La Possibilité d'une île
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La Possibilité d'une île | |
Auteur | Michel Houellebecq |
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Genre | roman |
Pays d’origine | France |
Éditeur | Fayard |
Date de parution | 2005 |
Nombre de pages | 485 |
ISBN | 9782213625478 |
La Possibilité d'une île est le quatrième roman de Michel Houellebecq, publié en 2005 aux éditions Fayard. Il aborde le sujet du clonage et de la création artificielle d'une nouvelle espèce tout en poursuivant la réflexion de l'auteur sur la société contemporaine, en particulier sur les relations entre les hommes et les femmes.
Sommaire |
[modifier] Présentation
- Daniel, qui vit au début du XXIe siècle, rédige son autobiographie ou « récit de vie ». Il y raconte sa carrière de comique professionnel ainsi que sa vie intime et ses relations avec une secte, les Élohimites. De nombreux siècles plus tard, l'un de ses descendants clonés, Daniel24, lit le récit de vie de Daniel et y ajoute son propre commentaire.
[modifier] Synopsis détaillé
Ce long roman est construit sur le récit de vie de Daniel 1 que coupent et prolongent des commentaires d'autres Daniel inscrits dans une chaîne de clones (Daniel 23, 24 et surtout Daniel 25 qui vit plusieurs millénaires après l'original).
Par chapitres successifs intitulés « Daniel 1,1 » jusqu'à « Daniel 1,28 » - ce qui, à l'évidence, constitue un clin d'œil aux repérages bibliques - le personnage central raconte les étapes de sa vie adulte avec ses conceptions du monde et ses états d'âme ; le livre s'achevant sur le récit de vie de Daniel 25 qui sert d'épilogue.
Comique professionnel à la fin du XXe siècle, Daniel 1 exploite la provocation dans des sketches sur Palestiniens et Israéliens, sur l'Opus Dei et la mafia ou sur la pornographie et les lolitas, ce qui le conduit au succès et à la fortune. Lucide et cynique, il parle de lui comme du « Zarathoustra des classes moyennes » (p. 412), précisant page 164 : « si l'on agresse le monde avec une violence suffisante, il finit par le cracher, son sale fric ». Inadapté dans un monde qui perd le sens nietzschéen de la force vitale et refuse de plus en plus la procréation, frappé par la séparation de l'érotisme et de la tendresse de l'époque postmoderne, il ne peut réussir ses liaisons avec Isabelle puis avec Esther, sans trouver non plus d'exaltation dans une sexualité hygiénique.
De plus en plus, il se sent accablé de « la mélancolie, l'apathie languide et finalement mortelle de générations désincarnées » (p. 440) tout en rêvant en même temps de « la possibilité d'une île » qu'éclaire, à la page 433, les derniers vers du dernier poème envoyé avant son suicide par Daniel 1 à Esther, la femme qu'il aime et qui lui échappe : « Il existe au milieu du temps/La possibilité d'une île »).
Ce désir très explicitement baudelairien d'un ailleurs, le fait regarder avec intérêt et bienveillance les concepts de la secte des Élohimites, transposition transparente des raeliens. L'auteur décrit également avec plus d'amusement que de critique le fonctionnement de la secte avec son gourou dominant sexuel, ses scientifiques convaincus et ses manipulations des adeptes comme lors de la disparition du prophète assassiné par un rival sexuel et qu'on prétend réincarné dans le jeune artiste Vincent qui va poursuivre la quête des Élohimites qui abandonnent bien sûr tous leurs biens à la secte qui leur promet l'éternité.
La secte richissime aménage en effet à Lanzarote, une île des Canaries au climat tempéré et égal, une ambassade pour accueillir les Elohims dont les adeptes attendent le retour qui marquera la fin des temps pour l'humanité. Ces extraterrestres créateurs de l'humanité possèdent le secret de la vie éternelle et la secte avance elle-même dans ce chemin en misant sur le clonage des élus à partir de leur ADN, ce qui offre une succession d'existences de copies conformes. Le romancier imagine la réussite du procédé puisqu'il nous propose les commentaires de Daniel 25 qui évoquent des Marie 22 ou des Esther 23. Lassé de son existence vide, sans objectif et sans attache, Daniel 1 se suicide, ouvrant, par une décision non définie, la porte à des réincarnations successives de néo-humains libérés par l'énergie solaire et les capsules longue durée de sels minéraux de la médiocre et pénible production énergétique de l'alimentation-digestion.
L'apologue est constitué par le récit de vie de Daniel 25 qui part seul à la recherche d'une île-paradis en côtoyant sans se lier à eux des résidus de l'humanité retournés à l'âge du feu au milieu des ruines de l'an 2000. Le livre s'achève sur cette impossibilité d'une île : « Le bonheur n'était pas un horizon possible ».
[modifier] Analyse et commentaires
- La Possibilité d'une île est un long roman de presque 500 pages à la fois satire sociale et morale de notre monde, conte philosophico-religieux et expression d'un manque existentiel baudelairien.
- La narration utilise le procédé devenu conventionnel des récits mêlés ayant des locuteurs différents décalés dans le temps. La thématique, quant à elle, se réduit à quelques points : une approche d'anarchiste de droite (l'expression est de l'auteur lui-même) sur un monde en décadence, un apologue sur l'humanité à venir avec la planète des néo-humains - meilleur des mondes en échec. Certains critiques ont aussi contesté la richesse de l'imagination de l'auteur et témoigné de gêne quant à son évocation du fonctionnement de la secte qui transpose le mouvement raélien. [1], [2] , [3]
- La réflexion sur un monde qui n'a plus le désir d'avenir à travers les enfants, plus de place pour le sentiment amoureux et bientôt plus de jouissance est, sans qu'elle soit vraiment originale, plus riche. Ce pessimisme houellebecquien est le point le plus fort du roman qui nous fait toucher le vrai manque de l'auteur qui, revenu de ses expériences personnelles, ne trouve pas plus la sérénité du vide bouddhiste hors du monde que la fusion romantique avec la beauté des choses ou la projection dans une foi religieuse. C'est cette douloureuse perception de la condition humaine, placée d'ailleurs sans ambiguïté dans la lignée de Baudelaire à la page 409, qui fait l'intérêt du poète qu'est aussi - et sans doute surtout - Michel Houellebecq comme le confirme la force suggestive de certaines phrases. Par exemple : « Et au moment où le soleil s'installait, montait sur la mer, je ressentis pour la première fois, encore obscure, lointaine, voilée, comme une émotion qui s'apparentait à l'espérance » (p. 390) ou « l'espace vient, s'approche et cherche à me dévorer. Il y a un petit bruit au centre de la pièce. Les fantômes sont là, ils constituent l'espace, ils m'entourent. Ils se nourrissent des yeux crevés des hommes » (p. 428).
- En conclusion, le roman ne désoriente pas les amateurs de Houellebecq : anti-héros partageant le cynisme assumé de l'auteur et son goût pour l'observation sociale, importance des scènes sexuelles, humour, inscription des personnages et des situations dans le cadre d'une théorie des relations sociales, pessimisme radical appuyé ici par de nombreuses références à Schopenhauer. La Possibilité d'une île se place dans la lignée des Particules élémentaires dans la mesure où le roman décrit une transformation fondamentale de l'humanité, alors que Extension du domaine de la lutte ou Plateforme s'intéressaient au destin d'un groupe limité de personnages.
- Un roman de Houellebecq : comme à son habitude, Houellebecq aborde des sujets polémiques en critiquant ouvertement certains de ses contemporains ou en effleurant des sujets difficiles à aborder pour son époque tels que la pédophilie ou l'inceste, rapidement évoqués. La principale nouveauté de ce roman est le thème des sectes. Il s'inspire des raëliens pour imaginer les « Élohimites », dont il donne une image plutôt positive. Toutefois, fortement affecté par le procès qui lui avait été intenté en 2002 suite à certaines déclarations sur l'Islam, il semble, comme son personnage principal qui a bâti sa réputation de comique sur des sketches sulfureux, vouloir éviter d'aller trop loin dans la provocation.
[modifier] Citations
- « Quant aux droits de l’homme, bien évidemment, je n’en avais rien à foutre ; c’est à peine si je parvenais à m’intéresser aux droits de ma queue. » (p. 24)
- « La liberté, à titre personnel, j'étais plutôt contre ; il est amusant de constater que ce sont toujours les adversaires de la liberté qui se trouvent, à un moment ou à un autre, en avoir le plus besoin. » (p. 48)
- « l'enfant est une sorte de nain vicieux, d'une cruauté innée, chez qui se retrouvent immédiatement les pires traits de l'espèce, et dont les animaux domestiques se détournent avec une sage prudence. » (p. 67)
- « Le M.E.N. (Mouvement d'Extermination des Nains) prônait la disparition de la race humaine, irrémédiablement funeste à l'équilibre de la biosphère, et son remplacement par une espèce d'ours supérieurement intelligents - des recherches avaient été menées parallèlement en laboratoire afin de développer l'intelligence des ours, et notamment de leur permettre d'accéder au langage (je songeais à Gérard Depardieu dans le rôle du chef des ours). » (p. 68)
- « Jeunesse, beauté, force : les critères de l'amour physique sont exactement les mêmes que ceux du nazisme. » (p. 74)
- « La différence d'âge était le dernier tabou, l'ultime limite, d'autant plus forte qu'elle restait la dernière, et qu'elle avait remplacé toutes les autres. Dans le monde moderne on pouvait être échangiste, bi, trans, zoophile, SM, mais il était interdit d'être vieux. » (p. 213)
- « L'amour non partagé est une hémorragie. » (p. 316)
- « sans doute l'amour n'avait-il jamais été, comme la pitié selon Nietzsche, qu'une fiction inventée par les faibles pour culpabiliser les forts, pour introduire des limites à leur liberté et à leur férocité naturelles. » (p. 341)
- « Comme chaque année maintenant l'été était caniculaire en France, et comme chaque année les vieux mouraient en masse, faute de soins, dans leurs hôpitaux et leurs maisons de retraite ; mais cela faisait déjà longtemps que l'on avait cessé de s'en indigner, c'était en quelque sorte passé dans les mœurs, comme un moyen somme toute naturel de résorber une situation statistique de très grande vieillesse forcément préjudiciable à l'équilibre économique du pays. » (p. 351)
[modifier] Ventes
Son éditeur a annoncé des ventes de 200 000 exemplaires, total qui devrait être atteint courant 2006.
[modifier] Prix
Ce roman fut fortement pressenti pour les plus prestigieux prix littéraires, notamment le Prix Goncourt qui fut finalement décerné à Trois jours chez ma mère de François Weyergans. Il obtint cependant, ce que d'aucun ont considéré comme un prix de consolation[réf. nécessaire], le Prix Interallié 2005.
[modifier] Adaptation Cinématographique
Michel Houellebecq adapte lui même son livre au cinéma, sous le même titre : La Possibilité d'une île. Benoit Magimel y interprètera le rôle principal.