Constitution de 1791
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La Constitution française du 3 septembre 1791 est la première expérience d'un régime libéral en France.
Ce texte est la première constitution écrite qui transfère la souveraineté du Roi à la Nation. Les prérogatives du roi deviennent les prérogatives de la nation que le Roi exerce au nom de cette dernière.
Fondée sur les principes de la souveraineté de la Nation et la séparation des pouvoirs, elle institue en France une monarchie constitutionnelle.
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[modifier] Origines de la Constitution de 1791
Les origines de la Constitution de 1791 sont multiples ; elle est issue de mouvements de pensées philosophiques et politiques hérités des Lumières et des phénomènes de Révolution Atlantique. Les constituants de l'Assemblée nationale, issue des États généraux réunis en 1789 par Louis XVI, jurent le 20 juin de la même année lors du serment du Jeu de paume de ne pas se séparer avant la rédaction et l'adoption d'une constitution. Leur inspiration et leur détermination sont essentiellement de nature politique et philosophique.
[modifier] Les inspirations
[modifier] Politiques
Les constituants ont à l'esprit la Révolution anglaise de 1688 qui, par le Bill of Rights de 1689, propose déjà un modèle de monarchie très modérée et dont les pouvoirs sont distribués entre, d'un côté, le monarque et, de l'autre, un parlement bicaméral et représentatif. Cette révolution avait été étudiée notamment par John Locke dans ses deux traités sur le gouvernement civil (1690).
Ils s'inspirent également des récents exemples des constitutions fédérées américaines traduites très tôt par Dupont de Nemours.
N.B. : Erreur communément reprise, les constituants ne s'inspirèrent pas de la Constitution fédérale des États-Unis d'Amérique (1787). Le seul ayant des connaissances poussées dans le domaine était le marquis de la Fayette ; or, celui-ci, pro-royaliste, n'a presque pas participé aux débats de l'Assemblée constituante.
[modifier] Philosophiques
Les constructions politiques ont été théorisées dès 1690 par Locke, philosophe anglais, qui déjà proposait l'idée de la séparation des trois pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire) et la création d'une sorte de contrat entre gouvernants et gouvernés. Cette idée d'un « contrat social » soudant la Nation est également reprise par le philosophe français Rousseau. Montesquieu, en 1748, traitera à son tour de l'idée de la séparation des pouvoirs dans De l'esprit des lois
[modifier] La détermination
L'idée de la Constitution est donc de formaliser un équilibre entre les pouvoirs du roi - dont on reproche l'absolutisme - et des organes de contrôle de l'équilibre des pouvoirs. À la fin du XVIIIe siècle, le coup de force de Maupeou de 1771 sur le parlement pendant le règne de Louis XV et les séries de réformes des décennies 1770 et 1780 contribuent, paradoxalement, à affaiblir l'autorité royale. Le peuple a perdu confiance et l'autorité de la royauté a diminué.
[modifier] La constitution
[modifier] L'organisation des pouvoirs
[modifier] Le pouvoir Exécutif
Le roi est chef de l'Exécutif. Jusque là, la royauté était d'essence divine depuis le baptême de Clovis Ier à la toute fin du Ve siècle. Avec la Constitution de 1791, le pouvoir n'est plus de droit divin mais relève de la souveraineté de la Nation incarnée dans la personne du Roi ; le Roi n'est ainsi plus « roi de France » mais « roi des Français ».
- Le Roi doit jurer fidélité à la Constitution, il est également irresponsable et sa personne inviolable.
- Il n'a d'autorité qu'à travers ses ministres qui contre-signent ses décisions, lesquels ministres ne sont responsables politiquement que devant le roi (même si les parlementaires peuvent les mettre en accusation devant la Haute Cour nationale pour mettre en jeu leur responsabilité pénale).
La Constitution reconnaît au Roi deux prérogatives essentielles :
- Le Roi dirige la politique extérieure. L'Assemblée nationale ratifie les traités ;
- il possède, en vertu du principe de séparation des pouvoirs tel qu'il a été émis par Montesquieu, le droit de veto suspensif et temporaire valable pour deux législatures de l'Assemblée (deux fois deux ans, soit 4 ans au maximum). Les questions financières ne sont pas assujetties à ce droit de veto.
Autres pouvoirs :
- Le roi nomme les ministres ;
- il nomme à la haute fonction publique et militaire, les ambassadeurs.
Les ministres :
- Les ministres contre-signent les décisions du Roi. Le roi n'a ainsi d'autorité qu'à travers eux ;
- ils sont responsables devant le Roi mais pas devant l'Assemblée nationale. C'est donc un régime moniste que la Constitution de 1791 proclame, non un régime dualiste (double responsabilité des ministres).
[modifier] Le pouvoir législatif
Le pouvoir législatif est exercé par l’Assemblée unique, permanente, composée de 745 députés élus pour une législature de deux ans au suffrage censitaire à deux degrés. Les députés sont protégés par une très large autorité : le Corps législatif règle lui-même ses délibérations, le déroulement de ses séances, sa sûreté, etc.
L'Assemblée a seule l'initiative et le vote des lois - lesquelles sont ensuite sanctionnées par le roi - notamment en matière de finance, puisqu'elle établit et contrôle l'impôt. Elle décide de la guerre ou de la paix et se réunit d'elle-même sans convocation.
Même si le texte de la Constitution prévoit une stricte séparation des pouvoirs, l'Assemblée a la surveillance de l'application administrative des lois : il y a ainsi une immixtion du pouvoir législatif dans le pouvoir exécutif. De plus, par le biais du référé législatif, un juge est obligé de surseoir à statuer s'il considère une loi trop obscure pour l'appliquer. Il doit en demander la signification à l'Assemblée et donc suspendre le procès. Il y a immixtion du législatif dans l'autorité judiciaire.
Enfin, seule l'Assemblée peut décider d'une révision constitutionnelle.
[modifier] Le pouvoir judiciaire
Les Assemblées départementales élisent les magistrats du Tribunal de Cassation et de la Haute Cour. Cette élection garantit ainsi l'indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir exécutif et au pouvoir législatif.
[modifier] En pratique
En 1789, les Français sont habitués au système monarchique et jusqu’à la fuite de Varennes, Louis XVI reste très populaire. Les Constitutionnels organisent par conséquent une monarchie constitutionnelle avec la Constitution du 3 septembre 1791 qui entre en application le 1er octobre 1791. Louis XVI est suspendu de ses fonctions le 10 août 1792 et emprisonné, c'est la chute de la royauté.
[modifier] La prépondérance de l’Assemblée nationale (Assemblée législative)
Cette Assemblée bénéficie des pouvoirs les plus essentiels.
L’Assemblée représente le peuple souverain. Elle est composée d’une chambre unique, car selon l’analyse de l’époque la souveraineté ne doit pas être divisée. Cette Assemblée, permanente, est composée de 745 députés élus pour deux ans. Elle se réunit à son gré, ne peut pas être dissoute ou prorogée. Elle peut s’ajourner comme elle l'entend. Elle décide elle-même de son règlement, de son fonctionnement, de l’ordre du jour. Ses membres ont seuls l’initiative des lois et ils sont inviolables.
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La loi est la norme fondamentale et suprême.
Le Roi et tous les agents publics ne commandent désormais qu’au nom de la loi et toute l’organisation judiciaire, administrative et militaire est établie par la loi.
Aucun domaine de la loi n'est prédéfini : l'Assemblée dispose d'une compétence universelle pour légiférer. En pratique ce domaine sera conçu de façon très étendue. L’Assemblée législative va régler jusque dans les détails toute l’organisation de l’État.
De plus, l’Assemblée préconise par des « instructions » les conditions d’application de la loi. Le domaine des finances publiques relève de l’Assemblée. L’Assemblée constitue des comités spécialisés qui suivent le fonctionnement des départements ministériels ou interviennent dans l’administration.
L’Assemblée reçoit des pétitions, elle correspond avec les autorités et a le pouvoir d’inviter les fonctionnaires à se justifier en les « citant à la barre » : c’est un contrôle constant du pouvoir exécutif.
[modifier] Le Roi en situation d’infériorité
Les Constituants sont inspirés par une méfiance croissante vis-à-vis du Roi qui lui-même durcit sa position face à la radicalisation du mouvement révolutionnaire.
Le Roi ne règne plus qu’au nom de la loi, par la seule volonté nationale : « Il n’y a point en France d’autorités supérieures à celle de la loi » (Chap.II - "De la royauté de la régence et des ministres"). Selon la Constitution de 1791, « Le Roi ne règne que par elle [la loi] ».
La fonction royale n’est plus qu’une première magistrature de l’État. Tout le patrimoine royal est dévolu à la Nation et désormais le Roi ne reçoit plus qu’un traitement appelé la « liste civile » dont l’administration est confiée à un fonctionnaire désigné par l’Assemblée.
Le Roi doit prêter serment de fidélité à la Constitution. S’il s’abstient, il est considéré comme ayant abdiqué. S’il sort du Royaume ou s’il se met à la tête d’une armée, l’abdication est automatique.
Dans les compétences qui lui sont reconnues, les pouvoirs du Roi sont très limités. Le Roi et son gouvernement ne peuvent faire aucune loi. Il peut seulement prendre des proclamations conformes aux lois pour en ordonner l’exécution.
Malgré tout, les députés reconnaissent au Roi un droit de veto suspensif : droit de différer pendant la durée de deux législatures (4 ans) l’application d’un texte voté par les députés. Passé ce délai, le texte devient applicable. Ce droit de veto est en contradiction avec l’analyse et l’ambiance dominante. Lorsque Louis XVI en fait usage, les révolutionnaires réalisent un coup d’État destiné à anéantir cette résistance constitutionnelle du roi que l’on appelle désormais « Capet » ou parfois « M. Veto ».
Le Roi est le chef suprême de l’administration du royaume mais les administrateurs sont élus. Le Roi a en charge les relations extérieures. Il doit veiller au maintien de l’ordre et à la tranquillité publique. Il est le chef suprême de l’armée mais ne peut nommer qu’une toute petite partie des officiers généraux. L’organisation de l’armée relève du domaine de la loi. Concernant le pouvoir judiciaire, les juges sont élus et le pouvoir judiciaire fonctionne en dehors de l’intervention du Roi.
La marge de manœuvre du Roi est donc très limitée par rapport à la période d’Ancien régime.
La personne du Roi est inviolable et sacrée. Cependant, le Roi peut être poursuivi comme un simple citoyen après avoir abdiqué. Tous les actes royaux doivent être contresignés par un ministre. Les ministres sont nommés par le Roi mais chaque ministre peut avoir à répondre de chacun de ses actes, sans pouvoir se soustraire à sa responsabilité en invoquant un ordre du Roi. De plus, les ministres sont responsables de tous les crimes et délits contre la sûreté de l’État et contre la Constitution. Ils sont aussi responsables de tout attentat à la liberté et à la propriété.
[modifier] La citoyenneté
Les citoyens sont divisés en deux catégories : les citoyens actifs, qui peuvent participer à la vie politique, et les citoyens passifs.
Un citoyen actif est un homme âgé d'au moins 25 ans, installé dans le canton depuis au moins un an et dont le montant d’imposition est équivalent à 3 jours de salaire. Il y avait en 1791, 4 298 360 citoyens actifs, ce qui représente 61% des hommes et 15% de la population française[1].
Sieyès parlait du vote comme d'une fonction plus que comme d'un droit. En effet, il considérait que la capacité économique des citoyens justifiait leur capacité politique. Ainsi, seuls les plus imposables étaient appelés aux urnes, autrement dit à remplir leur fonction.
[modifier] Indivisibilité de la République
A la Convention nationale, le député Marc David Lasource, pasteur protestant et député du Tarn demande "qu'on réduise Paris à son quatre-vingt-troisième d'influence" (il y avait en France 83 départements). Cette phrase est à l'origine du mouvement "fédéraliste" (qu'il vaudrait mieux appeler départementaliste). Ce mouvement creuse le fossé entre les Girondins et les Montagnards. Ceux-ci répliquent en faisant décréter que "La République française est une et indivisible". En fait, ce décret ne fait qu'appliquer à la République l'article I du titre II de la Constitution de 1791 ainsi rédigé : "Le royaume est un et indivisible".
[modifier] L’échec de l’expérience libérale
Ce régime constitutionnel échoue rapidement, car il révèle très vite ses défauts. La Révolution, au lieu de s’apaiser, connaît de nouveaux rebondissements et une radicalisation. Les causes de cet échec sont multiples.
[modifier] Le rationalisme utopique de la Constitution
Ce texte méconnaît la tradition d’une monarchie multiséculaire. La Constitution anéantit les anciennes légitimités et ne laisse à Louis XVI que le choix entre la soumission dégradante ou une réaction armée pour ressaisir le pouvoir.
Cette Constitution crée un dualisme très déséquilibré au détriment de l’autorité royale frappée d’impuissance. Les Constituants rendent impossible une monarchie à l’anglaise en décrétant l’incompatibilité des fonctions de ministre et de député et en ne séparant pas entièrement les trois principaux pouvoirs, ce qui est source de conflits.
[modifier] Les affrontements intérieurs et la guerre
Les perturbations immenses commencées en 1788 et 1789 ne sont pas apaisées. Les haines qui se sont mobilisées ne s’atténuent pas. Dès l’été 1789, un climat général de violence s’est établi contre ceux qui sont suspectés d’être hostiles à la Révolution.
Dans les régions où les catholiques et les protestants cohabitent, dès 1790, il y a des troubles politico-religieux.
Les nobles sont suspectés, molestés, et s’exilent. À partir de 1790, le mot d’aristocratie sert à déconsidérer l’adversaire de la Révolution ou tout simplement l’adversaire politique, même s’il n’est pas contre-révolutionnaire.
Le mécontentement des paysans est une source de violence.
La dégradation de la situation économique se poursuit avec la guerre en 1792. La France rentre dans une économie de pénuries, d’où une fureur populaire suivie de répressions, et le développement du marché noir.
L'Assemblée législative hérite d'une situation délicate sur la question religieuse ; les lois votées par la Constituante le 13 février 1790 (abolition des vœux monastiques) et le 12 juillet 1790) (constitution civile du clergé) sont incomprises par les provinces françaises :
- les fêtes religieuses sont parfois désorganisées,
- le clergé est divisé entre prêtres constitutionnels (jureurs) et prêtres réfractaires,
- en conséquence, le serment des prêtres à la constitution civile ou leur refus à cette même constitution a pour effet d'opposer « deux France ».
Les six premiers mois de 1791 sont l'objet dans les provinces de grands débats sur les questions religieuses, parfois à l'intérieur même des familles.
Louis XVI n’accepte pas le clergé jureur et en 1791–1792, le divorce entre le roi et la Révolution est consommé.
Le mouvement révolutionnaire finit par dépasser ses promoteurs. Les leaders de 1789 (Mirabeau, Mounier, Lafayette…) sont débordés par les têtes fortes de la gauche (Barnave, Marat, Danton, Robespierre, Monge…). Chaque « parti » se porte rapidement aux solutions les plus extrêmes.
Lorsque la guerre est déclarée le 20 avril 1792 à l’Autriche, la « gauche » mobilise le courant patriotique au nom de la « Patrie en danger » et considère tous les opposants comme des « traîtres » à châtier. Le dynamisme révolutionnaire, farouchement patriote, se mobilise contre l’Europe des rois. L’année suivante, la Terreur est imposée.
L’Assemblée législative élue en septembre 1791 est orientée « plus à gauche » que l’Assemblée constituante et tolère très mal toute résistance royale, même si elle est constitutionnelle. Elle oblige Louis XVI à renvoyer ses ministres modérés et lui impose les siens (Roland et Brissot, leaders des Girondins).
[modifier] Les suites
Les groupes révolutionnaires mobilisés dans les clubs diffusent des thèses républicaines et démocratiques, parfois extrémistes.
Le pouvoir du Roi est anéanti en deux temps :
- Le 10 août 1792, la Commune insurrectionnelle de Paris se constitue et organise l’attaque du Palais des Tuileries.
- L’Assemblée est manipulée et les modérés se retirent. Elle décide la suspension du Roi puis son arrestation et le remplacement de ses ministres.
C'est la chute de la monarchie.
[modifier] Notes et références
- ↑ Tulard, Histoire et dictionnaire de la Révolution, p 650-651
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens internes
[modifier] Liens externes
Le texte de la Constitution de 1791 sur le site du conseil constitutionnel
[modifier] Bibliographie
- Jean Tulard, Jean-François Fayard et Alfred Fierro, Histoire et dictionnaire de la Révolution française. 1789-1799, Robert Laffont, coll. « Bouquins », Paris, 1987 (ISBN 270282076X)