La Princesse de Clèves
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La Princesse de Clèves | |
Auteur | Anonyme, attribué à Marie-Madeleine de La Fayette |
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Genre | Roman |
Pays d’origine | France |
Lieu de parution | Paris |
Éditeur | Claude Barbin |
Date de parution | 1678 |
Illustration : Édition princeps |
La Princesse de Clèves est un roman écrit par Marie-Madeleine de La Fayette en 1678. Cette œuvre est considérée comme le premier roman moderne de la littérature française.
Sommaire |
[modifier] Sujet
L’action se déroule, en 1558, à la cour du roi Henri II.
Mademoiselle de Chartres, jeune orpheline de seize ans élevée par sa mère selon de rigoureuses règles de morale, paraît pour la première fois au Louvre. Le prince de Clèves, ébloui par sa beauté, la demande en mariage. Mademoiselle de Chartres accepte ce mariage de raison. Trop tard, la Princesse de Clèves rencontre le duc de Nemours. Naît entre eux une passion immédiate et partagée, à laquelle sa mère, Madame de Chartres la conjure de renoncer : « ne craignez point de prendre des partis trop rudes et trop difficiles, quelque affreux qu’ils vous paraissent d’abord : ils seront plus doux dans les suites que les malheurs d’une galanterie ».
Le roman décrit avec beaucoup de minutie les étapes du sentiment amoureux chez les trois personnages, ses effets sur leur comportement et la lutte de la princesse pour ne pas trahir les préceptes maternels.
[modifier] Appareil critique
Il s’agit d’un roman historique, puisque écrit au XVIIe siècle et se déroulant au XVIe siècle. La Princesse de Clèves est considéré comme un des premiers romans d’analyse.
Tournant dans l’histoire du roman à la période classique, il marque l’affirmation en littérature de la place des femmes dans la vie culturelle du XVIIe siècle. Avec la Princesse de Clèves, chef-d’œuvre de la préciosité classique, Marie-Madeleine de La Fayette, grande lectrice de Madeleine de Scudéry, se fait la digne représentante des idées « précieuses » véhiculées dans le salon de la marquise de Rambouillet, qu’elle fréquentait assidûment.
Dans ce roman on trouve quelques descriptions de personnages historiques :
- Jacques de Savoie-Nemours (1531-1585), fils du duc Philippe de Savoie-Nemours, petit-fils du duc Philippe II de Savoie et cousin germain du roi François Ier de France : « Ce prince était un chef-d’œuvre de la nature ; ce qu’il avait de moins admirable, c’était d’être l’homme du monde le mieux fait et le plus beau. Ce qui le mettait au-dessus des autres était une valeur incomparable, et un agrément dans son esprit, dans son visage et dans ses actions que l’on a jamais vu qu’à lui seul ; il avait un enjouement qui plaisait également aux hommes et aux femmes, une adresse extraordinaire dans tous ses exercices, une manière de s’habiller qui était toujours suivie de tout le monde, sans pouvoir être imitée, et enfin un air dans toute sa personne qui faisait qu’on ne pouvait regarder que lui dans tous les lieux où il paraissait. »
- Marguerite de Valois (1523-1574), fille de François Ier, roi de France et de la reine Claude de France : « Cette princesse était dans une grande considération par le crédit qu’elle avait sur le roi, son frère ; et ce crédit était si grand que le roi en faisant la paix, consentait à rendre le Piémont pour lui faire épouser le duc de Savoie. Quoiqu’elle eût désiré toute sa vie de se marier, elle n’avait jamais voulu épouser qu’un souverain, et elle avait refusé pour cette raison le roi de Navarre, lorsqu’il était duc de Vendôme, et avait toujours souhaité M. de Savoie ; elle avait conservé de l’inclination pour lui depuis qu’elle l’avait vu à Nice à l’entrevue du roi François premier et du pape Paul troisième. »
[modifier] L’histoire
I
L’action se déroule, en 1558, à la cour du roi Henri II durant les dernières années de son règne. Autour du roi, princes et princesses rivalisent d’élégance et de galanterie.
Mlle de Chartres, jeune orpheline de seize ans, élevée par sa mère selon de rigoureuses règles de morale, parait pour la première fois au Louvre. Le prince de Clèves, honnête homme d’une grande droiture morale, tombe amoureux d’elle dès qu’il l’aperçoit. Ébloui par sa beauté, il la demande en mariage. Mlle de Chartres n’a aucune expérience de l’amour et l’épouse sans être amoureuse de lui.
Après s’être mariée, Mme de Clèves rencontre, à la cour, le duc de Nemours. Naît entre eux un amour immédiat et partagé. Mme de Chartres découvre cette passion naissante et met en garde sa fille du danger de ce désir illégitime. Avant de mourir, Mme de Chartres conjure sa fille de lutter contre l’amour coupable que lui inspire le duc de Nemours : « ne craignez point de prendre des partis trop rudes et trop difficiles, quelque affreux qu’ils vous paraissent d’abord : ils seront plus doux dans les suites que les malheurs d’une galanterie ». Ayant perdu le soutien de sa mère, et afin d’éviter M. de Nemours, qu’elle ne peut s’empêcher d’aimer, Mme de Clèves décide de se retirer à la campagne. M. de Clèves reste à Paris, car il doit consoler l’un de ses amis, M. de Sancerre.
II
Mme de Clèves vit en sa maison de Coulommiers. Elle apprend la mort de Mme de Tournon et est attristée de la disparition de cette jeune femme qu’elle trouvait belle et vertueuse. De retour de Paris, M. de Clèves lui apprend que son ami Sancerre était amoureux depuis près de deux ans de Mme de Tournon et que cette dernière lui avait secrètement promis ainsi qu’à M. d’Estouville de les épouser. C’est seulement le jour de sa mort que M. de Sancerre apprend la perfidie. Le même jour, il connaît une douleur immense en apprenant la mort de sa bien-aimée et en découvrant les lettres passionnées que cette dernière a adressées à M. d’Estouville. La princesse de Clèves est troublée par les propos que son mari a tenu a son ami Sancerre et qu’il lui répète : « La sincérité me touche d’une telle sorte que je crois que si ma maîtresse et même ma femme, m’avouait que quelqu’un lui plût, j’en serais affligé sans en être aigri. »
À la demande de M. de Clèves, Mme de Clèves rentre à Paris. Elle ne tarde pas à se rendre compte qu’elle n’est pas guérie de l’amour qu’elle éprouve pour le duc de Nemours. Elle est en effet émue et pleine de tendresse pour cet homme, qui par amour pour elle, renonce aux espérances d’une couronne. Si elle ne parvient pas à maîtriser ses sentiments, elle est bien décidée à tout faire pour maîtriser ses actes. Elle souhaite à nouveau fuir celui qu’elle aime, mais son mari lui intime l’ordre de ne changer en rien sa conduite.
Puis Nemours dérobe sous ses yeux son portrait. Elle se tait, craignant à la fois de dévoiler publiquement la passion que ce prince éprouve pour elle et d’avoir à affronter une déclaration enflammée de cet amoureux passionné. Nemours qui s’est aperçu que la princesse de Clèves avait assisté à ce vol et n’avait pas réagi, rentre chez lui, savourant le bonheur de se savoir aimé.
Lors d’un tournoi, Nemours est blessé. Le regard que lui adresse alors Mme de Clèves est la preuve d’une ardente passion. Puis une lettre de femme égarée et dont elle entre en possession laisse supposer que Nemours a une liaison. Elle découvre alors la jalousie.
III
Le Vidame de Chartres, oncle de la princesse de Clèves et ami intime de M. de Nemours est lui aussi très contrarié par cette lettre. Car la lettre qu’a lue la princesse de Clèves et qu’elle croyait adressée à Nemours, d’où sa jalousie, lui appartenait. Et le fait qu’elle circule entre toutes les mains de la Cour le contrarie énormément. En effet, cette lettre risque de déshonorer une femme extrêmement respectable et de lui valoir, à lui, Vidame de Chartres, la colère de la Reine qui en a fait son confident et qui n’accepterait pas cette aventure sentimentale.
Le Vidame de Chartres souhaite que le duc de Nemours indique être le destinataire de cette lettre et aille la réclamer à la reine dauphine qui l’a maintenant entre les mains. Il lui donne pour cela un billet sur lequel figure son nom, qu’une amie de sa maîtresse lui a donné, et qui permettra à Nemours de se justifier auprès de celle qu’il aime.
M. de Nemours rend visite à Mme de Clèves et lui apprend la demande au Vidame de Chartres. Il parvient également grâce au billet que lui a donné son ami à lui prouver qu’il n’est pas compromis dans cette aventure sentimentale. Il parvient ainsi à dissiper la jalousie de la Princesse. En présence de M. de Clèves, les deux amants, pour satisfaire une demande royale, réécrivent de mémoire une copie de la lettre qui a semé le trouble. Mme de Clèves goûte le plaisir de ce moment d’intimité, mais reprend conscience de la passion qu’elle ressent, malgré elle, pour cet homme. Elle décide de repartir à la campagne, malgré les reproches de son mari, qui ne comprend guère son goût pour la solitude.
Elle avoue alors, les yeux remplis de larme, qu’elle est éprise d’un autre homme, et que pour rester digne de lui, elle doit quitter la cour. M. de Nemours assiste, caché et invisible, à cet aveu. M. de Clèves est dans un premier temps tranquillisé par la franchise courageuse de son épouse. Puis aussitôt, il commence à ressentir une vive jalousie et presse son épouse de mille questions auxquelles elle ne répond pas. Elle ne lui dévoilera pas le nom de son rival. M. de Nemours, assistant dans l’ombre à cette scène, reste lui aussi dans l’expectative. Le roi demande alors à M. de Clèves de rentrer à Paris.
Restée seule, Mme de Clèves est effrayée de sa confession, mais se rassure, en estimant qu’elle a ainsi témoigné sa fidélité à son mari.
M. de Nemours s’est enfui dans la forêt et se rend compte que cet aveu lui enlève tout espoir de conquérir celle qu’il aime. Il éprouve pourtant une certaine fierté d’aimer et d’être aimé d’une femme si noble. Il commet surtout l’imprudence de raconter au Vidame de Chartres, l’histoire qu’il vient de vivre. Il a beau raconter cette histoire en termes très vagues, son compagnon devine que cette histoire est la sienne. Clèves apprend de son côté que celui que sa femme n’a pas voulu nommer, n’est autre que M. de Nemours. Puis en raison de l’imprudence de Nemours, l’information devient publique. Ne sachant que ce dernier a été témoin de cet aveu, M. et Mme de Clèves se déchirent en se soupçonnant l’un l’autre d’avoir trahi le secret de leur discussion. Nemours et M. et Mme de Clèves que la fatalité a jeté les uns contre les autres sont alors soumis aux soupçons, remords, reproches et aux plus cruels des troubles de la passion.
Le roi, lui, meurt lors d’un tournoi.
IV
Alors que la Cour se rend à Reims pour le sacre du nouveau roi, Mme de Clèves se retire à nouveau à la campagne, cherchant dans la solitude l’impossible tranquillité. Nemours la suit, épié par un espion que Clèves a dépêché sur place. De nuit, Nemours observe la princesse de Clèves alors qu’elle contemple d’un air rêveur un tableau le représentant. Il est fou de bonheur. Encouragé par cette marque d’amour, Nemours se décide à rejoindre celle qu’il aime. Il avance de quelques pas et fait du bruit. Pensant le reconnaître, la princesse se réfugie immédiatement dans un autre endroit du château. Nemours attend en vain dans le jardin, et au petit matin, il se rend dans le village voisin pour y attendre la nuit suivante.
La présence du duc de Nemours auprès de la princesse a été rapportée à Clèves par son espion. Sans même laisser le temps à son interlocuteur de lui donner plus de précisions, Clèves est persuadé qu’il a été trahi. Il meurt de chagrin, non sans avoir fait à la vertueuse infidèle d’inoubliables adieux et l’avoir accablée de reproches.
La douleur prive la princesse de toute raison. Elle éprouve pour elle-même et M. de Nemours un véritable effroi. Elle refuse de voir M. de Nemours, repensant continuellement à la crainte de son défunt mari de la voir épouser M. de Nemours.
Le Vidame de Chartres réussit tout de même à organiser une entrevue secrète entre les deux amants. Elle le regarde avec douceur, mais lui conseille de rechercher ailleurs une destinée plus heureuse. Puis elle sort sans que Nemours puisse la retenir.
La princesse tentera d’apaiser sa douleur en s’exilant dans les Pyrénées. Elle mourra quelques années plus tard en succombant à une maladie de langueur.
[modifier] Influences
[modifier] Préciosité
Dans sa jeunesse, Madame de La Fayette fréquente les salons précieux de l’hôtel de Rambouillet et de Madeleine de Scudéry. La préciosité marque encore le siècle, et l’influence de l’ouvrage phare du courant, l'Astrée d’Honoré d'Urfé, se fait toujours sentir dans la littérature. Madame de la Fayette n’est donc pas exempte de préciosité, lorsqu’elle écrit la Princesse de Clèves.
Le premier aspect de préciosité est donc extérieur à l’œuvre, puisqu’il concerne Madame de Lafayette elle-même. En effet, étant une femme écrivain, elle s’inscrit dans la lignée des ces précieuses lettrées, symbolisées par Mademoiselle de Scudéry. Une oeuvre issue de la fréquentation des salons précieux et écrit par une femme porte alors la marque de la préciosité.
La première et la plus évidente des marques de préciosité dans la nouvelle est l’importance accordée au thème de l’amour, et la forme que ce dernier prend. Les salons précieux, en effet, se nourrissent de discussions sur l’amour, dans le but de résoudre des cas typiques (Une femme doit-elle céder à son amant ?). L’amour est un thème central du mouvement précieux. Ce type de problèmes se retrouvent dans l’ensemble de l’œuvre, de manière plus ou moins explicite. Par exemple, l’aveu que Madame de Clèves fait de son amour pour Monsieur de Nemours à son mari est un cas typique de question précieuse : une femme doit-elle avouer qu’elle a un amant à son mari ? De la même façon, le comportement de Madame de Tournon pose certaines questions d’amour : une femme doit-elle promettre un mariage ? Une femme doit-elle épouser l’homme qu’elle aime ? Enfin, la situation la plus explicite de conversation précieuse est celle qui fait discuter la reine Dauphine et le Prince de Condé de l’opinion de Monsieur de Nemours, qui ne veut pas que sa maîtresse aille au bal.
Autre manifestation de la préciosité, la Princesse de Clèves et le Duc de Nemours, qui représentent en quelque sorte l’idéal précieux : beaux, intelligents et gracieux. Ils sont appelés à être au-dessus des autres humains. En somme, ils concentrent en eux toutes les qualités nécessaires à l’amour idéal, l’amour pur. Cela dit, l’amour précieux demeure généralement malheureux, comme celui qui unit la princesse et le duc.
En effet, l’amour est toujours teinté de jalousie, de tromperies. L’idéal précieux demeure un idéal, c’est-à-dire qu’il ne peut se réaliser que dans un cadre utopique semblable à celui de l’Astrée. Or, Madame de Clèves demeure irrémédiablement ancrée dans la réalité historique ; elle ne peut échapper à la jalousie. « Mais elle se trompait elle-même ; et ce mal, qu’elle trouvait si insupportable, était la jalousie avec toutes les horreurs dont elle peut être accompagnée. »(Deuxième Partie)
La conception de l’amour précieux s’illustre par ailleurs dans les valeurs défendues, au fil de la nouvelle, par divers personnages. De façon assez générale, ces valeurs reprennent celles qui sont modélisées par la Carte de Tendre. Elles constituent l’idéal amoureux précieux, idéal bien entendu inaccessible.
Le poids de la préciosité dans la Princesse de Clèves se remarque également par l’emploi continu d’un vocabulaire précieux, vocabulaire éthéré, termes vagues, et néologismes précieux sous la forme d’adverbes. Deux exemples de cet emploi du vocabulaire précieux :
« [...] elle loua Monsieur de Nemours avec un certain air qui donna à Madame de Chartres la même pensée qu’avait eue le chevalier de Guise » (Première Partie) « Je crois devoir à votre attachement la faible récompense de nous cacher aucun de mes sentiments et de vous les laisser voir tels qu’ils sont. » (Quatrième Partie)
[modifier] Jansénisme
Une autre influence particulièrement prégnante dans le milieu littéraire de l’époque est celle du jansénisme de Port-Royal. Il apparaît tant dans les Réflexions ou sentences et maximes morales et réflexions diverses de Monsieur de La Rochefoucauld que dans les pièces de Racine. Madame de La Fayette, amie de Monsieur de La Rochefoucauld, fréquente également les milieux jansénistes. La Princesse de Clèves porte les marques de cette influence.
Cette influence s’exprime assez simplement dans le roman par l’incapacité continuelle de Madame de Clèves à exprimer correctement ses problèmes, et à les affronter. En effet, la plupart des soliloques qui ponctuent le récit posent de faux problèmes. Il ne s’agit pas, par exemple, de combattre un coupable amour mais de le cacher à la Cour. Il ne s’agit pas d’avoir été indigne envers son mari, mais d’avoir paru indigne à Monsieur de Nemours.
Cette mauvaise foi permanente de Madame de Clèves introduit, on le voit bien, le thème du paraître, qui domine dès l’ouverture de la nouvelle, depuis la description de la Cour jusque dans les soliloques de la jeune femme. Rien n’est ce qu’il semble être à la Cour, et il faut se garder des apparences : l’homme est menteur. « Si vous jugez sur les apparences en ce lieu-ci, répondit madame de Chartres, vous serez souvent trompée : ce qui paraît n’est presque jamais la vérité. » (Première Partie)
Dès lors, la Cour n’est qu’un vaste complexe de cabales et autres jeux d’influences. La direction du pays est toute entière livrée aux passions des princes et des princesses, et la religion même est occultée par l’ambition de la gloire. Ainsi, à la mort du Roi, ce ne sont pas la pitié et la piété qui dominent, mais bien les jeux de pouvoir. « Une cour aussi partagée et aussi remplie d’intérêts opposés n’était pas dans une médiocre agitation à la veille d’un si grand évènement ; néanmoins, tous les mouvements étaient cachés et l’on ne paraissait occupé que de l’unique inquiétude de la santé du roi. » (Troisième Partie)
L’être humain est dominé par des passions par lesquelles il développe ses vices. Même la plus innocente des créatures, Madame de Clèves, fait preuve de duperie lorsque l’intérêt de ses passions est en jeu. Elle ment en effet à la reine dauphine à propos de la lettre de Madame de Tournon, dissimule à son mari. Certes, l’aveu est apparemment un preuve de transparence. En réalité, il se révèle être une stratégie de Madame de Clèves pour se tenir éloignée de la Cour. Elle prend d’ailleurs un ton bien impératif, lors de cet aveu, pour une femme qui a commis une faute. De plus, elle n’a de cesse de magnifier son courage : « Quelque dangereux que soit le parti que je prends, je le prends avec joie pour me conserver digne d’être à vous. [...] Songez que pour faire ce que je fais, il faut avoir plus d’amitié et plus d’estime pour un mari que l’on n’en a jamais eu : conduisez-moi, ayez pitié de moi, et aimez-moi encore, si vous pouvez. » (Troisième partie)
En somme, la vertu de Madame de Clèves n’est qu’une façade. Comme les autres, elle dissimule, jouet de ses passions et du gouvernement de l’apparence. Sa vertu même est toujours mise en scène, à l’image de la vertu stoïque pour les jansénistes, comme lors du dernier entretien avec Monsieur de Nemours. Il s’agit avant de tout de s’élever au-dessus des autres femmes.
La dernière phrase de la nouvelle est éloquente : « [...] sa vie, qui fut assez courte, laissa des exemples de vertu inimitables. » (Quatrième Partie) Des exemples inimitables, tout un paradoxe.
[modifier] Libertinisme
La dernière et la plus discrète des influences exercées sur le roman est celle du libertinisme, libertinage de mœurs, jouissance sensuelle, mais également libertinage d’esprit, liberté prise avec les codes moraux d’une époque.
Les deux figures principales de ce libertinage sont le duc de Nemours et le vidame de Chartres. Ils représentent l’homme libertin, qui peut se hisser au-dessus des conventions sociales pour vivre pleinement, jouir par les sens et par l’esprit, et également être libre de toute contrainte.
Cette liberté se manifeste sous deux rapports : une liberté vis-à-vis des codes sociaux et une liberté vis-à-vis des codes moraux.
La liberté vis-à-vis des codes sociaux n’est jamais plus présente que lors de l’affaire d’Angleterre. Le Duc de Nemours n’hésite pas à rejeter toutes ses obligations diplomatiques, patriotiques, tant envers la France que l’Angleterre, pour se consacrer entièrement à sa passion présente pour Madame de Clèves. Le roi (symbole de l’ordre social et religieux) ne manque pas d’exprimer son mécontentement à ce propos.
La liberté vis-à-vis des codes moraux est particulièrement visible dans l’aventure du vidame de Chartres. Ce dernier n’hésite pas à multiplier les liaisons, et faire de faux serments, à tromper tant la reine que Madame de Thémines, tout en entretenant une liaison avec une femme de petite vertu.
Du point de vue du libertinage de mœurs, il faut commencer par noter les fréquentes allusions aux multiples conquêtes tant de Monsieur de Nemours que du vidame de Chartres. Jouissance physique, donc, sexuelle même.
Mais le fil conducteur du libertinage de mœurs dans la nouvelle réside dans le voyeurisme continu du duc de Nemours, dont l’activité principale est d’épier Madame de Clèves, de violer son intimité par le regard. A plusieurs reprises, il tire du plaisir de surprendre Madame de Clèves. « Voir, au milieu de la nuit, dans le plus beau lieu du monde, une personne qu’il adorait, la voir sans qu’elle sût qu’il la voyait, et la voir tout occupée de choses qui avaient du rapport à lui et à la passion qu’elle lui cachait, c’est ce qui n’a jamais été goûté ni imaginé par nul autre amant. » (Quatrième Partie)
[modifier] Réception de l’œuvre
[modifier] Sources
[modifier] Références
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- Jean de Bazin de Bezons, Qui a écrit « La Princesse de Clèves » ? : étude de l’attribution de « La Princesse de Clèves » par des moyens de statistique du vocabulaire, Paris, Nizet, 1970
- Jean de Bazin de Bezons, Vocabulaire de « La Princesse de Clèves », Paris, Nizet, 1967
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- Jody Beth-Violeta Richards, « La Princesse de Clèves » : visions de femme, Thèse de doctorat, Miami University, 1993
- Sandra Rodino, « La Princesse de Clèves », roman historique, Mémoire de maîtrise, City College of New York, 1969
- Christian Biet, Pierre Ronzeaud, Madame de La Fayette : La Princesse de Montpensier, 1662, « La Princesse de Clèves », 1678, Paris, Magnard, 1989
- Roger Duchêne, Pierre Ronzeaud, Madame de La Fayette, la Princesse de Montpensier, « La Princesse de Clèves » : journée d’étude organisée par le Centre Méridional de Rencontres sur le 17e siècle (C.M.R. 17) à Marseille, 18 novembre 1989, Paris, Aux amateurs de livres, 1990
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- Jean-Baptiste-Henri Du Trousset de Valincour, Valincour : Lettres à Madame la marquise sur le sujet de la « Princesse de Clèves », Éd. Jacques Chupeau, Tours, Université de Tours, 1972
- Denise Werlen, Madame de La Fayette, « La Princesse de Clèves », Rosny, Bréal, 1998
- Benjamin Mather Woodbridge, Mme de Montespan and « La Princesse de Clèves », [S.l. s.n.] 1918
[modifier] Adaptations au cinéma
- 1961 : La Princesse de Clèves de Jean Delannoy
- 1999 : La Lettre de Manoel de Oliveira
- 2000 : La Fidélité de Andrzej Zulawski