Louis Marin (philosophe)
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Né le 22 mai 1931 à La Tronche et décédé le 29 octobre 1992 à Paris, Louis Marin est un philosophe, historien, sémiologue et critique d'art français du XXe siècle.
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[modifier] Formation[1]
- 1950 Entrée à l'École normale supérieure[2]
- 1952 Licence de philosophie à la Sorbonne
- 1953 Agrégation de philosophie
- 1973 Doctorat d'État
[modifier] Vie professionnelle
- 1961-1964 Conseiller culturel à l'ambassade de France en Turquie
- 1964-1967 Directeur de l'Institut français à Londres
- 1967-1970 Professeur à l'Université de Paris-Nanterre et à l'U.E.R. d'Arts Plastiques de Paris 1-Panthéon-Sorbonne
- 1970-1974 Université de San Diego, Californie
- 1974-1977 Professeur de littérature française à la Johns Hopkins University
- 1978 Directeur d'études à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)
- 1987 Directeur du Centre de recherche sur les arts et le langage EHESS-CNRS
[modifier] Œuvre et pensée de Louis Marin
[modifier] Classicisme et modernité
L'œuvre de Louis Marin, diverse et profuse, peut être définie comme une histoire des systèmes sémiotiques, comme l'indiquait le titre de son cours à l'EHESS ; elle peut être considérée plus précisément comme une analyse politique de la représentation. Elle consiste pour une grande part en une relecture à la fois sémiologique et politique du XVIIe siècle français, moment essentiel, "classique", de la théorie de la représentation. L'œuvre de Louis Marin se veut, par ce détour, une mise à jour des tensions, des opacités et des apories qui habitent la représentation et la théorie du signe classiques, apparemment à rebours de la Modernité qui en avait fait le lieu d'une pure transparence et s'était établie précisément par son refus du primat classique de la représentation. En utilisant néanmoins les procédés d'analyses les plus modernes, essentiellement les outils de la linguistique de l'énonciation et de la pragmatique, et par ailleurs pénétré des analyses politiques de cette même Modernité, ainsi de la thèse de Max Weber de l'État comme monopole de la violence légitime, Marin réinscrit le XVIIe siècle français dans une genèse de la modernité et restitue des problématiques oubliées ou déniées, qui éclairent singulièrement en retour la pensée moderne du signe, de la représentation et du pouvoir.
[modifier] Signes du pouvoir, pouvoirs des signes
Son point de départ réside dans une analyse croisée de la Logique ou l'art de penser de Port-Royal, rédigée par Antoine Arnauld et Pierre Nicole, et des Pensées de Pascal, analyse qui fait l'objet de sa thèse de doctorat, publiée en 1975 sous le titre de La critique du discours. La Logique, revisitée par la linguistique pragmatique]] dans les années 1960-1970, développe une théorie du signe linguistique dont, selon Louis Marin, Pascal mène la critique interne à Port-Royal, examinant ses conditions de possibilités et mettant à jour ses apories. De ce fait, par rapport aux sémiologues et linguistes contemporains, Louis Marin occupe une place très légèrement décalée, non seulement par cette démarche historienne, mais surtout par cet examen critique, au sens presque kantien du terme, que la référence à Pascal permet de mener au sujet d'un des textes fondateurs de la linguistique et de la sémiologie des années 1970. Le Portrait du roi met cette fois-ci l'accent sur la théorie pascalienne du signe pour en examiner plus avant les enjeux politiques, à partir de quelques fragments de la liasse V des Pensées, "Raison des effets" : Pascal permet ainsi à Louis Marin de théoriser conjointement les pouvoirs des signes et les signes du pouvoir, plus exactement d'examiner comme chiasme, échange, la relation entre les signes et les pouvoirs, vers une analyse politique du signe (les pouvoirs qu'exercent les signes sur les sujets qui en sont les destinataires, et qui sont par eux assujettis), réversible en analyse sémiologique du pouvoir (le pouvoir, davantage qu'une instance autonome, est l'effet, le produit d'un ensemble de signes ainsi coercitifs ou fascinant). Louis Marin examine dans la suite du Portrait du roi des analyses convergentes de la relation entre signes et pouvoirs chez La Fontaine, Racine, Perrault, et le Pascal des Trois discours sur la condition des Grands ; Le récit est un piège se concentre dans la même perspective à un objet sémiotique particulier, le récit, toujours sur ces quelques auteurs du XVIIe siècle français, au long de commentaires extrêmement méticuleux de fables, contes, récits, discours.
[modifier] Sémiologie de la peinture
Fort logiquement, le travail de Louis Marin s'ouvre assez rapidement sur les signes picturaux, sur la représentation de peinture et sa théorie au XVIIe siècle, surtout chez Poussin, Caravage et Philippe de Champaigne, avec les mêmes postulats et la même démarche minutieuse et attentive aux détails des œuvres. On retrouve dans son attention à la peinture le même dialogue entre classicisme et modernité, dans la mesure où Louis Marin écrit un ouvrage sur un peintre contemporain, Jean-Charles Blais, en sus de ses articles et ouvrages sur les peintres classiques.
[modifier] L'écriture de soi
Plus marginale mais néanmoins récurrente dans son œuvre, la question de l'autobiographie, qui est celle de la représentation que le sujet produit de lui-même, de son apparente transparence et des opacités d'une énonciation problématique, voire impossible (comment faire le récit de sa propre vie, qui suppose distance et écart à soi-même, voire l'achèvement de cette vie, c'est-à-dire la mort de l'énonciateur ?). C'est à partir de quelques textes de Montaigne, Rousseau, mais surtout Stendhal, que Louis Marin examine ces questions dans La voix excommuniée et L'écriture de soi. La perspective est proche sur certains points de celle, structuraliste, de Philippe Lejeune dans Le pacte autobiographique (approche résolument textuelle, en termes d'effets et de contrats de lecture), mais s'en différencie nettement par un questionnement plus philosophiques et surtout par l'accent mis sur les paradoxes énonciatifs du genre autobiographique. C'est ce qui distingue Louis Marin de ses contemporains ou immédiats prédécesseurs dits structuralistes : là où ceux-ci envisagent le texte comme structure close, Louis Marin, par cette attention à son fonctionnement énonciatif, réintroduit le dynamisme d'écriture et de lecture du texte (comme, d'ailleurs, de la peinture). On a pu ainsi intégrer Louis Marin à la catégorie des penseurs "post-structuralistes", catégorie un peu floue davantage utilisée aux Etats-Unis qu'en France, mais qui à son sujet rend compte à la fois d'un moment critique du structuralisme, qui en retient les leçons mais en interroge les présupposés.
[modifier] L'héritage de Louis Marin
Louis Marin bénéficie d'une moindre notoriété que certains de ses contemporains et amis, comme Jacques Derrida, Jean-François Lyotard ou Michel de Certeau ; ce moindre statut est probablement l'effet de ce que les ouvrages de Louis Marin paraissent moins œuvres de philosophie que commentaires de textes littéraires et philosophiques, et qu’elles touchent à des domaines et des méthodes fort divers. Il reste que ses cours et ses œuvres ont exercé et continuent d'exercer une profonde influence sur certains historiens (Christian Jouhaud), historiens de l'art (Daniel Arasse), et historiens de la littérature (Hélène Merlin-Kajman).
[modifier] Bibliographie
[modifier] Œuvres de Louis Marin
- Études sémiologiques : Ecritures, peintures (1971, rééd. Klincksieck, 2005)
- Sémiotique de la Passion, topiques et figures (Desclée de Brouwer - Aubier-Montaigne, 1972)
- Le récit évangélique avec Cl. Chabrol (Aubier-Montaigne, 1972)
- Utopiques : jeux d'espaces (Minuit, 1973)
- La Critique du discours (Éditions de Minuit, 1975)
- Détruire la peinture (Éditions Galilée, 1977)
- Le récit est un piège (Editions de Minuit, 1978)
- Le Portrait du roi (Éditions de Minuit, 1981)
- La Voix excommuniée. Essais de mémoire (Éditions Galilée, 1981)
- La Parole mangée et autres essais théologico-politiques (Klincksieck, 1986)
- Jean-Charles Blais, du figurable en peinture (Busson, 1988)
- Opacité de la peinture. Essais sur la représentation en Quattrocento (Éditions Usher, 1989)
- Lectures traversières (Albin Michel, 1992)
- De la représentation (Seuil, 1993)
- Des pouvoirs de l’image ouvrage posthume publié en 1993.
- Philippe de Champaigne, ou, La présence cachée (Hazan, 1995)
- Pascal et Port-Royal (PUF, 1997)
- De l'entretien (Minuit, 1997)
- Sublime Poussin (Seuil, 1998)
- L'écriture de soi (PUF, 1999)
- Politiques de la représentation (Kime, 2005)
- Opacité de la peinture. Essais sur la représentation en Quattrocento (Éditions de l'EHESS, nouvelle édition, 2006)
[modifier] Études critiques
- Signes, Histoires, Fictions. Autour de Louis Marin, textes réunis par Frédéric Pousin et Sylvie Robic, 2004.
- Philippe-Joseph Salazar, "La manière Marin et le fétiche langage", Littératures Classiques, 50, 2004, 119-136.
[modifier] Sources
- ↑ Source principale (site de l'UCI)
- ↑ Annuaire des anciens élèves