Marranisme
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Le marranisme est le terme désignant le type de christianisme adopté par les Marranes.
Les Marranes (dérivé de l'espagnol et du portugais Marrano: cochon, lui-même de l'arabe محرّم muharram signifiant "rituellement interdit", se référant à la prohibition de la viande de porc des religions juive et musulmane), étaient des Juifs séfarades (Juifs de la Péninsule Ibérique), plus rarement des Maures ou des musulmans, qui furent forcés d'adopter une identité chrétienne, soit par la force suite aux persécutions des Juifs par l'Inquisition espagnole ou portugaise, ou qui se convertirent de leur propre gré à la religion catholique lors de la Reconquista et plus tard encore. Beaucoup d'entre eux durent fuir dans le sud de la France, en Flandre ou en Italie mais aussi dans l'Empire ottoman voire en Amérique du Sud. Nombre de Marranos poursuivant leurs traditions ancestrales, appelés crypto-juifs ou conversos, continuèrent à pratiquer leur judaïsme en secret, tout en professant publiquement le catholicisme.
Ces conversos représentaient plus de 100 000 habitants dans l'ensemble de la Péninsule Ibérique au XVe siècle. Il furent également appelés "Cristãos Novos" (nouveaux chrétiens) au Portugal, Xuetes (Xua, un mot catalan faisant référence à la préparation à base de porc, que les Xuetes consommaient afin de prouver la sincérité de leur catholicisme) dans les Îles Baléares, et Anoussim (contraint est un terme générique pour les Juifs convertis par la force et il n'est pas spécifique à cette période).
Au Portugal, beaucoup d'entre eux conservèrent leurs rites dans la clandestinité jusqu'à nos jours. Privés de rabbinat, leur calendrier s'est christianisé. Sans contact depuis des siècles avec le reste de la communauté, certains jusqu'à il y a peu, ignoraient leurs origines juives, et leurs pratiques religieuses mêlaient d'ailleurs éléments juifs et chrétiens. Ce fut le cas des communautés de Belmonte, un village situé au nord du district de Castelo Branco, et des villages avoisinants (Covilhã, Fundão, Idanha, Penamacor, Vimioso, etc.), ou encore de Miranda do Douro (dont le dialecte mirandais est la langue portugaise archaïque melée de mots hébreux) "découvertes" en 1917 ou encore des marranes du Nord-Est du Brésil qui sortirent de l'ombre dans le courant des années 1980.
Certains plats, tels le porco a alentejana au Portugal, furent, selon la légende, élaborés dans le but de débusquer ceux qui étaient suspects de conserver des coutumes kasher.
Une légende tenace veut que Maïmonide ait été marrane, sous prétexte qu'il vivait à la cour de Saladin. Il n'en est rien.
Baruch Spinoza était originaire d'une communauté marrane. Cependant, le retour à la religion s'était effectué deux générations plus tôt et Spinoza renia purement et simplement sa tradition.
Antoine de Luppes, le grand-père maternel de Michel Eyquem de Montaigne fut par contre authentiquement marrane, et à ce titre, chassé d'Espagne un siècle après l'expulsion des Juifs (bien que sa conversion au christianisme fût, semble-t-il, sincère), ainsi que, selon certains, Christophe Colomb.
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[modifier] Sens dérivé
Par extension, se dit de tout converti au catholicisme par la force et, particulièrement, des renégats protestants des Cévennes et de Normandie. Convertis lors des dragonnades, ils pratiquaient le catholicisme le dimanche et conservaient leur foi spécifique en cachette comme en témoignent les caches spécifiques pour les Bibles sous le foyer des cheminées des maisons cévenoles et les bibles de chignon d'un format si petit qu'on pouvait les cacher dans le chignon des femmes.
[modifier] Sources
- Henri Méchoulan (Hrsg): Les Juifs d’Espagne histoire d’une diaspora 1492-1992. Levi, Paris 1992. ISBN 2-86746-078-6
- Israël S. Révah: Les Marranes. in: Revue des Études Juives. Peeters, Paris 1959, 118, S. 29-77. (ISSN 0484-8616)
- Cecil & Irene Roth, A history of the Marranos, Sepher-Hermon Press, 1974. ISBN 0-87203-040-7
- Cecil Roth, A history of the Jews. New York: Schocken Books, 1961.
Cet article comprend du texte provenant de la Jewish Encyclopedia de 1901–1906, une publication tombée dans le domaine public.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens externes
- Site du Consistoire ;
- Schmuel Trigano le chaînon manquant du théologico-politique : le laboratoire marrane de la modernité.
[modifier] Bibliographie
- Anne-Lise Polo La Nef marrane: Essai sur le retour du judaïsme aux portes de l'Occident, Presses de l'Université du Québec, Québec, 2001, 276 p. Cet ouvrage vise à éclairer le paradoxe de ce double retour, retour des juifs dans l'espace européen d'où ils ont été chassés durant le Moyen Âge, retour des juifs convertis à la foi de leurs pères. Pourquoi les États chrétiens qui ont mis des siècles à extirper le judaïsme de leur sein admettent-ils leur retour et cela au prix d'une inversion du processus de conversion ?
- Nathan Wachtel, La Foi du souvenir: Labyrinthes marranes, Le Seuil, Paris, 2001, 201 p.