Marie-Madeleine Guimard
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Marie-Madeleine Guimard | |
Naissance | 1743 à Paris |
Décès | 1866 (à 23 ans) à Paris |
Nationalité | France |
Profession | Danseuse |
Marie-Madeleine Guimard (« la Guimard ») baptisée le 27 décembre 1743 à Paris où elle est morte le 4 mai 1816, est une danseuse française.
Sommaire |
[modifier] Les débuts
Fille naturelle d’un inspecteur des toiles de Voiron, qui ne la reconnaît que douze ans plus tard, élevée par une mère intéressée entendant monnayer les charmes de sa fille, Marie-Madeleine Guimard commence sa carrière de danseuse en 1758 à la Comédie-Française qui possédait alors un corps de ballet. Mais son ascension sociale date de son admission en 1761 à l’Académie royale de Musique.
L’Opéra, appelé le « tripot lyrique », servait de vivier de jeunes sujets pour la riche société capable de les entretenir sur un grand pied. Cette situation est admise et tolérée du fait de la franchise que confère aux intéressées l’engagement à l’opéra. Une fois « encataloguée », la jeune artiste échappe à la fois à la police et à la tutelle parentale.
« Bien faite et déjà en possession de la plus jolie gorge du monde, d’une figure assez bien, sans être jolie, l’œil fripon et portée au plaisir », elle plaît aux hommes malgré une maigreur qui deviendra célèbre. En 1760, elle a une première liaison avec le danseur Léger dont elle a un enfant. Sans ressources, elle accouche dans un grenier au milieu de l’hiver, « sans feu et sans courtepointe de dentelle ».
Ensuite, les amants se succèdent sans qu’aucun ne lui assure la stabilité d’un entretien durable, jusqu’à sa rencontre avec Jean-Benjamin de Laborde, premier valet de chambre ordinaire du roi et compositeur de musique. Une fille, appelée également Marie-Madeleine, naît de cette liaison en avril 1763. Largement entretenue, Marie-Madeleine est en droit d’obtenir les signes extérieurs de l’aisance dont bénéficient ses collègues de l’opéra.
[modifier] Le Théâtre de Pantin
Ces travaux ont été évidemment à la charge de Charles de Rohan, prince de Soubise, richissime amant de la Guimard qui pour autant conserve Laborde comme « amant honoraire ». Véritable sultan, il entretenait plusieurs maîtresses à la fois généralement recrutées dans le corps de ballet de l’opéra, et qu’il ne quitte jamais sans leur assurer de confortables pensions. Il était en mesure de faire vivre la Guimard dans un luxe qu’elle n’avait jamais connu et de lui permettre d’avoir un train de vie ostentatoire surpassant celui de ses rivales. Parmi ses exigences, elle voulait organiser des spectacles à Pantin capables d’attirer un public de choix. Dans ce but, un théâtre est mis en chantier au cours de l’année 1768 en vue de son ouverture en décembre. La maison, achetée deux ans plus tôt, le 7 septembre 1766, se composait de deux corps de bâtiment situés rue de Montreuil (actuelle rue Charles-Auray) à l’emplacement de l’école Paul-Langevin.
On ignore le nom de l’architecte du théâtre de Pantin. Est-ce Ledoux, qui construira son Hôtel de la Chaussée d’Antin ? Aucun document pour le moment ne permet de l’établir avec certitude.
Dès lors, pendant cinq années, Pantin va devenir un village très célèbre. « On parle d’aller à Pantin comme d’aller à Versailles » applaudir des spectacles « pour lesquels Charles Collé semble faire uniquement son théâtre de société, Carmontelle écrire ses proverbes, de La Borde composer sa musique ». Ces spectacles « où le tout-Paris aristocratique du temps, y compris les princes du sang, brigue l’honneur d’être admis », font scandales à cause de leur libertinage. Ils débutent le jeudi 7 décembre, jour de la Vierge, par La Partie de chasse de Henri IV, qui, en raison de son succès, est redonnée la veille et le jour de Noël. En juillet de l’année suivante, le bruit court d’une suspension des spectacles du fait de la défection de Soubise, mais ils reprennent peu après avec le triomphe de La tête à perruque.
Des représentations de plus en plus licencieuses se succèdent, à tel point qu’on craint leur interdiction par les autorités, notamment « la parade la plus épicée de Vadé », Madame Engueule, parade suivie d’une fricassée dansée par la Guimard et par Jean Dauberval devenu son greluchon. De même La vérité dans le vin de Charles Collé, qualifié de « chef-d’œuvre du théâtre grivois » obtient un franc succès. La Guimard y joue un rôle, de sa voix qualifiée de sépulcrale. Il est possible de se faire une idée de cette tonalité grivoise, par le discours de clôture de septembre 1770 reproduit par Goncourt dans sa biographie. Centré sur les notions « d’entrée et de sortie », il est d’une lourde vulgarité.
Bientôt l’argent de Soubise ne suffit plus pour satisfaire les exigences de la Guimard. Elle augmente ses revenus par le concours financier de monseigneur de Jarente de La Bruyère, évêque d’Orléans, devenu son amant.
[modifier] Le « Temple de Terpsichore » à Paris
Cédant à la mode, elle se fait construire par l’architecte Ledoux un magnifique hôtel dans le nouveau quartier de la chaussée d’Antin, comportant une salle de spectacle pouvant accueillir 500 personnes. L’ouverture attendue de ce « temple de Terpsichore » s’effectue le 8 décembre 1772, mettant fin aux spectacles de Pantin.
Un dîner prévu dans l’hôtel fut interdit par l’archevêque de Paris. Les victuailles de ce festin de cent couverts furent alors portées au curé pour en faire la distribution aux pauvres, et ce festin manqué s’appela le « Souper des Chevaliers de Saint-Louis », à cause des cinq louis, prix de la cotisation…
Mais l’argent manqua bientôt et la danseuse fut dans l’obligation de mettre son hôtel en loterie (hôtel qui sera détruit lors des travaux effectués par le baron Haussmann).
Peu après sa retraite, elle se marie en 1789 avec Jean-Étienne Despréaux (1748-1820), danseur et chansonnier.
[modifier] Liens externes
[modifier] Bibliographie
- Edmond de Goncourt, La Guimard, d’après les registres des Menus Plaisirs, de la bibliothèque de l’Opéra, Paris, 1893.
[modifier] Divers
Extraits des Mémoires secrets de Bachaumont concernant La Guimard :
24 janvier 1768 (III)
On parle beaucoup d’une belle action de Mlle Guimard, la première danseuse de l’opéra. Cette actrice, très célèbre pour ses talents, ayant un rendez-vous dans un faubourg isolé, avec un homme dont la robe exigeait le plus grand mystère, a eu l’occasion d’y voir la misère, la douleur, et le désespoir répandus dans le peuple de ce canton, à l’occasion des froids excessifs. Ses entrailles ont été émues d’un pareille spectacle, et des 2000 écus, fruits de son iniquité, elle en a distribué elle-même une partie, et porté le surplus au curé de Saint-Roch pour le même usage. On sera peut-être surpris qu’il y ait un homme assez fol pour payer aussi cher une semblable entrevue. On le sera moins quand on saura que Mlle Guimard est entretenue par le maréchal prince de Soubise, dans le luxe le plus élégant et le plus incroyable. La maison de la célèbre Deschamps, ses ameublements, ses équipages n’approchent en rien de la somptuosité de la moderne Terpsichore. Ella aura trois soupers par semaine : l’un composé des premiers seigneurs de la Cour, et de toutes sortes de gens de considération ; l’autre, d’auteurs, d’artistes, de savants qui viennent amuser cette muse, rivale de Mme Geoffrin en cette partie ; enfin un troisième, véritable orgie, où sont invites les filles les plus séduisantes, les plus lascives, et où la luxure et la débauche sont portées à leur comble.
6 février 1768 (III)
Il se répand une épître de M. de Marmontel à Mlle Guimard, trop longue pour être transcrite ici. C’est à l’occasion de l’aumône dont on a parlé. Le poète, qui l’appelle la belle damnée, étale dans cette plaisanterie une gaieté pédantesque. On voit qu’il cherche à faire contre fortune bon cœur. Elle ne cadre nullement avec la componction qu’il devrait avoir et ne sent point le pénitent gémissant sous les censures ecclésiastiques. A propos de Mlle Guimard, on a oublié de dire que M. de la Borde, le valet de chambre ordinaire du roi, ne contribue pas peu à soutenir le luxe de cette actrice. M. le prince de Soubise est l’amant honoraire, le second est l’amant utile, mais modeste, se tenant toujours dans la plus grande réserve, sortant comme les autres, et même avant les autres, des soupers brillants qu’elle donne toutes les semaines, ainsi qu’on a dit.
12 décembre 1768 (III)
On parle beaucoup des spectacles magnifiques que donne, à sa superbe maison de Pantin, Mademoiselle Guimard, la première danseuse de l’Opéra, très renommée par l’élégance de son goût, par son luxe nouveau et par les philosophes, les beaux esprits, les artistes, les gens à talents de toute espèce, qui composent sa cour et la rendent l’admiration du siècle. M. de Marmontel n’a point craint de dégrader ses talents académiques et la hauteur de son âme, en adressant à cette courtisane une Epître si répandue, il y a un an. M. Collé semble avoir consacré son théâtre de société à être joué chez elle. M. de Carmontel a fait un recueil de proverbes dramatiques destinés au même effet. Ils ont été mis en musique par M. de La Borde, cet amateur, qui ne croit pouvoir mieux employer ses connaissances que par l’amusement de la moderne Terpsichore. Les acteurs des différents spectacles se dérobent, quand ils le peuvent, à leurs occupations, et viennent jouer à la maison de plaisance. Jeudi 7, fête de la Vierge, on a représenté la Partie de chasse de Henri IV, avec un proverbe, pour petite pièce, des auteurs dont on vient de parler. Le public brigue l’honneur d’être admis à ces spectacles, et c’est toujours un concours prodigieux. M. le Maréchal Prince de Soubise les honore souvent de sa présence, et ne contribue pas peu à soutenir cette dépense somptueuse. Mademoiselle Guimard y joue quelques fois, mais son organe sépulcral ne répond pas à ses autres talents. C’est une courtisane qui sera vraiment époque par-là, et par son art dans les raffinements des voluptés et dans les orgies qui se célèbrent souvent chez cette nymphe, dont on rapporte des choses merveilleuses.
29 décembre 1768 (III)
Mademoiselle Guimard se disposait à continuer, la veille et le jour de Noël, les spectacles délicieux qu’elle donne chez elle et dont on a parlé. Une défense de M. de Richelieu aux comédiens du Roi des deux troupes, de jouer ailleurs que sur leur théâtre sans la permission de S. M., a arrêté le cours de ses divertissements. On applaudit fort à cette prohibition. Les absences fréquentes des meilleurs acteurs, et la liberté qu’ils prenaient de se consacrer à l’amusement de quelques particuliers, leur ont mérité à juste titre l’animadversion des gentilshommes de la chambre. Mademoiselle Guimard sera obligée d’avoir une troupe de comédiens à elle, et c’est un nouveau genre de luxe très digne de sa magnificence.
11 juin 1769 (IV) [fête à Issy chez le prince de Conti] :
M. de Carmontel, lecteur de M. le duc de Chartres, en avait arrangé les parties. On connaît les talents de cet amateur pour ces sortes de divertissements ; c’est lui qui dirige les spectacles que donne Mademoiselle Guimard à Pantin, avec autant de goût que de magnificence. Il est fort célèbre par son génie que par la caricature, et par de petits drames appelés Proverbes, qui ont été répandus par l’impression, et que plusieurs sociétés exécutent, ne pouvant s’élever jusqu’à des spectacles plus grands, plus étendus et plus complets.
9 juillet 1769 (IV)
Un sujet de l’Opéra très précieux au public dans son genre excite les craintes de la perdre. Mademoiselle Guimard, dont les talents pour la danse font les délices des amateurs, est à la veille, dit-on de faire banqueroute ; on assure que M. le Maréchal Prince de Soubise lui retira les 2000 écus par mois, dont il la gratifiait ; ce qui fait un objet de 72 000 livres de rentes de moins, fixes par an, indépendamment des objets particuliers. M. de La Borde est ruiné et ne peut plus contribuer aux amusements de cette nymphe que par son goût et par sa musique. Elle a été obligée de suspendre des délicieux spectacles, et divers créanciers la tourmentent au point qu’elle ne sait de quel côté faire face. On évalue à plus de 400 000 francs le montant de l’argent qu’il lui faudrait pour le présent. On espère pourtant que quelque Milord, ou baron allemand, viendra au secours de la moderne Terpsichore : nouvelle honte pour les Français, si un étranger leur donnait cet exemple !
19 septembre 1769 (IV)
Les spectacles de Mademoiselle Guimard, qu’on avait dit être discontinus par la retraite d’un amant distingué qui ne subventionnait plus aux frais considérables de cette fête, ont repris depuis quelques temps et se continuent avec autant de succès que d’affluence. On n’y joue communément que des petits drames faits exprès pour le lieu : quelques amateurs se sont voués à l’amusement de cette nymphe, et toute la musique qui s’y exécute est de M. La Borde. Ce sont les camarades des deux sexes de Mademoiselle Guimard qui la secondent dans les représentations où elle se prodigue elle-même avec beaucoup de complaisance. On sait qu’elle a une très vilaine voix, mais elle a dans son jeu une minauderie qui plaît à ses partisans, et qui pourrait passer pour du naturel par la grande habitude où elle est de s’y exercer. Il paraît que de tous les petits ouvrages composés pour ce théâtre : la tête à perruque est celui qui remporte la palme au gré des connaisseurs. Du reste, on entre que par billet, et c’est ordinairement le rendez-vous des plus jolies filles de Paris et des plus aimables libertins. Il y a des loges grillées pour les honnêtes, pour les gens d’église, et les personnages graves qui craignent de se compromettre parmi cette multitude de folles et d’étourdis.
23 septembre 1770 (V)
On a parlé l’année dernière du théâtre de Mademoiselle Guimard à sa délicieuse maison de Pantin, et des spectacles qu’on y jouait avec toute la galanterie possible. Voici le très juste compliment de clôture qui y a été prononcé la semaine dernière, le jour où on a représenté pour la dernière fois.
- Messieurs …
"Autant que l'usage des choses de théâtre a pu me donner de pratique : non, je mets la charrue devant les bœufs, Messieurs : je veux dire autant que la pratique des choses de théâtre a pu me donner d'usage, j'ai remarqué en général, j'ai même expérimenté, que les clôtures sont biens plus difficiles à faire que les ouvertures, que le moment où l'on rentre à quelque chose de bien plus gracieux, de plus agréable, que le moment où l'on sort ; et que les actrices ne pourraient jamais se consoler des regrets de la sortie, si elles n'envisageaient jamais se consoler des regrets de la sortie, si elles n'envisageaient l'espérance d'un bout de rentrée. Ce discours tend à vous montrer d'un clin d'œil, à vous exposer d'une manière qui ne tombera pas en oreille d'âne, Messieurs, à rapprocher enfin par un trait insensible les avantages de la sortie avec ceux de la rentrée, la clôture, enfin de l'ouverture.
Mais ne pensons point à l'ouverture, quand nous en sommes à la clôture : ne pensons pas au commencement du Roman, quand nous en sommes à la queue. C'est le plus difficile à écorcher, Messieurs ; on le sait, et c'est pour cela que je rentre dans la matière de mon compliment, et que j'en reviens à la clôture d'aujourd'hui, ce qui fait le fond de mon sujet. Vous trouverez notre clôture bien courte, bien petite, en comparaison des ouvertures si grandes, si brillantes, Mesdames, dont nous vous sommes redevables. Quelles obligations ne vous avons nous pas pour les avoir soutenues ainsi agréables, douces et faciles, pour avoir écarté à propos ces critiques qui vilipendent sans cesse un acteur ; l'obligent de se retirer la tête basse et la queue entre les jambes ! Vous avez soutenu notre zèle, supplée à notre faiblesse, en nous prêtant généreusement la main pour nous dresser selon vos désirs, en nous prêtant généreusement la main pour nous dresser selon vos désirs, et nous avez mis par ce moyen dans le cas d'entrer en concurrence avec les sujets du premier talent, qui marchent toujours la tête levée, et aux quels on ne peut reprocher qu'un peu trop de raideur, défaut dont ils se corrigent aisément.
Que dis-je ? je m'aperçois que je m'allonge un peu trop sur les efforts de nos acteurs ; que je pourrais m'étendre sur quelques-unes unes de nos actrices. Mais ce n'est pas là le moment ; je me contenterai de vous dire que si nous donnons aujourd'hui quelque relâche à vos amusements et à notre spectacle, c'est reculer pour mieux sauter. Et, quoiqu'il ne soit pas permis à tout le monde d'être heureux à la rentrée, c'est cependant sur elle que nous fondons toute notre espérance ; et voici quel en est le motif :
Air : Je suis Gaillard
Esope un jour avec raison disoit,
Qu'un arc qui toujours banderoit
Sans doute se romperoit,
Si le nôtre se repose,
Mesdames, c'est à bonne cause,
A ce qu'il nous paroit.
De ce repos vous verrez les effets,
Nous ferons des apprêts
Pour de nouveaux succès ;
Et nous le détendons exprès
Pour mieux le tendre après."
C’est le sieur de La Borde, premier valet de chambre du Roi, grand amateur et compositeur de musique, le directeur des spectacles de Mademoiselle Guimard, qui avait commandé le compliment ci-dessus au sieur Armand fils, concierge de l’hôtel des comédiens et auteur de quelques drames, en le priant de le faire le plus polisson, le plus ordurier qu ‘il serait possible. Il y avait d’honnêtes femmes à ce spectacle, mais en loge grillée ; car ce sont les filles qui occupent l’assemblée et remplissent la salle.
17 octobre 1770 (XIX) : [Epître à Mlle Dervieux]
31 décembre 1770 (XIX)
Aux couplets, cantiques et chansons qui ont amusé les amateurs de l’opéra a succédé une caricature qui fait l’objet de leur curiosité et de leur empressement. Il faut se rappeler, pour son intelligence, ce qu’on a dit il y a déjà quelques temps, que M. le Prince de Soubise donnait 2000 écus par mois à Mademoiselle Guimard, célèbre danseuse du théâtre lyrique, que le sieur La Borde composait la musique des spectacles de cette Terpsichore, et présidait à leur exécution, et qu’enfin le sieur Dauberval était l’ami de cœur, ce que ces demoiselles appellent en termes techniques le Guerluchon. En conséquence, dans l’estampe en forme de concert, on y voit d’une part le Prince de Soubise jouant de la poche ; le sieur La Borde tenant un ballet d’une main et de l’autre une règle ou bâton de mesure ; le sieur Dauberval donnant du cors et la Demoiselle Guimard se balançant comme en cadence, et tenant en main un papier chargé de quelques notes de musique avec ce titre en gros caractères, CONCERT A TROIS.
30 août 1771 (XIX)
La Cinquantaine a donné lieu à une épigramme, qui sans être bien aiguisée par la pointe, est d’une belle simplicité grecque et fait anecdote. Il faut savoir que l’auteur de la musique est un des entreteneurs de Mademoiselle Guimard.
-
- Après Rameau paraît La Borde.
- Quel compagnon ! Miséricorde !
- Laissez notre oreille au repos :
- De vos talents faites-nous grâce ;
- De la Guimard allez compter les os,
- Monsieur l’auteur on vous le passe.
- Après Rameau paraît La Borde.
27 juillet 1772 (XXIV)
La fameuse parade exécutée sur le théâtre de Mademoiselle Guimard a pour titre Madame Engueulle et cause beaucoup de rumeur ; on craint que la police ne prenne inspection de ce spectacle licencieux et le fasse fermer.
9 septembre 1772 (XXIV)
Il y a bien hier chez Mademoiselle Guimard à Pantin un spectacle délicieux, que M. Le Duc de Chartres a honoré de sa présence, mais incognito. C’était vacance des théâtres publics à cause de la fête de la Vierge, ce qui a permis à cette Aspésie de jouir de plusieurs comédiens français. On y a exécuté un opéra comique nouveau, intitulé Jannot, qui a fait peu de sensation. Il n’en est pas de même de la Vérité dans le Vin du sieur Collé, ouvrage connu et imprimé, plein de peintures fortes, d’un dialogue chaud, et de la composition la plus vraie. On ne peut rien voir de mieux joué que cette dernière pièce. Trois excellents acteurs, tirés de la Comédie française, savoir les sieurs Feuillie, Drazon, Oger y ont déployé des talents supérieurs à tout ce qu’ils ont montré jusqu’à présent. Mlle Lafond, danseuse de l’opéra, et Mlle Guimard, la maîtresse du lieu, ont secondé à merveille ces personnages, surtout la dernière dont la voix naturellement rauque et désagréable quand elle parle, perd sa mauvaise qualité dans le chant et devient ravissante. Les plus jolies filles de la capitale, qui formaient en femmes le fond de l’assemblée, la rendaient charmante. Il n’est que Paris pour trouver ainsi une courtisane donnant à ses frais un divertissement de prince, et qui ruine ordinairement les millionnaires les plus riches : d’ailleurs chez les grands seigneurs, il règne par essence, un respect, un sérieux, une contrainte absolument bannis de chez Mademoiselle Guimard, tout à raison de l’héroïne, que du genre de la compagnie et de celui des ouvrages, dont quelqu’un en place ne pourrait tolérer la licence chez lui, sans s’exposer à l’animadversion de la police, du ministère et du public.
23 juillet 1772 (VI)
Les spectacles de Mademoiselle Guimard continuent à sa maison de Pantin. Elle y a fait jouer hier une parade toute nouvelle, qui a paru délicieuse à la société, c’est-à-dire extrêmement grivoise, polissonne, ordurière. Vadé, le coryphée de genre, n’a jamais rien fait de plus épicé. On sait que les spectateurs de cette assemblée ne sont pas en général forts délicats : ce sont les filles de Paris, et les hommes attachés à cette espèce de compagnie, qui la forment. Ainsi tout est analogue. Cependant des femmes qui ne veulent point renoncer à la qualité d’honnêtes, et cependant rire, vont incognito à ces fêtes, et s’y placent dans des loges grillées ; mais tout cela est pour la forme, car on les déchiffre bientôt. A la fin, Mademoiselle Guimard et Dauberval ont dansé la fricassée, pantomime qui couronnait à merveille le spectacle.
5 août 1772 (VI)
On a parlé d’un chantre de la Rochelle, enlevé par lettre de cachet au chapitre de cette ville, pour le présenter sur la scène lyrique. Le public était impatient de voir paraître une haute-contre de grande distinction. On a appris enfin qu’on l’avait fait débuter sur le théâtre de Mademoiselle Guimard à Pantin, le jour où l’on donna Madame Engueule, et qu’il avait été décidé par les amateurs, qu’il ne pouvait convenir ; que sa voix était magnifique dans le haut, mais n’avait point de bas. On a renvoyé ce chantre, qui après avoir goûté des filles d’opéra, répugnait beaucoup à retourner avec les cuistres ses confrères.
13 août 1772 (VI)
On rit beaucoup de voir Mademoiselle Guimard, cette danseuse de l’Opéra, ancienne maîtresse de Prince de Soubise, et pour qui ce seigneur continue à avoir une grande considération, donner des permissions de chasse, comme une Dame d’importance. M. de Soubise, comme capitaine des chasses, lui accorde dans les plaisirs du roi un canton où elle fait chasser pour sa table, et permet à ses amis d’aller. Les danseurs, les chanteurs, les acteurs de nos spectacles briguent la faveur de cette nouvelle Diane, c’est à qui d’entr’eux jouira d’un exercice si attrayant, et dont la Noblesse depuis longtemps réclame le privilège exclusif.
3 décembre 1772 (VI)
C’est mardi prochain que doit se faire l’ouverture du théâtre de ville de Mademoiselle Guimard, à sa nouvelle maison de la Chaussée d’Antin, appelée le Temple de Terpsichore. Cette annonce excite la curiosité des amateurs et c’est une fureur pour avoir des billets. On doit jouer la Partie de chasse d’Henri IV et la Vérité dans le Vin. Ce sont des acteurs de la Comédie Française qui doivent exécuter la première pièce. En vain M. le Maréchal Duc de Richelieu s’était opposé à cet abus et avait arrêté avec les autres Gentilshommes de la Chambre qu’il n’aurait pas lieu, M. le Maréchal Prince de Soubise et le sieur de la Porte qui ont l’oreille du Roi et qui sont les principaux tenants de cette danseuse, ont fait donner aux comédiens un ordre de S. M. qui annule celui des Gentilshommes de la Chambre.
9 décembre 1772 (VI)
Le spectacle de Mademoiselle Guimard s’est ouvert hier, malgré de nouveaux efforts de M. l’Archevêque de Paris. Pour contenter en partie ce prélat, on a supprimé la pièce de la Vérité dans le Vin, et l’on a dit le quolibet que Monseigneur ne voulait pas qu’elle sortit du tonneau, plus que du puits. On y a substitué une farce en pantomime, intitulée Pigmalion, c’est-à-dire une parade faisant la parodie de cet acte. La salle a paru de la plus grande élégance. C’est en petit celle de Versailles. Il y a des loges ouvertes et des loges grillées. Elle contient environ 500 personnes. L’assemblée était charmante par la quantité de filles du plus joli minois et radieuses de diamants : en hommes la compagnie était très bien composée : deux princes du sang s’y sont trouvés, M. le Duc de Chartres et M. le Comte de la Marche.
23 décembre 1772 (VI)
La Demoiselle Guimard ayant dansé dans un petit ballet que Madame la Comtesse Dubarry a donné, a reçu du Roi une pension de 1500 livres. Cette légère faveur a été acceptée à cause de la main dont elle vient, car on sent que ce n’est qu’une goutte d’eau dans la mer ; il y aura de quoi payer le moucheur de chandelles des spectacles de cette illustre courtisane.
26 décembre 1772 (VI) [Sur l’hôtel de la Chaussée d’Antin]
1 juin 1773 (VII)
Le sieur La Borde est si atterré de l’abandon de Mademoiselle Guimard qu’il en contracté une mélancolie affreuse. Quand son service auprès du Roi sera fini, ce qui arrive au premier juillet, il va voyager pour dissiper ces vapeurs et perdre le souvenir de l’infidèle. La musique même lui est devenue odieuse, et il semble vouloir y renoncer aussi. Il écrit que cet art, dont il faisait son amusement, lui a donné plus de chagrin, suscité plus de tracasseries que les affaires les plus tristes et les plus épineuses.
11 juin 1773 (VII)
On sait aujourd’hui, à n’en pas douter, que c’est le Maréchal Prince de Soubise qui a exigé l’expulsion de M. de La Borde de chez Mademoiselle Guimard. Ce seigneur s’est repris d’une belle passion pour la danseuse en question, et a demandé le sacrifice de l’amant. Quelques gens prétendent qu’il s’est fait de concert, et qu’il y a encore intelligence entr’eux. Quoiqu’il en soit, les spectacles de la moderne Terpsichore sont absolument interrompus, et elle réforme les deux théâtres.
20 juin 1773 (VI)
Les gens de Ruel étaient fort intrigués de la brouillerie de M. de La Borde avec la Demoiselle Guimard. Ils ne pouvaient concevoir que le Prince de Soubise, jusqu’à présent si traitable sur l’article de la jalousie, en eut conçu tout à coup un accès violent, au point d’exiger de l’actrice un si cruel sacrifice. A force de rechercher les causes de ce procédé, ils ont trouvé que le sieur La Borde avait donné ce qu’on appelle en leur langage une galanterie à la Demoiselle Guimard, que celle-ci l’avait procurée au Maréchal Prince de Soubise ; le Maréchal à Madame la Comtesse de l’Hôpital ; et la Comtesse à …… Ici se perd cette généalogie ; du moins les faiseurs de chroniques en sont là. Ils attendent la suite de la filiation pour en faire part au public. Mais il résulte certainement un motif de justification pour le Prince de Soubise, que personne ne peut désapprouver.
8 novembre 1773 (VII) [Sur Ledoux]
24 février 1776 (IX) [Le fameux spectacle interdit]
16 janvier 1779 [Mademoiselle Guimard est nommée trésorière de l’Opéra] :
-
- C’est Guimard qu’on vient d’élire
- Trésorière à l’Opéra
- On a raison, car elle a
- La plus grande tirelire
- C’est Guimard qu’on vient d’élire
Février et mai 1779 : [Dauberval est mis en prison, intrigue de la Guimard contre Vismes]
2 juin 1780 : [Machy sculpteur est sollicité pour 5 statues de danseuses, dont celle de la Guimard]
18 décembre 1782 : [Lettre de la Guimard à Soubise suite à la banqueroute de Guéménée]
10 août 1783 : [Elle a la petite vérole]
13 février 1786 : [Loterie pour vendre la maison de la Chaussée d’Antin]