Légitimisme
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Le légitimisme est une tendance politique royaliste française basée sur les lois fondamentales du Royaume, de succession par ordre de primogéniture mâle, d'une part, et d'indisponibilité de la Couronne, d'autre part, selon lesquelles le roi de France ne peut être que l'aîné des Capétiens. On parle aussi de "loi salique" ou encore de « loi des mâles » (expression de Maurice Druon). D'après cette tendance politique, le roi de France (et de Navarre) — à travers cette loi de succession intangible — est désigné par Dieu (et non pas élu par des grands électeurs comme l'étaient l'empereur romain germanique ou le roi de Pologne).
Cette tendance est née en 1830, lors de la prise du pouvoir par Louis-Philippe, avec les royalistes partisans de la branche aînée des Capétiens, représentée par le roi Charles X (de 1824 à 1836), puis par son fils le "comte de Marnes" (Louis « XIX », de 1836 à 1844), puis par le neveu de ce dernier, qui porte d'abord le titre de duc de Bordeaux puis celui de « comte de Chambord » (Henri « V »).
Le 20 septembre 1833, alors qu'est célébrée à Prague la majorité du duc de Bordeaux, qui attire de nombreux royalistes français, les puissances européennes de la Sainte-Alliance ont ouvert depuis le 9 septembre la conférence de Münchengrätz, en Bohême. Au cours de cette conférence, aucune résolution n'est arrêtée à l'encontre de la monarchie de Juillet ni, a fortiori, pour rétablir les Bourbons de la branche aînée sur leur trône. D'ailleurs, à la suite du Royaume-Uni, l'Autriche, la Prusse et la Russie ont reconnu Louis-Philippe en 1830. Les légitimistes ne peuvent donc plus compter, comme en 1814, sur les armées étrangères pour reconquérir leur couronne[1].
Les légitimistes français ne peuvent donc tabler que sur leurs propres forces. Or, les tentatives de soulèvement – comme l'insurrection royaliste dans l'Ouest de la France en 1832 que tente d'organiser la duchesse de Berry – échouent, tandis que le parti légitimiste connaît une constante érosion électorale.
En 1883, à la mort du dernier Bourbon de la branche aînée, Henri « V », « comte de Chambord », petit-fils de Charles X, la majorité des anciens légitimistes - appelés par leurs adversaires « Blancs d'Eu », ou plus généralement « orléanistes » - a reconnu comme héritier légitime du trône de France, l'aîné de la branche cadette d'Orléans, petit-fils de Louis-Philippe, Philippe d'Orléans, comte de Paris (Philippe « VII » pour ses partisans).
Cependant, une partie des légitimistes, se basant sur l'application stricte des lois fondamentales du Royaume (qui ne reconnaissent aucun principe de nationalité dégagé à la Révolution Française), et considérant comme nulle la renonciation à ses droits sur le trône de France pour lui et sa descendance faite lors des traités d'Utrecht par le duc d'Anjou (Philippe V d'Espagne), a reporté alors ses espoirs sur un ex-infant d'Espagne, Jean de Bourbon, « comte de Montizón », aîné depuis 1861 des descendants de Philippe V et nouvel aîné depuis 1883 de tous les Bourbons. Jean de Bourbon (Jean « III » pour ses partisans) disputait depuis de longues années, et vainement, le trône madrilène à sa cousine Isabelle II d'Espagne, puis au fils de cette dernière, Alphonse XII, qui l'occupaient à son détriment.
Depuis lors, ces légitimistes français - appelés par leurs adversaires « Blancs d'Espagne », ou plus récemment « alfonsistes » - ont continué pour l'essentiel de considérer l'aîné des Bourbons comme le légitime prétendant au trône de France, même quand celui-ci se trouvait être un ex-roi d'Espagne, comme ce fut le cas en 1936, en la personne d'Alphonse XIII d'Espagne, à leurs yeux "Sa Majesté Alphonse Ier, roi de France".
Le légitimisme a connu un renouveau après la Seconde Guerre mondiale. Jacques Henri de Bourbon, duc de Ségovie (titre espagnol concédé par Alphonse XIII à son fils à l'occasion de son mariage), écarté de la succession éventuelle au trône d'Espagne par son père (pour cause de surdité due à une maladie d'enfance mal soignée), au profit de son frère cadet Jean de Bourbon, « comte de Barcelone » et père de l'actuel roi d'Espagne Juan Carlos, a entendu manifester ses "droits" en 1946 en tant qu'aîné des Capétiens, en reprenant le titre de « duc d'Anjou ».
Le légitimisme moderne n'incarne plus une revendication politique mais une tradition historique. La manifestation traditionnelle des légitimistes est la messe annuelle pour le repos de Louis XVI et Marie Antoinette à la chapelle expiatoire, dont ils ont obtenu la réouverture.
Leur tendance, longtemps peu connue du grand public (pas moins, d'ailleurs, que les autres tendances royalistes), a connu un certain regain à l'occasion du Millénaire capétien de 1987, où le prétendant légitimiste d'alors, Alphonse « II », duc « d'Anjou et » de Cadix (mort en 1989) a beaucoup voyagé en France, présidant plusieurs cérémonies commémoratives.
Il faut par ailleurs savoir que depuis l'avènement de Juan Carlos en 1975, d'une branche cadette des descendants d'Alphonse XIII d'Espagne, l'aîné des Bourbons, héritier présomptif, pour les légitimistes (ou "néo-légitimistes" comme les appellent leurs détracteurs), de la couronne de France, ne prétend plus au trône d'Espagne [2]. C'est une des raisons pour lesquelles le légitimisme connaît depuis trente ans un nouveau courant de sympathie.
Le légitimisme actuel s'est doté de plusieurs instances. Au premier chef figure l'Institut de la maison de Bourbon, fondé en 1973 par Jacques Henri de Bourbon, « duc d'Anjou et de Ségovie ». Il a été reconnu d'utilité publique en 1997. Placé sous la haute autorité de Louis de Bourbon, « duc d'Anjou », descendant à la onzième génération de Louis XIV, son président est actuellement Jacques de Bauffremont.
L'Union des cercles légitimistes de France (U.C.L.F.) a été fondée en 1979 par Gérard Saclier de la Bâtie. Son objectif est d'encourager l'étude de la légitimité historique française et de faire connaître la monarchie. Elle regroupe un grand nombre d'associations et de cercles. Elle en coordonne les activités soit directement, soit par l'intermédiaire de fédérations provinciales (telle la Fédération Bretonne Légitimiste) (www.uclf.org)
Parmi les revues légitimistes, on peut citer
- La Gazette royale. Organe de l'UCLF, fondée en 1984, elle a son siège au château de Bonnezeaux (49380 Thouarcé).
- La Blanche Hermine, organe de la Fédération Bretonne Légitimiste (FBL), fondée en 1987. Siège : BP 10307, 35703 Rennes cedex 7)
ou encore Le Lien légitimiste, fondé par Gérard de Villèle, et dont le siège social se situe 10, place Foire-le-Roi, à Tours.
Parmi les personnalités légitimistes les plus médiatiques, on peut citer l'animateur de télévision Thierry Ardisson, auteur d'un livre intitulé : "Louis XX", proche du Rassemblement démocrate qui prône une démocratie couronnée, à la manière de l'Espagne de Juan Carlos ou encore le journaliste Stéphane Bern, ancien secrétaire du défunt "comte de Paris" rallié à la même tendance.
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[modifier] Liens externes
- site Internet de l'Union des Cercles Légitimistes de France
- Vive le Roy : site d'études et de recherches légitimistes
- site Internet de l'UCLF
- site Internet du Cercle Henri IV
[modifier] Voir aussi
[modifier] Articles connexes
- Les légitimistes héritent des Ultras qui influencèrent la politique française du XIXe siècle.
- Monarchisme
- Conservatisme
- Mouvements politiques
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[modifier] Bibliographie
- Paul Watrin, La Tradition Monarchique, thèse de doctorat en droit 1916, Diffusion Université-Culture pour la seconde édition, Paris 1983
- Guy Augé :
- Les Blancs d'Espagne, Cahier de l'Association des amis de Guy Augé, 1994
- Succession de France et règle de nationalité, DUC, 1983
- Stéphane Rials, Le légitimisme, PUF, coll. « Que sais-je ? », n°2107, 1983
- Raoul de Warren et Aymon de Lestrange, Les prétendants au trône de France, L'Herne, coll. « Mémorables », 1990
- Prince Sixte de Bourbon de Parme, Le Traité d'Utrecht et les lois fondamentales du Royaume : Thèse pour le Doctorat, Paris : Édouard Champion, 1914 (réédition Paris : Communication & Tradition, 1998, collection « Archives des Bourbons », 264 pages).
- Hervé Pinoteau, Nouvelles précisions dynastiques, Paris : Sicre Éditions, 2001, 80 pages.
- Th. Deryssel (pseudonyme de Gustave Théry), Mémoire sur les Droits de la Maison d'Anjou à la Couronne de France, Fribourg (Suisse) : Imprimerie de Saint-Paul, 1885 (réédition Paris : Éditions Sicre, 2001, 52 pages).
- Gazeau de Vautibault, Contre la fusion, Paris : Éditions Sicre, 2001, 118 pages. Réédition de deux brochures :
- 1°) La Fusion. L'Héritier légitime de M. le Comte de Chambord, les Bourbons de la deuxième branche aînée, ses héritiers légitimes et les princes d'Orléans, Paris : E. Leroux et G. de Graet-Delalain, 1873, 16 pages ;
- 2°) Les Bourbons d'Anjou et d'Orléans. Exposé de leurs droits avec tous les documents à l'appui, Paris : E. Giraud et Ce, 1885, 32 pages.
- Jean Charbonnel, Les légitimistes : De Chateaubriand à de Gaulle, Editions de La Table Ronde, 2006 (ISBN 2710328569)
[modifier] Notes
- ↑ Selon une dépêche adressée à Louis-Philippe par son ministre de l'Intérieur, le comte d'Argout, le 9 septembre 1833, un agent légitimiste de retour de Prague aurait affirmé que la cause légitimiste était perdue, le prince de Metternich lui ayant déclaré qu'« il n'y avait qu'une seule affaire en Europe, c'était de comprimer l'esprit révolutionnaire, que le roi [Louis-Philippe] avait merveilleusement contenu les républicains en France, que Charles X était incapable d'en faire autant, que le duc d'Angoulême était un crétin, et qu'un enfant [le duc de Bordeaux] serait tout ce qu'il y a de pire au monde, qu'aussi les puissances ne feraient jamais la guerre pour rétablir la branche aînée » (cité par Guy Antonetti, Louis-Philippe, Paris, Fayard, 2002, p. 717).
- ↑ (même si Louis de Bourbon conserve également en Espagne un certain nombre de partisans, qui considèrent Juan Carlos comme un usurpateur)