Georges Sorel
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Georges Eugène Sorel (Cherbourg, 2 novembre 1847 - Boulogne-sur-Seine, 29 août 1922) est un philosophe et sociologue français, connu pour sa théorisation du syndicalisme révolutionnaire.
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[modifier] Biographie
Né d’un père négociant en huiles et eaux gazeuses, dont les affaires périclitèrent, et d’une mère très pieuse, il entre à l’École polytechnique (promotion X1865), puis aux Ponts et Chaussées. À 45 ans, il démissionne de son poste d'ingénieur en chef à Perpignan et s’installe à Paris, puis à Boulogne-sur-Seine avec Marie David, ancienne ouvrière, quasi illettrée, qu’il n'épousera jamais à cause, peut-être, de l’opposition de sa mère. Après sa mort en 1897, il lui dédie ses Réflexions sur la violence, « ce livre tout inspiré de son esprit ».
À partir de la seconde moitié des années 1880, il publie des études dans différents domaines (météorologie, hydrologie, architecture, physique, histoire politique et religieuse, philosophie). Il paraît alors influencé par la physique d'Aristote et par les études historiques d'Hippolyte Taine et d'Ernest Renan. En 1893, il déclare son engagement socialiste et marxiste. Il s'appuie sur ses lectures de Proudhon, de Karl Marx, de Giambattista Vico, puis de Henri Bergson, dont il suit les cours au Collège de France ; plus tard, il découvre le pragmatisme de William James. Il entretient une dense correspondance avec le philosophe italien Benedetto Croce et avec le sociologue Vilfredo Pareto. Après avoir collaboré aux premières revues marxistes françaises, L'Ère nouvelle et Le Devenir social, il participe à la charnière du XIXe et du XXe siècle au débat sur la crise du marxisme en prenant le parti d'Eduard Bernstein contre Karl Kautsky et Antonio Labriola. Favorable à la révision du procès de Dreyfus, il connaît alors une phase réformiste. En collaborant au Mouvement socialiste d'Hubert Lagardelle, il contribue vers 1905 à l'émergence théorique du syndicalisme révolutionnaire. En 1906, il y publie son texte le plus célèbre, les Réflexions sur la violence qui seront suivies par les Illusions du progrès.
Déçu par l'évolution de ce courant, il se rapprochera un moment, en 1909-1910, des monarchistes de Charles Maurras, mais sans en partager le nationalisme et la visée politique. Il flirte alors avec les traditionalistes de l’Action française et collabore de 1911 à 1913 à la revue L'Indépendance qu'il fonde avec Jean Variot, mais qu'il quittera en raison du nationalisme qui s'y exprime.
Farouchement opposé à l’Union sacrée de 1914, il condamne la guerre et salue l'avènement de la Révolution russe, en jugeant Lénine comme « le plus grand théoricien que le socialisme ait eu depuis Marx ». Très hostile à Gabriele D'Annunzio, qui entreprend de conquérir Fiume, il ne montre pas davantage de sympathie pour la montée du fascisme.
Mis à part ses réflexions d'ordre métaphysique et religieux ou encore son intérêt pour l'histoire et les sciences mécaniques et physiques, ce qui le caractérise le mieux, c'est son interprétation originale du marxisme, foncièrement anti-déterministe et politiquement anti-étatiste et anti-jacobine, fondée sur l’action directe des syndicats, sur le rôle entraînant du mythe, en particulier celui de la grève générale, et sur la fonction anti-intégratrice de la violence.
Il est le cousin de l'historien Albert Sorel.
[modifier] Influences et postérité
À la fois antidémocratique et révolutionnaire, la pensée de Sorel a influencé de nombreux penseurs et hommes politiques du XXe siècle, tant de droite que de gauche. Parmi eux, des gens d'Action française, comme Pierre Lasserre, des libéraux comme Piero Gobetti, des communistes comme Antonio Gramsci et le jeune Georg Lukács, des anti-conformistes comme Curzio Malaparte, des sociologues comme Jules Monnerot et Walter Benjamin, des politistes comme Carl Schmitt ou encore des économistes comme François Perroux. Benito Mussolini, arrivé au pouvoir, s'en réclamera. Son influence s'étendra jusqu'au Tiers Monde puisque le Péruvien et marxiste José Carlos Mariátegui ou le Syrien, militant du mouvement de libération nationale, Michel Aflaq compteront aussi parmi ses lecteurs. Sorel, en fait, est connu plus à l'étranger qu'en France. Par les nombreuses interprétations orientées, partielles et opposées dont il fut l'objet, Sorel reste cependant un grand méconnu.
[modifier] Œuvres
- Le Procès de Socrate, Examen critique des thèses socratiques, Paris, Alcan, 1889
- Essai sur la philosophie de Proudhon (1re éd. en article 1892), Paris, Stalker Editeur, 2007
- D'Aristote à Marx (L'Ancienne et la nouvelle métaphysique) (1re éd. en article 1894), Paris, Marcel Rivière, 1935
- Etude sur Vico (1re éd. en article 1896), repris in Etude sur Vico et autres écrits Paris, Champion, 2007.
- L'Avenir socialiste des syndicats (1re éd. en article 1898), Paris, Jacques, 1901
- La Ruine du monde antique, Conception matérialiste de l'histoire (1re éd. s.d. [1902], 2e éd. 1925), 3e éd. Paris, Marcel Rivière, 1933
- Saggi di critica del marxismo, Palerme, Sandron, 1903, retraduits in Essais de critique du marxisme. Oeuvres I, Patrick Gaud (ed.), Paris, L'Harmattan, 2007.
- Introduction à l'économie moderne (1re éd. 1903), Paris, Marcel Rivière, 1922
- Le Système historique de Renan, Paris, G. Jacques, 1906
- Insegnamenti sociali dell'economia contemporanea. Degenerazione capitalista e degenerazione socialista, Palerme, Sandron, 1907
- Réflexions sur la violence (1re éd. 1908), 4e éd. définitive Paris, Rivière, 1919 ; éd. avec bibliographie et index, Paris, Seuil, 1990
- La Décomposition du marxisme (1re éd. 1908), Paris, Marcel Rivière, 1910
- Les Illusions du progrès, Paris, Marcel Rivière, 1908
- La Révolution dreyfusienne (1re éd. 1909), Paris, Marcel Rivière, 1911
- Matériaux d'une théorie du prolétariat (1re éd. 1919), Paris, Marcel Rivière, 1921
- De l'Utilité du pragmatisme, Paris, Marcel Rivière, 1921
- Lettres à Paul Delesalle, 1914-1921, Paris, Grasset, 1947
- Lettere a un amico d'Italia, Bologne, Capelli, 1963
- La Décomposition du marxisme, anthologie éditée par Th. Paquot, Paris, PUF, 1982.
De nombreux textes inédits de Sorel ont été publiés dans la revue Cahiers Georges Sorel, puis Mil neuf cent. Les Tables de cette revue, publiée depuis 1983, sont consultables en ligne sur le site de la revue. La revue elle-même est en accès libre sur le portail Persée.
[modifier] Bibliographie
- Propos de Georges Sorel recueillis par Jean Variot, Paris, Gallimard, 1935 [la fiabilité de ces propos a été contestée par Shlomo Sand dans l'ouvrage ci-dessous]
- Shlomo Sand, L'illusion du politique. Georges Sorel et le débat 1900, Paris, La Découverte, 1984.
- Jacques Julliard, Shlomo Sand (eds.), Georges Sorel en son temps, Paris, Le Seuil, 1985,
- Georges Sorel, Cahiers de l'Herne, 1986.
- Willy Gianinazzi, Naissance du mythe moderne. Georges Sorel et la crise de la pensée savante (1889-1914), Paris, Ed. de la Maison des sciences de l'Homme, 2006.