Michel Meyer (philosophe)
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Michel Meyer, né le 11 novembre 1950, est un philosophe belge et professeur à l'Université Libre de Bruxelles. Sa réflexion porte principalement sur la rhétorique à laquelle il a largement contribué par l'introduction d'une approche de l'argumentation qu'il nomme la « problématologie ». Il est économiste de formation, maître ès arts (John Hopkins, États-Unis), licencié et docteur en philosophie (1979).
Élève de Chaïm Perelman, dont il beaucoup contribué à faire connaître la pensée, Michel Meyer a également consacré des travaux à la philosophie analytique, à Kant et à l'ontologie. Bien que se revendiquant d'une approche moderne de la rhétorique et du langage, Meyer reste fidèle à la tradition aristotélicienne (La Rhétorique, Les Topiques) dont il renouvelle les questionnements à la lumière des théories contemporaines de l'argumentation et de la philosophie du langage.
À travers son approche problématologique, Meyer s'est également intéressé aux problèmes posés par l'esthétique et, en particulier, la littérature. Dans la même perspective, il propose également de comprendre la réalité- notion problématique par excellence - en l'intégrant dans la dynamique (rhétorique) question/réponse qu'il place au centre de la problématologie et, plus largement, de la philosophie.
L'œuvre de Michel Meyer pourrait se scinder en deux parties : d'une part, la mécanique problématologique proprement dite – qui se retrouve dans De la problématologie et Questionnement et historicité - et, d'autre part, l'application de celle-ci à une thématique quotidienne susceptible de rencontrer n'importe quel individu au cours de son existence ; existence qui justement fait l'objet de questions.
Ce ne sont pas seulement des philosophes qui cherchent un sens à notre vie, c'est aussi les astrophysiciens, les médecins, et bien d'autres personnes encore. Seulement existe-t-il un sens à notre vie ? Voilà une question mille fois ressassée, des présocratiques jusqu'aux chercheurs d'aujourd’hui, et qui ne trouve pas réponse parce qu'elle est toujours présentée sous un même voile, celui de la tradition philosophique, celui d'une histoire de la philosophie – certes très importante – mais qui ne sort pas d'un système qui, à première vue, peut paraître clos. Michel Meyer casse cette approche classique pour renouer avec les fondements même de la pensée – de notre pensée -, de notre existence et des questions qui s'y rattachent.
[modifier] Principaux mécanismes de la théorie du questionnement
L'émergence de la théorie du questionnement ou problématologie est au cœur même de l'œuvre (Questionnement et historicité, De la problématologie) de Meyer.
La philosophie est un questionnement radical. Ce questionnement radical amène des réponses qui soulèveront d'autres questions. Par exemple, la réponse « Oui, demain je viens à l'université » est une réponse à une question précise comme : « Demain, venez-vous à l'université ? ». Cependant, rien ne nous interdit par rapport à cette réponse de nous interroger sur ce qu'est l'université. La question n'est certes pas posée, mais est pourtant implicitement présente : c'est ce que Michel Meyer appelle « l’effectivité » du questionnement ou encore « dérivée » du questionnement. Car la question ne se pose pas, mais elle est pourtant envisageable effectivement. De ce principe, l'on en déduit que tout fait est hors question. Ainsi « Kant est l'auteur de la Critique de la raison pure » est un fait hors question, car, d'une part, cette phrase est affirmative et non interrogative, et, d'autre part, elle apporte une réponse. Cependant, rien ne nous oblige à rester de marbre à ce fait. On peut l'interroger : qui est Kant ? Qu'est-ce que la Critique de la raison pure ? Ce type d'interrogation permet de dévier sur des phrases manipulatrices, rhétoriques, qui mettent en tension l'aspect de réponse ou de question.
Reculons encore un peu dans la théorie du questionnement. X est ce à quoi je suis en train de penser. Il est, pour vous, indéterminé. Devinez. Au départ, mon X est indéterminé, et, à côté de ce X indéterminé s'additionne le champ des surdéterminations, c’est-à-dire l'ensemble des réponses possibles à ce qu'est mon X en tant qu'il est indéterminé. Une catégorie ou un interrogatif peuvent réduire le champ des surdéterminations, auquel cas X est un peu moins indéterminé tout en l'étant encore malgré tout. Attribuons une catégorie à X, par exemple : courageux. En qualifiant mon X indéterminé de courageux, nous réduisons le champ des surdéterminations en déterminant l'objet même de notre interrogation davantage. Car si X est courageux, il ne peut pas ne pas l'être et nous justifions le principe de non-contradiction. De même, il est possible que X soit un homme (disons « être humain ») ou un non-homme, reste à vérifier. Ce sont des « questions rhétoriques ». En affirmant un nombre déterminé de déterminations nous parviendrons à identifier X.
L'utilité d'un tel problème, d'une telle approche, se situe dans les manipulations excessives et intentionnelles des individus peu scrupuleux. « N'est-il pas malhonnête ? » met en tension l'aspect de réponse et de question. Pourquoi ? Car cette phrase est une question, mais force la réponse dans le sens de l'émetteur.
Cette mécanique philosophique est le nœud même de la problématologie. Tout individu qui parvient à poser les bonnes questions et surtout, à mettre en question plutôt qu'à mettre en réponse, parviendra à distinguer l'essentiel de l'accessoire, à maintenir une sérénité constante et optimale au sein même de son existence, à jouir d'un ordre un peu plus adéquat en privilégiant le qualitatif et non le quantitatif, parce qu'au fond, c'est bien de cela qu'il s'agit : questionner les solutions et guider son existence dans la voie la plus juste possible.
[modifier] Bibliographie
- Découverte et justification en science - Kantisme, néo-positivisme et problématologie, Klincksieck, Paris, 1979.
- Logique, langage et argumentation, Hachette, Paris, 1982, (2e éd., 1985).
- Meaning and Reading. A philosophical Essay on Language and Literature, Benjamins, Amsterdam,
- De la problématologie : langage, science et philosophie, Mardaga, Bruxelles, 1986. Le Livre de Poche, 1994.
- Science et métaphysique chez Kant, P.U.F., Paris, 1988. 2e éd. Poche : Quadrige, Paris, P.U.F., 1995.
- Le philosophe et les passions. Esquisse d'une histoire de la nature humaine, Le Livre de Poche, Biblio-essais, Paris, Hachette, 1991.
- Pour une critique de l'ontologie, Editions de l'Université de Bruxelles, 1991. Edition de Poche, Quadrige, PUF, 1999.
- Langage et littérature, PUF, Paris, 1992;Quadrige, 2001.
- Questions de rhétorique, Hachette, Le Livre de Poche, Biblio-essais, 1993.
- De l'insolence : essai sur la morale et le politique, Paris, Grasset, 1995.
- Qu'est-ce ue la philosophie ?, Paris, Hachette, Biblio-Essais, 1997.
- Les passions ne sont plus ce qu'elles étaient, Bruxelles, Labor 1998.
- Histoire de la Rhétorique des Grecs à nos jours, avec Manuel Maria Carrilho et Benoît Timmermans, Le Livre de Poche, Biblio-Essais, 1999.
- Petite métaphysique de la différence, Paris, Hachette, Le Livre de Poche, Biblio-Essais, 2000.
- Questionnement et Historicité, Paris, PUF, 2000.
- Le tragique et le comique. Penser le théâtre et son histoire, Paris, PUF., 2003.
- La rhétorique, «Que Sais-je ? », PUF, 2004.
- Eric-Emmanuel Schmitt ou les identités bouleversées, Albin Michel, 2004.
- Qu'est-ce que l'argumentation?, Paris, Librairie Philosophique Vrin, 2005.
- Comment penser la réalité?, Paris, PUF, 2006.