Pierre Seel
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Pierre Seel (né le 16 août 1923 à Haguenau et décédé le 25 novembre 2005 à Toulouse), est la seule personnalité homosexuelle française à avoir témoigné à visage découvert de sa déportation durant la Seconde Guerre mondiale pour cause d'homosexualité.
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[modifier] Biographie
En 1939, à 17 ans, Pierre Seel se fait voler sa montre dans un parc de Mulhouse, connu comme lieu de rencontres d'homosexuels. Il va porter plainte au commissariat. À son insu, son nom a été inscrit dans le fichier des homosexuels du commissariat. Quelques mois après l'invasion allemande, il est convoqué à la Gestapo. Il est arrêté, interrogé, torturé et violé pendant deux semaines. En mai 1941, il est déporté au camp de concentration de Schirmeck, proche du camp de Struthof.
« Un jour, les haut-parleurs nous convoquèrent séance tenante sur la place de l'appel. (...) Il s'agissait en fait d'une épreuve autrement plus pénible, d'une condamnation à mort. Au centre du carré que nous formions, on amena, encadré par deux SS, un jeune homme. Horrifié, je reconnus Jo, mon tendre ami de dix-huit ans. (...) "Puis les haut-parleurs diffusèrent une bruyante musique classique tandis que les SS le mettaient à nu. Puis ils lui enfoncèrent violemment sur la tête un seau en fer blanc. Ils lâchèrent sur lui les féroces chiens de garde du camp, des bergers allemands qui le mordirent d'abord au bas-ventre et aux cuisses avant de le dévorer sous nos yeux. Ses hurlements de douleur étaient amplifiés et distordus par le seau sous lequel sa tête demeurait prise. Raide et chancelant, les yeux écarquillés par tant d'horreur, des larmes coulant sur mes joues, je priai ardemment pour qu'il perde très vite connaissance." (...) "Depuis, il m'arrive encore souvent de me réveiller la nuit en hurlant. Depuis plus de cinquante ans, cette scène repasse inlassablement devant mes yeux. Je n'oublierai jamais cet assassinat barbare de mon amour. Sous mes yeux, sous nos yeux. Car nous fûmes des centaines à être témoins. Pourquoi tous se taisaient-ils aujourd'hui ? Sont-ils donc tous morts ? (...) Mais je pense que certains préfèrent se taire pour toujours, redoutant de réveiller d'atroces souvenirs comme celui-ci parmi tant d'autres. Quant à moi, après des dizaines d'années de silence, j'ai décidé de parler, de témoigner, d'accuser. »
En novembre, il est libéré mais très vite enrôlé de force dans l'armée allemande et il doit aller se battre sur le front russe. À la Libération, comme la plupart des déportés, il ne souhaite pas parler de l'enfer qu'il a vécu. Il se marie et il a trois enfants.
En 1982, il est révolté par des propos homophobes de l'évêque de Strasbourg. Il sort du silence, quarante ans après sa déportation et témoigne de ce qu'il a vécu. En 1994, il écrit un livre : Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel. Grâce à lui et au soutien de quelques militants, la reconnaissance de la déportation homosexuelle se fait enfin, lentement et surtout très tardivement. Lionel Jospin, alors Premier ministre, l'évoque en 2001. Puis en avril 2005, le Président de la République Jacques Chirac en parle à l'occasion de la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation du 24 avril, de manière permettre aux associations homosexuelles de participer aux commémorations officielles : « En Allemagne, mais aussi sur notre territoire, celles et ceux que leur vie personnelle distinguait, je pense aux homosexuels, étaient poursuivis, arrêtés et déportés.»
A la suite de ses révélations, il est ruiné par son divorce; une partie de sa famille rompt avec lui.
Dès 1995, Pierre Seel est invité à porter son témoignage au public, dans plusieurs villes (Lille, Besançon, Marseille...) et sur la fréquence Radio Campus. Pierre Seel est interviewé en 1998 par l'"USC Shoah Foundation Institute" créé par Steven Spielberg, (Témoignage 20395 du catalogue, 90').
Son témoignage apparaît également dans le documentaire sur la déportation homosexuelle, Paragraph 175 de Rob Epstein et Jeffrey Freidmann.
Le film documentaire Amants des hommes (2006, 27') d'Isabelle Darmengeat sur la déportation homosexuelle en France reprend et utilise des extraits lus de l'autobiographie : "Moi Pierre seel déporté homosexuel".
Pierre Seel décède le 25 novembre 2005. Ses obsèques ont lieu trois jours plus tard à Toulouse, où il a vécu les dernières années de sa vie. Il est aujourd'hui inhumé dans le cimetière de Bram, dans l'Aude.
Le 23 novembre 2007, la ville de Toulouse annonce au Mémorial de la Déportation Homosexuelle qu'elle engage une procédure afin de baptiser une rue du centre ville du nom de Pierre Seel.[1] A l’unanimité, lors du conseil municipal de la ville du 21 décembre 2007, la nomination de la voie est votée.
La nouvelle rue, qui donne sur le port Saint-Sauveur, est inaugurée le 23 février 2008 par le maire de Toulouse. La plaque de rue porte l'inscription: "Rue Pierre-Seel - Déporté français pour homosexualité - 1923-2005" [2],[3]
[modifier] Notes et références
- ↑ La mairie de Toulouse engage le processus pour une «rue Pierre-Seel», tetu.com, 26 novembre 2007.
- ↑ Lettre de Jean-Luc MOUDENC, Maire de Toulouse - Attribution d'une rue toulousaine "Pierre-SEEL" - Les "Oublié(e)s" de la Mémoire
- ↑ Toulouse: la rue Pierre-Seel inaugurée , tetu.com, 25 février 2008.
[modifier] Bibliographie
- Pierre Seel, Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel, Éditions Calmann-Lévy, 1994 (ISBN 978-2702122778)
- André Sarcq, La guenille, Éditions Actes Sud, 1999 (ISBN 978-2742705245)
- Pierre Seel et Hervé Joseph Lebrun, De Pierre et de Seel, entretiens (2000), Create Space, 2005 (ISBN 978-1434836960)
- Jean Le Bitoux, Les oubliés de la mémoire, Hachette Littératures, 24 avril 2002 (ISBN 978-2012356252)
[modifier] Liens
- Une rue Pierre Seel à Toulouse
- Extraits de Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel
- Pierre Seel, déporté homosexuel Reprise d'une intervention à l'émission Homosapiens des Flamands Roses
- Isabelle Darmengeat
- Triangles roses
- 210 déportés homosexuels français article de J.F. Laforgerie
- L'ancien camp de déportation de Natzwiller-Struthof, en Alsace