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Christian Rakovsky - Wikipédia

Christian Rakovsky

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Christian Rakovsky
Кръстьо Раковски
Xристиян Георгиевич Раковски
Cristian Racovski

Naissance 13 aout 1873
à Gradets, Bulgarie
Décès 11 septembre 1941 (à 68 ans ans)
à Orel, Union Soviétique
Profession Révolutionnaire, Médecin, journaliste, politicien et diplomate

Christian Georgiévitch Rakovsky (13 aout 1873 – 11 septembre 1941) était un socialiste révolutionnaire, citoyen roumain né en Bulgarie. Militant connu de la Deuxième Internationale avant la Première Guerre mondiale, principale figure du mouvement socialiste roumain, ce médecin polyglotte, journaliste et militant traversa de nombreux pays d'Europe et fut expulsé de plusieurs d'entre eux pour ses activités politiques. Ami de Léon Trotsky durant toute sa vie, il participa à la conférence de Zimmerwald. Emprisonné par les autorités roumaines, il s’enfuit vers la Russie où il rejoignit le parti bolchévique après la révolution d’octobre 1917. Par la suite, il fut l'un des membres fondateurs de l'Internationale communiste, il devint chef du gouvernement de la République socialiste soviétique ukrainienne. Il prit part à la conférence de Gênes en 1922. Il fut ambassadeur soviétique à Londres et à Paris. Il s’opposa à Joseph Staline et rallia l’opposition de gauche. Se soumettant à l’autorité de Staline en 1934, il fut brièvement réintégré. Rakovsky fut néanmoins impliqué dans le procès des vingt et un (une partie des procès de Moscou), emprisonné et exécuté par le NKVD pendant la Seconde Guerre mondiale.


Sommaire

[modifier] Un jeune socialiste européen

Né en 1873 à Kotel, en Bulgarie, qui faisait alors partie de l'empire ottoman, dans une riche famille de propriétaires fonciers, les Stanchev, Christian Rakovsky devint roumain en 1878 suite à un déplacement de frontière. Il découvrit le marxisme au lycée. En 1890, il fut exclu à vie des lycées du pays pour son activité politique. À dix-sept ans, ce jeune homme brillant alla étudier la médecine à Genève où il ne tarda pas à rencontrer de nombreux exilés politiques socialistes, à commencer par le russe Gueorgui Plekhanov et la jeune Rosa Luxemburg. En quelques années, étudiant en Suisse, en Allemagne puis en France, il se fit connaître et apprécier de l'ensemble du mouvement socialiste européen. Influent parmi les petites colonies d'étudiants bulgares, il fut dès 1893 délégué au congrès de la Deuxième Internationale à Zurich où il eut le plaisir de rencontrer le vieil Engels. L'année suivante, il devint correspondant du Vorwärts, le principal quotidien social-démocrate allemand et entretint une relation amicale avec Wilhelm Liebknecht. Expulsé de Prusse comme « anarchiste », Christian Rakovsky termina ses études de médecine en France. C'est là qu'il soutint sa thèse en 1896.

En Suisse, Rakovsky s'était lié avec une étudiante socialiste russe, Elisaveta Pavlovna Ryabova. C'est par elle qu'il s'intéressa d'abord à la Russie. Ils se marièrent en 1898. La même année, il fut incorporé comme lieutenant médecin dans l'armée roumaine. Après son service militaire, Christian Rakovsky tenta de s'établir à Saint-Pétersbourg. Rapidement expulsé pour ses activités politiques, il ne put revenir qu'au prix d'un important pot-de-vin. Mais, en 1901, sa femme mourut en couches avec son nouveau-né.

Séjournant en France entre 1902 et 1904, Christian Rakovsky se fit connaître et apprécier dans le mouvement socialiste français. Il devint correspondant pour les Balkans de l'Humanité, le quotidien nouvellement fondé par Jean Jaurès. Il tenta vainement d'obtenir la nationalité française.

[modifier] À la tête du mouvement socialiste roumain

De retour en Roumanie, Christian Rakovsky s'impliqua totalement dans le soutien aux mouvements de grève qui secouèrent le pays à partir de 1905. Influencés par les événements qui se déroulaient au même moment en Russie, des milliers d'ouvriers de la jeune industrie roumaine exigèrent des augmentations de salaire et une amélioration de leurs conditions de travail, malgré les violences policières et l'envoi de la troupe contre eux. Rakovsky contribua au développement des syndicats roumains notamment en organisant un congrès ouvrier.

En mars 1905, il lança un hebdomadaire socialiste, Rômania muncitoare (La Roumanie ouvrière), dont l'activité fut le noyau autour duquel se regroupa le futur parti social-démocrate de Roumanie, fondé en 1910.

Pendant l'été 1905, les marins mutinés du cuirassé Potemkine se réfugièrent à Constanţa. Rakovksy dépensa beaucoup d'énergie pour prendre leur défense, exiger du gouvernement roumain qu'il leur accorde l'asile politique et faire connaître leur histoire au monde entier. Il fournit personnellement de l'aide et du travail à certains d'entre eux.

Début 1907, une violente jacquerie paysanne éclata en Roumanie qui s'en prit d'abord aux fermiers juifs avant de se retourner contre les grands propriétaires fonciers. Le gouvernement libéral, en accord avec le roi Carol, mena une répression féroce contre les paysans révoltés qui fit des milliers de morts. Le journal de Rakovsky prit courageusement position en faveur des insurgés, invitant les soldats à ne pas tirer sur les paysans et même à les rejoindre avec armes et bagages.

Craignant son activité révolutionnaire, le gouvernement roumain prit prétexte de l'origine bulgare de Rakovsky pour le déchoir, en toute illégalité, de la nationalité roumaine et l'expulser en 1907, au moment où il se trouvait à Stuttgart pour un congrès de l'Internationale. Dès protestations s'élevèrent contre cette décision dans la presse socialiste européenne. Christian Rakovsky n'était pas particulièrement attaché à sa nationalité roumaine, mais il tenait à mener le combat politique pour sa réintégration. En 1909, il tenta de rentrer clandestinement en Roumanie et fut refoulé. Une manifestation ouvrière en sa faveur eut lieu, qui fut brutalement réprimée. Finalement, en 1912, au terme d'une longue bataille juridique, Christian Rakovsky recouvra sa nationalité, juste à temps pour dénoncer les Guerres balkaniques de 1912-1913.

[modifier] Président du conseil des commissaires du peuple d'Ukraine

En internationaliste convaincu, Christian Rakovsky fut durement éprouvé par l'attitude des sociaux-démocrates européens lorsque éclata la Première Guerre mondiale en 1914. Il exposa son point de vue dans une brochure publiée en français sous le titre « Les socialistes et la guerre ». Il s'agissait de la réponse à une lettre que lui avait adressé Charles Dumas, chef de cabinet de Jules Guesde, socialiste renommé pour son intransigeance qui était pourtant entré dans un gouvernement d'union sacrée.[1] Militant pour que la Roumanie reste en dehors du conflit, il noua des contacts avec les socialistes hostiles à la guerre, notamment avec Léon Trotsky dont il finançait le journal Nache Slovo. En 1915, il participa à la conférence de Zimmerwald. En 1916, le gouvernement roumain le fit interner et le mit au secret. Il fut libéré de sa prison de Iaşi le 1er mai 1917 par le soviet des soldats russes qui cantonnaient dans la ville, contre la volonté du gouvernement russe qui présenta ses excuses au gouvernement roumain pour cette initiative. Cela n'empêcha pas Rakovsky de se rendre à Odessa où il reprit ses activités politiques.

Partisan convaincu de la Révolution mondiale, Rakovsky se rallia à la révolution d'octobre et rejoignit le parti bolchévik fin 1917 où il fut accueilli avec enthousiasme par Lénine et Trotsky. C'était un socialiste de premier ordre, internationalement connu à cette époque. Début 1918, il dirigea une offensive militaire victorieuse contre la Roumanie. Il espérait ainsi faire la jonction entre la révolution russe et les Balkans. Mais l'armée allemande mit un coup d'arrêt à cette avance. Et par le traité de Brest-Litovsk, les bolchéviks perdirent le contrôle de l'Ukraine. Début 1919, Rakovsky devint président du Conseil des commissaires du peuple d'Ukraine. Restait pour le gouvernement soviétique ukrainien à contrôler effectivement le pays. Rakovsky s'y efforça avec pour ambition d'établir la liaison avec la Hongrie soviétique de Bela Kun. Ce fut un échec, la politique de réquisition des produits agricoles lui ayant aliéné le gros de la paysannerie. Avec l'accord de Lénine, Rakovsky élabora en 1920 une politique plus respectueuse des aspirations paysannes et nationales ukrainiennes. Le régime soviétique put cette fois s'implanter dans le pays, non sans de durs combats menés par Mikhaïl Frounze contre les armées blanches, nationalistes et makhnovistes.

[modifier] Diplomate soviétique

En 1922, Rakovsky obtint un beau succès diplomatique en négociant avec l'Allemagne le traité de Rapallo qui permit à l'Union soviétique de sortir de son isolement. C'est pour ses talents qu'il fut nommé premier ambassadeur soviétique en Grande-Bretagne, en 1923. Il obtint du cabinet travailliste de Ramsay MacDonald la reconnaissance de jure de l'URSS par la Grande-Bretagne. Cette même année 1924, il devint ambassadeur à Paris. En France, la question du remboursement des emprunts russes occupa une bonne partie de son temps. Rakovsky considérait que le gouvernement révolutionnaire n'était pas responsable des dettes du tsar et que s'il fallait parler des dettes de l'URSS envers la France, il faudrait aussi parler des réparations des dommages de guerre causés par l'intervention française contre la Russie soviétique pendant la guerre civile. Il était néanmoins prêt à certaines concessions pour les petits porteurs. En 1927, sous un prétexte quelconque, le gouvernement français le déclara persona non grata et obtint son rappel en URSS. Aussi bien à Londres qu'à Paris, en tant que bolchévik, Christian Rakovsky avait été accueilli par un concert d'injures de la part de la presse conservatrice. Mais dans les deux capitales européennes, il avait su gagner l'estime de nombreuses personnalités en raison de son caractère aimable et de sa grande culture.

[modifier] L'opposition à la bureaucratie stalinienne

Christian Rakovsky et Léon Trotsky
Christian Rakovsky et Léon Trotsky

C'est à propos de la question nationale que Christian Rakovsky entra pour de bon en conflit avec Staline, en 1922, au moment de la discussion sur le statut de l'URSS. Il s'était convaincu en Ukraine de la nécessité de tenir compte des aspirations nationales des peuples d'Union soviétique. Beaucoup de communistes ukrainiens et géorgiens partageaient son point de vue et Lénine lui-même qui, avant d'être définitivement écarté de la vie politique par sa maladie, s'inquiétait grandement de la tendance au chauvinisme grand-russe d'une partie de l'appareil d'État bolchévik.

Dans les années suivantes, il participa au combat de l'opposition de gauche contre la dérive bureaucratique de l'appareil. Il lui semblait indispensable de restaurer la pratique démocratique à l'intérieur du parti communiste pour empêcher que se forme définitivement une caste de fonctionnaires irresponsables qui ferait passer ses intérêts propres avant ceux du prolétariat et ceux du socialisme. Rentré de France en octobre 1927, il fut le dernier porte-parole de l'opposition de gauche au comité central, mais fut rapidement empêché de s'exprimer et exclu du parti dès décembre.

En janvier 1928, Rakovsky fut exilé à Astrakhan, puis à Saratov et finalement à Barnaoul l'année suivante. Il développa sa conception de la bureaucratie dans une lettre publiée dans le Bulletin de l'opposition sous le titre « Les dangers professionnels du pouvoir ».[2] Après l'expulsion de Trotsky hors d'URSS, il demeura la plus haute personnalité communiste à contester Staline. Pendant six ans, il appliqua la politique de l'opposition de gauche qui consistait à se considérer comme toujours membre du parti communiste et à critiquer la direction du parti au nom de l'intérêt du socialisme. C'est ainsi que Rakovsky critiqua vivement la politique de collectivisation forcée dans les campagnes lancée par Staline en 1929 en raison d'une part des brutalités envers les paysans qu'elle supposait et en raison d'autre part du désastre économique qui devait en résulter pour l'agriculture soviétique.

[modifier] Une fin tragique

En 1934, peut-être dans l'espoir de sauver la vie de ses amis emprisonnés, Rakovsky capitula à son tour, après bien d'autres opposants de gauche. Il fut nommé commissaire du peuple adjoint à la Santé, mais sans disposer du moindre pouvoir réel. Par des pressions incessantes, les staliniens l'obligèrent à désavouer Trotsky, à signer un texte à la gloire de Staline puis à vitupérer les accusés du procès de Moscou en 1936.

Cela ne l'empêcha pas d'être arrêté une nouvelle fois en 1937. Après des mois d'interrogatoires et de brutalités de la part du NKVD, il finit par avouer les crimes absurdes qu'on voulait lui attribuer. Il fut jugé et condamné à vingt ans de prison en 1938. Il semble que, comme d'autres accusés lors des procès de Moscou, Rakovsky ait cherché à jouer au plus malin avec le procureur Vychinsky, avouant des crimes invraisemblables pour prendre à témoin l'opinion publique du caractère entièrement truqué de son procès.[3] C'est probablement en raison des amitiés dont Rakovsky bénéficiait un peu partout en Europe que Staline préféra ne pas le faire exécuter dans un premier temps. Staline ordonna finalement de le liquider peu après le début de l'invasion nazie, en 1941.

Christian Rakovsky fut longtemps oublié dans l'histoire officielle soviétique. En Roumanie, il fut réhabilité en 1977, du temps de Nicolae Ceaucescu qui autorisa la publication d'un recueil de ses articles traitant de la Roumanie d'avant 1917. En URSS, il fut réhabilité en 1988, comme un certain nombre de victimes de Staline à l'époque de Mikhaïl Gorbatchev. Mais à l'Ouest, rien n'a été fait pour sa mémoire dans l'historiographie officielle. À propos de l'historienne Annie Kriegel qui parle à son sujet de « mannequin lamentable, grotesque et bavard », Pierre Broué écrit : « En cherchant à humilier, plus encore que ne le fit Staline, la mémoire de Rakovsky et à tourner en dérision le choix qui fit de lui un martyr, Annie Kriegel donne un témoignage cru de son parti pris. Pour elle, un communiste honnête et attirant ne serait-il pas, comme pour les bourgeois réactionnaires français de 1927, le pire des communistes, qu'il s'agit dans ce cas d'assassiner moralement si Staline n'y a pas suffi ? »[4]

[modifier] Sources

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes

  1. Alfred Rosmer Le mouvement ouvrier pendant la Première Guerre mondiale, tome 1, ISBN 2-9507463-0-6, p. 417
  2. Texte disponible sur Marxists Internet Archives
  3. C'était l'opinion, notamment, de Boris Souvarine
  4. Pierre Broué, Rakovsky ou la Révolution dans tous les pays, Fayard, 1996, ISBN 2-213-59599-2, p. 390


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