Grande Jacquerie
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La Jacquerie ou Grande Jacquerie est un soulèvement paysan survenu en 1358 dans les campagnes d'Île-de-France, de Picardie, de Champagne, d'Artois et de Normandie, lors de la Guerre de Cent Ans dans un contexe de crise politique, militaire et sociale. Cette révolte tire son nom de Jacques Bonhomme, surnom des vilains, puis sobriquet désignant le paysan français, probablement du fait du port de vestes courtes, dites jacques. Elle eut pour chef un dénommé Guillaume Carle [1]. Ses causes sont multiples, mais peu évidentes. Ainsi, l'impopularité de la noblesse en est une (après la défaite de Poitiers). Cependant, la cause de la misère ne peut être retenue car les insurgés sont essentiellement de riches laboureurs et des bourgeois, issus des terres les plus fertiles du royaume. [réf. nécessaire] La simultanéité des révoltes du Bassin parisien en mai-juin 1358, le mouvement insurrectionnel d'Étienne Marcel à Paris et les mouvements qui agitent les villes de Flandre interdit de les traiter comme des phénomènes isolés.
Cette révolte est à l'origine du terme jacquerie repris pour désigner toutes sortes de soulèvements populaires.
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[modifier] L'événement
Selon la plupart des sources, la Grande Jacquerie éclate le 31 mai 1358 [2] à la frontière entre l'Île-de-France et le Clermontois et plus particulièrement dans un petit village appelé Ponleroi (aujourd'hui Pronleroy) ainsi que dans les environs de Saint-Leu-d'Esserent.
Les origines immédiates de cette révolte sont mal connues mais semblent résulter d'échauffourées entre nobles et paysans ou d'une résistance victorieuse d'un groupe de paysans contre des nobles locaux. De façon plus générale, cette révolte s'inscrit dans le contexte difficile de la guerre de Cent Ans, assombri depuis 1348 par la Grande peste. La noblesse, après les défaites de Crécy en 1346 et de Poitiers en 1356, est déconsidérée. Les grandes compagnies, lorsqu'elles ne guerroient pas pour l'un ou l'autre des partis, rançonnent le pays. Au-delà, la pression fiscale, due au versement de la rançon du roi, la mévente des productions agricoles placent les paysans dans une situation intolérable. Etienne Marcel entretient sciemment l'agitation à son profit.
Quelque puisse être l'étincelle qui déclenche la révolte, celle-ci est tout de suite décrite avec horreur sous le terme d'Effrois et enflamme, de proche en proche, la moitié nord du pays. Les chroniques du temps dressent un catalogue des violences antinobiliaires qui se déchaînent alors sur le pays.
Ainsi, le chroniqueur Jean Froissart, dépeint, sous le terme de cruautés des “Jacques Bonhommes”, un tableau pour le moins sinistre des méfaits de ceux qu'il qualifie de "chiens enragés" : "Ils déclarèrent que tous les nobles du royaume de France, chevaliers et écuyers, haïssaient et trahissaient le royaume, et que cela serait grands biens que tous les détruisent. [...] Lors se recueillirent et s'en allèrent sans autre conseil et sans nulle armure, seulement armés des bâtons ferrés et de couteaux, en premier à la maison d'un chevalier qui près de là demeurait. Si brisèrent la maison et tuèrent le chevalier, la dame et les enfants, petits et grands, et brûlèrent la maison. [...]" Ce récit est ponctué de faits qui veulent souligner l'animalité des émeutiers : "Ils tuèrent un chevalier et boutèrent en un hâtier et le tournèrent au feu, et le rôtirent devant la dame et ses enfants".
Quel que soit l'effroi des contemporains, d'autres chroniqueurs se montrent moins éloquents sur ses atrocités et l'on peut s'interroger sur la véracité des informations fournies par Froissart, qui semble offrir une version pro-aristocratique des événements. Ainsi, Pierre Louvet, dans son Histoire du Beauvoisis, rappelle que "la guerre appelée la Jacquerie du Beauvoisis qui se faisait contre la noblesse du temps du roi Jean, et en son absence, arriva par le mauvais traitement que le peuple recevait de la noblesse" et le cartulaire d'une abbaye de Beauvais souligne que "la sédition cruelle et douloureuse entre le populaire contre les nobles s'éleva aussitôt."
L'issue de la révolte, une forme de contre jacquerie, fut marquée par une grande violence qui marqua autant les contemporains que celle commise par les paysans. Après avoir exterminé bon nombre de révoltés, le comte de Foix, le captal de Buch et le duc d'Orléans incendièrent la ville de Meaux. De son coté, Charles le Mauvais participa à la répression et, lors du carnage de Mello, mit fin à la révolte à grands renforts d'atrocités. Le chef des révoltés, Guillaume Carle, ayant reçu l'assurance d'une trêve et d'une rémission, fut entraîné par traitrise dans le camp des nobles où il fut supplicié et décapité. Cependant, par la suite, une certaine clémence royale se manifesta envers les principaux meneurs.
[modifier] Interprétations
Les interprétations de cette révolte sont nombreuses et, au-delà de son caractère circonstanciel, elle peut être rattachée à nombre des révoltes et des émotions paysannes médiévales.
Elle a ainsi pu être comparée à la révolte anglaise de 1381, dite Révolte des travailleurs d'Angleterre, à l'insurrection des remensas en Catalogne, au mouvement taborite en Bohême ou encore au mouvement hussite. Dans une certaine mesure, la révolte de 1358 fait le lien entre les révoltes paysannes du Moyen Âge central et les mouvements messianiques de l'époque moderne.
Les historiens débattent de son caractère de lutte des classes et, étant donné la présence d'éléments nobles au sein du camp des Jacques, s'interrogent sur l'homogénéité du mouvement. Enfin, au-delà d'un refus de la pression fiscale, la révolte de 1358 peut se lire comme l'expression d'une revendication à la dignité de la part des masses paysannes. La Jacquerie devait profondément marquer les esprits et son nom a été retenu pour désigner toute révolte paysanne.
[modifier] Sources
Jean Froissart, Chroniques, publiées avec les variantes des divers manuscrits par Kervyn de Lettenhove, t. VI, réimpression de l'édition de 1867 - 1877, Osnabrück, 1967.
[modifier] Bibliographie
- D.M. Besson, « The Jacquerie: class war or co-opted rebellion ? », dans Journal of Medieval History, n° 11, 1985.
- Pierre Bonnassie, Les Cinquante mots clefs de l'histoire médiévale, Privat, Toulouse, 1981.
- Samuel Kline Cohn, Popular Protest In Late Medieval Europe, Manchester University Press, 1976.
- M. Dommanget, La Jacquerie, Maspéro, Paris, 1970.
- Michel Mollat et Philippe Wolff, Ongles bleus, Jacques et Ciompi : les révolutions populaires en Europe aux XIVe et XVe siècles, Calmann-Lévy, 1970.
- Émile Morel, La jacquerie dans le Beauvaisis, principalement aux environs de Compiègne, dans "Cabinet historique de l'Artois et de la Picardie", 1891.