Mégalithisme
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Le mégalithisme ou art mégalithique est une forme d'architecture que les peuples de la préhistoire récente à l'époque néolithique (environ 4500 à 2000 av. J.-C.) ou beaucoup plus rarement de la protohistoire (la période qui s'insère entre la Préhistoire et l'Histoire, tour à tour, pour chaque peuple) ont pratiquée un peu partout en Europe et dans le monde.
Cet art mégalithique (du grec méga = grand ; lithos = pierre) fait référence à l'usage de grandes pierres comme médium artistique, et aux monuments que les peuples de ces époques anciennes ont érigé avec celles-ci. On ne saurait y assimiler l'usage que font quelques sculpteurs et artistes modernes de « grandes pierres » dans leur travail : le terme est plus généralement utilisé pour décrire l'art gravé sur des mégalithes dans l'Europe préhistorique.
Construits, pour la plupart, entre le Ve et le IVe millénaire av. J.-C., dolmens et menhirs, « monuments » emblématiques du mégalithisme, sont l'œuvre des premiers agriculteurs et éleveurs ayant vécu en Europe à cette époque reculée de la préhistoire. Ils sont parmi les tout premiers « monuments » du continent, et, s'ils semblent défier l'éternité, il faut savoir que l'état dans lequel ils sont parvenus jusqu'à nous est très éloigné de leur état d'origine. Les grandes dalles assemblées des dolmens représentent les squelettes de tombeaux souvent très élaborés, abritant des pratiques funéraires complexes, toujours inconnues et mystérieuses. Un grand nombre de pierres levées, menhirs et stèles aujourd'hui isolés, ne sont que les restes de dispositifs beaucoup plus vastes à la signification encore incertaine.
Toutefois, le terme mégalithisme est ambigu, car il désigne à la fois l'art de construire les monuments, les « mégalithes », (dolmens, menhirs, cromlechs, cairns, henges, peulvens, tholos, allées couvertes, taulas des Baléares, brochs d'Écosse), la période au cours de laquelle ces édifices ont été érigés et leur étude scientifique par les archéologues, les préhistoriens, qui tentent d'en comprendre le sens.
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[modifier] Diffusion du mégalithisme en Europe
Timidement apparu sur le site de Skorba vers 5 200 BCE lors de la phase Għar Dalam, le mégalithisme maltais précède d'environ 400 ans le plus vieux site mégalithique continental, le Cairn de Barnenez. Il devance de 700 ans les alignements de Carnac. Le mégalithisme maltais prend toute son ampleur et son originalité dans l'archipel au cours des phases ultérieures. Pour l'archéologie maltaise, ce n'est pas la maîtrise de la pierre ou des métaux qui rythme la Préhistoire mais l'évolution des temples mégalithiques. La période qui s'ouvre se nomme la période des temples (4 100-2 500 BCE), elle dure 1 600 ans et se subdivise en cinq phases. Les mastabas (2 700 BCE) et les pyramides d'Égypte (2 500 BCE) sont contemporains des derniers temples maltais comme le double fer à cheval de pierres bleues (2 600 BCE), les trilithes (2 400 BCE) et le cercle de sarsen de Stonehenge (remanié jusqu'en 1 600 BCE). La grande période mégalithique maltaise est terminée depuis environ 700 ans lors de la construction du vieux temple de Cnossos (1 900-1 800 BCE).
La succession temporelle de ces différents courants mégalithiques ne sous-entend d'aucune façon un lien de filiation entre eux. Chaque région a son originalité : les alignements atlantiques, nordiques ou encore africains, les cercles anglais, écossais ou des Orcades, les tombes des géants et les Nuraghes sardes ou les torres corses, les Taulas baléares, les Cromlechs gallois, les Menhirs, les Dolmens sous Tumulus ou sous Cairn, les Chen-pin coréens ou les Kofun japonais, les autels olméques, les anthropomorphes colombiens ou les Moaïs pascuans, etc.[1]
La civilisation mégalithique n'a pas complètement disparu dans le vent de l'histoire, si les bantous de la province d'Ogoja, au sud-est du Nigéria, n'élèvent plus les Akwanshi phalliques depuis une centaine d'années comme les Kelabit du Sarawak, par contre les malgaches du plateau d'Imerina, le peuple konso d'Éthiopie et les austronésiens des îles de Sulawesi ou de Sumba dressent encore aujourd'hui des mégalithes pour honorer leurs morts et valoriser le rang de la famille ou du clan. Cela réclame, comme il y a plusieurs millénaires, d'énormes dépenses physiques et économiques mais aussi un esprit de solidarité qui renforce l'unité des groupes ethniques qui pratiquent encore le mégalithisme [1] , [2].
[modifier] Un « art » à part entière
Les hommes de la préhistoire faisaient-il de l'art comme Monsieur Jourdain faisait de la prose ? En l'absence de tout document permettant de connaître leurs motivations, les archéologues ont été réduits, après la redécouverte de ces innombrables traces laissées par nos ancêtres, à émettre des hypothèses, et à inventer une catégorie « art préhistorique », dans laquelle est venue s'inscrire tout naturellement — aux côtés de la peinture rupestre retrouvée dans les grottes ornées — la plus ancienne forme d'architecture monumentale dans l'histoire de l'humanité, le mégalithisme.
Même si la fonction première de cette architecture n'était pas directement « artistique », mais religieuse, le mégalithe est parfois le support privilégié de l'art de son époque. Par exemple, les orthostats des dolmens peuvent être ornés de gravures très complexes dont la symbolique nous échappe encore ; ils peuvent également avoir été sculptés et présenter une forme anthropomorphe, s'apparentant ainsi à de véritables statues préhistoriques, dont certaines sont caractérisées au point d'avoir des seins, peut-être ceux d'une divinité tutélaire féminine, des rangs de colliers, etc. De même, les statues-menhirs sont des mégalithes dont les gravures parfois fort évoluées et nombreuses sont les témoins de l'activité artistique des hommes de la préhistoire, l'art s'associant au sacré.
[modifier] Une « science » incertaine
L'habitat et le mode de vie des bâtisseurs de mégalithes suscite de nombreuses interrogations, auxquelles les scientifiques essaient de répondre. La compréhension de ces cultures disparues nécessite l'étude des objets (poteries, outillage lithique ou osseux) et des monuments qui sont parvenus jusqu'à nous, après avoir été parfois réutilisés par d'autres civilisations, pillés, détruits, au fil des siècles. Le mégalithisme, branche de l'archéologie préhistorique, reste donc une science incertaine, une « science de l'imprécis », pour reprendre la terminologie du préhistorien Serge Cassen, reposant sur des hypothèses. Les sépultures, leurs architectures et leurs mobiliers tiennent une place essentielle dans ces recherches. On ne sait pas grand chose sur les méthodes de construction de ces édifices imposants, érigés au moyen d'énormes blocs de pierre. Ces constructions, témoins de la première architecture monumentale dans l'histoire de l'humanité, furent érigées, la plupart du temps pour servir de sépultures, par des sociétés organisées.
Dans un premier temps, la recherche sur le mégalithisme va s'attacher à définir le milieu naturel dans lequel s'insère l'architecture mégalithique. Interviendra ensuite un autre problème, celui de la datation, pour permettre l'établissement d'une chronologie. Et là encore, c'est l'incertitude qui règne en maître.
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Dès 1944, Pierre-Roland Giot crée, au sein de la Faculté des Sciences de Rennes, un laboratoire d'anthropologie préhistorique, dans lequel il applique les techniques scientifiques à l'archéologie : pétrographie des haches polies, spectrographie des métaux, sédimentologie des gisements paléolithiques entre autre. Il va mener pendant quarante ans les grandes fouilles et les restaurations de monuments mégalithiques et de tumulus et former une équipe de préhistoriens aguerris. Parmi ses élèves, on relève les noms d' Yves Coppens, Jacques Briard et Jean L'Helgouach, rejoints plus tard par Charles-Tanguy Le Roux, Pierre-Louis Gouletquer, Marie-Yvane Daire et Henri Morzadec.
[modifier] Les mystères du mégalithisme
Les civilisations mégalithiques se situent pour la plupart dans l'ère néolithique. Et l'érection de ces monuments mystérieux (dolmens, menhirs, cromlechs, etc ...) qui sont parvenus jusqu'à nous, sans leur « mode d'emploi » suscite de nombreuses questions restant encore sans réponse.
Le premier mystère soulevé par le mégalithisme est d'ordre technique : c'est celui de leur construction. On s'interroge légitimement sur les techniques mises en œuvre pour le transport de telles pierres, si volumineuses, sur plusieurs kilomètres, puis sur leur mise en place par des hommes ne disposant que d'un matériel rudimentaire. On en est réduit à formuler des hypothèses : on peut supposer qu'avec du temps, en utilisant des leviers et une main d'œuvre en grand nombre, il ait été possible de déplacer des pierres de 20 ou 30 tonnes, de les faire glisser sur des rouleaux, et de les faire basculer sur des plans inclinés pour les dresser. Mais quand les pierres pèsent plus de 100 tonnes (comme le grand menhir brisé d'Er Grah, à Locmariaquer (Morbihan), le plus grand menhir du monde, de près de 20 m, et d'environ 350 tonnes), cela ne parait plus possible. De même, certaines dalles de couverture des dolmens — comme, toujours à Locmariaquer, celui du Mané Rutual, par exemple, dont la dalle de 11 mètres de long (40 tonnes) parait démesurée par rapport à la chambre — ne semblent pas avoir pu être soulevées par des leviers de bois, qui se seraient brisés.
Un second mystère tient au relatif bon état de conservation de la plupart de ces monuments : comment se fait-il que des monolithes si hauts (6 ou 7 mètres, parfois plus) et à peine enfoncés dans le sol tiennent encore debout de nos jours ?
Autre question sans réponse : on a pu constater que certains alignements ou cromlechs semblent correspondre en tout point au parcours d'un cours d'eau souterrain, donc invisible, et l'on est incapable d'en expliquer la raison.
Dernier mystère, et non des moindres, celui de la signification profonde de l'érection de ces monuments. Le mégalithisme, nous l'avons vu, a incontestablement une dimension religieuse. Mais nous ne savons rien de cette religion, de ses rites, de ses cérémonies. On a fait, dans certains cas un lien avec la mort. Certains monuments, dolmens, galgals, cairns,... semblent être des tombeaux. Cependant, près d'alignements, comme ceux bien connus de Carnac, de cromlechs, ou de certains menhirs, aucun ossement n'a été découvert. Ils avaient donc vraisemblablement une autre fonction. Parmi les théories plus ou moins sérieuses qui circulent pour tenter d'expliquer ce mystère, on en citera trois, qui n'apportent pas le moindre élément de vérification scientifique :
- Certains pensent que les mégalithes étaient des repères pour les voyageurs.
- D'autres qu'ils correspondent aux noeuds telluriques terrestres.
- Certains affirment que ce sont des repères astronomiques, voire les marqueurs d'une géométrie ancestrale.
On citera pour mémoire une autre théorie, pour le moins farfelue et qui relève plus de la science-fiction que de la science, selon laquelle le mégalithisme serait une forme de communication extra-terrestre, avec des êtres venus sur terre à l'époque de la préhistoire.
[modifier] Références
[modifier] Bibliographie
- Jean L'Helgouach, « Les sépultures mégalithiques en Armorique » Thèse de doctorat, Rennes, 1965
- Jean-Pierre Mohen, « Les Mégalithes, Pierres de mémoire », Ed. Gallimard, collection Découvertes Gallimard, n° 353, 1998, (ISBN 2-0705-3439-1)
- Jacques Tarrête et Roger Joussaume, « La Fin du Néolithique dans la moitié nord de la France », éd. La Maison Des Roches, Coll. Histoire de la France préhistorique, 1998 (réédition en 2003).
- Jean Guilaine, « Mégalithisme », Ed. Errance, coll. Hesperides, 1999, (ISBN 2-8777-2170-1)
- Jean Guilaine, « Mégalithisme de l'Atlantique à l'Éthiopie », Séminaire du collège de France, Ed. Errance, 1999.
- Christine Boujot, « Le Mégalithisme dans ses rapports avec le développement des sépultures collectives néolithiques : apport d'une synthèse à l'échelle de la France », Bulletin de la Société préhistorique française, 1996, tome 93, N° 3.
- Christine Boujot, Serge Cassen, « Le Développement des premières architectures funéraires monumentales en France occidentale ». Dans : « Paysans et bâtisseurs, l’émergence du Néolithique atlantique et les origines du Mégalithisme », actes du XVIIe colloque interrégional sur le Néolithique, Vannes, 29-31 octobre 1990, Rennes : RAO, 1992, p. 195-211 (supplément n°5).
- Gérard Bailloud, Christine Boujot, Serge Cassen, Charles-Tanguy Le Roux, « Carnac, les premières architectures de pierre », Paris, CNMHS, CNRS Editions, Collection Patrimoine au présent, 1995, 128 pages, (ISBN 2-2710-5284-X)
- Jean L'Helgouach, Charles-Tanguy Le Roux et Joël Lecornec, « Art et symboles du mégalithisme européen » (actes du 2e colloque international sur l'art mégalithique, Nantes - Vannes 1995), Revue archéologique de l'Ouest, supplément 8, Rennes, 1997, 248 pages
- François de Lanfranchi, « Mégalithisme et façonnage des roches destinées à être plantées. Concepts, terminologie et chronologie », Bulletin de la Société Préhistorique Française, 2002, tome 99, N° 2.
- Luc Laporte, Charles-Tanguy Le Roux, Bâtisseurs du néolithique : Mégalithismes de l'Ouest en France, 128 pages, Éd. La Maison Des Roches, Coll. Terres mégalithiques, 2004, (ISBN 2-9126-9122-2)
[modifier] Articles connexes
[modifier] Liens externes
- Le portail des Mégalithes du Sud de la France
- L'inventaire des mégalithes de Charente-Maritime
- Le site mégalithique de Saint Just en Bretagne
- (fr) Texte de Prosper Mérimée sur les « monuments druidiques » publié en 1852
- (fr) Article de Tara Steimer-Herbet sur le mégalithisme au Yémen dans la revue Chroniques yéménites