Aborigènes de Taïwan
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Aborigènes de Taïwan
臺灣原住民 |
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Pays |
Taïwan |
Population totale |
474 919[1] en 2006
groupes reconnus : Amis, Atayal, Bunun, Da'o, Kavalan, Paiwan, Puyuma, Rukai, Saisiat, Sakizaya, Truku, Thao, Tsou |
Populations significatives par régions |
Langues |
Langues formosanes |
Religions |
chrétiens à 64%[2] |
Groupes ethniques reliés |
Autres peuples Austronésiens |
Voir aussi : Liste |
Les Aborigènes de Taïwan forment les peuples les plus anciens à Taïwan ; ils sont venus par vagues successives depuis le sud-est de la Chine ou le Sud-Est asiatique, il y a environ 5 000 ans.
Sommaire |
[modifier] Présentation
Les aborigènes de Taiwan font partie de la famille des Austronésiens. Ce groupe compte plus de 1 200 langues, parlées dans une vaste aire géographique qui s'étend de Taïwan à la Nouvelle-Zélande et de Hawaïi à l’île de Pâques jusqu'à Madagascar[3]. Les groupes se trouvant sur l’île de Taïwan parlent des langues du groupe Formosan, lui-même divisé en trois sous-groupes : atayalique, tsouique et paiwanique, même si cette classification simplifie quelque peu la réalité[4]. Les Da'o, qui vivent sur l’île de Lanyu (l’île des orchidées), parlent une langue du sous-groupe malayo-polynésien, proche des langues Iban[4]. La grande diversité de langues que l’on peut trouver à Taiwan, associée à des recherches récentes en génétique, tendraient à démontrer que Taïwan serait le point de départ (ou au moins un ancien site) des migrations des peuples austronésiens dans le Pacifique[5].
Sur la trentaine de langues qui auraient été parlées à Taïwan au XVIIe siècle[4], il en subsisterait aujourd'hui seulement 14, dont 5 en voie d’extinction[6], de nombreux jeunes aborigènes parlant uniquement le mandarin.
Les aborigènes de Taïwan étaient un peu plus de 470 000 fin 2006, ce qui représente environ 2 % de la population totale. Appelés Yuanzhumin (原住民, « aborigènes ») par la République de Chine, ils bénéficient d'un ensemble de mesures sociales préférentielles, mais leur situation socio-économique reste peu favorable. Autrefois peu considérées par les Chinois, les cultures aborigènes connaissent ces dernières années un sursaut de vitalité grâce aux luttes sociales menées par les aborigènes afin de défendre leurs droits et de ne pas laisser mourir leur culture. Cette dernière est également utilisée par les autorités de Taipei à des fins politiques, pour montrer que Taïwan a son identité propre, différente de celle de la Chine Populaire.
Sous le nom de Gaoshan, ils constituent une des 56 minorités nationales que reconnaît la République populaire de Chine.
[modifier] Les différents groupes aborigènes
Longtemps les Aborigènes de Taïwan ont été improprement divisés en deux groupes, les « aborigènes des plaines » et les « aborigènes des montagnes ». Cette division selon l'habitat est en réalité erronée : parmi les groupes dits des montagnes, les Amis, par exemple, ne vivent pas dans les montagnes mais dans les plaines de la côte est de Taiwan. Cela fait plutôt référence à une ancienne dénomination discriminatoire où l’on nommait les aborigènes « sauvages cuits » ou « sauvages crus », selon la vision chinoise des aborigènes, supposés sinisés (barbares cuits) ou non-sinisés (barbares crus). Les premiers groupes aborigènes en contact avec les étrangers, résidant sur les plaines de la côte ouest, sont les premiers à avoir été sinisés. Ils furent opposés aux groupes vivant dans les montagnes ou sur la côte est, et qui ont résisté plus longtemps à la pénétration culturelle étrangère.
De nos jours le gouvernement de la République de Chine reconnaît officiellement 14 groupes : les Amis, les Atayal, les Bunun, Les Kavalan, les Paiwan, les Puyuma, les Rukai, les Saisiat, les Sakizaya, les Da'o (Yami), les Thao, les Truku, les Tsou et les Seedeq.
Cependant cette répartition ne corresponde pas à une réalité concrète, car, à l’origine, les peuples vivant à Taiwan n’ont pas d’unité sociale ou politique. Ils vivent dans des villages indépendants, en guerre ou alliés selon les circonstances[7]. L’existence de ces groupes vient des autorités et des ethnologues, qui ont cherché à distinguer et classer les différentes ethnies. En réalité ces groupes sont constitués d’un regroupement de villages partageant une langue ou des pratiques culturelles communes[7], ce qui complique leur classification.
La liste des groupes varie selon les critères retenus, elle est sujette à caution et peut même parfois se révéler absurde. Par exemple, les Thao étaient classés dans le même groupe que les Tsou uniquement parce qu’ils étaient considérés trop peu nombreux pour former un groupe, et ne furent reconnus comme groupe indépendant qu’en 2001. Les Seedeq furent également assimilés aux Atayal, alors qu’ils s'en distinguent de fait[8]. À l'inverse les Truku reconnus en 2004 comme un groupe à part entière pourraient être regroupés avec les Seedeq[9]. Les Kavalan reconnus en 2002, forment le premier groupe « des plaines » reconnu ; en 2007 les Sakizaya sont reconnus : ils étaient jusqu'alors englobés dans le groupe des Amis[10]. Le dernier groupe à avoir été reconnu sont les Seedeq qui étaient jusqu'alors englobés avec les Atayal[11].
La pertinence de la liste retenue par le gouvernement est remise en question, ainsi que la manière dont il s’y prend pour reconnaître tel groupe et pas tel autre, comme lors de la reconnaissance des Truku en tant que groupe indépendant[12].
À ces 14 groupes on pourrait en ajouter d’autres qui vivaient pour la plupart sur la côte ouest de Taïwan. Le nombre de ces groupes diffère selon les critères et les documents sur lesquels on se fonde pour l’établir,[13], car ils ont disparu ou sont complètement assimilés, leurs descendants ne parlant même plus leur langue.
Une liste des groupes aborigènes restants, dits des « plaines » pourrait être : Babuza, Basay, Hoanya, Ketagalan, Luilang, Pazeh, Popora, Qauqaut, Siraya, Taokas, Trobiawan. Actuellement, différents groupes aborigènes essayent de faire renaître leur culture et demandent une reconnaissance officielle.
Les aborigènes représentent environ 2 % de la population de Taïwan, avec une population de près de 470 000 personnes, mais ce chiffre est sûrement sous-estimé car tous les aborigènes des plaines ne sont pas reconnus et le gouvernement a autrefois minimisé leur nombre, par mesure discriminatoire[8]. Ainsi en 1954, les Pingbu ou « aborigènes des plaines » perdent leur statut et ne sont plus reconnus[14]. Chen Shao-Hsing estime en 1950 la population des « aborigènes des plaines » à 60 000[15].
Aborigènes de Taïwan par groupe ethnique, « Council of Indigenous Peoples, Executive Yuan », 2006. Pas de statistiques pour les Sakizaya car n'ayant été reconnus qu'en début 2007, ainsi que pour les Seedeq dernier groupe reconnu.
Amis | Atayal | Bunun | Da'o | Kavalan | Paiwan | Puyuma | Rukai | Saisiat | Truku | Thao | Tsou |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
166 769 | 79 024 | 47 585 | 2 977 | 1 023 | 81 123 | 10 441 | 11 123 | 5 402 | 22 266 | 602 | 6 335 |
[modifier] Histoire
[modifier] Avant la colonisation étrangère
Il y a environ 5 000 ans (3 000 av. J.-C.), des habitants du littoral de Chine méridionale, cultivateurs de millet et de riz, commencent à traverser le détroit et à s'installer à Taïwan. Mais diverses vagues de migrations, à différentes époques, ainsi qu’une influence plus ou moins directe des cultures déjà existantes dans l’île, ont fini par donner naissance à diverses cultures, et enfin aux cultures que l’on trouve actuellement. Des recherches linguistiques et génétiques tendraient à démontrer que les austronésiens se seraient répandus dans le Pacifique à partir de Taïwan. Les Da'o (Yami), quant à eux, sont apparentés aux habitants de Batan (Philippines), et seraient arrivés sur l’île des Orchidées il y a environ 1 000 ans.
Mais diverses cultures sur l’île de Taïwan existaient déjà, puisque la plus vieille trace humaine trouvée sur l’île remonte à environ 30 000 ans (l’homme de Zuozhen).
Sur l’île de Taïwan, on trouve de nombreux sites archéologiques correspondant à diverses cultures. La plus vieille découverte est la culture de Changbin (長濱文化). On trouve également d’autres cultures, sur l'ensemble de l'île, allant du paléolithique jusqu'à nos jours, comme la culture de Shisanhang au nord de l’île et les cultures de Peinan et Qilin au sud-est. Mais les liens directs qui relient ces différentes cultures aux groupes aborigènes actuels sont difficiles à établir.
[modifier] L’ère hollandaise et espagnole
Dans leur rivalité commerciale en Asie, les puissances européennes colonisent Taïwan afin d’asseoir leur suprématie sur leurs adversaires[réf. nécessaire]. Les Hollandais, comme les Espagnols, colonisent Taïwan au début du XVIe siècle, par le biais de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales ; ils arrivent les premiers en 1624 et s’installent à Tayouan (Anping, Tainan), où ils resteront jusqu’en 1662. Ils s'installent principalement au sud-ouest de Taïwan dans la région de l’actuelle ville de Tainan. Ils établissent cette base à des fins commerciales avec la Chine et le Japon, et ainsi mettent fin au monopole des Espagnols et Portugais.
Deux ans plus tard, les Espagnols, inquiets de l’installation des Hollandais à Taïwan et de la menace que cela représente pour leur commerce, établissent à leur tour une colonie au nord de Taïwan, à Keelung (1626-1642). Cependant ils n’arriveront jamais à s’imposer et auront à faire face à de nombreux conflits avec les aborigènes, n’ayant des rapports amicaux qu’avec huit villages. En 1636, après l’attaque de Fort Santo Domingo à Tamsui, leur intérêt pour Taiwan diminue[16]. Durant les 16 années que dure leur présence, ils propagent le catholicisme, construisent cinq églises et évangélisent 4 000 aborigènes[17]. Les Hollandais alliés avec des aborigènes les expulsent finalement en 1642.
Lorsque les Hollandais arrivent à Tayouan en 1624, ils rentrent directement en contact avec les Siraya, qui étaient divisés en différents villages qui se faisaient la guerre ou s’alliaient selon les besoins[réf. nécessaire]. Les Hollandais viennent en aide au village de Sinckan (sinshih) qui était en guerre avec Mattau (madou) et son allié Bakloan. Après leur victoire contre Mattau, le village de Sinkang se trouve sous la protection des Hollandais et leurs relations sont d'abord amicales[réf. nécessaire]. En 1629, une expédition hollandaise qui va à la recherche de pirates chinois est massacrée par les guerriers de Mattau, et cela encourage d’autres villages à se rebeller contre les Hollandais[réf. nécessaire]. En 1635 les Hollandais reçoivent des renforts en provenance de Batavia (Jakarta). Entre fin 1635 et début 1636 ils se lancent dans une campagne militaire dans les environs de Tayouan afin de soumettre les aborigènes par la force, campagne qui sera suivie d’une autre au début des années 1640 dans le centre de Taïwan. La campagne de 1635-1636 a pour but de pacifier et de mettre fin aux attaques provenant des villages hostiles. Les Hollandais et leur alliés de Sinkang attaquent le village de Mattau et le brûlent. Les villageois de Mattau se rendent immédiatement. Mattau étant le plus puissant village dans la région, cette victoire impressionne les autres villages qui viennent se soumettre aux Hollandais, parmi lesquels des villages qui se trouvaient en dehors de leur zone d’influence.
C'est à cette époque que débute la domination hollandaise sur une vaste partie de Taïwan et met fin à des siècles de luttes entre villages. Cette période de paix permet aux Hollandais de construire des écoles et des églises dans le but de dominer les aborigènes et de les soumettre à leur autorité[réf. nécessaire]. Dans les écoles, une retranscription de la langue Siraya est enseignée sous forme romanisée. Cette écriture est utilisée tout du long du XVIIIe siècle[réf. nécessaire]. Peu de documents ont survécu dans cette écriture jusqu'à nos jours. En 1650, les Hollandais comptabilisent 68 567 aborigènes sous contrôle[18].
Rapidement les Hollandais se lancent dans le commerce très lucratif de peaux de daims[réf. nécessaire]. Le commerce de peaux de daims attire en premier lieu les Chinois mais vers 1642 la population de daims sur l'île diminue, ce qui réduit la prospérité des aborigènes[réf. nécessaire]. Simultanément à l'extension de la domination hollandaise dans le sud-ouest de Taïwan, de plus en plus de Chinois viennent s’installer à la recherche de terres cultivables. Cette migration est encouragée par les Hollandais pour mettre en valeur les terres qu’ils trouvent peu exploitées par les aborigènes. Cette exploitation agricole doit permettre d’acquérir l’auto-suffisance pour leur colonie et apporter une rentrée d’argent supplémentaire. Au fur et à mesure que la population chinoise croît à Taïwan, la pression se fait de plus en plus forte sur les populations aborigènes. Des conflits deviennent inévitables, on estime que la population chinoise à la fin de l’époque hollandaise est de 40 à 50 000 personnes[réf. nécessaire]. La colonisation hollandaise prend fin en 1662 lorsque Koxinga se replie à Taïwan avec ses forces afin d’en faire une base arrière et de repartir à la conquête de la Chine.
[modifier] L’ère de Koxinga et de la dynastie Qing
En 1661, Koxinga (Zheng Chenggong, 鄭成功) fidèle aux Ming et fuyant les Mandchous, se réfugie à Taïwan et en chasse les Hollandais en 1662. À partir de ce moment les Chinois commencent à administrer l’île et à y immigrer en masse. En 1661, les Mandchous, pour essayer de stopper cette émigration, promulguent un décret qui oblige la population à se replier à l’intérieur des côtes, Koxinga fait distribuer les terres aux Chinois au détriment des aborigènes. On estime alors la population chinoise à 120 000 habitants[19].
Le petit fils de Koxinga se rend aux Mandchous (dynastie Qing) en 1683, et Taïwan est mise sous administration de la province du Fujian. Les Chinois continuent à émigrer sur l’île et atteignent le nombre de 2 millions en 1810 et 3 millions en 1860[20]. Beaucoup de Chinois prendront pour femme des aborigènes. Ce métissage était déjà effectif avant l’arrivée hollandaise où quelques marchands chinois étaient déjà mariés à des aborigènes.
L’administration Qing désigne les aborigènes par différents noms, mais qui n’ont rien à voir avec une distinction ethnique. Ils sont désignés en tant que sheng fan (barbares crus), ou non sinisés et shu fan (barbares cuits), ou sinisés. Ces classements discriminatoires faisaient référence à la vision qu’avaient les chinois des aborigènes, à savoir s’ils étaient plus ou moins « sauvages ».
L’arrivée de nombreux Chinois ne se fait pas sans problèmes. Les aborigènes sont l’objet de mauvais traitements : ils sont régulièrement brimés, exploités et spoliés de leurs terres par les Chinois. Il y a de nombreuses révoltes de la part des aborigènes, beaucoup migrent à l’intérieur même de Taïwan afin de trouver des contrées plus tranquilles. En 1758, un édit ordonne que les hommes aborigènes portent la natte mandchoue et un nom chinois.
[modifier] L’ère japonaise
En 1895, la Chine perd la guerre contre le Japon et, par le traité de Shimonoseki, cède l’île de Taiwan ainsi que d’autres îles au Japon. La colonisation japonaise durera jusqu’en 1945.
Dès 1896, les Japonais commencent à classer les aborigènes selon divers critères ethniques, faisant varier le nombre total de groupes selon les listes. En 1935 une liste de 9 groupes est établie : Atayal, Saisiat, Bunun, Tsou, Rukai, Paiwan, Puyuma, Amis, Yami. Cette liste a perduré jusqu’à nos jours ; depuis lui ont été adjoints 4 autres groupes reconnus officiellement. Bien que le terme officiel de l'époque pour désigner les aborigènes soit « peuple de Takasago » (高沙族), les Japonais continuent à utiliser les termes de « barbares cuits » et « barbares crus ». Les Japonais veulent exploiter les ressources naturelles de l’île, ce qui les mènent à affronter les aborigènes de l’intérieur des terres. Les Japonais finissent quand même par contrôler l’île et entreprennent une assimilation de toute la population.
Les Japonais voulant développer Taïwan et l’intégrer à leur empire, la langue japonaise est imposée et des écoles sont construites. Vers 1940, 71 % des jeunes aborigènes sont scolarisés. Mais les Japonais interdisent de nombreuses pratiques culturelles et déstructurent en partie les sociétés aborigènes. Les discriminations et les brimades répétées de la part des fonctionnaires japonais entraînent de nombreuses révoltes comme la célèbre révolte de Wushe (霧社事件) en 1930, menée par Mona Rudao. Le 27 octobre, décidés à se venger des affronts répétés, 300 guerriers Atayal se jettent à l’assaut de l’école de Wushe où une cérémonie allait se dérouler. Les assaillants massacrent 134 Japonais et plus de 200 sont blessés. La révolte dure près de 2 mois durant lesquels les insurgés combattent en nombre inférieur. Les forces japonaises, pour réduire la résistance Atayal, utilisent de l’artillerie, de l’aviation ainsi que des armes chimiques. Ils ont également recours à des auxiliaires aborigènes afin de traquer les insurgés. Beaucoup sont tués ou se suicident comme le fit Mona Rudao.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, entre 4 000 et 8 000 aborigènes (selon les estimations) sont enrôlés dans l’armée impériale et combattent dans les mers du sud. Plus de la moitié périssent, le premier bataillon de « Volontaires de Takasago » est créé en 1942. Après la défaite japonaise, ces combattants ne recevront pas les compensations escomptées ni de reconnaissance, et se sentiront trahis. Par ailleurs, lorsque Taïwan sera cédé à la République de Chine, ils seront considérés comme des traîtres. En 1974, un soldat japonais fut retrouvé dans la jungle indonésienne, et fut appelé le dernier soldat japonais, en réalité il était un aborigène taiwanais enrôlé dans les Volontaires de Takasago. Parti avec le nom japonais de Nakamura Teruo (中村輝夫), à son retour il dût prendre un nom chinois Lee Guang-Hui (李光輝) à cause de la politique de sinisation du Guomindang. De son vrai nom Suniyon, il représente à lui seul les discriminations que purent subir les aborigènes [21].
[modifier] L’ère de la République de Chine
Les nationalistes chinois arrivent à Taïwan après la défaite des Japonais en 1945. En 1949, après sa défaite contre les communistes, Tchang Kaï-chek se réfugie à Taïwan. À partir de cette époque, on utilise l’expression Shandi Tongbao (山地同胞), « compatriotes des montagnes » pour designer les aborigènes ou bien plus couramment Gaoshanzu (高山族), « peuples des montagnes ». Le gouvernement mène une politique de sinisation de toute l'île afin d’effacer toute trace culturelle autre que chinoise. Ce qui entraîne de fait l’intégration des aborigènes et la destruction de leur culture. Le mandarin devient la langue officielle et la seule langue enseignée à l’école. Le gouvernement veut que les aborigènes deviennent des Chinois.
Au début des années 1950, on oblige les aborigènes à prendre des noms chinois sans tenir compte de leurs noms tribaux. Tout est fait pour minimiser le nombre des aborigènes en niant quasiment leur existence. En 1954, les « aborigènes des plaines » ne sont plus reconnus en tant que tels et deviennent Chinois.
La loi concernant la reconnaissance ethnique est alors discriminatoire. En effet, si le mari est chinois et sa femme aborigène, celle-ci perd son statut aborigène et est considérée comme chinoise, et leurs enfants sont considérés comme chinois. En revanche, si le mari est aborigène et la femme chinoise celle-ci est toujours considérée comme chinoise, leurs enfants sont considérés comme aborigènes mais peuvent être considérés comme chinois à la demande de leurs parents. C’est pour cela que le nombre total des aborigènes reste incertain ; aujourd’hui encore le nombre des aborigènes serait supérieur au nombre officiel.
À cette époque, de plus en plus de Chinois s’installent dans les villages aborigènes de la côte est, participant ainsi à l’acculturation de ceux-ci. Certains soldats venu avec Tchank Kai-Shek s’installent dans la partie est de l’île, dans les zones aborigènes. Nombre d’entre eux se marient avec des aborigènes.[22]. De même durant les années 1970 et 1980, beaucoup d’aborigènes partent en ville afin de trouver du travail. Aujourd’hui près de 38 % des aborigènes sont répertoriés comme vivant dans les villes. Ce phénomène de migration contribua énormément à l’acculturation des aborigènes, la politique de sinisation avait fini par pratiquement éradiquer les cultures aborigènes.
À partir des années 1950, les catholiques comme les églises protestantes s’intéressent de plus en plus aux aborigènes et convertissent nombre d’entre eux. Les aborigènes trouvent là une occasion de bénéficier de certains avantages matériels, mais aussi un certain réconfort psychologique à la marginalisation qui était la leur dans la société taïwanaise.
[modifier] Mouvements politiques aborigènes
La politique de sinisation menée par le gouvernement nationaliste et les discriminations qu'ils subissaient ont fini par engendrer un sentiment de honte chez certains aborigènes qui finissaient par cacher leur origine. Cependant l’ouverture politique que va connaître Taïwan pendant les années 1980 et 1990, et notamment la fin de loi martiale en 1987 vont ouvrir de nouvelles portes aux aborigènes et leur permettre de pouvoir faire entendre leurs revendications.
Dès 1983, un groupe d’étudiants publie clandestinement la revue Gaoshan Qing, l’un d'eux n’est autre qu’Icyang Parod qui deviendra plus tard ministre. Cette revue dénonçe les discriminations qu’ont subis les aborigènes depuis des siècles. En 1984, l’alliance des aborigènes de Taiwan (ATA, Alliance of Taiwan Aborigines) est créée par un groupe d’activistes aborigènes avec l’aide de l’Église Presbytérienne de Taïwan, afin de mettre en lumière les problèmes des aborigènes dans la société Taiwanaise. L’ATA mène une série de campagnes pour défendre les droits des aborigènes, notamment les campagnes pour la reconnaissance de leurs noms aborigènes, pour sauver les jeunes aborigènes de la prostitution, pour retrouver leurs terres ancestrales ou pour la reconnaissance de tous les groupes aborigènes. De nombreux journaux parlant de la culture ou des problèmes des aborigènes voient le jour.
Ces différents mouvements portent leurs fruits et une série d’améliorations surviennent quant aux statuts que peuvent avoir les aborigènes dans la société taïwanaise.
En 1992, des changements entrent en vigueur en ce qui concerne la reconnaissance du statut ethnique. Désormais une femme aborigène qui épouse un chinois peut rester aborigène si elle le désire. En 1994, le nom de « compatriote des montagnes » est remplacé par le terme Yuanzhumin (原住民, aborigènes) suite à un amendement constitutionnel, bien que le Guomindang aurait préféré le terme 先住民ou 早住民, « le premier peuple », termes qui évoquent plus une migration historique sur l’île de Taiwan et faisant des aborigènes une vague migratoire parmi d’autres. Le terme Yuanzhumin implique plus une appartenance à une terre et donc des revendications sur celle-ci. En 1995, ils obtiennent le droit d’écrire les noms aborigènes, mais en utilisant des caractères chinois (6 au maximum). En 1997, la commission des affaires aborigènes, directement rattachée au conseil exécutif, est créée. En 2003, un amendement autorise les aborigènes à écrire leur nom avec des lettres latines[23].
En 2005, la loi fondamentale des aborigènes est votée. Un budget doit être prévu afin de financer le projet de l’autonomie. Aujourd’hui, les langues aborigènes peuvent être enseignées dans les écoles. Des aides sont attribuées aux aborigènes ainsi que pour promouvoir la culture aborigène. Une chaîne de télévision pour promouvoir la culture aborigène a été lancée en 2005.
[modifier] Statut social des Aborigènes
La culture aborigène est depuis la fin des années quatre-vingts très populaire à Taïwan : on trouve des références aux aborigènes un peu partout, jusque sur les publicités. Mais cela ne veut pas forcément dire qu'ils bénéficient d'une réelle reconnaissance de la part de la population d’origine chinoise. Leur image est dans une certaine mesure instrumentalisée par le pouvoir politique du DPP pour distancier Taïwan de la République populaire de Chine, en insistant sur les origines non-chinoises de sa première population.
Malgré de réels progrès dans leur statut, les aborigènes ont en général un niveau et des conditions de vie inférieurs à ceux de la moyenne, et ils n'ont que peu bénéficié du miracle économique de Taïwan. Leur espérance de vie est inférieure à la moyenne, de 10 ans pour les hommes et de 6 pour les femmes[24]. L’alcoolisme fait chez eux des ravages et leur taux de chômage est supérieur à la moyenne. Formant une grande part de la main-d’œuvre non qualifiée, ils sont sur-représentés dans les emplois difficiles tels que manœuvre de chantier ou personnel de service, et subissent depuis le milieu des années 1990 la concurrence de la main-d'œuvre immigrée originaire d'Asie du sud-est ou de Chine populaire.
[modifier] Notes et références
- ↑ Council of Indigenous Peoples
- ↑ Presbyterians and the Aboriginal Revitalization Movement in Taiwan [lire en ligne]
- ↑ carte des langues parlées à Taïwan ici
- ↑ a b c Elizabeth Zeitoun, Les langues austronésiennes de Taiwan, perspectives chinoises n° 49, septembre octobre 1998
- ↑ Taiwan's aboriginal peoples could be forefathers of Polynesians [lire en ligne]
- ↑ The Formosan Language Archive : Linguistic Analysis and Language Processing (PDF)
- ↑ a b Shepherd 1993, Statecraft and Political Economy on the Taiwan Frontier 1600-1800
- ↑ a b Fiorella Allio, La construction d’un espace politique austronésien, perspectives chinoises n° 47, mai-juin 1998, [lire en ligne]
- ↑ Truku delighted at official recognition [lire en ligne]
- ↑ Les Sakiraya, nouvelle tribu aborigène [lire en ligne]
- ↑ Les Sediq sont reconnus comme la 14e tribu aborigène [lire en ligne]
- ↑ Truku delighted at official recognition [lire en ligne]
- ↑ Listes des différents groupes des plaines
- ↑ Pingpu people want recognition [lire en ligne]
- ↑ Josiane Cauquelin, Les sociétés austronésiennes, Taiwan une enquête sur une identité, 2000, p99
- ↑ China's Island Frontier, Knapp, SMS publishing inc.,p14
- ↑ China's Island Frontier, Knapp, SMS publishing inc.,p20
- ↑ China's Island Frontier, Knapp, SMS publishing inc.,p36
- ↑ Taiwan : enquête sur une identité, Les sociétés Austronésiennes; de Josiane Cauquelin
- ↑ Taiwan l'art de la paix, de Alain S.de Sacy, p169-170
- ↑ WWII Aboriginal soldiers demand Japanese pay up [lire en ligne]
- ↑ Voir le documentaire de Hu Tai-Li, "Stone Dream"
- ↑ Fin octobre 2006, seulement un peu plus de 5000 aborigènes ont demandé à ce jour à changer de nom, de peur d'être discriminés et car les démarches ne sont pas faciles. voir : Minister urges indigenous people to use traditional names [lire en ligne], Le nom, un héritage [lire en ligne]
- ↑ Legislators demand better health care for Aborigine towns [lire en ligne]
[modifier] Bibliographie
- Chen Chi-lu, Material Culture of the Fornosan Aborigines, SMC Publishing inc., 3e édition 1988
- John Robert Shepherd, Statecraft and Political Economy on the Taiwan Frontier 1600-1800, SMC Publishing inc., Taipei 1995, ISBN : 957-638-311-0
- Bellwood, Peter, The Austronesians, 1995
- Chantal Zheng, Les Austronésiens de Taïwan : à travers les sources chinoises , L'Harmattan 1995, Collection "Recherches asiatiques", ISBN : 2738434797
- Taïwan : enquête sur une identité, Karthala, Collection dirigée par Jean Copans, ISBN : 2845860870
- Perspectives chinoises, numéro 47, mai-juin 1998, La construction d’un espace politique austronésien, de Fiorella Allio [lire en ligne]
- Perspectives chinoises, numéro 49, septembre-octobre 1998, Les langues austronésiennes de Taïwan Un bilan linguistique, de Elizabeth Zeitoun
- Perspectives chinoises, numéro 57, janvier-février 2000, La conscience "Pingpu" dans la société taïwanaise contemporaine, de Pan Inghai
- Perspectives chinoises, numéro 66, juillet-août 2001, Le site archéologique Peinan et le musée national de la préhistoire de Taïwan, de Chantal Zheng
- Une maison sans fille est une maison morte, éditions de la maison des sciences de l'homme, sous la direction de Nicole-Claude Mathieu, ISBN : 9782735111299
- Chantal Zheng, Mythes et croyances du monde chinois primitif, Bibliothèque historique Payot, ISBN : 2228881899
- OPIUMS : Les plantes du plaisir et de la convivialité en Asie, L'Harmattan, Collection "Recherches asiatiques", Sous la direction de Annie Hubert et Philippe Le Failler, ISBN : 2738491235
[modifier] Liens externes
- http://josiane.cauquelin.free.fr/puyuma
- (en) discours fait par les représentants de l'ATA à Genève en 1993 à la neuvième session du Groupe de travail des populations autochtones de l’ONU.ici
- (en) Projet d'archives linguistiques de l'académie de Sinica
- (en) Langues austronésiennes
- (en) http://ecai.org/austronesiaweb/
- (en) Council of Indegenous peoples, executive yuan
- (en) The Dutch in Formosa-Taiwan 1624-1662 1664-1668
- (en) site sur la révolte de Wushe
- (en) musée de la préhistoire
- (zh) musée Shunye
- (en) musée Shisanhang
- (zh) images de l'époque japonaise
- (en) The Yang-Grevot collection
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Reconnus : Ami | Atayal | Bunun | Da'o | Kavalan | Paiwan | Puyuma | Rukai | Saisiat | Seedeq | Sakizaya | Thao | Truku | Tsou Non reconnus : Babuza | Basay | Hoanya | Ketagalan | Luilang | Pazeh/Kaxabu | Popora | Qaugaut | Siraya | Taokas | Trobiawan |