Vespasienne
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Une vespasienne est un WC public collectif où les hommes peuvent uriner debout.
Tant qu'elles étaient gratuites et faute de meilleurs endroits, les vespasiennes surnommées « tasses » étaient utilisées par les homosexuels masculins comme lieux de rencontre. Le livre de Roger Peyrefitte cité plus bas est très explicite sur la question.
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[modifier] Histoire
La vespasienne est nommée en l'honneur de l'empereur romain Vespasien (9-79) qui avait eu l'idée, non de créer des urinoirs publics, mais d'établir un impôt sur la collecte d'urine laquelle était utilisée par les teinturiers et les blanchisseurs, et donc de rendre payant l'usage des toilettes publiques. Moqué pour cet impôt, il aurait répondu que « l'argent n'a pas d'odeur » (pecunia non olet), phrase devenue un dicton.
[modifier] À Paris
Elles apparaissent à Paris en 1834 par la volonté du préfet de la Seine, le comte Claude-Philibert de Rambuteau, et en 1843, on en décomptait 478 sur les trottoirs de Paris. Raillé par l'opposition, qui a bien vite baptisé l'édicule colonne Rambuteau, ce dernier lance l'expression colonne vespasienne, en mémoire de l'empereur Vespasien. Les sobriquets se multiplient.
« “Les édicules Rambuteau” s'appelaient des pistières. Sans doute dans son enfance n'avait-il pas entendu l'o, et cela lui était resté. Il prononçait donc ce mot incorrectement mais perpétuellement. »
— Marcel Proust, Le Temps retrouvé, p. 749.
Contemporains de Proust, des homosexuels du 16e arrondissement utilisaient le terme codé de baies, plus chic que l'argotique tasses, d'autres, plus populaires, les avaient baptisées Ginette. Celui de pissotière, en référence au « trou dans la muraille d'un navire pour laisser s'écouler l'eau de surface », est resté.
En 1839, le préfet de police Gabriel Delessert autorise l'installation des « colonnes moresques », supports d'affiches à l'extérieur et urinoirs à l'intérieur. Sous le Second Empire, Jean-Charles Alphand perfectionne la vespasienne en isolant l'intérieur du regard par un écran et en éclairant l'intérieur avec un bec de gaz. L'édicule est redessiné par Gabriel Davioud, qui remplace la maçonnerie par une structure en fonte. Ces « colonnes urinoirs » sont démolies en 1877, elles sont remplacées dès 1868 par les colonnes Morris.
Dans son roman Des Français, paru en 1970 chez Flammarion, un long chapitre a été consacré à ces édicules par Roger Peyrefitte qui, pour reprendre une des ses propres phrases, « payait peut-être un tribut de reconnaissance pour un organe autre que la vessie ». Selon lui, c'est au lendemain de la Libération que les gouvernements décidèrent de supprimer ces lieux de rendez-vous qui pervertissaient le moral du pays. « Les vespasiennes les plus proches des casernes disparurent les premières : il y allait du salut de la France. On supprima aussi aux abords des usines des vespasiennes prolétaires où de jeunes apprentis prodiguaient des joies coupables aux ouvriers syndiqués. » La menace se fit plus sérieuse en 1961 quand le Conseil Municipal de Paris décida leur suppression graduelle en raison de la mauvaise réputation de ces lieux et de l'odeur pestilentielle qui en émanait. Selon Peyrefitte il y eut une accalmie : « Une ligue, menée par un Anglais puritain, et les doléances d'honnêtes pisseurs ont permis d'arrêter le massacre. » Mais ce n'était qu'un répit : la fin de la gratuité des toilettes publiques parisiennes fut votée par le Conseil de Paris le 28 janvier 1980, et les quatre premières sanisettes payantes furent construites, et un contrat de concession de ces sanisettes (marque déposée en 1980) entre la Mairie de Paris et la société Decaux fut signé en 1991.
A l'occasion des premières échéances de ces contrats (prévus pour une durée de 10 ans), la mairie de Paris a négocié avec la société JC Decaux la gratuité d'accès aux sanisettes situées proches de lieux de distribution alimentaire (en faveur des plus démunis et notamment pour des raisons d'hygiène, de dignité et de propreté... et pour les Parisiens en général).
Cette tendance s'est accentuée depuis 2002 à la faveur de l'échéance de nombreux contrats de sanisettes JC Decaux. La généralisation de la gratuité a été mise en place à proximité des squares, parcs et jardins. Aujourd'hui dans Paris, plus de 200 de ces édicules sont gratuits et accessible aux personnes à mobilité réduite.
[modifier] De par le monde...
Depuis les années 1990, elles ont été remplacées dans la plupart des grandes villes du monde par des toilettes publiques individuelles payantes, mais à Hambourg ou à Amsterdam, le principe subsiste, dans une adaptation plus sophistiquée, et moins odorante.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Livres
- Roger-Henri Guerrand, Les lieux, histoire des commodités, Paris, La Découverte, 1985