Géneral de l'Élysée sous la Présidence de Giscard d'Estaing jusqu'en 1976, puis Président du Crédit Lyonnais jusqu'en 1981.
[modifier] Mémoire
Si Brossolette, dans l'immédiate après-guerre, pouvait encore être considéré par beaucoup la principale figure de la Résistance de par son action en Zone Occupée (Paris) et de par sa notoriété d'homme public, l'entrée au Panthéon des cendres de Jean Moulin en 1964 le reléguera à une place de héros d'un parti (SFIO/PS) et permettra de cristalliser le mythe d'une Résistance unie sous un seul chef à l'image de la France Libre, dans le contexte historique ayant abouti à la création de la Cinquième République[3].
Plus tard, lors de l'avènement des socialistes au pouvoir en 1981, le choix de François Mitterrand d'honorer Jean Moulin lors de la cérémonie du Panthéon au lieu de réhabiliter la mémoire de Pierre Brossolette achèvera de le reléguer à une seconde place, cette fois-ci également auprès de la gauche elle-même. Ainsi en attesteront, en plus de la commémoration discrète des 50 ans de sa disparition en 1994, les célébrations modestes du centenaire de sa naissance en 2003 et de celui de la SFIO/PS (2005). À l'occasion, au delà d'une référence équivoque sur son site internet[4], un haut reponsable issu de la jeunesse socialiste en arrivera, de manière anecdotique mais révélatrice de cette perte de mémoire, à citer Jean Moulin pourtant jamais inscrit au parti comme principale figure du son centenaire[5].
[modifier] Décorations
- Chevalier de la Légion d'honneur.
- Première Croix de Guerre 1939-1945, en 1940, avec Etoile de Bronze.
- Compagnon de la Libération, décret du 17 octobre 1942 et nommé membre du Conseil de l'Ordre de la Libération.
- Croix de guerre 1939-1945, avec Palme de Vermeil, deux citations.
- Médaille de la Résistance avec rosette.
[modifier] Mot célèbre
- « Pour les Français, la guerre sera finie quand ils pourront voir ce film [Autant en emporte le vent] et lire le Canard enchaîné. » - à Jean-Pierre Melville devant le cinéma Ritz à Londres[6], repris tel quel par Luc Jardie, personnage interprété par Paul Meurisse dans le film L'Armée des ombres réalisé en 1969.
[modifier] Références
- ↑ (fr) Témoignage de Gaston Defferre. Consulté le 9 janvier 2008
- ↑ (fr) René Ozouf, « Pierre Brossolette ». Consulté le 19 janvier 2008
- ↑ (fr) Evelyne Py, « Autour de Jean Moulin : Histoire et Mémoire ». Consulté le 17 janvier 2008
- ↑ (fr) Centenaire du Parti socialiste - Pierre Brossolette, 2005, Parti socialiste français. Consulté le 17 janvier 2008
- ↑ (fr) Au panthéon des socialistes, 2006, Le Figaro. Consulté le 19 janvier 2008
- ↑ Voir ce site.
[modifier] Bibliographie
- Pierre Brossolette, Résistance (1927-1943), éd. Odile Jacob, 1998 (textes rassemblés et présentés par Guillaume Piketty)
- René Ozouf, Pierre Brossolette, héros de la résistance, librairie Gedalge, 1946.
- Gilberte Brossolette, Il s'appelait Pierre Brossolette, éd. Albin Michel, 1976
- Guy Perrier, Pierre Brossolette, le visionnaire de la Résistance, éd. Hachette littératures, 1997 (préface de Maurice Schumann)
- Guillaume Piketty, Pierre Brossolette, un héros de la Résistance, éd. Odile Jacob, 1998
- Guillaume Piketty, Daniel Cordier, Alain Finkielkraut, Pierre Brossolette ou le destin d'un héros, ed. du Tricorne, 2000
- Guillaume Piketty, Pierre Brossolette, le rude parcours d'une mémoire, Les Chemins de la Mémoire, n° 128, mai 2003
- Laurent Douzou, La résistance française, une histoire périlleuse. éd. du Seuil, 2005
- Bruce Marshall, Le Lapin blanc, Gallimard, 1953. Ce livre est la traduction en français de "The White Rabbit", éd. Evans Bross, 1952 ; Cassel Military Paperbacks, 2000.
- André Dewavrin, Colonel Passy, Mémoires du Chef des Services Secrets de la France Libre, éd. Odile Jacob, 2000