Signare
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Le terme « signare » était l'appellation des jeunes femmes métisses, issues du mariage de Portugais avec des femmes sérères de la Petite-Côte du Sénégal, dans les comptoirs de Rufisque (Rufisco) au XVIIe siècle, puis de Gorée et finalement de Saint-Louis jusqu'au milieu du XIXe siècle.
Sommaire |
[modifier] Histoire
Les premières signares étaient lusophones. Elles étaient issues de l'union de femmes sérères de la Petite-Côte (Sénégal) et de Portugais au début du XVIIe siècle. Ces mariages étaient généralement durables, car beaucoup de ces Portugais finissaient leurs vies dans les comptoirs qu'ils avaient créés avec les Sérères et le roi du Sine-Saloum tout proche.
C'est dans ces comptoirs que les enfants métis issus de ces unions prospérèrent, en particulier les Signaras, mot voulant dire les "Dames" en portugaisais. Ces comptoirs, Joal, Saly-Portudal et Rufisco (rio fresco, rivière fraîche) étaient gouvernés par les Signaras (Signares en français) et par L'Alquier (représentant le roi du Sine). Le système économique des signares de la petite côte reposait sur le commerce des cuirs, des cotonnades, de l'indigo, de l'or et des épices dites "pauvres".
L'arrivée de la France et de l'Angleterre, en transformant le Sénégal en zone de guerre, détruisit cette première micro-civilisation féminine de la petite côte et le système économique pacifique, qu'elles avaient su développer avec leurs familles sérères et leurs pères portugais (souvent de confession israélite). Les Signares émigrèrent de la petite côte du Sénégal vers les îles de Gorée et Saint Louis au début du XVIIIe siècle pour se mettre à l'abri des guerres déclenchées par les Occidentaux entre les rois du Sénégal pour obtenir des esclaves en échange d'armes à feu, de poudre, de munitions, de verroteries et de pièces d'inde (morceaux de tissu importés d'Inde puis fabriqués à Rennes dans le cas de la France).
A Gorée, les Signares inventèrent le "mariage à la façon du pays", c'est-à-dire un mariage à durée limitée reconnu comme valable par le roi de France et l'église catholique. Ces "mariages à la façon du pays", à caractère politique et économique, étaient réservés aux rares unions avec des Occidentaux ; ils ne représentaient pas plus de 15% du total des unions. Les signares étaient fortement attachées aux unions endogamiques (80% des unions), seules capables de pérenniser leur culture et de préserver le capital accumulé de mère en fille sur plusieurs générations. Les mariages avec des Occidentaux étaient élitistes et avaient pour objet de construire en France et en Angleterre de puissants réseaux d'affaires familiales et de faire bénéficier leur communauté de la protection permanente de leurs parentés occidentales contre d'éventuels brutes envoyées à Gorée par les administrations de ces nations. Les Signares ne se mariaient donc jamais avec de simples matelots, mais avec des cadres bourgeois ou aristocrates français et anglais. Les signares ne sont pas issues du mariage de femmes africaines esclaves avec des Occidentaux mais bien d'unions libres entre femmes lébous ou sérères et des Occidentaux.
Le chevalier Stanislas de Boufflers, gouverneur du Sénégal en 1785, prit pour compagne la fameuse Anne Pépin, rencontre probablement prévue avant même qu'il ne soit nommé à ce poste. C'est Anna Colas Pépin, sa nièce, qui possédait l'actuelle Maison des Esclaves (qui n'a jamais contenu d'esclaves de traite).
Les signares réussirent au cours de différentes périodes à résister aux gouverneurs et officiers fraîchement débarqués qui contestaient leur pouvoir et leurs privilèges. Grâce à leurs réseaux familiaux, elles arrivaient sans peine à atteindre les instances du pouvoir monarchique en France comme en Angleterre afin de contrecarrer toute décision déstabilisant leur mode de vie.
Ces rusées mulâtresses (métisses), appelées communément Signares (qualificatif de rang et non pas de couleur), étaient réputées pour leur beauté envoûtante et leurs richesses, qu'elles firent fructifier habilement. Entre coquetterie quotidienne, fêtes dominicales et entretien de suites grouillantes de petites captives richement parées (esclaves sauvées de la traite négrière et intégrées aux maisons des Signares), elles menèrent des vies de femmes fatales, cultivant à l'extrême la sensualité.
[modifier] Postérité
Elles développèrent un art de vivre somptueux dont l'écho arrive encore à se faire entendre de nos jours à travers de nombreux livres d'histoires, les poèmes de Senghor et des spectacles annuels organisés à Gorée et à Saint-Louis du Sénégal.
[modifier] Bibliographie
[modifier] Essais
- (fr) Jean Luc Angrand, Céleste ou le temps des Signares (Editions Anne Pépin, 2006).
[modifier] Mémoire
- (fr) Guillaume Vial, Les signares à Saint-Louis du Sénégal au XIXe siècle : étude critique d'une identité métisse, Université de Reims, 2 vol., Mémoire de maîtrise, 1997, 407 p.
[modifier] Fictions
- (fr) Tita Mandeleau, Signare Anna, ou le voyage aux escales, Dakar, Nouvelles Éditions africaines du Sénégal, 1991, 232 p. (ISBN 2723604373)