Élections législatives françaises de 1849
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Les élections législatives françaises de 1849 eurent lieu au suffrage universel masculin les 13 et 14 mai 1849 afin d’élire les membres de l’Assemblée nationale législative. Elles montrent une géographie électorale de la France qui se maintiendra pour l'essentiel pendant plus d'un siècle.
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[modifier] La campagne électorale
Le 29 janvier 1849, L'Assemblée nationale cède à la pression du gouvernement d'Odilon Barrot, appuyé par la garnison de Paris sous les ordres du général légitimiste Changarnier ; elle vote sa disparition rapide : les élections pour une nouvelle assemblée législative auront lieu le 19 mars (la date sera reportée au 13 et 14 mai).
La campagne électorale se déroule dans une atmosphère tendue. La France est encore en état de siège et les clubs politiques ont été interdits par l'Assemblée le 24 mars 1849 (ce qui va permettre une prolifération des sociétés secrètes républicaines). Le 2 avril devant la Haute Cour de Bourges est clos le procès des chefs républicains compromis dans la manifestation du 15 mai 1848. Le verdict est lourd : si le général De Courtais est acquitté, Armand Barbès, l'ouvrier Albert sont condamnés à la déportation, Auguste Blanqui devra faire 10 ans de prison, Joseph-Marie Sobrier 7 ans et Raspail 6 ans. Le gouvernement a également procédé à des changement de préfets pour remplacer par des amis du parti de l'Ordre les préfets mis en place par le précédent gouvernement républicain du général Cavaignac.
La préparation des élections est perturbé par le déclenchement de l'expédition militaire à Rome que le gouvernement a engagée pour venir en aide au pape Pie IX, chassé de la ville par les républicains romains. Le corps expéditionnaire français, débarqué le 24 avril à Civitavecchia, fait face à la résistance des troupes républicaines sous le commandement de Giuseppe Garibaldi. Aussi, il doit s'immobiliser en attendant le résultat des élections françaises. Les républicains français ont réussi à faire voter un blâme au gouvernement le 7 mai (328 contre 241 voix), estimant que le gouvernement avait trompé l'Assemblée sur les buts de l'intervention. Le 11 mai, le chef républicain Ledru-Rollin demande vainement la mise en accusation du gouvernement.
Cette campagne électorale va voir naître deux camps politiques : les Blancs et les Rouges. En effet le scrution départemental de liste oblige les candidats à se regrouper.
- Les Blancs, correspondent au parti de l'Ordre. Son programme est dans son slogan : "Ordre, Propriété, Religion". Sont regroupés dans "l'Union libérale" les monarchistes (légitimistes et orléanistes) du "Comité de la Rue de Poitiers" et les bonapartistes. Dans une quinzaine de départements, les bonapartistes se présentent sur une liste indépendante. Ils comptent sur la popularité du Président de la République triomphalement élu en décembre 1848 Louis Napoléon Bonaparte et obtiennent le soutien de la hiérarchie de l'Église catholique.
- Les Rouges, ce sont les républicains, les démoc-Socs. Ils veulent des réformes, mais rechignent à la révolution. Pour eux le pouvoir exécutif doit être subordonné au pouvoir législatif. Pour gagner l'électorat rural, ils proposent la réforme du service militaire (à l'époque, ce sont surtout les ruraux qui sont soldats), la fin de l'impôt des 45 centimes, le crédit à 3%. Pour satisfaire le monde ouvrier ils demandent la nationalisation des mines, des chemins de fer, des canaux et des assurances. Ils militent également pour l'abolition de la peine de mort et le développement de l'enseignement (qui doit échapper à la mainmise de l'Église catholique). Les Rouges ont mis sur pied un réseau de propagandistes qui insistent sur des mesures concrètes visant à l'amélioration du quotidien.
- Les républicains modérés, de leur côté, ont du mal à se faire entendre. Ils doivent assumer la politique souvent anti-sociale menée par les différents gouvernements qu'ils dirigeaient et l'Assemblée sortante au moins jusqu'à l'élection de Louis Napoléon Bonaparte en décembre 1848. Leur "Association des Amis de la Constitution" a un programme réduit peu susceptible de mobiliser un large électorat : défendre la constition républicaine qu'ils ont élaborée et votée!
[modifier] Les résultats
Avec 68% de votants, la participation électorale est importante, quoiqu'en baisse par rapport aux élections précédentes (en avril 1848, il y a 84% pour l'élection de l'Assemblée nationale constituante et, en décembre 1848, il y a 75% pour l'élection présidentielle). L'enthousiasme des premiers mois de la nouvelle République semble émoussé, et le suffrage universel conquis en février 1848 fait moins recette.
Avec 53% des voix exprimées, le Parti de l'Ordre recueille la majorité absolue. Les Démocrates-socialistes obtiennent 25% des suffrages. Les républicains modérés sont les grands perdants avec seulement 12% des voix. Il y avait 750 sièges a pourvoir, mais, du fait des candidatures multiples, seuls 713 ont un titulaire. Le Parti de l'Ordre dispose de 64% des sièges (il n'en avait que 34% dans l' assemblée précédente élue en avril). Par contre les Démocrates-socialistes ont 25% des sièges (soit entre 200 et 210) contre 11% dans l'assemblée précédente. Avec 11% des sièges (contre 55% dans l'assemblée précédente) et seulement une centaine de députés, les républicains modérés connaissent un écroulement important, d'autant qu'une grande partie des personnalités de cette tendance sont battues (en particulier Lamartine).
Parti | Sièges | |
---|---|---|
Parti de l'Ordre | 450 | |
Montagne, Démocrates-sociaux | 180 | |
Républicains modérés | 75 |
[modifier] Analyse du vote
Après quelques mois de régime républicain, il y a donc un reclassement politique important et une bipolarisation se fait jour. Cette élection donne surtout une image politique de la France, image qui va se maintenir pendant près d'un siècle. Image que l'illusion lyrique des élections du printemps 1848 et la forte personalisation autour de Louis Napoléon Bonaparte de l'élection présidentielle de décembre 1848 avaient estompée.
Grand vainqueur, le parti de l'Ordre domine dans le Nord, la Normandie (de tendance orléaniste), dans l'Ouest catholique et légitimiste, en Aquitaine, dans le Comtat, le Languedoc, la Champagne et le sud du Bassin parisien. Mais le maréchal Bugeaud est battu dans son fief de Dordogne, alors qu' Adolphe Thiers et Molé, deux de ses chefs ne parviennent pas à s'imposer à Paris. Les Démocrates-socialistes dominent dans le Massif Central, le Midi toulousain, la Provence,le Dauphiné, l'Alsace. Ils ont la majorité absolue dans 16 départements (sur 83) et obtiennent la totalité des sièges dans 14 départements. Ils semblent avoir touché un électorat rural, des petits paysans endettés, des journaliers agricoles qui sont étranglés par la crise économique persistante et qui sont menacés par la disparition des pratiques communautaires (vaine pature, utilisation des communaux...); le monde des travailleurs forestiers mécontents des lois protégeant les forêts lui apporte aussi ses suffrages. La petite bourgeoisie urbaine, celle des professions libérales et des fonctionnaires que la monarchie censitaire avait écartée des responsabilités, vote aussi démocrate-socialiste, ainsi que les artisans et le monde ouvrier, très peu nombreux, des grandes manufactures (dans l'Est et le Nord). Les républicains modérés semblent payer leur politique à l'Assemblée nationale, en particulier la répression des journées de Juin 1848 et l'indigence de leur programme, qui se résume à la défense de la constitution dont ils sont les artisans, perspective peu mobilisatrice pour l'électeur de l'époque.
[modifier] Sources
- Inès Murat, La Deuxième République, Fayard
- Philippe Vigier, La Seconde République, PUF, collection Que Sais-Je?
- Rois et Présidents
[modifier] Articles connexes
- Chronologie de la France sous la Deuxième République (1848-1852)
- Coup d'état du 2 décembre 1851
- Constitution française de 1848
- Assemblée nationale législative (Deuxième République)
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