Caractérologie
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La caractérologie est la branche de la psychologie qui a pour objet l'étude du caractère psychologique. Établie par René Le Senne et popularisée par Gaston Berger, elle est délaissée depuis quelques années, la psychologie contemporaine préférant au concept de caractère, celui de personnalité même si ces deux notions sont parfois assez proches. La principale différence tient au fait que les différentes dimensions de la personnalité sont déduites d'une analyse statistique de la diversité humaine.
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[modifier] Le caractère, objet scientifique ?
En dépit de l'idée spontanée que le caractère est quelque chose à la fois de trop individuel et de trop insaisissable, la caractérologie en fait un objet scientifique par l'application de méthodes (règles, mesures, moyens objectifs). Elle fait le pari de prendre acte de la grande diversité des individus tout en cherchant à établir des constantes générales scientifiquement incontestables.
Si son premier constat est que dans une même situation, les hommes réagissent de différentes façons, la caractérologie s'attache au fait qu'un individu particulier agit ou réagit en toutes circonstances selon un mode qui dans un premier temps paraît lui être propre. S'appuyant alors sur cette relative stabilité des comportements individuels, révélatrice d'un caractère, elle cherche à en dégager les ressorts ; ressorts communs à tous les hommes mais qui jouent différemment chez chacun d'eux.
[modifier] Le caractère selon la caractérologie
Il est essentiel pour la caractérologie en tant que démarche scientifique de bien cerner les contours de son objet d'étude : le caractère. Accepter sans débat le sens commun, serait pour elle vouer par avance ses résultats à divers avatars critiques permis par les malentendus. Cependant, si ce souci de définition est partagé par les auteurs, il s'en faut de beaucoup - là comme ailleurs - qu'une seule et même définition fasse l'unanimité en pratique et en théorie (où une évolution est légitimement liée à l'avancement ou renouvellement des travaux).
[modifier] Le caractère selon la caractérologie de René Le Senne
Fondateur de la caractérologie française, René Le Senne définit résolument le caractère comme « l'ensemble des dispositions congénitales qui forme le squelette mental d'un homme ».
L'auteur insiste avant tout sur la stabilité qu'il faut reconnaître au caractère et préconise l'emploi des concepts de personnalité ou de moi pour les formes ou aspects que peut prendre le caractère au cours de l'existence, en partie par la maîtrise de l'individu par lui-même.
Par ailleurs, si le caractère congénital est mentionné, il ne fait pas l'objet d'une démonstration, l'outil statistique n'étant pas encore pratiqué dans les sciences humaines à cette époque.
[modifier] Principaux traits de caractère
Fondamentalement, le caractère peut être analysé selon trois axes :
- l'émotivité ;
- l'activité ; il s'agit là de l'activité pure, celle qui n'est pas une simple conséquence de l'émotion ; c'est par exemple celle avec laquelle on accomplit les tâches rébarbatives (notes de frais). Des gens émotifs et de grande activité peuvent être des « non-actifs ».
- le retentissement des représentations (primarité/secondarité). Un primaire se fâchera vite, mais passera l'éponge presque aussi vite ; un secondaire peut ne pas réagir sur le moment, mais se venger avec détermination des années plus tard.
Ces axes ont été choisis en raison de leur importance dans la constitution du caractère. Nous parlerions aujourd'hui de composantes principales dans le cadre d'une Analyse de la variance. Les combinaisons extrêmes, c'est-à-dire dans lesquelles les propriétés présentent soit leur minimum soit leur maximum, conduisent directement à une typologie : typologie dans laquelle personne ne devrait se reconnaître mais dans laquelle chacun peut se retrouver. Se retrouver si bien d'ailleurs que Gaston Berger lancera la boutade : « Les caractères, je les ai tous ! ».
Voici les types de bases résultant des combinaisons des propriétés constitutives :
- EnAP : le type émotif-inactif-primaire nommé nerveux ;
- EnAS : le type émotif-inactif-secondaire nommé sentimental ;
- EAP le type émotif-actif-primaire nommé colérique ou actif exubérant ; c'est celui de Victor Hugo, et celui dont Le Senne dit : « Tous les caractères envient celui du colérique, tandis que lui n'en envie aucun autre ».
- EAS : le type émotif-actif-secondaire nommé passionné ;
- nEAP : le type non émotif-actif-primaire nommé sanguin ou réaliste ;
- nEAS : le type non émotif-actif-secondaire nommé flegmatique ;
- nEnAP :le type non émotif-non actif-primaire nommé amorphe ;
- nEnAS : le type non émotif-non actif-secondaire nommé apathique.
On observe que, deux par deux, ces types présentent deux propriétés communes pour une seule les différentiant. Mais les proportions s'inversent en quelque sorte dans les conséquences exprimées par le caractère ; en effet les descriptions extrêmement riches que René Le Senne fait de ces types montrent qu'un monde sépare généralement deux types qui ne s'opposent pourtant que pour une propriété.
Deux autres types sont parfois introduits dans des travaux postérieurs à Le Senne :
- l'un qualifié de Mars/Vénus : le premier lié à une attitude de conquête au sens de l'agression, le second une attitude de conquête au sens de la séduction. le philosophe Alain avait déjà exprimé cette différence d'attitude en les nommant logique militaire et logique du commerce.
- l'autre concernant la largeur de champ de conscience, c'est à dire la précision sur les détails ou au contraire le besoin d'appréhender un domaine de façon plus vaste quitte à en avoir une vision moins exacte, mais plus générale : Esprit de finesse et esprit de géométrie mentionnés par Pascal ne sont pas loin, ainsi que l'opposition entre le chercheur de pointe et le vulgarisateur (quand d'ailleurs elle existe).
[modifier] Tableau des caractères
- E = émotif ; nE = non émotif ; A = actif ; nA = non actif ; P = primaire ; S = secondaire ; L = large ; nL = étroit.
Émotivité | Activité | Retentissement des représentations | Caractères | Ampleur de la conscience | Caractères plus définis | Personnalité historique |
---|---|---|---|---|---|---|
E | A | P | Colérique | L | Syntonie | Danton |
nL | Improvisation | Murat | ||||
S | Passionné | L | Majesté | Louis XIV | ||
nL | Impétuosité | Condé | ||||
nA | P | Nerveux | L | Rêverie | Watteau | |
nL | Instabilité | Byron | ||||
S | Sentimental | L | Introversion | Amiel | ||
nL | Rigorisme | Robespierre | ||||
nE | A | P | Sanguin | L | Adaptivité | Fontenelle |
nL | Sens pratique | Bacon | ||||
S | Flegmatique | L | Intuitivité | Bergson | ||
nL | Analyticité | Kant | ||||
nA | P | Amorphe | L | Négligence | La Fontaine | |
nL | Gaspillage | Louis XV | ||||
S | Apathique | L | Passivité | exclut l'historicité | ||
nL | Habitude | Louis XVI |
[modifier] Méthodes et techniques de la caractérologie
Comme pratique scientifique, la caractérologie utilise les instruments habituels de la psychologie quand elle s'occupe de vastes populations. Elle s'appuie sur la statistique, sur les questionnaires, etc. Elle supporte donc toutes les critiques que ces outils induisent nécessairement.
Comme pratique individualisée de connaissance de soi, elle utilise l'observation, le questionnaire, les tests, etc.
[modifier] La typologie : outil ou résultat ?
Pour franchir le fossé entre la diversité humaine et la généralité exigée par la science, la caractérologie consiste pour une grande part à établir un objet intermédiaire : une typologie qui par un côté tire chaque homme vers un modèle humain général et par l'autre laisse ouvert l'accès aux individualités irréductibles à ce modèle.
Ce rôle important dévolu à la typologie tend souvent à la faire confondre avec la caractérologie même. Pourtant, pour tirer parti de ses résultats, il faut apprendre à s'affranchir de cet objet ambivalent comme de la définition stricte du caractère.
[modifier] Critique de la caractérologie
La principale critique qui est opposée aux travaux de Le Senne et aux autres caractérologues, est justement d'identifier le caractère à la personnalité ou au moi : cette réduction assimile le niveau des réactions neurophysiologiques d'une personne avec le système vivant plus évolutif de la personnalité. Si l'objet caractère, évalué en termes de temps de réaction ou de sensibilité sensorielles, est acceptable et utilisable pour guider sa propre existence vers les professions où l'on n'échouera pas, il ne rend pas nécessairement compte de l'immense diversité des personnes et de la singularité des solutions qu'elles apportent aux problèmes de leur vie. On ne pourrait en espérer autant d'un système à trois axes seulement.
La lecture de son Traité de caractérologie ne traite par ailleurs pas avec égalité les huit caractères, en tout cas par le nombre de pages consacré à chacun.
[modifier] Bibliographie
- Berger (Gaston), Traité pratique d'analyse du caractère, P.U.F, 1952, Paris
- Jung (Carl Gustav), Les Types psychologiques, 1950
- Klages (Ludwig), Les Principes de la caractérologie, Delachaux & Nietslé, 1950, Paris. Traduit du titre allemand Die Grundlagen der Charakterkunde.
- Le Gall (André), Caractérologie des enfants et des adolescents, P.U.F, 1973, Paris
- Le Senne (René), Traité de Caractérologie, P.U.F, 1945, Paris pdf
- Wallon (Henri), Les Origines du caractère chez l'enfant, PUF, 1949, Paris