Julie-Victoire Daubié
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Julie-Victoire Daubié (née le 26 mars 1824 à Bains-les-Bains (Vosges) et décédée le 26 août 1874 à Fontenoy-le-Château) est la première femme française ayant obtenu le droit de se présenter au baccalauréat, à Lyon en 1861.
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[modifier] Biographie
Julie-Victoire Daubié voit le jour dans la maison dite des Commis de la Manufacture royale de Bains-les-Bains où son père occupe les fonctions de comptable puis de caissier. Prénommée Julie-Victoire à l'état civil, on l'appelle Victoire, prénom usuel de sa mère au quotidien. Julie est le prénom de sa sœur aînée qui est à l'état-civil Marie-Julie. Huitième enfant de sa fratrie, elle a vingt mois à la mort de son père, qui est enterré dans le caveau de sa famille à Fontenoy. La mère et les enfants rejoignent alors Fontenoy-le-Château où réside la famille paternelle de Julie-Victoire. L'inscription de ses frères et sœurs sur les registres paroissiaux de Fontenoy montre que les enfants y suivent leur catéchisme.
Elle est issue de la petite bourgeoisie catholique fontenaicastrienne. Les familles Colleuil et Daubié se sont illustrées sous la Terreur en cachant des prêtres[1]. Son grand-père paternel est Siméon-Florentin Daubié, greffier de justice et ancien négociant qui vit maintenant de ses rentes. Son grand-père maternel Jean-Nicolas Colleuil après avoir vendu les forges du Moulin brûlé et de Pont-du-Bois est le directeur des forges de Buyer à la Chaudeau[2]. Contrairement à la légende, elle n'a jamais travaillé dans les ateliers de la Manufacture Royale de fer blanc de Bains-les-Bains. Son nom n'apparaît jamais sur les registres d'établissement de livret ouvrier. Il est certain qu'elle a côtoyé et vu au bureau de bienfaisance de Fontenoy la misère des ouvriers de campagne, la triste condition des domestiques et le vilain sort réservé aux mères célibataires. Elle puisera peut-être là l'inspiration de son essai La Femme pauvre au XIXe siècle qui lui permet de remporter le premier prix du concours de l'Académie impériale des sciences belles-lettres et arts de Lyon le 21 juin 1859. La séance de l'Académie, présidée par Monsieur Sauzet, accorde à Mademoiselle Daubié, une médaille de 800 francs.[3]
Cette question de concours devient La Femme pauvre au XIXe siècle, par une femme pauvre à sa deuxième édition, et est couronnée en 1867 à l'Exposition universelle de Paris.
Le 31 août 1844, elle obtient le « certificat de capacité », brevet d'enseignante, obligatoire pour tous depuis la loi du 28 juin 1833. La loi Falloux le 15 mars 1850 rendra ce brevet obligatoire pour les enseignantes laïques alors que, sur simple présentation d'une attestation d'appartenance à une congrégation (la Lettre d'Obédience) les religieuses, en seront dispensées. Néanmoins, la loi Falloux, bien que favorisant un enseignement catholique d'État, demande la création d' une académie par département et fait obligation aux communes de plus de 800 habitants d'ouvrir une école de filles. Julie-Victoire Daubié s'élève contre le manque de qualification de certaines religieuses pour enseigner et non pas contre un enseignement catholique[4].
Elle a étudié le grec et le latin, matières indispensables pour présenter le baccalauréat, avec son frère abbé. Elle a complété sa formation en zoologie et botanique, au Museum National d'Histoire Naturelle de Paris où Isidore Geoffroy Saint-Hilaire lui a obtenu une autorisation spéciale[5] pour qu'elle vienne étudier dans les galeries hors des heures d'ouverture au public.
Quand elle présente sa candidature à l'examen à l'Université de Paris, sa candidature est refusée au seul prétexte qu'elle est une femme. Pourtant, aucun texte n'interdit aux femmes l'accès à l'Université.
Après de multiples démarches, avec l'aide de François Barthélemy Arlès-Dufour, un saint-simonien et industriel lyonnais très influent dans les milieux académiques et à la cour impériale, et, forte de son succès au concours lyonnais de 1859, elle finit par obtenir son inscription à Lyon.
Enfin, le 16 août 1861, elle obtient son baccalauréat en totalisant six boules rouges, trois boules blanches, une boule noire. Ce système de boules était le moyen de vote des professeurs examinateurs. En ce temps-là, ils ne calculaient pas de moyenne. Une boule rouge signifiait un avis favorable, une boule blanche, une abstention, une noire, un avis défavorable. Elle doit pourtant attendre encore longtemps son diplôme de bachelier és Lettres. Prétendant qu'il « ridiculiserait le ministère de l'Instruction publique », le ministre Gustave Rouland refuse de le signer. Il faut une intervention pressante d'Arlès-Dufour auprès de l'entourage de l'impératrice Eugénie pour que l'ordre soit donné à ce ministre d'apposer sa signature au bas du diplôme.
Elle achète au centre de Fontenoy la vaste maison de Charlotte de Huvé où, en bonne saint-simonienne, elle installe un bureau d'entrepreneur de broderie blanche (broderie de Fontenoy-le-Château), imitant en cela sa sœur Julie déjà entrepreneur en 1852. Elle en confiera la gestion à sa nièce Mathilde puisque Julie-Victoire ne vient à Fontenoy que pour la belle saison. Cette maison a été démolie lors du percement du canal de l'Est.
Julie-Victoire donne des conférences et est devenue journaliste économique. Elle habite à Paris, avenue des Champs-Élysées dans le huitième arrondissement.
Le 21 octobre 1870, un arrêté du Maire de Paris demande la création d'une Commission de dames pour examiner les questions relatives à l'enseignement primaire. Julie-Victoire Daubié est sollicitée pour y travailler. Les travaux de cette commission, interrompus pendant les trois mois des troubles de la Commune de Paris, furent consignés dans le rapport Delon-Coignet.
Victoire Daubié continue à travailler pour préparer sa licence ès lettres bien qu'elle ne puisse pas assister aux cours en Sorbonne(l'examen est accessible aux femmes, mais les cours leur sont encore interdits). Elle réussit son examen le 28 octobre 1872 et devient la première licencié (sans e) és Lettres, l'intitulé du diplôme de licence comme celui du baccalauréat n'existe qu'au masculin.
Aussitôt elle décide de préparer une thèse de doctorat dont le sujet sera La Condition de la femme dans la société romaine. Sa mort laissera cette thèse innachevée. La même année, elle s'établit à Fontenoy pour veiller sur sa mère agée et malade.
Elle est profondément affectée par l'interdiction à la vente, par voie de colportage[6], de trois ouvrages que son association pour « l'émancipation progressive de la femme » présidée par Arlès-Dufour et dont elle est vice-présidente, a édités.
L'année suivante, le 25 août 1874 vers 17h, Julie-Victoire (…en son vivant entrepreneur de broderie a écrit le notaire dans son inventaire après décès) meurt. Elle est enterrée à Fontenoy-le-Château le 28 août. Elle repose avec sa sœur Julie et ses nièces Mathilde et Louise Daubié. Sa tombe est toujours visible. Elle laisse à ses frères et sœurs une succession plus que confortable, deux maisons, des titres des actions, etc. Son seul frère célibataire, celui qui est prêtre, prend en charge les frais d'enterrement. Contrairement à la légende, il n'existe aucune trace ni aux archives paroissiales, ni aux archives diocésaines attestant d'une difficulté quelconque pour lui donner des funérailles chrétiennes. Le registre paroissial de Fontenoy fait mention d'un service funèbre ordinaire[7].
[modifier] La militante féministe
Victoire Daubié est une moraliste, une économiste féministe par sa nature même. Elle laisse le souvenir de sa ténacité dans la lutte pour la reconnaissance de nombreux droits aux femmes. Outre son combat pour leur accès à l'enseignement et à une formation professionnelle efficace, elle se préoccupe de salaire égal à travail égal et milite pour le vote des femmes qui, d'après elle, moraliserait la vie politique. Elle prend par ailleurs la défense des enfants adultérins privés de droits, comme les femmes, par le Code Napoléon.
Ses idées s'inscrivent dans le courant de pensée moderniste du second empire, annonciateur du XXe siècle, auquel ont été associées des figures telles qu'Eugénie de Montijo, Elisa Lemonnier, Michel Chevallier, François Barthélemy Arlès-Dufour, les époux Trèlat, Rosa Bonheur, etc.
De son vivant son travail de journaliste lui vaut une reconnaissance dans toute l'Europe et aux Etats-Unis. Son combat pour l'éducation des femmes et leur accès à l'enseignement supérieur a inspiré la féministe anglaise Joséphine Butler qui a traduit en langue anglaise une partie de ses œuvres. En 1869, lors de son voyage d'étude à Paris, Frances E. Willard[8], première femme doyen de la Northwestern University, qui connaissait ses travaux obtient de la rencontrer[9].
Julie-Victoire Daubié aura partagé sa vie entre ses luttes pour l'émancipation de la femme dans la société contemporaine (mariage, conditions de travail, formation professionnelle, rémunération, droit de vote, etc.), ses engagements dans les mouvements de l'histoire du temps, son travail de préceptrice, ses relations politiques, journalistiques et amicales (Jules Simon, Léon Richer, Marie d'Agoult, Juliette Edmond Adam[10]etc.).
Elle ne voit pas de son vivant le résultat de toutes ses luttes, mais elle a néanmoins la satisfaction de jouir d'une certaine reconnaissance. Elle reçoit à l'Exposition universelle de 1867 une médaille qui récompense[11] l'ensemble de son travail et le renom de son auteur.[12].
[modifier] Hommages
Aujourd'hui, neuf écoles, deux collèges dont celui de Bains les Bains et un lycée portent son nom en France.
On compte également deux places dont une à Fontenoy-le-Château, là où se dressait la maison de Siméon-Florentin Daubié et un passage Julie-Victoire Daubié. La mairie de Paris et le maire du 13e arrondissement souhaitent donner le nom de Julie Daubié à une rue de cet arrondissement [13].
Montreuil en Seine-Saint-Denis a inauguré le 15 décembre 2007 une crèche Julie Daubié.[14] La municipalité de Fontenoy a inauguré en 1997, sur le pignon d'une maison de la place, une fresque géante représentant Julie-Victoire Daubié passant son baccalauréat. La médaille d'honneur de la ville de Fontenoy-le-Château est aussi frappée à l'effigie de son héroïne.
En novembre 1992 s'est tenu à Lyon à l'université Lumière un « colloque Julie-Victoire Daubié ».
Le ministère de l'Éducation nationale a donné son nom à un salon[15].
Plus modestement l'inspection académique d'Épinal a baptisé une salle et le CRDP d'Amiens une galerie.
[modifier] Référence
- ↑ Histoire de Fontenoy à la Révolution, Abbé Olivier.
- ↑ Du fer blanc de Bains-les-Bains au fer battu de Fontenoy-le-Château, Rémi Ritter 1986
- ↑ Histoire de l'Académie des sciences et belles lettres et arts de Lyon, 1892.
- ↑ La Femme pauvre au XIXe, T1
- ↑ Billet d'Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, fond Laure Reuchsel
- ↑ Avis de la Préfecture des Vosges, premier bureau 18 février 1873
- ↑ archives paroissiales Fontenoy-le-Château
- ↑ page Frances Willard,[1]</]
- ↑ Journal de Frances E Willard, Writting out my hearth University of Illinois 1995
- ↑ Juliette Edmond Adam publie sous le nom de Juliette Lamber Idées anti-proudhonniènes sur l'Amour, la femme et le mariage
- ↑ Diplôme conservé, collection privée, Fontenoy-le-Château
- ↑ Exposition universelle de 1867, Rapports du jury international T9; Imprimerie administrative Paul Dupont Paris 1868
- ↑ (fr) Places aux femmes : attribution de la dénomination « rue Julie Daubié »
- ↑ Photo de la crèche Julie Daubié http://place.de.montreuil.free.fr/blog/index.php/2007/12/16/170-brard-et-julie-daubie-histoire-de-creches
- ↑ Photo du salon J.V Daubié au ministère de l'Education.
[modifier] Sources
- Histoire de Fontenoy, Abbé Constant Olivier
- Notules sur Fontenoy-le-Château,Louis Olivier
- Archives paroissiales Bains/Fontenoy
- Fond Laure Reuchsel Bibli Marguerite Durand Paris
- Archives notariales étude Piquet, Archives départementales des Vosges
- Musée de la Broderie de Fontenoy-le-Château
[modifier] Bibliographie
- Œuvres de Julie-Victoire Daubié
- La Femme pauvre au XIXe siècle, trois tomes consultables sur Gallica [2]
- Du progrès dans l'enseignement primaire: justice et liberté, Éd. Thorin, Paris, 1871.
- Préface de La Question de la femme d’Alexandre Dumas fils, 1872
- La Tolérance légale du vice (ouvrage collectif)
- Préface du Manuel du jeune homme du poète italien Silvio Pellico, 1872
- Sur Julie-Victoire Daubié
- Raymonde Albertine Bulger Lettres à Julie-Victoire Daubié, New York, Peter Lang, ed. 1992
- Michelle Perrot, Avant-propos de la Femme Pauvre au dix-neuvième siècle, Éd. Côté-femmes, 1992
- Agnès Thiercé, Préface de la Femme Pauvre au dix-neuvième siècle, Éd. Côté-femmes, 1992
- Catalogue de l'exposition Julie-Victoire Daubié première bachelière de France et les pionnières, Bibliothèque Marguerite Durand, mars 1993.
- Raymonde Albertine Bulger « Les démarches et l'exploit de Julie-Victoire Daubié première bachelière de France », The French Review (États-Unis), décembre 1997
- Association des Amis du Vieux Fontenoy, Biographie de Julie-Victoire Daubié, mars 2007
- Gilles Laporte, Julie-Victoire, première bachelière de France, roman éd. ESKA, Paris, 2007
- Théodore Stanton, (fils de la féministe américaine Elisabeth Cady Stanton), The Woman Question in Europe, New York, 1884