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Côme Ruggieri - Wikipédia

Côme Ruggieri

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portrait supposé de Côme Ruggieri, château de Chaumont sur Loire
portrait supposé de Côme Ruggieri, château de Chaumont sur Loire

Côme Ruggieri ( ? , mort le 28 mars 1615 à Paris), également dénommé Cosme Ruggieri, Cosimo Ruggieri ou Cosme de Rogier selon la francisation[1]adoptée par l'intéressé, fut astrologue et conseiller florentin de Catherine de Médicis.

Il était le fils[2]et le disciple de Ruggieri l'Ancien (« Vecchio Ruggieri »), médecin-astrologue du père de Catherine de Médicis, Laurent II de Médicis, duc d'Urbin.

Sommaire

[modifier] Les débuts à la cour de France

Il semble que Côme Ruggieri soit apparu à la cour de France en 1571[3]. La modestie de ses moyens le pousse à rechercher une place dans l'entourage du commandeur Petrucci, ambassadeur en France du prince héritier de Toscane.

Par la suite, sa réputation d'homme « de haute intelligence et assez instruit » le fait remarquer par M. Montmorin, premier écuyer de la reine Élisabeth d'Autriche, qui lui fait enseigner la langue italienne aux pages de l'épouse de Charles IX.

Selon une dépêche en date du 26 avril 1574 de l'ambassadeur Alamanni, successeur du commandeur Petrucci, Côme Ruggieri « faisait profession, entre autres choses, de connaître assez bien l'astrologie et surtout l'astrologie judiciaire, consistant à prédire l'avenir. (...) À cause de cela (...), il arriva, il y a peu de temps, dans un tel crédit près de la Reine mère du Roi, qu'en outre qu'il avait continuellement l'oreille de Sa Majesté (Catherine de Médicis) et savait une infinité de choses de cette façon et d'autres, il fut choisi, il y a peu de mois, pour enseigner la langue toscane au duc d'Alençon, ce dont il tirait de raisonnables profits ».

Une dépèche de Petrucci, datée du 2 septembre 1572, relate une conversation publique à la cour entre Ruggieri et Catherine de Médicis où la reine mère demande à son astrologue la position à tenir vis à vis des Huguenots. Quelques jours après le massacre de la Saint-Barthélemy, cet épisode revêt une certaine importance quant à ses possibles conséquences et montre que l'avis de Ruggieri était pris en compte. Il met ainsi en relief toute la confiance que la reine lui portait à cette date, période délicate pour la famille royale.

[modifier] Le complot de La Môle et Coconas

Ses nouvelles fonctions lui permettent de frayer avec l'entourage de François, duc d'Alençon. Malheureusement, la fréquentation des Malcontents (parti des Politiques) lui vaut d'être impliqué dans le complot dit de « La Môle et Coconas ».

Dès le 8 avril 1574, Charles IX commence à faire arrêter les conjurés. En dépit des suppliques du duc François d'Alençon et de sa sœur Marguerite, La Môle et ses complices sont enfermés à la Conciergerie puis soumis à « la géhenne » (la torture) pour leur extorquer des aveux.

L'insistance du duc d'Alençon visant à faire libérer ses compagnons, surtout La Môle qui semblait avoir véritablement la faveur du prince, avait paru suspecte. Des présomptions d'envoûtement ne tardent pas à surgir, étayées par la découverte d'une figurine en cire dans les affaires de La Môle, présumée réprésenter Charles IX. De surcroît, l'état de santé du roi s'altère gravement à la fin du mois d'avril 1574, ce qui renforce les accusations de sorcellerie. La figurine étant l'oeuvre de Ruggieri, celui-ci se retrouve compromis dans l'affaire.

Un ordre d'arrestation est lancé contre lui qui, prévenu, se réfugie le 22 avril 1574 dans la maison de campagne de l'ambassadeur de Toscane, aux portes de Paris. Encerclé par les capitaines de la ville, l'astrologue parvient à s'enfuir grâce à la complicité du diplomate. Toutefois, Ruggieri se fait prendre peu de temps après dans la forêt de Saint-Germain, déguisé en paysan.

Il est condamné aux galères[4] mais rapidement grâcié par la reine mère. Il obtiendra même en 1585 la commende de l'abbaye de Saint-Mathieu (Saint-Mahé, en Bretagne) dont il demeurera paradoxalement l'abbé jusqu'à sa mort.

Les deux principaux protagonistes, La Môle et Coconas, seront, quant à eux, exécutés en place de Grève le 30 avril 1574.

La relative clémence, et surtout la grâce, dont bénéficie Ruggieri dans cette affaire paraissent motivées par les rapports étroits qu'il entretenait avec Catherine de Médicis et son influence occulte sur elle. Il aurait pu jouer un rôle d'espion en sa faveur auprès du duc d'Alençon qui menait l'opposition des Malcontents contre elle et Charles IX. Les revenus substantiels de l'abbaye de Saint-Mathieu seraient alors une forme de remerciement.

[modifier] Dernière inculpation

En 1598 à Nantes, poursuivi pour avoir attenté à Henri IV en détenant une fois encore une figurine percée au cœur censée représenter le roi, il se défend en affirmant qu'il a contribué à sauver Henri de Navarre lors du massacre de la Saint Barthélemy. Ainsi, il ne va donc pas s'attaquer aujourd'hui à celui dont il avait plaidé la cause hier. Le roi confirme et ordonne sa libération [5].

[modifier] Fin de vie

Sous la régence de Marie de Médicis, Ruggieri fréquente le cercle du favori italien Concino Concini. Le maréchal d'Ancre et son épouse Léonora Galigaï « appréciaient ce bel esprit » [6] qui faisait paraître un almanach sous le pseudonyme de Querberus et établissait des horoscopes.

Livret relatant le décès de Ruggieri
Livret relatant le décès de Ruggieri

Le décès de Côme Ruggieri, le 28 mars 1615, provoque un incident dans les rues de Paris dans lesquelles sa dépouille est traînée. La raison de cette vindicte populaire se situe dans le renvoi du prêtre et des capucins venus lui porter les derniers sacrements. Ruggieri leur déclare sur son lit de mort : « Fous que vous êtes, sortez tous, il n'y a d'autres diables que les ennemis qui nous tourmentent en ce monde, ni d'autre dieu que les rois et les princes qui peuvent nous procurer honneurs et richesses ! »[7].

Ces faits sont répandus dans l'opinion par le biais d'un livret intitulé: « Histoires épouvantables de deux magiciens qui ont été étranglés par le diable dans Paris la semaine Sainte ». L'un est Côme Ruggieri, l'autre un dénommé César, une espèce d'escroc, qui faute d'être emporté par le diable se retrouve incarcéré à la Bastille. La publication de ces petits livrets était souvent destinée à discréditer un personnage important. Le maréchal Concini pourrait en avoir été la cible. Aucun nom n'y est explicitement donné, pas même celui de Ruggieri, mais les contemporains pouvaient certainement y associer les intéressés aux faits sans trop de difficultés.

Pour calmer les esprits, attisés par cet évènement et de prétendues pratiques religieuses juives (tel un agneau qui aurait été sacrifié pendant la Pâque), le parlement de Paris remet en vigueur le 10 mai 1615 un édit d'expulsion des juifs datant de 1394. L'extrêmisme religieux et l'intolérance de l'époque associaient fréquemment athéisme, sorcellerie et judaisme.

Il est à noter que l'usage de figurines de cire, dont la technique est reconnue à Ruggieri, déposées dans des cercueils, sera reproché au couple Concini lors de leur procès en 1617[8]. La déposition du dénommé César (Jean du Châtelet), cité au moment de la mort de Ruggieri et détenu à la Bastille depuis lors, sera retenue comme élément à charge. Il était pourtant donné pour mort dans le livret déjà évoqué.

[modifier] La légende

On prête à Ruggieri un certain nombre de prédictions, bien que les traditions divergent fréquemment sur l'identité de l'auteur de telle ou telle prophétie. Il est également difficile de déterminer la date exacte de ces prédictions, ce qui permettrait de savoir si elles ont été forgées 'après-coup'. Ainsi, Côme aurait prédit à Catherine de Médicis qu'elle mourrait « près de Saint-Germain », ce qui aurait interrompu la construction du Palais des Tuileries sis près de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois à Paris. La reine mère décéda le 5 janvier 1589 au château de Blois ; le confesseur appelé pour lui porter l'extrême-onction se nommait Julien de Saint-Germain.

De nombreux auteurs relatent une prophétie informant Catherine de Médicis des règnes de ses fils et de leur durée. La scène se serait déroulée au château de Chaumont-sur-Loire vers la fin de 1559. Brantôme l'attribue à Nostradamus[9], sans donner plus de détail, alors qu'André Favyn[10] ou Nicolas Pasquier[11] la donne à Ruggieri. Ils différent quant aux instruments utilisés, le premier parlant d'un miroir, le second d'un cercle magique. Le résultat aurait cependant permis de matérialiser une image de chacun des fils de la reine, pivotant sur eux-même, et dont chaque tour aurait représenté une année de règne. Bien évidemment, rien ne vient prouver les faits. La littérature du XIXème siècle s'est aussi emparée de l'histoire pour la rendre encore plus spectaculaire et fantastique. On notera que le passage de Ruggieri à Chaumont-sur-Loire est matérialisé dans le château par une pièce qui porte son nom et par un portrait réputé le représenter.

On rapporte également que la reine allait avec Ruggieri faire des observations astrologiques sur la colonne qui se voit encore aujourd'hui dans le jardin des Halles à Paris. Seul vestige de ce que fut l'Hôtel de la Reine (devenu de Soissons), ce monument est appelé « colonne Médicis » ou « colonne astrologique ».


[modifier] Notes et références

  1. Cette francisation en Cosme de Rogier (ou abbé de Roger, ou Rugier, suivant les auteurs) aurait pu être opérée à partir de 1585 pour tâcher de moins heurter les sensibilités en Bretagne. En effet, l'attribution d'un siège breton (commende de l'abbaye de Saint Mathieu) à un italien y était très mal perçue. D'ailleurs, le roi essuyait régulièrement les remontrances des Etats auxquels il répondait qu'ils n'avaient pas lieu de se plaindre parce que les bretons recevaient des monastères et évêchés en France.
  2. Côme Ruggieri pourrait avoir un frère ainé prénommé Laurent par Balzac dans la confidence des Ruggieri ou Tommaso, plus rarement cité dans d'autres publications. L'existence même de ce frère n'est pas prouvée
  3. Cette date est surtout donnée par le témoignage du diplomate toscan Vincenzo Alamanni. Pierre Béhar (Les langues occultes..., pp.71-72 et note 24, page 276) reprend cette version. Cependant, Eugène Defrance estime que Ruggieri « était certainement à la Cour de France bien avant cette date » (Catherine de Médicis, ses astrologues..., page 193). Michaud dans sa Biographie universelle écrit p.156 «Ruggieri vint en france à la suite de Catherine de Médicis» (arrivée en 1533 pour son mariage avec le futur Henri II). Ruggieri est également réputé avoir séjourné au château de Chaumont-sur-Loire, dont une chambre porte son nom, avant 1559, date à laquelle cette propriété fut cédée par Catherine de Médicis.
  4. Si La môle et Coconas payèrent de leurs vies cette affaire, Ruggieri eut un traitement très différent. Sa condamnation ne fut jamais appliquée et elle prit même une tournure surprenante que Michel de Castelnau raconte ainsi dans Les Mémoires de messire Michel de Castelnau, Jean Le Laboureur, tome II,, je cite: «Catherine de Médicis le voulait voir pendre, et il ne voulut pas; et toute la satisfaction qu'elle eût, fut de le voir à la chaîne, où il n'eut aucune peine que du voyage de Marseille, il y fit des amis qui obligèrent le capitaine de la galère à le loger chez lui, et jamais sa maison ne fut si fréquentée pour sa considération que pour celle de cet illustre forçat, qui en fit une académie de mathématiques et d'astrologie judiciaire, et qui avait un garde, qui semblait plus lui être donné par honneur que pour l'observer, et pour empêcher qu'il n'échappa.». Il réapparut même, peu de temps après, à la cour. Ce fut également sous le règne d'Henri III que la commende de l'abbaye de Saint-Mathieu lui fut concédée.
  5. Jean Joseph François Poujoulat, Joseph Fr Michaud Mémoires pour servir à l'histoire de France - Mémoires de J-A de Thou - 1598 et Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle, ancienne et moderne.
  6. Hélène Ducci, Concini. Grandeur et misère du favori de Marie de Médicis, Albin Michel, 1991 (p. 78).
  7. Mercure François, tome IV, 1615,Suite de l'histoire de notre temps sous le règne du très chrétien roi de France et de Navarre Louis XIII, Paris 1617 (p.55 et 56). Le père François Garasse dit Garassus (1585-1631) reprend l'épisode dans La doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, ou prétendus tels : contenant plusieurs maximes pernicieuses à la religion, à l'Estat et aux bonnes moeurs, combattue et renversée, Paris, 1624 (Livre 2, Section 8, p.154-157). Dans cet ouvrage de controverse religieuse, Ruggieri est constamment qualifié d' « infâme athéiste » (Livre 8, Section 9, p.1004) mais il faut garder à l'esprit que l'accusation d'athéisme visant à diffamer des personnalités était fréquente dans les pamphlets du temps. Bien que rapportée dans un certain nombre d'ouvrages contemporains évoquant l'astrologue, l'anecdote de sa sortie incroyante - donc forcément diabolique dans l'intention polémique de La doctrine curieuse... - n'est peut-être pas authentique. Dans ce cas, les propos prêtés à Ruggieri ne permettraient pas de déduire sa supposée incroyance, son déisme, son épicurisme ou son « libertinage spirituel ». Sans trancher la question, Jacqueline Boucher émet prudemment l'hypothèse d'une opinion « naturaliste, influencé(e) par la pensée de Padoue, qui n'était pas totalement matérialiste, mais se situait très loin du christianisme » (Histoire et dictionnaire des guerres de religion, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1998, entrée Ruggieri, Cosimo, p. 1257-1258).
  8. Mercure François - Tome 04 : 1615-1617 / 1617 Proces Conchini / Conchini 14, p. 6, 7 et 8
  9. Vie des hommes illustres, Brantôme, Tome 3, p.234
  10. Histoire de Navarre, André Favyn
  11. Lettres de Nicolas Pasquier, fils d'Estienne, à la suite de celles de son père

[modifier] Sources imprimées

  • Mercure François,
  1. tome IV, 1615, p 46 et 47, Suite de l'histoire de notre temps sous le règne du très chrétien roi de France et de Navarre Louis XIII, Paris, 1617. Source de l'article
  2. Procès Conchini, tome 04 : 1615-1617 / 1617, Conchini 14 p.6, 7 et 8 Source de l'article

[modifier] Bibliographie

  • Francis de Crue, Le Parti des Politiques au lendemain de la Saint-Barthélemy. La Molle et Coconat, Paris, Librairie Plon, 1892. 368 p. (p.174-175, 191-192, 197, 199, 214)
  • Eugène Defrance, Catherine de Médicis, ses astrologues et ses magiciens envoûteurs. Documents inédits sur la diplomatie et les sciences occultes du XVIe siècle, Paris, Mercure de France, 1911. 314 p.
  • Georges Imann-Gigandet, Ruggieri. Magicien de Catherine de Médicis, Paris, Éditions Fernand Sorlot, collection « Vies romanesques », 1941. 104 p. Biographie romancée.
  • Pierre Béhar, Les langues occultes de la Renaissance, Paris, Éditions Desjonquères, collection « La mesure des choses », 1996. 352 p. (cf. chapitre III. « Le talisman de Catherine de Médicis : la magie appliquée », p. 63-89)
  • Louis-Gabriel Michaud, Biographie universelle, ancienne et moderne, Louis Gabriel Michaud éditeur, Paris, 1847 (p. 156, 157, 158). Source de l'article
  • Prosper Levot, L'abbaye de St Matthieu de Fine-Terre, F. Alégouet, 1884.


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